FRENCH Reynouard rompt avec le Catholicisme romain

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La Garde suisse dans l’auditorium bizarre du Pape Paul V au Vatican 

 

 

Vincent REYNOUARD

Le catholicisme romain : un concept ignoré de Jésus

POURQUOI JE NE SUIS PLUS CATHOLIQUE

Les raisons de mon apostasie

J’invite les catholiques à débattre

A Jeanne Gazagne
et à l’abbé Alexandre Vallès

 

Diffusion hors-commerce
Septembre 2024

TABLE DES MATIÈRES

En guise de préface (p. 9)

Mes premiers doutes (p. 17)

I. LE CAS DES ENFANTS MORTS SANS BAPTÊME :
UNE DOCTRINE QUI M’APPARAÎT CONTRADICTOIRE (p. 25)

1°) Un enfer sans feu ? 26
2°) Réponse à l’objection tirée de la parabole du mauvais riche (Lc, XVI) :
le « séjour des morts » n’est pas l’Enfer 26
3°) La terrible peine du dam… 27
4°) … qui n’est pas si terrible que cela 27
5°) Le « paradis “naturel” » des enfants morts sans baptême 28
6°) Le « paradis “naturel” » : une thèse fausse 29

II. LE BAPTÊME EST-IL NÉCESSAIRE POUR ÊTRE SAUVÉ ? (p. 33)

1°) L’argument tiré du discours de Jésus à Nicodème 33
Un enseignement capital prodigué… de nuit, en secret, à une seule
personne – Jésus ne parle ni du sacrement du Baptême, ni, à la
même occasion, de la Sainte Trinité – La leçon tirée des textes :
c’est la Foi qui sauve ?
2°) L’argument tiré de la finale de l’évangile selon saint Marc 36
Un verset très clair qui enseigne la nécessité du baptême – Dans
l’évangile selon saint Matthieu, c’est la Foi qui sauve – Le baptême
était utile pour les premiers apôtres
Conclusion : la finale de Marc, ajoutée plus tard, ne me semble pas
correspondre à l’enseignement du Christ 39

III. LA DOCTRINE DU PÉCHÉ ORIGINEL (p. 43)

1°) L’Ancien Testament n’appuie pas la doctrine du Péché originel 43
2°) Le péché originel : une doctrine qui repose sur un écrit de saint Paul 44
La formulation de saint Paul – Saint Paul était-il vraiment un auteur « inspiré » ?
3°) Dans la Genèse, la tentation d’Eve a été l’œuvre de l’animal appelé « serpent » 45
4°) Les anges sont totalement absents de la Genèse 47
5°) Dans la Genèse, les « Élôhim » ne sont pas les anges, mais les « fils de Dieu » 47
Les « Élohim » dans le Livre de Job – Confirmation : les
« Élôhim » sont bien les « fils de Dieu » ou « les dieux » – La
« tradition » catholique complète les textes pour y trouver ce qui
n’y est pas

3
Pourquoi je ne suis plus catholique

6°) L’histoire de Lucifer selon les théologiens catholiques : une fraude 49
Deux versets du Livre de Job invoqués illégitimement – Le texte
d’Isaïe : saint Thomas d’Aquin a triché – Une histoire totalement
illogique
7°) Les contradictions de la doctrine du Péché originel 52
Éveiller la concupiscence chez deux êtres… exempts de
concupiscence – Eve a-t-elle perdu la grâce quand elle a commencé
à écouter le démon ? – Contradictions en rafale – Adam et Eve ne
pouvaient pas être coupables !
8°) Des millénaires pour envoyer le Sauveur : une histoire qui me paraît incompréhensible 58
Au lieu d’envoyer son Sauveur, Yahvé extermine l’humanité (avec
le reste) dans le Déluge – Tout recommence et Yahvé persiste à ne
pas envoyer son Sauveur – Yahvé laisse l’humanité se dégrader
dans le « paganisme démoniaque »

IV. JÉSUS A-T-IL ÉTABLI L’ÉGLISE ? (p. 61)

1°) L’argument tiré de l’évangile selon saint Jean 61
Un passage trop flou pour démontrer la création d’une église par le
Christ – Un passage qui m’apparaît avoir été ajouté après coup
2°) Jésus croyait en la venue très prochaine du royaume des Cieux 63
Royaume des Cieux, royaume de Dieu et moisson – Deux
concordances qui démontrent que Jésus croyait à l’imminence de la
venue du royaume des Cieux – Une croyance répandue chez les
disciples
3°) L’argument tiré de l’évangile selon saint Matthieu 67
Création de l’Église : un passage très clair tiré de l’évangile selon
saint Matthieu – Le silence de Marc et Luc lorsqu’ils racontent le
même épisode – Les explications peu convaincantes de l’exégète
Marie-Joseph Lagrange
4°) La leçon tirée des Actes des Apôtres et des Épîtres de Paul 69
Ma conclusion : croyant en l’imminence de la venue du royaume
des Cieux, Jésus n’a fondé aucune église 69

V. LA NAISSANCE MIRACULEUSE DE JÉSUS (p. 71)

1°) Marie et Joseph étaient-ils donc si fermés aux signes les plus évidents ? 71
Un ange prévient Marie qu’elle sera enceinte miraculeusement… –
… mais il ne prévient pas Joseph son (futur) époux – Le
recensement romain qui fait naître Jésus à Bethléem : une énigme
historique – Marie et Joseph n’ont pas compris qui était Jésus
2°) Dieu cache au monde l’arrivée du Rédempteur 76
Catholiques et Juifs à propos des prophéties concernant le Messie –
Le Messie précédé par Élie : une prophétie claire mais dont Dieu
cache la réalisation – Le Messie née d’une vierge : une autre
prophétie dont Dieu cache la réalisation ? – L’argument : « Les
Juifs aveuglés n’auraient pas compris » – Pourquoi ne pas avoir
averti toute l’humanité ?

4
J’invite les catholiques à débattre

3°) Les « rois-mages » : réalité ou fiction inventée par Matthieu ? 84
Des « rois-mages » ? Non, des « magiciens » – Des « magiciens »
(μάγοι) qui pratiquaient l’astrologie – Les bons et les mauvais
astrologues de saint Augustin – Des commentateurs catholiques qui
évacuent la prophétie et l’étoile – Pourquoi Dieu n’a-t-Il appelé que
trois obscurs magiciens ? – Les Juifs pouvaient-ils vraiment croire
que Jésus était le messie annoncé ? – Le comportement
incompréhensible du roi Hérode – Les « rois-mages » sont-ils
devenus des évangélisateurs ?
4°) L’historicité problématique du « massacre des Innocents » 89
Matthieu et Luc sur les jours qui suivirent la naissance de Jésus-
Christ – Les deux chronologies proposées par les catholiques – La
solution proposée par saint Augustin – Saint Augustin face au récit
de Matthieu – Saint Augustin face au récit de Luc – Pourquoi
Matthieu a introduit le « massacre des Innocents » – Le silence
inexplicable de l’historien Flavius Josèphe et d’autres – Aucune
preuve historique, y compris chez Macrobe – Le « massacre des
Innocents » décrit dans plusieurs apocryphes – Macrobe finalement
abandonné

VI DES MIRACLES QUI NE CONVAINQUENT QUASIMENT PERSONNE (p. 101)

1°) Les deux miracles qui entourent la vie publique de Jésus 102
Jean-Baptiste et le miracle survenu lors du baptême du Christ –
Paul ignore le miracle survenu lors de la mort du Christ sur la
Croix
2°) Les disciples restent froids devant l’eau changée en vin et la multiplication des pains 107
3°) Jésus n’accomplit-il des miracles que devant ceux qui veulent y croire ? 108
4°) Malgré ses miracles, la famille de Jésus le crois fou ! 109
5°) Miracles véritables ou légendes ? Le cas de l’Assomption de la sainte Vierge 110
Un miracle décrit dans un apocryphe mais dénué mais dénué de
témoignages contemporains – Comment Pie XII a « prouvé » ce
miracle – La logique inversée : un miracle prouvé par la doctrine
catholique
6°) Les résurrections opérées par Jésus 112
La résurrection de Lazare : un récit ajouté dans l’évangile selon
saint Jean ? – Des résurrections d’inconnus, qui empêchent toute
vérification historique
7°) La Passion de Jésus : le contraste entre ce qui aurait dû être et ce qui a été 116
Conclusion sur les miracles auxquels je devais croire 118

VII. La mort & la Résurrection de Jésus (p. 119)

1°) Les morts qui ressuscitent et qui entrent dans Jérusalem 119
Une histoire rapportée dans un seul évangile – Une histoire
introduite par Matthieu parce que les Juifs croyaient en la
« première résurrection » ? – Une histoire complétée dans un
apocryphe : les Actes de Pilate
2°) Le faux procès-verbal de Pilate sur la mort du Christ 121

5
Pourquoi je ne suis plus catholique

3°) Le corps de Jésus subtilisé la première nuit par les
apôtres : une thèse invraisemblable 122
4°) D’après Matthieu, les Pharisiens auraient cru en la résurrection de Jésus 123
Le récit de Matthieu : le tombeau gardé, des gardes corrompus par
les Juifs – Pilate n’aurait probablement pas prêté des gardes aux
grands-prêtres – Une excuse qui n’aurait jamais été acceptée –
Corruption des gardes : la discrétion inexplicable des apôtres – Des
témoins qui dormaient ? Une ineptie – A mes yeux, les grands-
prêtres ne pouvaient croire en la résurrection du Christ
5°) Jésus avait promis un signe de sa résurrection à la « génération mauvaise et adultère » 127
Le « signe de Jonas » promis par le Christ – Les Juifs sont
ébranlés : Jésus aurait dû réaliser sa promesse – Jésus n’apparaîtra
jamais au peuple Juif : un fait inexplicable à mes yeux
6°) La raison pour laquelle les grands-prêtres n’ont pas cru en la résurrection du Christ 129
7°) Jésus devait montrer un signe tangible de sa résurrection 130
8°) Le saint suaire de Turin démontre-t-il la Résurrection ? 131
9°) Résurrection : les divergences manifestes entre les évangiles 131
10°) Pourquoi Jésus ressuscité n’a-t-Il pas produit son propre récit ? 136

Un livre de Jésus qui aurait évité bien des problèmes – Les
problèmes posés par la thèse de l’inspiration divine – Le cas des
apparitions de Jésus ressuscité – Les explications catholiques
m’apparaissent peu convaincantes
11°) Les évangiles présentent Jésus ressuscité très éthéré 143
Un catéchiste contredit Matthieu qui parle d’un Jésus apparu
physiquement – Le Christ éthéré qui apparaît à Marie-Madeleine –
Le Christ ressuscité : un corps quantique
12°) Corps physique de Jésus : le témoignage de Luc a-t-il été modifié ? 146
Une réaction peu vraisemblable du Christ – La fonction évidente de
la scène décrite par Luc – Un récit qui m’apparaît source de
difficultés inextricables – Le témoignage de Luc est-il fiable ?
13°) L’évangile de Jean a-t-il été modifié pour la même raison 148
Un récit primitif qui présentait un corps éthéré – L’évangile selon
saint Jean me semble avoir été altéré – Une histoire qui m’apparaît
totalement incohérente – Un ajout rendu nécessaire pour combattre
le docétisme
14°) Corps du Christ éthéré : le témoignage de Saul 151
Conclusion 152

CONCLUSION (p. 153)

1°) La formation de l’Église : l’histoire d’une attente trompée dans la fin du monde 153
2°) Jésus : la piste essénienne 153
3°) La rencontre capitale de Jésus avec Jean le Baptiste 155
4°) Le christianisme vient remplacer le paganisme entré en décadence 157
5°) Pendant des siècles, l’Église contribue à construire la civilisation d’Europe 158
6°) Le conflit entre la Foi et les sciences 160
7°) Recul de la Foi : le faux diagnostic des catholiques 161
Le mot de la fin : j’invite les catholiques (et d’autres) à la discussion 163

6
J’invite les catholiques à débattre

Annexe 1 : Le serpent qui parle : preuve qu’il s’agissait du démon ? 165

Annexe 2 : Jésus avait-il des frères ? 169

Bibiographie 173

Avertissement

Afin de faciliter la lecture, j’ai mis en note de nombreux textes qui étayent
mes affirmations.
Celles et ceux qui me font confiance ne sont pas obligés de s’y reporter
systématiquement.

Je présente mes excuses aux Catholiques qui s’offusqueront en lisant
certaines affirmations jugées blasphématoires. J’ai rédigé le texte de façon à
ménager au mieux les suceptibilités. Toutefois, certaines choses doivent être
dites qui, j’en ai conscience, pourront choquer un catholique. Malgré tout,
ce travail n’est pas un cri de guerre lancé contre le catholicisme.

Mise au point suite à certaines allégations qui ont été propagées sur mon
compte, son principal objectif est d’inviter ceux qui l’accepteront à un débat
loyal.

*
* *

Travaillant chaque jour sans savoir de quoi demain sera fait, je m’occupe
toujours plus du fond que de la forme. Des coquilles et autres fautes
d’attention restent dans ce texte. Je remercie les personnes qui me les
signaleront : je corrigerai.

7
En guise de préface

Pourquoi j’ai perdu la Foi
Invitation aux catholiques à un débat

Au sein de la dissidence, les catholiques sont nombreux. Beaucoup se rangent parmi les
« traditionalistes ». Leur combat se fonde sur ce constat exprimé par Arnaud Jayr1 : « C’est un fait,
la déchristianisation va de pair avec la défrancisation ; inversement, la renaissance passe par le
christianisme, porteur de toutes les résurrections. » Plus loin, l’auteur déclare2 :

Pour aller à l’essentiel […] citons la proposition la plus célèbre de ce texte pontifical : « Non, la
civilisation n’est plus à inventer ni la cité nouvelle à bâtir dans les nuées. Elle a été, elle est, c’est
la civilisation chrétienne, c’est la cité catholique. » Si l’on avait écouté et suivi saint Pie X, le
monde chrétien aurait évité beaucoup de guerres et de révolutions. L’Europe serait restée forte ; la
France aurait retrouvé sa grandeur, son identité de fille aînée du Christ, visitée de Sa Mère comme
aucune autre nation ou patrie ne l’a été. La France, fille aînée de l’Église : « A ce titre seulement la
France est grande parmi les nations, à cette clause, Dieu la protège et la fera libre et glorieuse »
dit saint Pie X à Mgr Touchet, évêque d’Orléans, lors du décret de béatification de Jeanne d’Arc, le
13 décembre 1908.

En 2024 toutefois, il faut l’admettre : malgré l’action politique et religieuse des catholiques
sur le terrain, la France n’a jamais été plus éloignée de sa vocation de « fille aînée de l’Église ».
Pire : malgré les prières, à Rome, une révolution a secoué l’Église qui, en conséquence, a perdu la
Foi3. Dans nos milieux, on accuse en premier les juifs, les francs-maçons et leurs alliés
« modernistes » : ce sont eux, dit-on, qui, après avoir déchristianisé la France et permis un coup
d’état dans l’Église, travaillent à dissoudre les nations en vue d’imposer un gouvernement mondial.
D’où la lutte des catholiques appartenant à la dissidence pour le retour de la vraie Foi (à commencer
par le rétablissement de la messe traditionnelle) et pour la royauté sociale de Jésus-Christ.

1 Arnaud Jayr, « Le catholicisme dans l’identité française », conférence prononcée en 2010 à l’université d’été de
Renaissance catholique. Publié dans L’identité nationale (Versailles : Contretemps, 2020), p. 31-61. L’extrait figure
p. 35.
2 Ibid., p. 59.
3 « Rome a perdu la foi, mes chers amis. Rome est dans l’apostasie. Ce ne sont pas des paroles, ce ne sont pas des
mots en l’air que je vous dis. C’est la vérité. Rome est dans l’apostasie. On ne peut plus avoir confiance dans ce
monde-là, il a quitté l’Église ; ils ont quitté l’Église ; ils quittent l’Église. C’est sûr, sûr, sûr. » (M gr Lefebvre,
4 septembre 1987 ; en ligne : https://laportelatine.org/actualite/les-odeurs-de-rome-occupee-editorial-du-sel-de-la-
terre-n-87-de-lhiver-2013-2014).

