Le barrage filtrant des « gilets jaunes » à Roppenheim, en Alsace. Nathalie Stey pour “Le Monde”
« Gilets jaunes » : une épreuve de fond dans le nord de l’Alsace
A Roppenheim, les uns et les autres se relaient depuis samedi sur un barrage et assurent qu’ils ne céderont pas, quitte à « monter à Paris ».
Ils sont nombreux, les poids lourds de grand transit, à se retrouver ralentis au passage de la frontière vers l’Allemagne, en cette matinée du lundi 19 novembre à Roppenheim, dans le nord de l’Alsace (Bas-Rhin). Depuis samedi matin, sans discontinuer, les « gilets jaunes » tiennent un barrage filtrant.
Certains ont dormi sur place, comme Loïc et Anthony : « On a bloqué les poids lourds lorsque ces derniers ont commencé à repartir après la pause du dimanche, à partir de 1 heure, et on a laissé passer les voitures. On avait le feu pour se réchauffer, des lumières pour s’éclairer. »
Solidarité avec habitants et commerçants
La solidarité joue entre « gilets jaunes », mais aussi avec les habitants et les commerçants des alentours. Certains ramènent du bois, d’autres à manger et à boire. Un agriculteur est prêt à fournir les légumes, des villageoises se proposent pour cuire la soupe. « On n’a pas le choix, si on veut y arriver, il va falloir qu’on se serre tous les coudes », estime Christophe, en laissant trente secondes son porte-voix.
Les occupants des voitures arborant un gilet jaune sont encouragés à rejoindre le mouvement, ne serait-ce que pour quelques heures. La coordination du mouvement se fait aussi par les réseaux sociaux, Facebook essentiellement, sans qu’un responsable n’émerge réellement.
Pour l’instant, les chauffeurs routiers n’ont pas rejoint le mouvement. Il est vrai qu’à ce point frontière incontournable de l’axe nord-sud, les plaques d’immatriculation françaises ne sont pas légion. Polonais, Roumains et Espagnols se succèdent, avec au milieu d’eux quelques chauffeurs allemands. Comme Günther qui, même s’il n’arbore pas de gilet jaune sur son tableau de bord, soutien le mouvement :
« Ce blocage ne me dérange pas, ce n’est pas un problème. Ce type de mouvement fonctionne en France, parce que les gens sont unis et que tout le monde participe, mais ça ne marcherait pas en Allemagne parce que chacun reste dans son coin. Les gilets jaunes ont raison de faire cela ».
« Je suis entièrement d’accord avec eux, déclare de son côté Willy, un chauffeur routier alsacien. Je suis dans le même cas qu’eux, on est tous dans la même galère. » De là à rejoindre le mouvement ? Willy se réfugie derrière sa hiérarchie : « Si mon patron me dit de travailler, je travaille, mais s’il me dit qu’on arrête, on arrête ! J’espère juste qu’il n’y aura pas de violence, comme cela a été le cas à Phalsbourg ce matin. » Ce point d’accès à l’autoroute A4 était bloqué lundi matin et a fait l’objet d’une évacuation musclée par les gendarmes et les CRS.
« S’il faut monter à Paris, on montera »
A Roppenheim, les camions défilent dans le calme. Ils n’hésitent pas à laisser un gilet jaune en évidence et à donner des coups de klaxons pour exprimer leur encouragement aux manifestants. Est-ce par réel soutien envers la cause des gilets jaunes ou par simple pragmatisme, pour passer sans encombre les barrages ? On ne le saura pas.
Les voitures, quant à elles, sont parfois plus nerveuses et les « gilets jaunes » sont alors obligés de s’écarter rapidement pour laisser passer les plus exaspérés. Les consignes ont été passées : pas de forcing, les manifestants doivent se tenir suffisamment éloignés des véhicules. « Les gens qui s’énervent vraiment, on les laisse passer pour éviter les débordements », explique Marina. « On ne veut pas de ça », renchérit Christophe. « Hier, il y en avait deux trois [parmi les « gilets jaunes »] qui étaient un peu “chauds” ; certains avaient amené des alcools forts. On les a dégagés, ils ont dû repartir à pied. »
Les « gilets jaunes » assurent qu’ils ne céderont pas. « Demain et les jours d’après, je serai mobilisée, là où on aura besoin de moi », déclare ainsi Marina. « S’il faut monter à Paris, on montera, on est tous motivés pour cela, assure Christophe. Tant qu’ils ne cèdent pas, on continue. »
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