9
Pourquoi je ne suis plus catholique

Mais dans son ouvrage Coup d’État dans l’Église, Don Mancinella soutient qu’ « avec la
permission de Dieu », Vatican II fut une « punition pour une chrétienté endormie dans son propre
bien-être et dépourvue d’amour pour la vérité »4. Venu d’un catholique opposé à Vatican II, cette
affirmation, très sévère, vaut qu’on s’y arrête. L’auteur constate que le combat du pape Pie X contre
le modernisme a finalement échoué5 :

les condamnations énergiques de saint Pie X n’eurent pas tous les effets escomptés : un certain
mécontentement et une résistance sourde aux directives du Pape s’étaient répandus presque partout,
même parmi certains membres de l’épiscopat qui ne voulaient pas comprendre la gravité de la
situation et essayaient de sortir de l’isolement culturel, social et politique, en faisant des compromis
avec l’esprit du monde.

C’est clair : au début du XXe siècle, le modernisme s’était répandu dans l’Église, y compris
chez quelques-uns en haut lieu. Encore aujourd’hui, les traditionalistes présentent le modernisme
comme une « hydre »6. Ses penseurs seraient des esprits faux et vicieux, qui auraient infiltré
l’Église avec leurs thèses présentées habilement. Don Mancinella écrit 7 :

Prenons, par exemple, l’abbé Loisy, peut-être le représentant le plus emblématique du modernisme.
Eh bien, après son apostasie ouverte, il révéla cyniquement dans ses Mémoires8 ses véritables
intentions, longtemps et habilement dissimulées : « J’ai conscience, confessait Loisy, d’avoir pris
les plus grandes précautions pour faire pénétrer un peu de vérité dans le catholicisme… En effet, je
me suis toujours abstenu de démontrer ex professo la fausseté du catholicisme » (v. II, p. 455)
« Logomachie métaphysique à part, je crois moins en la divinité de Jésus que Harnack […] et je
regarde l’incarnation personnelle de Dieu comme un mythe philosophique […] Si je suis quelque
chose en religion, c’est plutôt panthéo-positivo-humanitaire que chrétien. » (v. II, p. 397).
« Historiquement parlant, révélait encore Loisy, je n’admettais pas que le Christ eût fondé l’Église
ni les sacrements ; je professais que les dogmes s’étaient formés graduellement et qu’ils n’étaient
pas immuables ; j’admettais la même chose pour l’autorité ecclésiastique, dont je faisais un
ministère d’éducation humaine » (v. II, p. 168).

Présentées ainsi, les citations d’Alfred Loisy le montrent comme un hypocrite, membre actif
d’un complot contre l’Église. La réalité est tout autre. Sa thèse doctorale, publiée en 1890, fut
critiquée par l’abbé Magnier ; celui-ci lui reprocha de défendre une doctrine « appuyée sur un
fondement absolument ruineux »9. Reconnu coupable d’hétérodoxie avec son étude sur les Mythes
chaldéens de la création et du déluge, en 1893, il fut révoqué de sa chaire de science biblique.
Quelques mois auparavant, Mgr Maignan lui avait confié10 :

Sachez-le, mon bon ami, la critique [biblique] n’a jamais existé dans l’Église […] Rome n’a jamais
rien entendu à ces questions-là. Tout le clergé catholique est dans une profonde ignorance sur ce

4 Don Andrea Mancinella, Coup d’état dans l’Église, avec une préface de Mgr Vigano (s.l. : Éditions Médias Culture
& Patrimoine, 2024 pour l’édition française), p. 97.
5 Don Andrea Mancinella, Coup d’état dans l’Église, déjà cité, p. 40.
6 Dans un article de 2007 toujours disponible sur le site de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, Mgr Tissier de
Mallerais dénonce « L’hydre moderniste toujours vivante » (https://laportelatine.org/formation/crise-eglise/
modernisme/mgr-tissier-de-mallerais-lhydre-moderniste-toujours-vivante)
7 Don Andrea Mancinella, Coup d’état dans l’Église, déjà cité, p. 37-38.
8 A. Loisy, Mémoires pour servir à l’histoire religieuse de notre temps, Paris, 1930-31, 3 vol.
9 La thèse d’Alfred Loisy parut sous le titre : Histoire du canon de l’Ancien Testament : leçons d’Écriture Sainte
professées à l’Ecole supérieure de théologie de Paris pendant l’année 1889-1890 (Paris : Letouzey et Ané, 1890).
La critique de l’abbé Magnier parut dans son ouvrage : Étude sur la canonicité des Saintes Écritures : I. « Ancien
Testament » (Paris : P. Lethielleux, 1892), p. 2-3.
10 Alfred Loisy, Mémoires pour servir à l’histoire religieuse de notre temps, vol. 1 : « 1857-1900 » (Paris : Émile
Nourry, 1930), p. 228.

10
J’invite les catholiques à débattre

sujet. A l’en vouloir tirer, on court de gros risques ; car nos théologiens sont féroces ; ils nous
mettraient à l’Index pour rien. Croyez-moi, mon petit Loisy, il faut être bien prudent. J’ai contribué
à vous engager dans la voie de la science ; c’est pourquoi j’ai le droit de vous dire : « Prenez
garde ! » C’est un conseil de père. Si vous vous exposez au danger, ceux qui pensent comme vous
ne viendront pas à votre secours.

Craignant désormais les foudres des autorités, Alfred Loisy s’exprima avec prudence — peut-
on le lui reprocher ? Malgré cela, en 1899 ses articles sur la religion d’Israël furent interdits11. Trois
ans plus tard, Loisy s’étant enhardi, l’orage se déchaîna : son ouvrage L’Évangile et l’Église, paru
pour la première fois en octobre 1902, fut condamné et sa lecture interdite aux fidèles. Le 17 janvier
1903, le cardinal Richard, à Paris, publia l’ordonnance suivante12 :
Considérant […] qu’il est de nature à troubler gravement la foi des fidèles sur les dogmes
fondamentaux de l’enseignement catholique, notamment sur l’autorité des Écritures et de la
tradition, sur la divinité de Jésus-Christ, sur sa science infaillible, sur la Rédemption opérée par sa
mort, sur sa Résurrection, sur l’Eucharistie, sur l’institution divine du souverain pontificat et de
l’Épiscopat ;
Nous réprouvons ce livre et nous en interdisons la lecture au clergé et aux fidèles de notre diocèse.

D’autres condamnations similaires suivirent, dans les diocèses de Cambrai, d’Autun,
d’Angers, de Bayeux, de Bellay, de Nancy et de Perpignan. La même année, Alfred Loisy répondit
à la persécution en publiant Autour d’un petit livre. Il y cachait si peu ses vues que la réaction des
autorités catholiques fut forte13 :
Plusieurs évêques, imitant la conduite de l’archevêque de Paris, interdirent aux élèves de leurs
grands séminaires la lecture d’Autour d’un petit livre, et ordonnèrent à ceux qui possédaient les
ouvrages du dangereux exégète de s’en dessaisir entre les mains de leur directeur ou de leur
supérieur. En plusieurs villes, et en particulier à Lyon, l’ordre fut même donné aux libraires
catholiques de ne pas exposer dans leurs vitrines ou de ne pas vendre les livres de l’abbé Loisy, vu
l’imminente condamnation de ces ouvrages.

Il est donc faux de croire qu’Alfred Loisy aurait dissimulé ses pensées. Bien au contraire : il
les avait exprimées avec suffisamment de clarté pour s’attirer les foudres de l’autorité. J’ajoute
qu’après la mise à l’Index de cinq de ses ouvrages par la Congrégation du Saint-Office, Alfred
Loisy écrivit aux autorités religieuses14 :
mon adhésion à la sentence des SS. Congrégations est d’ordre purement disciplinaire. Je réserve le
droit de ma conscience, et je n’entends pas, en m’inclinant devant le jugement rendu par la
S. Congrégation du Saint-Office, abandonner ni rétracter les opinions que j’ai émises en qualité
d’historien et d’exégète critique.

Avec sa troisième citation, Don Mancinella prétend que dans ses Mémoires, A. Loisy aurait
« révélé », des années après, qu’il ne croyait ni en la fondation d’une église par Jésus, ni à
l’immutabilité des dogmes. C’est faux : il l’avait clairement affirmé dès 1902 dans son livre
L’Évangile et l’Église15.

11 Joseph Brugerette, Le prêtre français et la société contemporaine, III : « Sous le régime de la Séparation. La
reconstitution catholique (1908-1936) » (Paris : P. Lethielleux, 1938), p. 196. Sur la répression du modernisme, lire
les pages 257 et suivantes.
12 Annales Catholiques, revue religieuse hebdomadaire de la France et de l’Église, 31 janvier 1903, p. 107-108.
13 Joseph Brugerette, Le prêtre français et la société contemporaine, III, déjà cité, p. 202.
14 Lettre au Cardinal Merry del Val, 11 janvier 1904, publiée dans Alfred Loisy, Quelques lettres sur des questions
actuelles et sur des événements récents (Ceffonds : auto-édité, 1908), p. 26.
15 Alfred Loisy, L’Évangile et l’Église (Bellevue : auto-édité, troisième éd.,1904 [première édition, Paris : Alphonse
Picard et Fils, 1902]), On lit : « Il est certain, par exemple, que Jésus n’avait pas réglé d’avance la constitution de

11
Pourquoi je ne suis plus catholique

Pour soutenir sa théorie du « complot moderniste », Don Mancinella agit malhonnêtement.
J’ajoute que sa première citation des mémoires d’Alfred Loisy est non seulement tronquée, mais
aussi présentée hors-contexte. Dans ses Mémoires, A. Loisy citait son journal à la date du
13 octobre 1905, lorsque, suite à une dénonciation, le Vatican se préparait à condamner les articles
qu’il avait publiés dans deux revues. Après avoir annoncé sa volonté de répondre avec un livre
doctrinal16, il concluait (ce qu’en extrait Don Mancinella est en gras, les mots changés sont en
italiques)17 :

une vie de recherches ne se détruit pas par un acte de volonté, surtout quand le sujet dont on exige
cet acte le conçoit comme absurde et immoral. J’ai conscience d’avoir usé des plus grands
ménagements [et pas « précautions »] pour faire pénétrer un peu de vérité dans le
catholicisme ; j’ai sciemment brisé ma carrière, anéanti mon avenir. Je puis me confier au jugement
de la postérité, si la postérité ne m’oublie pas, et surtout au jugement de Dieu qui est le verdict
éternel et vraiment infaillible [Fin de la citation du Journal du 13 octobre 1905].
Cette apologie n’a jamais été composée. En fait [et pas : « en effet »], je me suis toujours interdit
de démontrer ex-professo la non-vérité du catholicisme.

Remise dans son contexte, sans troncatures ni changements de mots, la citation s’éclaire : en
1905, Alfred Loisy appartenait encore à l’Église qu’il voulait servir (il sera excommunié en 1908).
Aussi prétendait-il corriger le catholicisme des erreurs qui, à ses yeux, s’y seraient glissées. Mais
sachant qu’il devait ménager la susceptibilité des fidèles et de l’autorité, il se justifiait ainsi : « J’ai
conscience d’avoir usé des plus grands ménagements pour faire pénétrer un peu de vérité dans le
catholicisme. » Ce n’était pas l’aveu d’une fourberie, mais la revendication d’une démarche
destinée à ne pas froisser les fidèles et, surtout, à tenter d’éviter les foudres des autorités qui le
réduiraient au silence dans le monde catholique. Dans la préface à la cinquième édition de son livre
L’Évangile et l’Église, parlant de lui à la troisième personne, Alfred Loisy souligna18 :

S’il s’abstenait de réfuter cet enseignement [catholique], c’est qu’il n’avait pas l’intention de le
combattre, mais d’en suggérer la réforme, qu’il voyait indispensable, dans l’intérêt même de l’Église
catholique. La réalisation d’une telle réforme n’appartenait qu’à l’Église elle-même, et il s’efforçait,
l’Église comme celle d’un gouvernement établi sur la terre et destiné à s’y perpétuer pendant une longue série de
siècles. » (p. 155) « Et ce qui n’est pas moins naturel, c’est que les symboles et les définitions dogmatiques soient en
rapport avec l’état général des connaissances humaines dans le temps et le milieu où ils ont été constitués. Il suit de
là qu’un changement considérable dans l’état de la science peut rendre nécessaire une interprétation nouvelle des
anciennes formules, qui, conçues dans une autre atmosphère intellectuelle, ne se trouvent plus dire tout ce qu’il
faudrait, ou ne le disent pas comme il conviendrait. » (p. 208) Concernant les dogmes, l’auteur ajoutait : « Il n’est
pas indispensable à l’autorité de la croyance qu’elle soit rigoureusement immuable dans sa représentation
intellectuelle et dans son expression verbale. Une telle immutabilité n’est pas compatible avec la nature de l’esprit
humain. Nos connaissances les plus certaines dans l’ordre de la nature et de la science sont toujours en mouvement,
toujours relatives, toujours perfectibles. Ce n’est pas avec les éléments de la pensée humaine que l’on peut
construire un édifice éternel. La vérité seule est immuable, mais non son image dans notre esprit. La foi s’adresse à
la vérité immuable, à travers la formule nécessairement inadéquate, susceptible d’amélioration, conséquemment de
changement » (p. 210).
16 « [Journal du 13 octobre 1905 :] J’ai déjà pensé que je devrai écrire des explications pour justifier mon attitude aux
yeux des gens intelligents. Mais peut-être conviendra-t-il d’attendre l’encyclique de Pie X, où je serai certainement
assez maltraité. L’ouvrage serait une réponse au pape, où il y aurait sans doute à relever d’abord quelque injure
personnelle, puis à traiter :1° de l’incompatibilité de la recherche scientifique, surtout en matière religieuse, avec la
profession de catholicisme ; 2° de la Bible et de la notion absurde d’un livre sans erreur ; 3° de la révélation,
conception enfantine au point de vue philosophique et psychologique, dénuée de preuves et de réalité au point de
vue de l’histoire ; 4° de l’histoire évangélique et de la divinité de Jésus-Christ ; 5° spécialement de la conception
virginale et 6° de la résurrection ; 7° de l’Église, de son origine et de son pouvoir. » (Alfred Loisy, Mémoires pour
servir à l’histoire religieuse de notre temps, vol. 2 : « 1900-1908 » (Paris : Émile Nourry, 1931), p. 455.
17 Ibid., p. 455
18 Alfred Loisy, L’Évangile et l’Église (Paris : Librairie Émile Nourry, 1929), p. 3 et 4.

12
J’invite les catholiques à débattre

avec tous les ménagements et les précautions possibles, de lui en faire comprendre la nécessité.
Effort absurde, s’il n’avait aucune chance de succès, mais moralement honnête et loyal, quoiqu’on
ait pu dire. Car l’Église a toujours su, dans le besoin, écarter ou négliger les vieilles formules qui
étaient devenues par trop compromettantes, et on ne lui demandait pas autre chose que d’examiner
s’il ne se trouverait pas un certain nombre de telles formules dans son répertoire actuel […]
L’auteur croyait encore pouvoir maintenir la valeur substantielle de l’enseignement chrétien, et il
remettait à l’Église elle-même, c’est-à-dire à ses représentants les plus autorisés par leur situation et
leurs lumières, le soin d’orienter son enseignement dans le sens que paraissaient exiger les
circonstances.

Pendant une dizaine d’années, Alfred Loisy avait pu, par sa prudence, mener sa mission. Lui
en faire le reproche quand on connaît l’intolérance de l’Église est malvenu.
Les années passant, Alfred Loisy apostasia. Mais s’il critiqua les évangiles en historien (ce qui
était sa mission de départ19), il ne conclut jamais en la fausseté du catholicisme. D’où sa note écrite
dans ses mémoires20 : « En fait, je me suis toujours interdit de démontrer ex-professo la non-vérité
du catholicisme. »
En réalité, il n’y eut aucun « complot moderniste ». Si, comme l’écrit Don Mancinella, « un
certain mécontentement et une résistance sourde aux directives du Pape s’étaient répandus presque
partout », c’était parce que, présents sur le terrain, les simples prêtres constataient l’écart toujours
plus grand entre un enseignement de l’Église périmé et une société en pleine mutation 21. Aussi
étaient-ils attentifs aux travaux d’un Alfred Loisy, d’un abbé Tyrell ou d’un abbé Duchesne (pour ne
citer qu’eux). Après étude, beaucoup de prêtres furent convaincus 22. Mais dans sa grande majorité,
le haut-clergé refusait de suivre. En 1903, Alfred Loisy lui reprocha d’ignorer « les aspirations du
siècle qui marche, laissant l’Église loin derrière lui. »23 La réponse des défenseurs de l’orthodoxie
était toujours la même : « L’Église, qui détient la Vérité, n’a pas à transiger avec le monde ». C’était
nier le véritable problème qui se posait et qu’Alfred Loisy résumait ainsi24 :

Le progrès de la science pose en des termes nouveaux le problème de Dieu. Le progrès de l’histoire
pose en des termes nouveaux le problème du Christ et le problème de l’Église. C’est ce triple
problème qui s’impose à la considération des penseurs catholiques.

Pour avoir refusé de réfléchir et de prendre position sur ces questions, l’Église se trouva de
plus en plus distancée dans ce monde dont la mutation s’accélérait. Parallèlement toutefois, les
« modernistes » poursuivaient le travail de leurs prédécesseurs, un travail qui, désormais, pénétrait
le haut-clergé. Voilà pourquoi lorsque, en mai 1923, Pie XI demanda l’avis des cardinaux sur
l’opportunité de convoquer un Concile, le cardinal Billot l’en dissuada en agitant le danger

19 « [Loisy] avait utilisé les Évangiles comme documents d’histoire, selon les garanties que présentent les divers
éléments qui y sont entrés ; il ne touchait pas au dogme de l’inspiration biblique, ni à l’autorité qui appartient à
l’Église pour l’interprétation dogmatique de l’Écriture. » (Alfred Loisy, Autour d’un petit livre [Paris, Alphonse
Picard et Fils, 1903], p. viii).
20 Alfred Loisy, Mémoires pour servir à l’histoire religieuse de notre temps, vol. 2, déjà cité, p. 455.
21 Parlant des jeunes prêtres envoyés dans le monde, Albert Houtin constatait : « Pour la première fois, ils entendent
les objections telles qu’elles se posent maintenant. Elles diffèrent d’une manière vraiment cruelle de la façon dont
les présentent les professeurs du séminaire » (Albert Houtin, La crise du clergé, [Paris : Alphonse Picard et Fils,
1902], p. 34).
22 « les travaux de Loisy et de Duchesne ont convaincu beaucoup de prêtres qu’ils avaient à rapprendre l’histoire de la
révélation et de l’Église. Ils ont vu qu’ils devaient réviser l’enseignement de leur séminaire. Ils l’ont repris » (Albert
Houtin, La crise du clergé, déjà cité, p. 24-25). D’après l’auteur, de 1897 à 1907 , 1 500 prêtres avaient abandonné
le sacerdoce (Ibid., p. 31, note). S’y ajoutaient tous ceux qui, également convaincus, restaient en place car n’ayant
nulle part où aller.
23 Alfred Loisy, Autour d’un petit livre, déjà cité, p. xx.
24 Ibid., p. xxiv-xxv.

13
Pourquoi je ne suis plus catholique

représenté par les « modernistes » qui, eux, souhaitaient cette réunion25. Pie XI recula donc, mais les
« modernistes » toujours plus nombreux développèrent leurs doctrines. Don Mancinella écrit26 :

Vers les années 1930-1940, une nouvelle génération de modernistes s’impose : ce sont les noms qui
deviendront plus tard trop connus, comme ceux des Dominicains Marie-Dominique Chenu et Yves
Congar, ainsi que les jésuites Henri de Lubac, Hans Ur von Balthasar, Karl Rahner, qui
développent une nouvelle théologie qui trouve ses racines dans l’ancien modernisme.

Si ces gens devinrent « trop connus », ce fut parce que, petit à petit, leurs idées s’imposèrent
au sein du clergé, de tout le clergé. Non pas à cause d’un « complot », mais parce qu’elles
convainquaient. Voilà pourquoi tout comme son prédécesseur Pie XI, Pie XII refusa d’organiser un
concile : le « danger moderniste » était accru27. Page 67, Don Mancinella rappelle :

Les dernières années du pontificat de Pie XII se terminèrent dans un isolement singulier, souligné
par tous les historiens et interprété de diverses manières. Mais le fait est que le Pape ne pouvait
plus faire confiance à personne. L’Église était maintenant trop pleine de Montini et de Lubac de
tous calibres et à tous les niveaux, tandis que, malgré ses interventions, Pie XII voyait la marée
montante du néo-modernisme, hypocritement propagée dans son dos, croître de plus en plus.

Il ajoute28 :

Pis XII mourut à Castel Gandolfo le 9 octobre 1958, laissant derrière lui une Église qui, pour des
yeux non avertis, aurait pu sembler encore ferme et tranquille dans sa Tradition apostolique. Mais
c’était le calme avant la tempête.

Pie XII fut le dernier pape représentant cette église du passé. Son successeur, Jean XIII, était
acquis, du moins en partie, au « modernisme »29. D’où sa décision, exprimée publiquement le
11 octobre 1962, d’ouvrir le Concile Vatican II. Selon les termes mêmes du pape, il s’agissait
d’ « adapter ses moyens, pour que la doctrine évangélique soit dignement vécue et plus facilement
écoutée parmi les peuples. »30
Don Mancinella répète qu’au Concile, les participants furent influencés par les
« modernistes » : il parle « des Pères sous l’influence pressante du groupe rhénan » (p. 87) ; des
novateurs « qui eurent une influence décisive dans les décisions des Pères conciliaires » (p. 88) ; de
« l’influence néfaste sur les Pères conciliaires » du jésuite Karl Rahner (p. 88). Que l’on puisse
influencer des personnes timorées ou incertaines, j’en conviens. Mais comment croire que tous les
Pères du Conciles auraient été des faibles ? Don Marcinella salue les « 250 Pères fidèles à la
Tradition catholique » qui tentèrent de s’opposer aux novateurs (p. 96). Je rappelle qu’en moyenne,
2 200 Pères assistèrent aux séances31. A qui fera-t-on croire que deux mille évêques aient pu être
manipulés ? La vérité est ailleurs : ces évêques étaient convaincus que si elle voulait survivre dans
ce monde moderne en pleine mutation, l’Église devait se réformer. Dans leur Catéchisme pour
adultes publié en 1991, les évêques de France soulignaient32 :

25 Don Mancinella le rappelle dans son livre Coup d’état dans l’Église, déjà cité, p. 78.
26 Don Mancinella, Coup d’état dans l’Église, déjà cité, p. 41.
27 « Pie XII avait également songé à convoquer un Concile, mais il en avait été empêché pour les mêmes raisons. »
(Ibid., p. 78).
28 Ibid., p. 69.
29 Don Mancinella le démontre dans son ouvrage aux pages 72-79.
30 Discours du Jean XIII aux Missions extraordinaire, 12 octobre 1962 (en ligne : https://www.vatican.va/content/
john-xxiii/fr/speeches/1962/documents/hf_j-xxiii_spe_19621012_missioni-straordinarie.html)
31 « Le Concile Vatican I en chiffres » (en ligne : https://www.la-croix.com/Definitions/Lexique/Concile/Le-concile-
Vatican-II-en-chiffres)
32 Catéchisme pour adultes (Paris : Association épiscopale catéchistique, 1991), p. 14

14
J’invite les catholiques à débattre

La profondeur des mutations culturelles qui se sont produites en notre siècle (pensons seulement à
l’informatique, au développement des médias, à la prolongation généralisée des études…) fait
apparaître plus nécessaire, ou plus souhaitable encore, une présentation renouvelée, en même temps
que fidèle, de la foi de toujours.

Bien des « conciliaires » espéraient qu’après Vatican II, l’Église regagnerait de l’influence
dans le monde occidental. Il n’en a rien été. De leur côté, les « traditionalistes » affirment que
Vatican II a tout saccagé dans l’Église, et qu’il faut y voir une cause de la désaffection grandissante
des fidèles. Aux églises vides, ils opposent leurs chapelles pleines. Le philosophe et sociologue des
religions Jean-Louis Schlegel répond33 :

les opposants à Vatican II croient pouvoir affirmer que l’effondrement du catholicisme en France et
en Europe aurait été bien moindre si le concile n’avait pas eu lieu. C’est une hypothèse peu
crédible, et qui ne mange pas de pain. À mon avis, pour des raisons évidentes, l’implosion à
laquelle on assiste aujourd’hui aurait eu lieu bien plus tôt, et en pire, et ma conviction est qu’il n’y
a pas eu trop de concile Vatican II, mais trop peu.

Laissant les uns et les autres s’ignorer ou se quereller, je constate simplement qu’un peu
partout dans le monde, les religions traditionnelles sont en déclin 34. En Occident, c’est
particulièrement vrai du catholicisme : ni l’aggiornamento de Vatican II ni un retour à Vatican I ne
pourront enrayer le phénomène. Pourquoi ? A mes yeux, la cause première repose dans la religion
en elle-même, cette religion fondée par l’Église.

Je soumets ce dossier en particulier à tous les catholiques qui prient pour moi afin que je
retrouve la Foi. Je les remercie sincèrement pour leur sollicitude. Certains pensent que j’ai apostasié
pour pouvoir quitter mon épouse et me mettre en ménage avec une jeune femme (présentée parfois,
à tort, comme une visiteuse de prison). Ils se trompent : mon apostasie est sans rapport avec ma vie
conjugale qui, je l’admets, n’a rien d’édifiant. Dans son ouvrage paru en 1908 et intitulé La crise du
clergé, Albert Houtin soulignait à propos des prêtres qui abandonnaient l’Église35 :

Le caractère spécial de nombreuses crises actuelles consiste en ce qu’elles viennent de
l’intelligence, et non point du caractère ou des mœurs. Ce sont des drames de tête. Ceux qui partent
déclarent que le dogme ecclésiastique est faux, qu’ils ne peuvent vivre dans l’imposture et dans le
mensonge. Ils avaient cru prendre un sacerdoce, ils ne veulent pas faire un métier. Ce ne sont pas
des dévoyés, ce sont des fourvoyés. Après avoir été dupes, ils refusent d’être complices.

Bien que je ne sois pas prêtre, ma situation est similaire : je n’ai pas apostasié pour des
raisons de mœurs. Ceux qui m’ont bien connu avant 2010 savent que j’étais un époux fidèle, que je
parvenais à faire vivre ma famille et que je m’occupais beaucoup de mes enfants.
J’ai apostasié pour des raisons purement intellectuelles, qui seront exposées ci-dessous. Veut-
on que je retrouve la Foi ? Alors outre les prières, il faudra répondre à mes interrogations et
objections que je crois légitimes. J’invite donc les catholiques qui l’accepteront à un débat loyal,
courtois, face-à-face.

33 Jean-Louis Schlegel, « Sans Vatican II, l’implosion à laquelle on assiste aujourd’hui aurait eu lieu bien plus tôt, et
en pire », publié par La Croix (en ligne : https://www.la-croix.com/Debats/Sans-Vatican-II-limplosion-laquelle-
assiste-aujourdhui-aurait-lieu-bien-tot-pire-2022-10-11-1201237164)
34 Parmi les travaux récents, voir Isabella Kasselstrand, Phil Zuckerman et Ryan T. Cragun, Beyond Doubt: The
Secularization of Society (New York University Press, mai 2023).
35 Albert Houtin, La crise du clergé, déjà cité, p. 8.

15
Introduction
Mes premiers doutes

De 1999 à 2009, j’ai fréquenté les milieux catholiques dits « traditionalistes ».
Vers 2005, des doutes sur la Foi et sur la morale me sont venus. Par exemple, malgré les
réponses que l’on m’apportait, des questions subsistaient :

– Pourquoi Dieu avait-Il créé cet univers immense seulement pour l’Homme ?

– Pourquoi réciter les prières en latin plutôt qu’en français ? Si la traduction était fidèle, alors
pourquoi Dieu préférait-il le latin ?

– Cette question, je me la posais également à propos de la messe. Les traditionalistes rejetaient la
« nouvelle messe » pour lui préférer la « messe de toujours », celle du saint Pie V. Or, une étude
même superficielle de l’histoire du missel romain m’avait convaincu que la messe de saint Pie V
n’était pas celle « de toujours » présentée dans mon milieu, mais celle célébrée depuis le
XVIe siècle, suite à des réformes et en réponse à celle du protestantisme. Le premier livre
« moderniste » que je lus fut celui du dominicain Aimon-Marie Roguet, Pourquoi le canon de la
messe en français36. Il renforça mes interrogations. Lors de mon séjour à la prison de Valenciennes,
j’eus l’occasion de m’entretenir longuement avec l’aumônier, le père Membré. Historien de la
messe, il m’expliqua les raisons des réformes qui avaient eu lieu dans l’histoire, jusqu’à l’époque
moderne (avec la suppression de certaines prières introduites à l’époque médiévale et le
changement de certaines formules dénoncés par les traditionalistes37). Il insista sur le fait que la
« nouvelle messe » fut l’aboutissement de travaux historiques menés depuis le milieu du XIXe siècle
par « le mouvement liturgique » de Dom Guéranger, abbé de Solesmes. Leurs auteurs avaient voulu
retrouver le sens de la messe tel qu’il existait lors des premiers siècles de notre ère.

– Ayant lu avec attention l’évangile selon saint Matthieu, j’avais été troublé par le Christ qui, face à
ses contemporains, annonçait la venue imminente du Jugement général (« cette génération ne
passera pas avant que tout cela n’arrive »38). Deux mille ans après, pourtant, on attendait toujours.
Le Christ s’était-il trompé ? Pour répondre négativement, il fallait donner au mot « génération » un
sens plus général, ou dire que ces textes « parfaitement clairs » n’étaient « pas censés établir ce
qu’ils signifient naturellement »39. En tant que révisionniste habitué à voir mes contradicteurs
torturer les textes, soit pour prétendre contourner des difficultés, soit pour y voir ce qu’ils voulaient,
cette méthode me mettait très mal à l’aise. Je me souvenais qu’en 1856, avec de tels procédés,
36 A.-M. Roguet, Pourquoi le canon de la messe en français (Paris : éd. du Cerf, 1967).
37 J’ai retrouvé la substance de ses explications dans la courte étude suivante : « L’Histoire du Missel romain » (en
ligne : https://www.communautesaintmartin.org/article/un-regard-historique-sur-la-messe-2-lhistoire-du-missel-
romain/).
38 « alors toutes les tribus de la Terre se frapperont la poitrine et verront le Fils de l’homme venir sur les nuées du
ciel, avec puissance et grande gloire. Il enverra ses anges avec une trompette retentissante, et ils rassembleront ses
élus des quatre coins du monde, d’une extrémité des cieux jusqu’à l’autre […] Amen, je vous le dis : cette
génération ne passera pas avant que tout cela n’arrive. » (Mt., XXIV, 30-34).
39 « On sait, d’autre part, comment des textes parfaitement clairs, tels que les plaintes de Job et des psalmistes sur
l’anéantissement de l’homme par la mort, les assertions du Sauveur et des apôtres sur la fin prochaine du monde, la
parole du Christ johannique : “Le Père est plus grand que moi”, ne sont pas censés établir ce qu’ils signifient
naturellement. » (Alfred Loisy, L’Évangile et l’Église, déjà cité, p. 213).

17
Pourquoi je ne suis plus catholique

l’écrivain catholique Antoine Roselly de Lorgues avait repris à son compte la thèse selon laquelle le
soixantième chapitre du Livre d’Isaïe annonçait… la découverte de l’Amérique par Christophe
Colomb et la mort de très nombreux Indiens40. Quelle dérision !

– Un autre question me taraudait, qu’un musulman m’avait soumise : comment expliquer les deux
généalogies inconciliables de Jésus données l’une par saint Matthieu, l’autre par saint Luc ?

Généalgie de Matthieu : Généalogie de Luc :
David David
Salomon Nathan
… …
Jeconias Neri Deux demi-frères époux de la même femme
 
Shealthiel
Zorobabel
 
… …
Matthan Matthat Deux demi-frères époux de la grand-mère de Joseph
Jacob Héli Deux demi-frères époux de la mère de Joseph
 
Joseph
Jésus

On m’expliquait que d’après la tradition41 :
la généalogie selon saint Matthieu est la véritable généalogie de saint Joseph. Saint Joseph avait
pour père Jacob, un descendant du roi Salomon, fils du roi David et de Bethsabée. L’autre
généalogie, celle selon saint Luc, éclairée par une tradition rapportée par saint Jean Damascène,
atteste qu’en raison des remariages de la grand-mère paternelle et de la mère de saint Joseph, il
appartenait, de droit, à la Maison de Nathan, autre fils du roi David et de Bethsabée.

Cette présentation, très simple, masquait toutefois de graves difficultés. En effet, il fallait
supposer que la grand-mère de Joseph avait été mariée deux fois, avec deux demi-frères :

40 Les verset 9, 11 et 12 du soixantième chapitre du Livre d’Isaïe déclaraient : « Oui, les îles mettent leur espoir en
moi : les vaisseaux de Tarsis viennent en tête pour ramener tes fils du lointain, portant leur argent et leur or, en
hommage au nom du Seigneur ton Dieu, en hommage au Saint d’Israël, car il t’a donné sa splendeur […] On
tiendra toujours tes portes ouvertes, elles ne seront jamais fermées, ni de jour ni de nuit, afin qu’on fasse entrer
chez toi les richesses des nations et les rois avec leur suite. Car nation ou royaume qui ne te servirait pas périra ;
ces nations-là seront entièrement dévastées. » A. Roselly de Lorgues commentait : « On trouve dans les Saintes
Écritures, neuf passages clairement applicables à la Découverte du Nouveau Monde […] La destinée des
Américains, rapprochée du verset 12 au soixantième chapitre d’Isaïe, frappera d’étonnement l’observateur. Après
avoir exposé les choses surprenantes que renferment les quatre versets précédents, le prophète prononce sur le sort
des nations d’outre-mer qui n’observeront pas le culte divin : “Peuplades et royaumes périront.” Et comme
l’annonce de ce terrible châtiment ne concernait pas une époque prochaine, le voyant royal ajoute cette parole du
Très-Haut : “Moi, qui suis le Seigneur, j’exécuterai tout ceci dans son temps,” c’est-à-dire à l’époque fixée dans les
décrets éternels. Que la mission du révélateur du Globe, cet événement qui devait si profondément modifier les
conditions futures de l’humanité, ait été montrée au prophète à qui fut révélé le Messie, cela ne paraîtra nullement
extraordinaire aux âmes heureusement pénétrées de la vérité divine » (Antoine Rosally de Lorgues, Christophe
Colomb : histoire de sa vie et de ses voyages d’après des documents authentiques tirés d’Espagne et d’Italie, tome
second [Paris : Didier et Cie, 1836], p. 455).
41 Abbé Laurent Serres-Ponthieu, « Saint Joseph », publié par le site La Porte Latine. (en ligne :
https://laportelatine.org/spiritualite/vies-de-saints/saint-joseph)

18
J’invite les catholiques à débattre

– une fois avec le Matthan de Matthieu, lequel Matthan descendait de David par Salomon et
par la lignée royale qui engendra Jacob ;
– et une autre fois avec le Matthat de Luc, lequel Matthat était descendant de David par
Nathan, et auquel elle engendra Héli.
Héli s’étant marié et étant mort sans enfant, son demi-frère Jacob aurait épousé la veuve et
engendré Joseph, dès lors légalement considéré comme le fils du défunt.
Déjà, cette hypothèse d’un mariage aussi compliqué m’apparaissait assez peu vraisemblable.
Mais ce n’était pas fini. Les deux généalogies pourtant si divergentes comprenaient deux noms
identiques : Salathiel et son fils Zorobabel. Or, dans Luc, le père de Salathiel était Neri, alors que
dans Matthieu, il s’appelait Jechonias. Pour l’expliquer, il fallait non seulement renouveler
l’hypothèse d’un mariage entre un frère et la veuve de son frère, mais aussi admettre que les deux
frères qui s’étaient suivis dans le mariage avec la même femme, n’avaient été frères que du côté
maternel, puisque les généalogies divergeaient à nouveau ensuite. De l’invraisemblance, on
sombrait dans l’impossibilité.
Sachant que cette explication n’était guère convaincante, certains affirmaient que l’une des
généalogies était celle de Joseph, alors que l’autre était celle de Marie. Ainsi prétendait-on expliquer
les différences inconciliables. L’ennui est que cette thèse faisait de Marie une descendante de David.
Certes, l’hypothèse n’était pas nouvelle, mais deux faits la heurtaient :
1°) Dans le Nouveau Testament, on ne trouvait aucune trace indiquant que Marie aurait appartenu à
la famille de David ;
2°) Plusieurs passages signifiaient même le contraire. Dans Matthieu, Joseph seul était désigné
comme « fils de David »42. Dans Luc, les mots : « de la maison de David » se rapportaient
uniquement aux mots immédiatement voisins : « un homme appelé Joseph », et non aux mots plus
éloignés : « une vierge fiancée »43. Plus net encore, évoquant le recensement, Luc expliquait 44 :
« Joseph aussi monta vers la Galilée […] parce qu’il était de la maison et de la lignée de David,
pour se faire recenser avec Marie, sa fiancée, qui était enceinte. » Or, c’était le moment ou jamais
d’utiliser une tournure de phrase pour souligner l’ascendance royale de Marie.
Les réponses données pour contrer l’objection de mon correspondant musulman ne m’avaient donc
pas convaincu. Je restais avec un malaise : deux généalogies inconciliables pour un personnage
historique ? Voilà qui était fâcheux (voir aussi l’annexe 2 sur les frères et les sœurs de Jésus).
– Plus grave : le dogme de la résurrection de la chair me gênait. Au Credo, on récitait clairement :
« Je crois en la résurrection de la chair ». S’appuyant sur l’évangile selon saint Luc, le catéchisme
précisait que le Christ était « ressuscité avec son propre corps : “Regardez mes mains et mes pieds :
c’est bien moi” (Lc, 24,39) »45. Immédiatement après toutefois, il était précisé que le corps des
ressuscités serait « un corps de gloire », un « corps spirituel ». Pourtant, le Christ sorti du tombeau
n’avait-il pas demandé à Thomas de mettre le doigt dans ses plaies 46 ? N’avait-il pas mangé devant
eux47 ? Tout portait donc à croire qu’il était ressuscité avec son corps de chair. Bien plus : dans le
Livre de Job, invoqué par le Concile de Trente pour affirmer la résurrection de la chair 48, Job
lançait : « je sais […] qu’au dernier jour je me lèverai de terre, que de nouveau je serai entouré de
ma peau et que dans ma chair je verrai mon Dieu »49. Rien n’indiquait qu’il s’agirait d’une chair
« spiritualisée ».
42 Mt., I, 20. Quand il est question de Marie, jamais il n’est dit qu’elle serait une fille de David.
43 Lc., I, 27.
44 Lc., II, 4-5.
45 Catéchisme de l’Église catholique (Ottawa : CECC, 1992), n° 999.
46 Jn., XX, 27-28.
47 « Ils lui donnèrent un morceau de poisson grillé. Et l’ayant pris, il le mangea devant eux » (Lc., XXIV, 42-43).
48 Catéchisme du Concile de Trente, ch. 12 : « Je crois en la résurrection de la chair », § I : « Preuve de la
résurrection ».
49 Job, XIX, 25-26. Traduction de saint Jérôme.

19
Pourquoi je ne suis plus catholique

Mais a contrario, lors d’une dispute avec les Sadducéens, le Christ avait déclaré 50 : « Lorsqu’on
ressuscite d’entre les morts […] on est comme des anges dans les cieux ». Or, les anges étaient des
« êtres spirituels non corporels »51.
Ce dogme de la résurrection de la chair m’apparaissait donc bien contradictoire, car dénué de toute
fondation solide. D’ailleurs à la question du « comment ? » (comment ressuscitera-t-on ?) le
catéchisme répondait : « Ce “comment” dépasse notre imagination et notre entendement ; il n’est
accessible que dans la foi »52.
Fallait-il en déduire que je n’avais pas la Foi ? Je n’osais y croire, mais plus le temps passait et plus
mon incrédulité s’étendait. Je le constatais avec les miracles.

– Pour nous enseigner la nécessité d’être animé par une Foi ardente, un prêtre s’était appuyé sur
l’histoire du paralytique persuadé que Jésus pourrait le guérir. Ne pouvant le faire entrer dans la
maison où le Christ enseignait (car il y avait trop de monde devant la porte), les quatre hommes qui
le portaient l’avaient passé par le toit après en avoir dégagé des tuiles 53. En réponse à sa Foi ardente,
Jésus l’avait guéri miraculeusement. Ce récit m’avait fort étonné. Déjà, comment croire que
personne n’aurait pu faire écarter la foule qui se pressait devant la porte ? Sans même faire appel à
la compassion, la simple idée que Jésus ait pu accomplir un miracle aurait convaincu les gens de
laisser passer le malade. Cependant admettons. Comment les porteurs avaient-ils pu escalader la
maison (avec la civière) pour atteindre la terrasse ou directement le toit ? Et à supposer qu’ils aient
pu réaliser cet exploit, comment croire que le propriétaire de la maison n’aurait pas protesté alors
que des inconnus brisaient le toit, des tuiles et de la poussière ne pouvant manquer de tomber sur
l’assistance, Jésus y compris ? Face à l’extravagance de ce récit, on me répondait qu’il fallait en
considérer le sens allégorique et en privilégier l’enseignement moral. Sans doute, mais en même
temps, on soulignait que les miracles opérés par Jésus prouvaient sa divinité. Par conséquent, on
était en droit — et même en devoir — d’examiner l’historicité de ces miracles. Or, les circonstances
de celui-ci étaient trop incroyables pour mériter une quelconque créance.

– Toujours dans la catégorie des miracles, l’évangile selon saint Jean évoquait la piscine Bézatha
dans laquelle l’eau se mettait à bouillonner quand un ange y descendait, permettant au premier
malade qui y pénétrait d’être guéri54. Cette histoire m’apparaissait d’une cruauté révoltante : où était
la bonté de cet ange (donc de Dieu) qui ne plongeait que de temps à autre dans la piscine,
provoquant à n’en pas douter une bousculade de malades présents ? Si la piscine était grande,
certains devaient s’y noyer. Si elle était petite, les bagarres devaient être fréquentes, probablement
sous le regard amusé d’un public de oisifs. Comment Dieu pouvait-il tolérer ces spectacles causés
par la fantaisie d’un ange ? Cette histoire ne figurant que dans l’évangile selon saint Jean, j’espérais
secrètement qu’elle avait été inventée.
On me répondait qu’elle était authentique. Mais cela posait un autre problème : Jésus arrive devant
la piscine Bézatha. Va-t-il guérir tous les malades présents ? Car tous ont une foi solide puisqu’ils
attendent (peut-être depuis très longtemps), d’entrer le premier dans l’eau. Le Christ redonnant la
santé pour récompenser la foi, cette foule misérable devrait repartir guérie. Mais le Sauveur ne
guérit qu’un seul malade, un paralytique, au motif « qu’il était dans cet état depuis longtemps »
(v. 6). Puis, après une controverse avec les pharisiens, « Jésus s’en alla » (VI, 1), laissant tous les
autres malheureux à leur triste sort et à la fantaisie d’un ange. Comment expliquer un tel manque de
compassion ?
50 Mc., XII, 25.
51 Catéchisme de l’Église catholique, déjà cité, n° 328.
52 Catéchisme de l’Église catholique, déjà cité, n° 1000.
53 « ils découvrirent le toit […] et après avoir déblayé, ils descendent le grabat où le paralytique était couché » (Mc,
II, 4) ; « ils montèrent sur la terrasse et, à travers les tuiles, ils le descendirent avec sa civière » (Lc., V, 19).
54 Jn., V, 2-4.

20
J’invite les catholiques à débattre

Des incrédules soulignaient que le malade guéri par Jésus était paralysé. Qu’un paralytique reste
près d’une piscine dans laquelle il faut se précipiter pour y entrer en premier est incroyable. Mais il
est vrai qu’avec cette infirmité, il suffisait au Christ de dire « Lève-toi » pour donner l’apparence du
miracle. Fallait-il croire que Jésus aurait accompli un faux miracle avec un complice glissé dans une
foule de malades55 ? Refusant d’y croire, je privilégiais l’hypothèse de l’histoire totalement
inventée.

– Mais un autre miracle rapporté par saint Jean me gênait davantage. La guérison de l’aveugle-né :
Jésus crache à terre et fait de la boue avec sa salive. Il en enduit les yeux de l’aveugle et lui ordonne
de se laver à la piscine de Siloé. L’infirme s’exécute et recouvre la vue 56. Pourquoi cette boue ? Si la
seule puissance du Christ suffisait, alors elle était totalement inutile et relevait du spectacle. S’il
s’agissait d’une méthode curative, alors il n’y avait plus de miracle. Les exégètes catholiques étaient
bien embarrassés. Le Père Lagrange écrivait57 :

Ce qui suit [les yeux enduits de boue] est très mystérieux et a été interprété de bien des manières,
selon de multiples combinaisons. Il faut partir de ce point reconnu de tous, semble-t-il, que le
miracle ne s’est fait que lorsque l’aveugle s’est lavé dans la piscine. Nous en concluons qu’on peut
très bien n’attribuer au premier acte aucune vertu efficiente.

Alors pourquoi cette boue sur les yeux ? S’appuyant sur saint Chrysostome, l’auteur expliquait58 :

C’était donc une manière de rendre la cécité encore plus évidente avant de la guérir (Chrys.). Le
miracle, opéré au moment voulu, n’en serait que plus extraordinaire.

Toutefois, sachant qu’il s’agissait d’un aveugle-né, personne ne doutait de sa cécité incurable.
Même sans cette boue, le miracle eut été éclatant. En conséquence, seul restait le symbole de
l’acte59 :
Si [la boue] ne fait, comme nous l’avons dit, qu’extérioriser la cécité, on pourra croire avec Érasme
qu’elle marque le renoncement à la lumière propre […] L’aveugle, avec ses yeux ouverts, avait
l’apparence de la vue ; il lui faut renoncer à une connaissance d’apparence pour recevoir la vraie
lumière du Christ (Zahn), ou, comme dit Augustin, il entre d’abord dans les rangs des
catéchumènes, ce qui suppose l’humilité et la disposition à accepter les ordres du Christ.

Je l’avoue : ces explications symboliques invoquées pour expliquer des miracles réalisés dans des
conditions bizarres me gênaient. Ici encore, l’histoire ne figurant que dans l’évangile selon saint
Jean, j’espérais qu’elle avait été inventée en totalité.
Je l’espérais d’autant plus que ce miracle avait, dit-on, troublé de nombreux Juifs. A ceux qui
accusaient Jésus d’être un possédé du démon, d’autres répondaient 60 : « Ce ne sont pas là des
histoires de démoniaque ; est-ce qu’un démon peut ouvrir les yeux des aveugles ? » Dès lors,
comment expliquer que suite à sa guérison, l’aveugle de naissance n’ait pas suivi Jésus jusqu’au
bout, qu’il ne se soit pas engagé comme prosélyte et qu’il n’ait pas témoigné à son procès ? Outre
un acte de reconnaissance, un tel témoignage aurait pu en troubler plus d’un : « Oui, c’est moi
l’aveugle-né connu de tous. Oui, cet homme que vous accusez m’a guéri sans recourir au démon ».
On m’objectera que les Juifs semaient la peur en menaçant d’exclure de la synagogue ceux qui
55 Thomas Woolston, Discours sur les miracles de Jésus-Christ (sans lieu ni date [probablement : Amsterdam, vers
1730]), p. 235 et suivantes.
56 Jn., IX, 6-7.
57 Père Marie-Joseph Lagrange, Évangile selon saint Jean (Paris : Librairie Lecoffre, 1936), p. 260.
58 Ibid., p. 261.
59 Ibid., p. 261.
60 Jn., X, 20-21.

21
Pourquoi je ne suis plus catholique

reconnaissaient Jésus comme le Christ61. Sans doute. Mais si les parents de l’aveugle vivaient dans
la crainte, ce dernier, en revanche, n’avait pas hésité à tenir tête aux prêtres juifs en les raillant 62 et
en leur lançant63 : « Nous savons que Dieu n’exauce pas les pécheurs ; mais si quelqu’un est pieux
et fait sa volonté, celui-là, il l’exauce. Jamais on a ouï dire que quelqu’un ait ouvert les yeux d’un
aveugle-né ! Si cet homme ne venait pas d’auprès de Dieu, il ne pourrait rien faire. » Le guéri était
donc persuadé que Jésus était l’envoyé de Dieu. Par conséquent, il aurait dû le suivre et le défendre,
plaidant en faveur de la réalité du miracle. Mais sa disparition immédiate de l’histoire plaidait au
contraire en défaveur de l’authenticité du récit. Ou alors il fallait croire que là encore, Jésus aurait
agi avec un complice pour faire croire au miracle (d’où les yeux enduits de boue). Une fois le tour
joué, le complice aurait quitté les lieux. Par la suite, l’histoire aurait été reprise et embellie afin
d’impressionner le lecteur. De mon côté, je privilégiais l’hypothèse de l’histoire inventée de A à Z.
A ces questionnements théologiques s’ajoutait un problème qui me concernait directement
dans ma vie de tous les jours. Chez les catholiques et surtout chez les « traditionalistes », toute
forme de contraception est interdite. Pour une raison très simple 64 : « Le but principal ; la première
et fondamentale raison d’être du mariage, c’est la famille, ce sont les enfants. ». Par conséquent,
utiliser une contraception, c’est commettre une « faute grave » en trichant et en abusant du
mariage65.

Je l’avoue, cette doctrine me posait problème. J’étais alors père de famille nombreuse, fidèle à
mon épouse, travaillant pour subvenir aux besoins de la maisonnée et m’occupant beaucoup de mes
enfants. Mes doutes étaient donc de nature purement rationnelle, sans aucun lien avec un désir de
tout abandonner pour vivre une vie de patachon (et cela même si, en 2011, j’ai quitté mon épouse
pour des raisons autres). Nous avions alors six enfants. Après cinq garçons, une fille nous était née.
Mon épouse avait prié sainte Thérèse de l’Enfant Jésus d’intercéder auprès de Dieu pour qu’Il la lui
accorde. En guise de remerciement, elle lui avait donné un dérivé du prénom que portait la mère de
Thérèse : Azélie.

J’interrogeais alors un prêtre. Mon argumentaire était le suivant : « La fin première du mariage
est la génération d’enfants. Nous en avons donné six au Seigneur. Ne peut-on pas désormais prendre
une contraception ? » La réponse était invariablement négative : il fallait respecter l’enseignement
traditionnel de l’Église. Même les « modernistes » étaient d’accord (en juillet 1968, Paul VI avait
publié l’encyclique Humanae vitae). Je répondais que cette morale ne correspondait pas à la société
qui avait changé : « Auparavant, les familles étaient regroupées. On pouvait compter sur l’aide des
parents, des frères, des cousins… De plus la mortalité infantile faisait que sur dix ou douze enfants,
seuls quatre, cinq ou six survivaient jusqu’à l’adolescence. Aujourd’hui, tout a changé. Dès lors, la
morale ne peut-elle pas évoluer pour s’adapter aux données du présent ? » Non. Et pour me le
prouver, on citait Pie XI qui, dans sa lettre encyclique Casti Connubii, reprenait l’histoire biblique
d’Onan :
Puisque l’acte du mariage est, par sa nature même, destiné à la génération des enfants, ceux qui, en
l’accomplissant, s’appliquent délibérément à lui enlever sa force et son efficacité, agissent contre la
nature ; ils font une chose honteuse et intrinsèquement déshonnête. Aussi ne faut-il pas s’étonner de
61 Jn., IX, 22.
62 « Voudriez-vous, vous aussi, devenir ses disciples ? » (Jn., IX, 27)
63 Jn., IX, 31-33.
64 Mgr Albert Pascal, La Famille et le Mariage Chrétien (Prince-Albert, Canada, 1916), p. 54.
65 Dans sa lettre encyclique Casti Connubii, Pie XI soulignait : « Tout usage du mariage, quel qu’il soit, dans
l’exercice duquel l’acte [sexuel] est privé, par l’artifice des hommes, de sa puissance naturelle de procréer la vie,
offense la loi de Dieu et la loi naturelle, et que ceux qui auront commis quelque chose de pareil se sont souillés
d’une faute grave. » (en ligne : https://www.vatican.va/content/pius-xi/fr/encyclicals/documents/hf_p-
xi_enc_19301231_casti-connubii.html)

22
J’invite les catholiques à débattre

voir les Saintes Écritures attester que la divine Majesté déteste au plus haut point ce forfait
abominable, et qu’elle l’a parfois puni de mort, comme le rappelle saint Augustin : « Même avec la
femme légitime, l’acte conjugal devient illicite et honteux dès lors que la conception de l’enfant y
est évitée. C’est ce que faisait Onan, fils de Judas, ce pourquoi Dieu l’a mis à mort. »

Confiant, je ne vérifiais pas et me résignai. Nous eûmes deux autres enfants.
Peu après la naissance du dernier, j’entrai en prison. Là, j’entrepris de lire l’Ancien Testament.
Ayant commencé par la Genèse, je découvris, sans le savoir, l’histoire d’Onan. Le grand-frère
d’Onan, Er, était marié à Tamar. Le couple n’avait pas encore d’enfant. Voici la suite 66 :

7 Mais Er, le premier-né de Juda, déplut au Seigneur, et le Seigneur le fit mourir.
8 Alors Juda dit à Onan : « Unis-toi à la femme de ton frère, pour remplir envers elle ton devoir de
beau-frère : suscite une descendance à ton frère. »
9 Mais Onan savait que la descendance ne serait pas à lui. Aussi, quand il s’unissait à la femme de
son frère, il laissait la semence se perdre à terre, pour ne pas donner de descendance à son frère.
10 Ce qu’il faisait déplut au Seigneur qui le fit mourir, lui aussi.

Cette lecture me laissa perplexe. Onan avait-il été châtié pour avoir pratiqué une
contraception (sous forme d’une masturbation) ou pour ne pas avoir rempli son « devoir ». Et
d’abord, de quel devoir s’agissait-il ? Je trouvai la réponse dans le Deutéronome67 :

Lorsque des frères habitent ensemble, si l’un d’eux meurt sans avoir de fils, l’épouse du défunt ne
pourra pas appartenir à quelqu’un d’étranger à la famille ; son beau-frère viendra vers elle et la
prendra pour femme ; il accomplira ainsi envers elle son devoir de beau-frère.
Le premier-né qu’elle mettra au monde perpétuera le nom du frère défunt ; ainsi, ce nom ne sera
pas effacé d’Israël.

Imposé par Dieu pour ne pas que des noms ne s’effacent, il s’agissait d’un devoir important.
Onan n’avait-il pas été châtié pour y avoir désobéi ? S’il en était ainsi, alors l’interprétation de
l’Église était fausse… C’était la première fois que cette éventualité se présentait à moi. Je n’osai y
croire.
Mais la confirmation vint avec la lecture du Lévitique. Yahvé y édictait une myriade de
prescriptions et d’interdictions destinées à son peuple. Au quinzième chapitre, les directives
concernaient la vie sexuelle : se laver après un rapport sexuel, ne pas toucher une femme ayant ses
règles, etc. Mais rien sur un rapport sexuel incomplet ni sur la masturbation. Au dix-septième
chapitre, les interdictions étaient liées aux désordres sexuels ; tout y passait, y compris
l’homosexualité et la zoophilie68. Or, dans ce catalogue de péchés, je ne trouvais rien ni sur les
rapports sexuels incomplets, ni sur la masturbation.
J’en déduisis qu’Onan avait été châtié non pas pour avoir pratiqué une contraception — dans
ce cas, presque toute l’humanité aurait subi son sort — mais pour avoir refusé d’accomplir son
devoir de frère imposé par Dieu. L’histoire d’Onan éroda ma confiance en l’Église69.

66 Gen., XXXVIII.
67 Deut., XXV, 5-6.
68 « 22 Tu ne coucheras pas avec un homme comme on couche avec une femme. C’est une abomination. 23 Tu n’auras
pas de rapports avec un animal, cela te rendrait impur ; et aucune femme ne s’offrira à un animal pour s’accoupler
avec lui, ce serait une union contre nature » (Lv., XVII).
69 En 2019, le site de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X publia un article de l’abbé François Knittel intitulé :
« Jugement catholique sur la contraception » (Consultable à l’adresse suivante : https://laportelatine.org/
formation/morale/jugement-catholique-sur-la-contraception.). Au paragraphe intitulé : « Que nous dit la Sainte
Écriture sur la contraception », il cite l’histoire d’Onan, mais sans parler du devoir énoncé par le Deutéronome.
Après tant de catholiques, donc, il présente ce récit hors contexte pour en tirer un enseignement qui ne s’y trouve
pas. L’abbé Knittel ne peut en outre citer aucun autre fragment des Saintes Écritures, car il n’y en a aucun. L’Ancien

23
Pourquoi je ne suis plus catholique

Toujours en prison, la lecture du Nouveau Testament ébranla davantage le catholique que
j’étais. En effet, parmi les questions que je me posais, une me taraudait particulièrement : le cas des
petits enfants morts sans baptême.

et le Nouveau Testament restent muets sur la contraception et sur la masturbation. Voilà pourquoi après avoir cité la
Genèse, l’auteur passe immédiatement aux Pères de l’Église, puis aux papes. Cet article me conforta dans la
conviction que l’Église d’avant Vatican II n’avait pas été une fidèle interprète de l’Écriture.

24
I. Le cas des enfants morts sans baptême : une doctrine qui m’apparaît contradictoire

D’après le catéchisme, Dieu avait créé l’Homme pour qu’après sa mort, il jouisse du « bonheur
dans le Paradis », un bonheur donné par la « vision béatifique », c’est-à-dire70 :

la vision de l’essence divine, se présentant sans intermédiaire ni voile, clairement et à découvert ;
l’âme ne peut atteindre à cette vision que par la lumière de gloire ; mais, par cette vision et cette
jouissance, l’homme parvient au bonheur véritable, plénier et indéfectible, c’est-à-dire la vie
éternelle.

Mais les enfants morts sans baptême, eux, étaient privés de cette vision béatifique. Autrement
dit, ils étaient damnés71. S’appuyant sur le canon 4 du concile de Latran, un catéchisme d’avant
Vatican II expliquait qu’à cause du péché originel « Tous les hommes sont […] dignes de la
damnation éternelle dès leur naissance »72.
Fallait-il donc croire qu’en compagnie de l’abominable pécheur non repentant, un bébé mort
sans baptême irait brûler éternellement dans le feu de l’enfer ? Cette doctrine heurtant le sens
commun (à commencer par l’idéal de Justice), Saint Augustin assurait : « les petits enfants qui

70 Catéchisme catholique du cardinal Gasparri, (Juvisy : Les Éditions du Cerf, 1934). Le texte complet est le suivant :
« Q. 61. Pour quelle fin l’homme a-t-il été créé par Dieu ?
« R. L’homme a été créé par Dieu pour Le connaître, L’aimer, Le servir et, par ce moyen, Le posséder après la mort
par la vision béatifique et en jouir éternellement dans le Paradis.
« Q. 62. En quoi consiste la vision béatifique de Dieu ?
« R. La vision béatifique de Dieu consiste en la vision de l’essence divine, se présentant sans intermédiaire ni voile,
clairement et à découvert ; l’âme ne peut atteindre à cette vision que par la lumière de gloire ; mais, par cette vision
et cette jouissance, l’homme parvient au bonheur véritable, plénier et indéfectible, c’est-à-dire la vie éternelle.
« Q. 63. La vision béatifique de Dieu est-elle due à la nature ?
« R. La vision béatifique n’est pas due à la nature, mais elle est surnaturelle, dépassant absolument toute nature
créée, et accordée librement à la créature raisonnable par la seule bonté de Dieu. »
71 « ce qui attend cet enfant, c’est la damnation » (Saint Augustin, Contre Julien, Livre V : « Le troisième livre de
Julien ». En ligne : https://www.bibliotheque-monastique.ch/bibliotheque/bibliotheque/saints/augustin/polemiques/
pelage/julien/julien5.htm).
72 « Demande. Quand nous venons au monde, sommes-nous coupables de quelque péché ? Réponse. Oui, on appelle
ce péché, le péché originel, à cause que nous le tirons de notre origine […] D. Tous les hommes sont donc dignes de
la damnation éternelle dès leur naissance ? R. Oui, à cause du péché originel » (Mgr Jean-Joseph Languet, le
Catéchisme du diocèse de Sens [Québec : Brown & Gilmore, 1765], p. 25). A la fin du XIXe siècle, un catéchisme
destiné à la jeunesse présentait ainsi le nouveau-né : « Je suis venu sur la terre, privé de la grâce sanctifiante et de
l’amitié de Dieu, marqué du stigmate de la tache originelle, enfant de colère, indigne du paradis, sans aucun des
privilèges accordés à Adam et Eve, et par conséquent exposé à l’erreur, porté au mal et condamné à la souffrance et
à la mort » (voy. le « Catéchisme de première communion » publié dans L’Ami du Clergé Paroissial, 1892, p. 179,
col. A).

25
Pourquoi je ne suis plus catholique

meurent sans baptême seront placés dans la plus douce de toutes les damnations »73. Cette partie la
plus douce des enfers fut appelée « limbes »74. Les enfants qui s’y trouveraient ne seraient soumis
« à aucune peine sensible »75. Comprenez : ils seraient épargnés du feu éternel. Les Limbes sont
donc un enfer sans le feu.

1°) Un enfer sans feu ?

L’ennui est que la notion de Limbes est totalement absente de la Bible. Bien plus, d’après
l’évangile selon saint Matthieu, Jésus enseigne qu’au Jugement dernier, il n’y aura que deux destins
possibles : le Royaume de Dieu ou le « feu éternel »76. A aucun moment, Jésus ne laisse penser qu’il
existerait un enfer sans feu.
L’Apocalypse selon saint Jean confirme. Dans ce texte, le séjour des élus est la Jérusalem
céleste77. La description s’achève ainsi : « Rien de souillé n’y entrera jamais […], mais seulement
ceux qui sont inscrits dans le livre de vie de l’Agneau » (v. 27). Or, d’après la doctrine catholique,
les enfants morts sans baptême sont « souillés » par la tache originelle. Par conséquent, leur nom
n’est pas inscrit dans le « livre de la vie ». Et saint Jean précise78 : « si quelqu’un ne se trouvait pas
inscrit dans le livre de la vie, il était précipité dans l’étang de feu. ». Là encore, donc, les Limbes
sont totalement absents : tous les damnés vont au feu.

2°) Réponse à l’objection tirée de la parabole du mauvais riche (Lc, XVI) : le « séjour des
morts » n’est pas l’Enfer

On m’objectera que la parabole du mauvais riche, dans l’Évangile selon saint Luc, atteste que
l’enfer (appelé : « séjour des morts ») est séparé en deux régions : la « fournaise » pour les
tourments, la compagnie d’Abraham pour le repos ou la consolation 79. Cette explication me semble
73 Saint Augustin, Du mérite et de la rémission des péchés et du baptême des petits enfants, ch. XI (en ligne :
https://www.bibliotheque-monastique.ch/bibliotheque/bibliotheque/saints/augustin/polemiques/pelage/
pelage1.htm#_Toc29824274).
74 « Q. 359. Qu ‘adviendra-t-il aux âmes de ceux qui seront morts sans Baptême, mais avec le seul péché originel ?
« R. Les âmes de ceux qui meurent sans Baptême et avec le seul péché originel sont privées de la vision béatifique
de Dieu, à cause de ce péché originel, mais elles ne souffrent pas des autres peines par lesquelles sont châtiés les
péchés personnels (1) ». (1) « Innoc. III, Lettre Majores, à l’Archev. D’Arles ; Pie VI, Const. Auctorem fidei, propos.
26 ; Pie IX, Lettre aux Evéq. d’Italie, 10 août 1863 ; saint Th., in 2 d. 33, q. 2, a. I et 2, et De Malo, q. 5, a. 2 et 3. »
75 Père Auguste Goupil, Fins dernières de l’homme et du monde. Le Péché (Paris : Giraudon, 1919), p. 141.
76 « Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il siégera sur son trône de
gloire. Toutes les nations seront rassemblées devant lui ; il séparera les hommes les uns des autres, comme le
berger sépare les brebis des boucs : il placera les brebis à sa droite, et les boucs à gauche. Alors le Roi dira à ceux
qui seront à sa droite : “Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la
fondation du monde […]” Alors il dira à ceux qui seront à sa gauche : “Allez-vous-en loin de moi, vous les maudits,
dans le feu éternel préparé pour le diable et ses anges”. » (Mt., XXV, 31-34 et 41).
77 « Dans la ville, je n’ai pas vu de sanctuaire, car son sanctuaire, c’est le Seigneur Dieu, Souverain de l’univers, et
l’Agneau. La ville n’a pas besoin du soleil ni de la lune pour l’éclairer, car la gloire de Dieu l’illumine : son
luminaire, c’est l’Agneau. » (Apoc., XXI, 22-23).
78 Apoc., XX, 15.
79 « Il y avait un homme riche, vêtu de pourpre et de lin fin, qui faisait chaque jour des festins somptueux. Devant son
portail gisait un pauvre nommé Lazare, qui était couvert d’ulcères. Il aurait bien voulu se rassasier de ce qui
tombait de la table du riche ; mais les chiens, eux, venaient lécher ses ulcères. Or le pauvre mourut, et les anges
l’emportèrent auprès d’Abraham. Le riche mourut aussi, et on l’enterra. Au séjour des morts, il était en proie à la
torture ; levant les yeux, il vit Abraham de loin et Lazare tout près de lui. Alors il cria : “Père Abraham, prends
pitié de moi et envoie Lazare tremper le bout de son doigt dans l’eau pour me rafraîchir la langue, car je souffre
terriblement dans cette fournaise. – Mon enfant, répondit Abraham, rappelle-toi : tu as reçu le bonheur pendant ta
vie, et Lazare, le malheur pendant la sienne. Maintenant, lui, il trouve ici la consolation, et toi, la souffrance. Et en
plus de tout cela, un grand abîme a été établi entre vous et nous, pour que ceux qui voudraient passer vers vous ne
le puissent pas, et que, de là-bas non plus, on ne traverse pas vers nous”. » (Lc., XVI, 19-26)

26
J’invite les catholiques à débattre

fausse pour une raison : dans de nombreuses bibles, l’expression « séjour des morts » est traduite
par « enfer ». C’est trompeur. La version grecque de l’Évangile selon saint Luc emploie le mot
« ᾍδῃ » qui signifie Hadès80. Chez le Juifs, l’Hadès est le Scheôl (« ‫)» שאןל‬. Tous les morts y vont,
les bons comme les mauvais. Les mauvais y sont tourmentés par un feu que Yahvé y a allumé 81. Les
bons, en revanche, y trouvent un lieu de repos et de protection. C’est le cas de Job, un juste
tourmenté par Satan et qui se croit victime de la colère divine. Il demande à Yahvé 82 : « Ah! Qu’il te
plaise de m’enfermer dans le Sheôl, de me mettre à l’abri jusqu’à ce que ta colère soit passée ».
Dans l’Évangile selon saint Luc, le mauvais riche y est tourmenté par le feu. Quant à Lazare, il
est « dans le sein d’Abraham ». De façon évidente, cette parabole ne parle pas d’un enfer séparé en
deux, mais du Scheôl. L’exégète catholique Marie-Joseph Lagrange confirme 83 : « Le riche n’est pas
dans la géhenne, lieu brûlant réservé aux méchants, mais dans l’Hadès, cadre plus vaste, répondant
au Sheôl, qui comprend aussi le séjour des justes, quoique séparé ». Je le répète, la notion des
Limbes, enfer sans feu, est totalement absente de la Bible.
Allons plus loin. Admettons que les enfants morts sans baptême soient placés dans une partie
des enfers qui leur épargne toute peine sensible. Cela atténuerait-il leur damnation ? Non, car dans
ces Limbes, ils seraient privés de la vision béatifique de Dieu.

3°) La terrible peine du dam…

Cette privation de la « vision béatifique de Dieu » s’appelle « peine du dam » : « la plus
terrible des peines de l’enfer » soulignait, en 1919, la Revue pratique d’apologétique84. Un « éternel
supplice » renchérissait un autre auteur85. Voilà pourquoi dans un article publié en 2019, l’abbé
traditionaliste François Espinasse écrit86 :
Que les parents prient pour leur enfant dès sa conception, fassent célébrer des messes pour qu’il
puisse recevoir ce sacrement [= le baptême] qu’ils ne négligeront pas de lui donner sans délai et
sans se laisser endormir et retarder dans leur zèle par de faux prétextes.

Connaissant l’horreur de la peine du dam on le comprend aisément.

4°) … qui n’est pas si terrible que cela

Mais c’est ici que surgit la difficulté : comment croire qu’un Dieu infiniment juste puisse
priver à jamais de la vision béatifique des enfants qui, eux, n’ont commis aucune faute personnelle ?
Comment croire qu’un Dieu infiniment bon puisse soumettre des enfants innocents à une telle

80 Pour une version en grec, voir le site Theotex (en ligne : https://theotex.org/ntgf/luc/luc_16_gf.html). Le terme est
traduit par « séjour des morts ». Dans sa version publiée en 1960, La Saint Bible du chanoine Crampon le traduit
par « Hadès ».
81 « la colère s’est enflammée dans mes narines. Elle brûlera jusqu’aux derniers confins du Scheôl » (Le Deutéronome
dans Isidore Cahen, La Bible : traduction nouvelle avec l’hébreu en regard [auto-édité, Paris, 1851], tome V, p. 145
et la note 22, p. 144-145).
82 Le Livre de Job, ch. XIV, v. 13, traduction de l’hébreu au français consultable en ligne :
https://mechon-mamre.org/f/ft/ft2714.htm.
83 Révérend père Marie-Joseph Lagrange, Évangile selon Saint Luc (J. Gabalda et Cie, 1921), p. 445, note 23.
84 « L’enfer et la Règle de la Foi », publié dans la Revue pratique d’apologétique, 15 septembre 1919, p. 709.
85 « La privation de Dieu qu’on désire voir et qu’on ne verra jamais, — privation pleine d’angoisses, puisque Dieu est
le bien suprême et la fin dernière de l’homme. Être fait pour Dieu, se sentir irrésistiblement entraîné vers lui, et
cependant en être séparé pour toujours, quel supplice ! » Cet article est paru en juin 1914 dans le bulletin
paroissiaux de France. Voir, par exemple, Petit Écho Paroissial de Notre-Dame de Pitié de Puy-Guillaume (p. 11) ;
Le Pilote de Port-en-Bessin. Organe mensuel des intérêts paroissiaux (dos), Bulletin Paroissial de Perreux (p. 11)…
86 Abbé François Espinasse, « Enfants, baptême requis absolument », publié par le site La Porte Latine (source :
https://laportelatine.org/formation/catechisme/enfants-bapteme-requis-absolument).

27
Pourquoi je ne suis plus catholique

peine ? Sentant le sol se dérober sous leurs pieds, les auteurs catholiques reculent alors et entament
un autre discours : ils affirment que si la peine du dam est la même pour tous les damnés, elle
« varie d’intensité selon le nombre et l’énormité des crimes qu’elle châtie »87.
D’où cet état des enfants morts sans baptême 88 : « s’ils sont exclus, privés du bonheur du ciel,
[ils] ne le sont pas par une faute personnelle ; aussi cette exclusion ne comporte-t-elle aucune
affliction. » Par conséquent, le sort des enfants morts sans baptême ne devrait pas être si terrible. En
1918, un bulletin paroissial enseignait89 :

Les enfants morts sans baptême ressusciteront comme les autres hommes, mais dans des conditions
spéciales, particulières à leur état d’âme. Voici à ce sujet l’opinion de [Francisco] Suarez : après la
résurrection, dit-il, ces enfants auront un corps humain parfait en ce qui regarde la taille, la force et
l’âge. Ils ne ressusciteront pas dans des corps d’enfants, mais ils seront des hommes et capables de
se guider par la raison et d’exercer toutes les opérations humaines qui ne supposent ni altération, ni
corruption. La beauté, l’harmonie des proportions seront l’apanage de ces corps, et, comme ils
doivent être immortels, ils seront incorruptibles. Ils n’auront pas besoin de nourriture pour refaire
leurs forces qui ne diminueront point ; la marche ne les fatiguera pas, bien que le mode de
translation reste pour eux ce qu’il est aujourd’hui. Ils ne ressentiront aucune douleur sensible.
Le ciel, la patrie véritable des saints, leur sera fermé. Mais les théologiens les plus graves, dit
Suarez, pensent pieusement que la terre, renouvelée et embellie après les feux du dernier jour,
deviendra le séjour définitif des enfants morts sans baptême. Ils n’auront pas connaissance de leur
déchéance et ils seront résignés, voyant qu’ils n’ont aucun droit à la vision intuitive de Dieu, et
qu’ils ne l’ont pas perdue par leur faute. Ils auront donc un bonheur relatif, sauf qu’ils ne verront
pas Dieu et ne jouiront pas de sa présence.

Parmi les hypothèses « les mieux fondées » concernant les enfants morts sans baptême, l’Ami
du Clergé citait90 :

Ils auraient conscience de la perte de la béatitude céleste, et en souffriraient réellement, quoique
cette douleur fût d’ailleurs pour eux très légère et très douce.
Enfin, ils arriveraient, d’une manière plus ou moins parfaite, à l’amour et à la connaissance de
Dieu ; ils jouiraient ainsi d’un certain bonheur naturel et seraient contents de leur sort.

La peine du dam réduite à… une « douleur très douce », au point que les enfants morts sans
baptême seront « contents de leur sort » ! Plus j’étudiais, et plus je voyais cette peine s’évanouir.
Encore un pas et les limbes réservées à ces petites créatures seraient présentées comme un enfer…
paradisiaque.

5°) Le « paradis “naturel” » des enfants morts sans baptême

Ce pas, l’abbé Gresland l’a franchi. Dans un article publié en 2018 par la Fraternité sacerdotale
Saint-PieX, il affirme que ces enfants seront placés dans un « paradis “naturel” ». L’abbé le décrit
ainsi91 :

87 « En tant qu’elle prive les réprouvés du bien infini qui est Dieu, la peine du dam est égale pour tous et ne comporte
pas de degrés. Les différents degrés de peine, répondant aux degrés de culpabilité, se trouvent dans les sentiments
d’affliction, de tristesse et de désespoir qui sont le résultat de la privation de Dieu. Et c’est seulement sous cet
aspect que la peine du dam varie d’intensité selon le nombre et l’énormité des crimes qu’elle châtie. » (« L’éternité
de l’enfer et la raison », publié dans la Revue pratique d’apologétique, 15 janvier 1925, p. 457).
88 Père Auguste Goupil, Fins dernières de l’homme et du monde. Le Péché (Paris : Giraudon, 1919), p. 141.
89 Bulletin Paroissial de Nabrighen et Longueville. La Voix du Christ, juillet 1918, p. 2.
90 L’Ami du Clergé Paroissial, 6 juin 1901, p. 462, col. B.
91 Abbé Hervé Gresland, « Les limbes des petits enfants » (https://laportelatine.org/formation/theologie/les-limbes-
des-petits-enfants-par-labbe-herve-gresland-20-decembre-2018).

28
J’invite les catholiques à débattre

Les enfants morts sans baptême jouiront éternellement, corps et âme, d’un bonheur naturel plein et
parfait. Leur connaissance de Dieu est une contemplation naturelle, qui grandira sans fin. Tout le
désir de connaître que possède notre âme, et en particulier le désir de connaître la première Cause
de toutes choses, sera contenté. Ils ont une connaissance parfaite de ce qu’on peut connaître par la
raison naturelle, qui les rend capables d’aimer Dieu plus qu’eux-mêmes et plus que tout, d’un
amour naturel parfait dans son genre. Leur volonté est parfaitement conforme à la volonté divine,
dont elles savent qu’elle est sage, juste et bonne. Ils se réjouissent d’être à l’abri de tout péché et de
toute souffrance, et de posséder tous les biens naturels qu’ils tiennent de lui. Ils le louent et lui
rendent grâces pour l’éternité des bienfaits reçus de lui. Cependant leur amour et leurs aspirations
vers Dieu restent sur un plan purement naturel. On peut donc dire que les limbes sont un
« paradis » naturel.

Un « bonheur naturel plein et parfait », une « connaissance de Dieu qui grandira sans fin »,
un « amour naturel parfait dans son genre », une « volonté parfaitement conforme à la volonté
divine », une « éternité de bienfaits reçus de Dieu »… la peine du dam subie par les enfants morts
sans baptême n’est rien d’autre qu’un éden terrestre ! L’abbé Gresland aurait pu écrire comme l’abbé
Bergier 250 ans plus tôt92 : « [Dieu] les prive seulement de la béatitude surnaturelle ». Autrement
dit : « La privation de la vision béatifique, fin dernière de l’Homme ? Pfft, une broutille ! » Une telle
contradiction masque nécessairement une erreur. Cherchons-la.
Pour justifier l’existence de ce « paradis “naturel” », l’abbé Gresland écrit93 :

la privation de la vision de Dieu reste une peine, et objectivement la plus lourde de toutes les
peines. Mais cette privation n’est pas ressentie comme telle par ces âmes [des enfants morts sans
baptême], si bien qu’elles n’en éprouvent aucun chagrin.

6°) Le « paradis “naturel” » : une thèse fausse

Cette remarque rassurante me paraît toutefois fausse. En effet, l’abbé Gresland affirme que
chez les enfants morts sans baptême, la privation de Dieu « n’est pas ressentie comme telle ». Mais
alors, comme quoi est-elle ressentie ? Comme la privation d’un bien naturel ? Non, car au « paradis
“naturel” », la nature offre tout : les corps sont parfaits, personne ne souffre physiquement et tout le
monde possède la vie éternelle. Voilà pourquoi l’article cité plus haut assure que les enfants morts
sans baptême « ne sont soumis non plus à aucune peine sensible. » Au « paradis “naturel” », les
gens sont comblés. Ce qui leur manque, donc ce dont ils ressentent la privation, c’est ce qui n’est
jamais complet, donc ce qui grandit sans fin. De quoi s’agit-il ? L’abbé Gresland répond : chez les
enfants morts sans baptême, la « connaissance de Dieu […] grandira sans fin ». Cela signifie que
ses enfants auront toujours un désir insatisfait de connaître Dieu. Comment s’en étonner ? Saint
Thomas d’Aquin écrivait94 :

l’objet de la volonté, faculté du désir humain, est le bien universel, de même que l’objet de
l’intellect est le vrai universel. D’où il est évident que rien ne peut apaiser la volonté humaine hors
le bien universel. Celui-ci ne se trouve réalisé en aucune créature, mais seulement en Dieu

Cela signifie qu’au « Paradis “naturel” », tous les bienfaits apportés par la nature seront
impuissants à combler le désir de voir Dieu. Dès lors, et contrairement à ce qu’affirme l’abbé
Gresland, chez un enfant mort sans baptême, la privation de Dieu sera toujours ressentie comme
telle.

92 Abbé Nicolas Bergier, Le déisme réfuté par lui-même (Paris : Humblot, 1768 [1765]), p. 186.
93 Abbé Hervé Gresland, « Les limbes des petits enfants », déjà cité.
94 Saint Thomas d’Aquin, Somme théologique, Ia-IIae : « La morale générale », question 2 : « En quels bien consiste
la béatitude ? », article 8.

29
Pourquoi je ne suis plus catholique

Or, toute privation entraîne une douleur morale. Quelle sera son intensité ? Le mystique
Bernard-François de Hoyos affirmait95 : « Les tourments des damnés, et même des supplices plus
cruels encore si possible, seraient endurés avec joie s’ils étaient compatibles avec la vue de Dieu ».
Par conséquent, pour qu’un enfant mort sans baptême puisse ne n’éprouver qu’une « douleur très
douce », il devrait voir Dieu au moins partiellement. Mais c’est impossible, car le Dictionnaire de
théologie catholique explique que Dieu « chasse [le damné] de sa présence »96. A quelle distance se
retrouve-t-il ? Un catéchisme apporte la réponse 97 : « De toute la distance qu’il y a de l’homme à
Dieu, c’est-à-dire une distance infinie. » Dès lors, l’enfant mort sans baptême ne peut avoir une vue
partielle de Dieu. Il s’en trouve isolé comme le pêcheur non repentant. Ainsi en revient-on au
caractère effrayant de la peine du dam, même sous sa forme la plus légère. Prétendre qu’elle pourrait
causer une douleur « très légère et très douce » me paraît être une contre-vérité imaginée pour
tenter de sauver la thèse du « paradis “naturel” » des enfants morts sans baptême.
Une thèse fausse car avant d’avoir atteint l’âge de raison, l’enfant ne peut pas rejeter
« volontairement » une grâce de Dieu. Voilà pourquoi le Christ disait « laissez venir à moi les petits
enfants car le royaume des Cieux est à ceux qui leur ressemblent »98. J’en conclus que, baptême ou
pas, la peine du dam ne peut pas être infligée à un petit enfant. D’ailleurs, l’Encyclopédie catholique
raconte99 :

M. l’abbé Bruguyère, évêque missionnaire, rapporte qu’un païen, homme juste, étant mort, revint,
quelques instants après à la vie et raconta que le Dieu des chrétiens l’avait jugé, en lui disant : « Je
ne puis point te condamner, parce que tu as suivi la droite raison, mais je ne puis point te
récompenser, parce que tu n’es pas chrétien. Je te rends donc la vie pour que tu te fasses baptiser. »
Ce païen vécut donc de nouveau, se fit baptiser […]

Si Dieu a pu parler ainsi à un païen, à plus forte raison devrait-Il dire au petit enfant mort sans
baptême : « Je ne puis point te condamner, parce que tu n’as rejeté aucune grâce ni commis un seul
péché personnel, mais je ne puis point te récompenser, parce que tu n’es pas baptisé. Je te rends
donc la vie pour que tu te fasses baptiser. »

Allons plus loin. Supposons qu’au « paradis “naturel” », la privation de Dieu ne soit « pas
ressentie comme telle » et qu’elle ne provoque « aucun chagrin ». Que penserait-on d’un Roi qui
dirait : « Tous les enfants nés hors-mariage auront les yeux crevés à la naissance. C’est une peine
très lourde bien qu’ils n’aient commis aucune faute personnelle, mais sachant qu’il n’auront jamais
vu, ils ne ressentiront pas leur cécité comme telle et n’en éprouveront aucun chagrin ». Autrement
dit : est-il juste d’infliger une punition imméritée, même si la personne frappée ne la ressent pas

95 Père Jean-Baptiste Couderc, Le V. P. Bernard-François de Hoyos, S. J., premier apôtre du Sacré-Coeur en Espagne
(Tournai : Casterman, 1937), p. 82.
96 « La peine du dam a pour but précisément de punir le péché en tant que par lui le pécheur se détourne de Dieu. Le
damné sent donc, en proportion de ses péchés, le poids de la malédiction de ce Dieu qui s’éloigne de lui à son tour,
et qui le chasse de sa présence. Le damné souffrira d’autant plus qu’il aura une plus grande faculté et un plus grand
besoin de jouir. Les grâces reçues et méprisées ont augmenté en lui cette aptitude et ce besoin, en proportion de
leur nombre. Chaque grâce, en effet, était un appel de Dieu, une invitation à le mieux connaître et à le mieux aimer.
C’était, en même temps une lumière et un moyen pour arriver à ce degré de connaissance et d’amour fixé par Dieu.
Elle créait donc dans l’âme une plus grande disposition à cette connaissance et à cet amour, et, par une suite
naturelle, un plus grand besoin de connaître Dieu et de l’aimer. Donc, autant de grâces rejetées par le pécheur,
autant de degrés inassouvis de puissance et de besoin d’aimer et de posséder Dieu. Chaque grâce méprisée a
creusé davantage l’abîme éternel dans lequel l’âme s’est plongée. » (Dictionnaire de théologie catholique [Paris :
Letouzet et Ané, 1911], tome IV, col. 16-17.
97 Abbé René Rohrbacher, Catéchisme du sens commun et de la philosophie catholique (Paris : Gaume Frères, 1854),
p. 18-19
98 Mt., XIX, 14.
99 Abbé Jean-Baptiste Glaire, Encyclopédie catholique (Paris : Parent Desbarre, 1846), tome X, p. 24, col. B.

30
J’invite les catholiques à débattre

comme telle, donc ne s’en afflige pas ? La réponse est évidemment négative. Or, Dieu étant
infiniment juste, Il ne peut infliger une telle peine.

Voilà pourquoi je ne puis croire en la doctrine de la damnation des enfants morts sans
baptême.

31
II. Le baptême est-il nécessaire pour être sauvé ?

Cela dit, allons encore plus loin. Oui, oublions les deux dernières objections soulevées et
revenons aux enfants privés du royaume des Cieux pour simple absence de baptême. Le Christ, qui
disait « laissez venir à moi les petits enfants car le royaume des Cieux est à ceux qui leur
ressemblent »100, a-t-il vraiment prêché cette doctrine ? Autrement dit : a-t-il vraiment enseigné la
nécessité d’un baptême pour être sauvé ?

1°) L’argument tiré du discours de Jésus à Nicodème

Pour l’affirmer, les catéchistes se fondent tout d’abord sur un passage de l’évangile selon saint
Jean101 : « personne, à moins de naître de l’eau et de l’Esprit, ne peut entrer dans le royaume de
Dieu ».

a) Un enseignement capital prodigué… de nuit, en secret, à une seule personne

Soit. Mais un premier élément surprend. Ce verset provient du discours de Jésus à Nicodème,
une nuit, seul à seul, dans le secret102. Déjà, il est surprenant que le Christ ait attendu de discourir en
secret, la nuit, avec une seule personne, pour formuler cet enseignement capital. Il aurait dû, au
contraire, le prodiguer sur la place publique, en toute occasion. Aussi les évangiles devraient-ils
comporter de nombreux passages où le Christ entretiendrait les foules sur le baptême et sa nécessité.
Or, ils n’en comprennent aucun, si bien que les catéchistes ont dû prendre un discours secret, tenu de
nuit à un personnage énigmatique. Ce simple fait fragilise la thèse de la nécessité du baptême pour
être sauvé.
On m’objectera que sachant tout, le Christ savait à l’avance que son discours à Nicodème
serait rapporté publiquement dans le quatrième évangile pour l’édification des foules. Admettons un
moment — je reviendrai plus tard sur ce point.

100 Mt., XIX, 14.
101 Jn, ch. III, v. 5.
102 « Il y avait un homme, un pharisien nommé Nicodème ; c’était un notable parmi les Juifs. Il vint trouver Jésus
pendant la nuit. Il lui dit : « Rabbi, nous le savons, c’est de la part de Dieu que tu es venu comme un maître qui
enseigne, car personne ne peut accomplir les signes que toi, tu accomplis, si Dieu n’est pas avec lui. » Jésus lui
répondit : « Amen, amen, je te le dis : à moins de naître d’en haut, on ne peut voir le royaume de Dieu. » ( Jn,
ch. III, v. 1-3).

33
Pourquoi je ne suis plus catholique

b) Jésus ne parle ni du sacrement du Baptême, ni, à la même occasion, de la Sainte Trinité

Lisons la suite103 :

Nicodème lui répliqua : « Comment un homme peut-il naître quand il est vieux ? Peut-il entrer une
deuxième fois dans le sein de sa mère et renaître ? » Jésus répondit : « Amen, amen, je te le dis :
personne, à moins de naître de l’eau et de l’Esprit, ne peut entrer dans le royaume de Dieu. Ce qui
est né de la chair est chair ; ce qui est né de l’Esprit est esprit […] » Nicodème reprit : « Comment
cela peut-il se faire ? »

Son interlocuteur demande des précisions concrètes. A cet instant, Jésus n’a qu’à répondre :
« Rien de plus simple : quand j’aurai ouvert les portes du ciel, il suffira de verser de l’eau sur la tête
et dire : “Je te baptise au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit” car Dieu est trinitaire ». C’était
une occasion magnifique d’instaurer le sacrement du baptême et, en outre, de révéler le mystère de
la Sainte Trinité. Mais voici la réponse du Christ104 :

Jésus lui répondit : « Tu es un maître qui enseigne Israël et tu ne connais pas ces choses-là ? Amen,
amen, je te le dis : nous parlons de ce que nous savons, nous témoignons de ce que nous avons vu,
et vous ne recevez pas notre témoignage. Si vous ne croyez pas lorsque je vous parle des choses de
la terre, comment croirez-vous quand je vous parlerai des choses du ciel ? Car nul n’est monté au
ciel sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme. De même que le serpent de bronze fut
élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé, afin qu’en lui tout
homme qui croit ait la vie éternelle . Car Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils
unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle. Car Dieu a
envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit
sauvé. Celui qui croit en lui échappe au Jugement ; celui qui ne croit pas est déjà jugé, du fait qu’il
n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu.

Ce texte ne parle ni d’un quelconque sacrement, ni d’un Dieu trinitaire. Jésus évoque
uniquement le Père et le Fils ainsi que la Rédemption. Or, la question de Nicodème était l’occasion
rêvée d’exposer avec clarté ce sacrement. Je rappelle par exemple que trois évangiles racontent
comment Jésus aurait clairement instauré le sacrement de l’Eucharistie 105. S’Il a décrit l’Eucharistie,
Il aurait dû faire de même avec le Baptême, sacrement essentiel. Mais Il n’en fit rien. Je ne puis
croire que si Jésus était venu pour instaurer ce sacrement nécessaire à la vie éternelle et si son
discours à Nicodème était destiné à être publié plus tard pour l’édification des foules, Il aurait laissé
passer l’occasion. A mes yeux, son silence cette nuit-là prouve que le baptême n’est pas ce
sacrement capital présenté par l’Église.
Pourtant, le Christ a bien parlé d’une renaissance nécessaire pour entrer dans le royaume des
Cieux. Alors qu’en est-il ?

c) La leçon tirée des textes : c’est la Foi qui sauve

Dans son discours, Jésus a parlé du Père et du Fils. A ce propos, l’évangile selon saint Jean
contient un autre passage très important106 :

103 Jn, ch. III, v. 4-9.
104 Jn, ch. III, v. 10-18.
105 « Pendant le repas, Jésus, ayant pris du pain et prononcé la bénédiction, le rompit et, le donnant aux disciples, il
dit : « Prenez, mangez : ceci est mon corps. » Puis, ayant pris une coupe et ayant rendu grâce, il la leur donna, en
disant : « Buvez-en tous, car ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude en rémission des
péchés. » (Mt., XXVI, 26-28. Voir aussi Lc., XXII, 19-20 et Mc., XIV, 22-23).
106 Jn, ch. XIV, v. 6-11.

34
J’invite les catholiques à débattre

Jésus lui répond [à Thomas] : « Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie ; personne ne va vers le
Père sans passer par moi […] » Philippe lui dit : « Seigneur, montre-nous le Père ; cela nous
suffit. » Jésus lui répond : « Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne me connais pas,
Philippe ! Celui qui m’a vu a vu le Père. Comment peux-tu dire : “Montre-nous le Père” ? Tu ne
crois donc pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi ! […] Croyez-moi : je suis dans le
Père, et le Père est en moi ; si vous ne me croyez pas, croyez du moins à cause des œuvres elles-
mêmes. »

Dans ce passage, nulle trace de la Trinité : Jésus ne parle que du Père et du Fils. De plus, il
insiste sur la Foi qui sauve. Ce texte est à rapprocher du verset 18 dans le discours à Nicodème :
« Celui qui croit en lui échappe au Jugement ; celui qui ne croit pas est déjà jugé ». Ce n’est donc
pas un baptême sacramentel qui sauve, mais la croyance au Christ.
Cette Foi nécessaire au salut, elle vient d’en-haut, c’est-à-dire du Ciel. D’où la parole du
verset 3 : « à moins de naître d’en haut, on ne peut voir le royaume de Dieu ». Et Jésus précise
(v. 5) : naître d’en haut, c’est « naître de l’eau et de l’Esprit ». L’esprit, c’est l’intelligence qui donne
la foi ; l’eau, c’est le principe de la Vie éternelle. Mon analyse n’est pas gratuite. Dans l’Apocalypse
de Jean, on lit107 :

1 Puis l’ange me montra l’eau de la vie : un fleuve resplendissant comme du cristal, qui jaillit du
trône de Dieu et de l’Agneau […]
17 L’Esprit et l’Épouse disent : « Viens ! » Celui qui entend, qu’il dise : « Viens ! » Celui qui a soif,
qu’il vienne. Celui qui le désire, qu’il reçoive l’eau de la vie, gratuitement.

« Celui qui entend » l’appel d’en haut, c’est celui qui reçoit l’Esprit, c’est-à-dire la Foi. La Foi
qui fait croire, la croyance qui donne soif et la soif qui fait boire l’eau de la Vie éternelle. L’évangile
de Jean le confirme108 :
Au jour solennel où se terminait la fête, Jésus, debout, s’écria : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à
moi, et qu’il boive, celui qui croit en moi ! Comme dit l’Écriture : De son cœur couleront des
fleuves d’eau vive. » En disant cela, il parlait de l’Esprit Saint qu’allaient recevoir ceux qui
croiraient en lui.

S’adressant à la Samaritaine, Jean expliqua 109 : « celui qui boira de l’eau que moi je lui
donnerai n’aura plus jamais soif ; et l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d’eau
jaillissant pour la vie éternelle. » Autrement dit : celui qui croira ma parole aura la Vie éternelle.
Nul besoin, donc, de baptême : « naître de l’eau et de l’Esprit », c’est croire au Christ et, ainsi, boire
l’eau de la Vie éternelle. L’évangile selon saint-Jean le confirme à cinq reprises 110.
La Foi donne la vie éternelle, car elle permet d’accomplir les œuvres qui sauvent 111 : « Ne
soyez pas étonnés ; l’heure vient où tous ceux qui sont dans les tombeaux entendront sa voix ; alors,
107 Apoc, ch. XXII.
108 Jn, ch. VII, v. 37-39.
109 Jn, ch. IV, v. 14.
110 Jn, ch. III, v. 36 (c’est Jean-Baptiste qui parle) : « Celui qui croit au Fils a la vie éternelle ; celui qui refuse de croire
le Fils ne verra pas la vie, mais la colère de Dieu demeure sur lui. » ; Jn, ch. V, v. 24 (c’est Jésus qui parle) :
« Amen, amen, je vous le dis : qui écoute ma parole et croit en Celui qui m’a envoyé, obtient la vie éternelle et il
échappe au jugement, car déjà il passe de la mort à la vie. » ; Jn, ch. VI, v. 47 : « Amen, amen, je vous le dis : il a
la vie éternelle, celui qui croit. » ; Jn, ch. XI, v. 25-27 : « Jésus lui dit : “Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui
qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ?” Elle
répondit : “Oui, Seigneur, je le crois : tu es le Christ, le Fils de Dieu, tu es celui qui vient dans le monde.” » ; Jn,
ch. XX, v. 30-31 : « Il y a encore beaucoup d’autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont
pas écrits dans ce livre. Mais ceux-là ont été écrits pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et
pour qu’en croyant, vous ayez la vie en son nom. »
111 Jn, ch. V, v. 28-29.

35
Pourquoi je ne suis plus catholique

ceux qui ont fait le bien sortiront pour ressusciter et vivre, ceux qui ont fait le mal, pour ressusciter
et être jugés ». Dans ce passage de l’évangile selon saint Jean, il n’est pas question de baptême pour
être sauvé, mais d’avoir fait le bien.

Voilà pourquoi à mes yeux, c’est à tort que les catéchistes invoquent le discours de Jésus à
Nicodème pour affirmer la nécessité du baptême.

2°) L’argument tiré de la finale de l’évangile selon saint Marc

A cela, on m’objectera l’évangile selon saint Marc.

a) Un verset très clair qui enseigne la nécessité du baptême

Le seizième chapitre raconte qu’au moment d’achever sa mission terrestre, Jésus dit à ses
disciples (je souligne) :

15 […] « Allez dans le monde entier. Proclamez l’Évangile à toute la création.
16 Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé ; celui qui refusera de croire sera condamné
[…] »
19 Le Seigneur Jésus, après leur avoir parlé, fut enlevé au ciel et s’assit à la droite de Dieu.
20 Quant à eux, ils s’en allèrent proclamer partout l’Évangile. Le Seigneur travaillait avec eux et
confirmait la Parole par les signes qui l’accompagnaient.

Dans mon esprit, les catéchistes citaient cette référence car c’était la plus claire, la plus nette,
la plus concise. Mais il allait de soi que, s’agissant de la vie éternelle, la nécessité du baptême devait
figurer en toutes lettres dans les quatre évangiles. Car au moment de quitter physiquement ses
disciples, Jésus devait avoir insisté sur le fait. Toutefois, ayant confiance, je n’avais pas vérifié.

b) Dans l’évangile selon saint Matthieu, c’est la Foi qui sauve

Il fallut attendre mon premier séjour en prison pour que je lise les évangiles intégralement, de
façon systématique. J’appris alors que dans « les meilleurs manuscrits » du texte attribué à Marc, les
derniers versets — et parmi eux, ceux qui affirmaient la nécessité du baptême — n’apparaissaient
pas. Le récit s’achevait avec le neuvième verset du seizième chapitre. Le choc fut immense. Coincé
dans ma cellule, je ne pouvais en apprendre davantage. Mais pensant calmer mon trouble, je
consultai les trois autres évangiles qui, eux aussi, racontaient la fin de la mission terrestre de Jésus.
Qu’avait-Il dit sur la nécessité du baptême ? Je commençais naturellement avec l’évangile selon
saint Matthieu. C’était d’autant plus important qu’on le reconnaît désormais : cet évangile s’inspire
de celui attribué à Marc112. Par conséquent, si la finale — capitale — de Marc se trouvait dans les
manuscrits originaux, elle devrait nécessairement figurer chez Matthieu. Mon trouble augmenta ;
l’évangile selon saint Matthieu rapportait113 :
Jésus s’approcha d’eux et leur adressa ces paroles : « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la
terre. Allez ! De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et
du Saint-Esprit, apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé. Et moi, je suis avec
vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. »

112 Voir, par exemple, Charles Francis Digby Moule, La genèse du Nouveau Testament (Labor et Fides, 1971),
appendice VI, p. 194-202. Voir plus particulièrement à partir de la p. 199.
113 Mt, ch. XXVIII, v. 18-20.

36
J’invite les catholiques à débattre

Certes, il était question d’un baptême pour tous, mais sans en souligner la nécessité. En
particulier, le verset 16 de la finale de Marc était absent. Pour moi, c’était — et cela reste — la
preuve ce verset 16 fut ajouté plus tard (voir plus bas).
Tout comme Jean, Matthieu insistait davantage sur la Foi qui sauve. Ainsi, face au centurion
païen qui lui faisait entière confiance, « Jésus fut dans l’admiration et dit à ceux qui le suivaient :
“Amen, je vous le déclare, chez personne en Israël, je n’ai trouvé une telle foi. Aussi je vous le dis :
Beaucoup viendront de l’orient et de l’occident et prendront place avec Abraham, Isaac et Jacob au
festin du royaume des Cieux” »114. Le message était clair : des païens pourraient être sauvés.
Pourquoi cela ? Parce que la Foi permet les œuvres et, en retour, les œuvres perfectionnent la Foi.
Cet enseignement se trouve dans la Lettre de l’apôtre Jacques115 :
Homme superficiel, veux-tu reconnaître que la foi sans les œuvres ne sert à rien ? N’est-ce pas par
ses œuvres qu’Abraham notre père est devenu juste, lorsqu’il a présenté son fils Isaac sur l’autel du
sacrifice ? Tu vois bien que la foi agissait avec ses œuvres et, par les œuvres, la foi devint parfaite
[…] comme le corps privé de souffle est mort, de même la foi sans les œuvres est morte.

Ce sont donc les œuvres qui, rendant la foi parfaite, sont seules nécessaires au salut.
A cela, on pourra m’opposer la lettre de saint Paul aux Romains116 :
Au contraire, si quelqu’un, sans rien accomplir, a foi en Celui qui rend juste l’homme impie, il lui
est accordé d’être juste par sa foi. C’est ainsi que le psaume de David proclame heureux l’homme à
qui Dieu accorde d’être juste, indépendamment de la pratique des œuvres.

Mais alors, il faut constater que les enseignements se contredisent. Afin de résoudre la
difficulté, j’en reviens à l’évangile selon saint Matthieu. Au vingt-cinquième chapitre, Jésus avertit
ses disciples :
31 « Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il siégera sur
son trône de gloire.
32 Toutes les nations seront rassemblées devant lui ; il séparera les hommes les uns des autres,
comme le berger sépare les brebis des boucs :
33 il placera les brebis à sa droite, et les boucs à gauche.
34 Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite : “Venez, les bénis de mon Père, recevez en
héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde.
35 Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ;
j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ;
36 j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez rendu visite ; j’étais en prison,
et vous êtes venus jusqu’à moi !”
37 Alors les justes lui répondront : “Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu… ? tu avais donc
faim, et nous t’avons nourri ? tu avais soif, et nous t’avons donné à boire ?
38 tu étais un étranger, et nous t’avons accueilli ? tu étais nu, et nous t’avons habillé ?
39 tu étais malade ou en prison… Quand sommes-nous venus jusqu’à toi ?”
40 Et le Roi leur répondra : “Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces
plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.”
41 Alors il dira à ceux qui seront à sa gauche : “Allez-vous-en loin de moi, vous les maudits, dans
le feu éternel préparé pour le diable et ses anges.
42 Car j’avais faim, et vous ne m’avez pas donné à manger ; j’avais soif, et vous ne m’avez pas
donné à boire ;
43 j’étais un étranger, et vous ne m’avez pas accueilli ; j’étais nu, et vous ne m’avez pas habillé ;
j’étais malade et en prison, et vous ne m’avez pas rendu visite.”
114 Mt, ch. VIII, v. 10-11.
115 Jacques, ch. II, v. 22-26.
116 Rom., ch. IV, v. 5-6. Ce message s’adresse à tous, car au verset 11, saint Paul ajoute « [Dieu] est le père de tous ceux
qui croient sans avoir la circoncision, pour qu’à eux aussi, il soit accordé d’être justes ».

37
Pourquoi je ne suis plus catholique

44 Alors ils répondront, eux aussi : “Seigneur, quand t’avons-nous vu avoir faim, avoir soif, être
nu, étranger, malade ou en prison, sans nous mettre à ton service ?”
45 Il leur répondra : “Amen, je vous le dis : chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces
plus petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait.”
46 Et ils s’en iront, ceux-ci au châtiment éternel, et les justes, à la vie éternelle. »

Dans ce long ce passage, aucun baptême n’intervient : le sauvetage ou la perdition dépend
uniquement des œuvres charitables accomplies. L’évangile selon saint Matthieu m’apparut donc
comme faisant du baptême un simple signe de reconnaissance et je compris pourquoi les catéchistes
ne l’invoquaient guère.

c) Le baptême était utile pour les premiers apôtres

La consultation des évangiles selon saint Jean et saint Luc confirma. Dans tous ces textes, la
nécessité de baptême pour être sauvé était absente 117. Si les apôtres avaient reçu l’Esprit-Saint, c’était
en vertu de leur mission spéciale : poursuivre l’œuvre du Christ qui consistait à propager la Bonne
Nouvelle au sein de populations souvent hostiles. Pour cela, il leur fallait une force spéciale,
surnaturelle. Jésus les avait d’ailleurs prévenus118 :
Quand on vous livrera, ne vous inquiétez pas de savoir ce que vous direz, ni comment vous le
direz : ce que vous aurez à dire vous sera donné à cette heure-là. Car ce n’est pas vous qui parlerez,
c’est l’Esprit de votre Père qui parlera en vous.

Le baptême n’était donc pas une nécessité pour être sauvé, mais une arme pour les gens
chargés de consacrer leur vie à la diffusion de la Foi. Cette réalité se retrouve dans la deuxième
lettre de saint Paul à Timothée (ch. IV) :
16 La première fois que j’ai présenté ma défense, personne ne m’a soutenu : tous m’ont abandonné.
Que cela ne soit pas retenu contre eux.
17 Le Seigneur, lui, m’a assisté. Il m’a rempli de force pour que, par moi, la proclamation de
l’Évangile s’accomplisse jusqu’au bout et que toutes les nations l’entendent. J’ai été arraché à la
gueule du lion ;
18 le Seigneur m’arrachera encore à tout ce qu’on fait pour me nuire. Il me sauvera et me fera
entrer dans son Royaume céleste. À lui la gloire pour les siècles des siècles. Amen.

117 Jean racontait ainsi la fin de la mission terrestre du Christ, lorsqu’Il aurait enseigné aux apôtres la nécessité du
baptême : « Jésus leur dit de nouveau : “La paix soit avec vous ! De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je
vous envoie”. Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et il leur dit : “Recevez l’Esprit Saint. À qui vous remettrez ses
péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus”. » (Jn, ch. XX, v. 21-23.) Luc
précisait : « [Jésus] leur dit : “Ainsi est-il écrit que le Christ souffrirait, qu’il ressusciterait d’entre les morts le
troisième jour, et que la conversion serait proclamée en son nom, pour le pardon des péchés, à toutes les nations, en
commençant par Jérusalem. À vous d’en être les témoins. Et moi, je vais envoyer sur vous ce que mon Père a
promis. Quant à vous, demeurez dans la ville jusqu’à ce que vous soyez revêtus d’une puissance venue d’en haut.”
Puis Jésus les emmena au dehors, jusque vers Béthanie ; et, levant les mains, il les bénit. Or, tandis qu’il les
bénissait, il se sépara d’eux et il était emporté au ciel. Ils se prosternèrent devant lui, puis ils retournèrent à
Jérusalem, en grande joie. Et ils étaient sans cesse dans le Temple à bénir Dieu. » (Lc, ch. XXIV, v. 46-53.) Un
récit similaire figurait au premier chapitre des Actes des apôtres (v. 3-5, 9) : « C’est à eux qu’il s’est présenté vivant
après sa Passion ; il leur en a donné bien des preuves, puisque, pendant quarante jours, il leur est apparu et leur a
parlé du royaume de Dieu. Au cours d’un repas qu’il prenait avec eux, il leur donna l’ordre de ne pas quitter
Jérusalem, mais d’y attendre que s’accomplisse la promesse du Père. Il déclara : “Cette promesse, vous l’avez
entendue de ma bouche : alors que Jean a baptisé avec l’eau, vous, c’est dans l’Esprit Saint que vous serez baptisés
d’ici peu de jours […] vous allez recevoir une force quand le Saint-Esprit viendra sur vous ; vous serez alors mes
témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre.” […] Après ces paroles,
tandis que les Apôtres le regardaient, il s’éleva, et une nuée vint le soustraire à leurs yeux. »
118 Mt., ch. X, v. 19-20.

38
J’invite les catholiques à débattre

Conclusion : la finale de Marc, ajoutée plus tard, ne me semble pas correspondre à
l’enseignement du Christ

La lecture systématique des évangiles me fit déduire que pour affirmer la nécessité du
baptême, les catéchistes se fondaient sur le passage apocryphe d’un évangile : une finale qui, j’en
eus la confirmation ensuite, manquait dans la plupart des anciens manuscrits. Pouvait-on objecter
que ces manuscrits sans le passage étaient incomplets, donc qu’il n’y avait pas eu ajout chez les
autres, mais oubli chez certains ? Non, car le manuscrit E 229, qui comprend cette finale, révèle une
information ajoutée à l’encre rouge : « du prêtre Ariston »119. L’ajout était donc admis. L’auteur
indiqué, Ariston, était en outre connu : il s’agissait d’un presbytre (c’est-à-dire un « ancien ») qui
vivait au commencement du deuxième siècle. Au terme d’une discussion sur cette finale de Marc,
E. Jacquier écrit120 :

Il est […] certain que ces versets représentent une tradition d’abord orale, qui se répandit, tout
d’abord en dehors du texte canonique, et qu’ensuite on ne sut plus à quel évangile la rattacher, ce
qui explique sa présence dans Matthieu, dans les Évangéliaires, et son absence dans certains
manuscrits de Luc.

J’en déduis que ce récit de l’ascension du Christ devant ses apôtres est une histoire apparue
plus tard, lorsque le christianisme se répandit. Il fut alors ajouté aux premiers comptes-rendus. C’est
caractéristique de la rumeur inventée, donc sans historicité, faite pour embellir. Ariston (ou
quelqu’un d’autre avant lui) l’a complétée d’un détail de son crû afin d’imposer le baptême comme
une nécessité. A l’heure où l’Église se formait, c’était dans son intérêt.

Cette altération des manuscrits n’a rien de surprenant. Dans son étude sur les évangiles
apocryphes, Michel Nicolas souligne la propension des premiers chrétiens à modifier les textes
originaux121 :

Si en certaines Églises en possession de l’Évangile hébreu de Matthieu, on en retrancha quelques
parties, entre autres les deux premiers chapitres [sur sa généalogie], ce fut certainement parce qu’il
semblait que le Seigneur y était rabaissé à la taille commune de la faible humanité. Si dans d’autres
de ces Églises, on y ajouta quelques détails empruntés à la tradition orale qui prit si vite les plus
larges proportions au milieu d’hommes doués de plus d’imagination que de sens historique, ce fut
pour enrichir la vie du Seigneur de quelques nouveaux détails extraordinaires. Si ailleurs on y
intercala quelques philosophèmes d’une profondeur en réalité fort douteuse, mais de grande
apparence, ce fut parce qu’ils parurent dignes du divin fondateur du christianisme. Toute grande
pensée, grande du moins au jugement des croyants de cette époque, devait venir de lui ; elle ne
pouvait pas avoir une autre origine.

On ne sera donc pas surpris que les évangiles renferment des ajouts qui, souvent, rapportent
des faits ou des dialogues inauthentiques. Un exemple flagrant se trouve dans l’évangile selon saint
Marc. Il concerne la guérison d’un enfant épileptique possédé. Luc la raconte ainsi 122 :

Et voilà qu’un homme, dans la foule, se mit à crier : « Maître, je t’en prie, regarde mon fils, car
c’est mon unique enfant, et il arrive qu’un esprit s’empare de lui, pousse tout à coup des cris, le
119 Frédéric Macler, Le texte arménien de l’évangile d’après Matthieu et Marc (Paris : Imprimerie Nationale, 1919),
p. 631.
120 Eugène Jacquier, Histoire des Livres du Nouveau Testament (Paris : Librairie Victor Lecoffre, 1905), t. II. Pour la
discussion, voy. p. 500-507. Le passage cité figure, pp. 506-507
121 Michel Nicolas, Des doctrines religieuses des Juifs pendant les deux siècles antérieurs à l’ère chrétienne (Paris :
Michel Lévy Frères, 1866), p. 13.
122 Lc., IX, 38-42.

39
Pourquoi je ne suis plus catholique

secoue de convulsions et le fait écumer ; il ne s’éloigne de lui qu’à grand-peine en le laissant tout
brisé. J’ai prié tes disciples d’expulser cet esprit, mais ils n’ont pas pu le faire. » Prenant la parole,
Jésus dit : « Génération incroyante et dévoyée, combien de temps vais-je rester près de vous et vous
supporter ? Fais avancer ici ton fils. » À peine l’enfant s’était-il approché que le démon le terrassa
et le fit entrer en convulsions. Jésus menaça l’esprit impur, guérit l’enfant et le rendit à son père.

Matthieu offre un récit similaire123. Voici maintenant la façon dont Marc rapporte le même
événement. Le passage ajouté figure en italique — ce qui sert à l’intercaler a en outre été souligné.
Si on retranche cet ajout, le récit ressemble à celui des deux autres évangélistes 124 :
17 Quelqu’un dans la foule lui répondit : « Maître, je t’ai amené mon fils, il est possédé par un
esprit qui le rend muet ;
18 cet esprit s’empare de lui n’importe où, il le jette par terre, l’enfant écume, grince des dents et
devient tout raide. J’ai demandé à tes disciples d’expulser cet esprit, mais ils n’en ont pas été
capables. »
19 Prenant la parole, Jésus leur dit : « Génération incroyante, combien de temps resterai-je auprès
de vous ? Combien de temps devrai-je vous supporter ? Amenez-le-moi. »
20 On le lui amena. Dès qu’il vit Jésus, l’esprit fit entrer l’enfant en convulsions ; l’enfant tomba et
se roulait par terre en écumant.
21 Jésus interrogea le père : « Depuis combien de temps cela lui arrive-t-il ? » Il répondit :
« Depuis sa petite enfance.
22 Et souvent il l’a même jeté dans le feu ou dans l’eau pour le faire périr. Mais si tu peux quelque
chose, viens à notre secours, par compassion envers nous ! »
23 Jésus lui déclara : « Pourquoi dire : “Si tu peux”… ? Tout est possible pour celui qui croit. »
24 Aussitôt le père de l’enfant s’écria : « Je crois ! Viens au secours de mon manque de foi ! »
25 Jésus vit que la foule s’attroupait ; il menaça l’esprit impur, en lui disant : « Esprit qui rends
muet et sourd, je te l’ordonne, sors de cet enfant et n’y rentre plus jamais ! »
26 Ayant poussé des cris et provoqué des convulsions, l’esprit sortit. L’enfant devint comme un
cadavre, de sorte que tout le monde disait : « Il est mort. »
27 Mais Jésus, lui saisissant la main, le releva, et il se mit debout.

Le passage ajouté est introduit par une question totalement inutile (peu importe depuis quand
le démon possède l’enfant). Il se termine comme si Jésus souhaitait accomplir un miracle avant que
les gens ne s’attroupent. Or, le verset 17 précisait qu’au départ, le père de l’enfant se trouvait « dans
la foule ». L’attroupement était donc déjà formé. La conclusion s’impose : les versets 21 à 25 ont été
ajoutés pour souligner l’importance de la Foi. C’est peut-être très utile, mais un fait demeure : la
scène et le dialogue ont été inventés.

A mes yeux, il en va de même avec la finale de cet évangile selon saint Marc : inventée, elle a
été introduite pour souligner la nécessité du baptême.
Les catholiques tentent d’en sortir avec l’argument suivant : même ajoutée par un autre, « Il est
certain que la finale est canonique et inspirée »125. Inspirée, vraiment ? Cette finale comprend les
deux versets suivants126 :
Voici les signes qui accompagneront ceux qui deviendront croyants : en mon nom [dit le Christ], ils
expulseront les démons ; ils parleront en langues nouvelles ; ils prendront des serpents dans leurs
123 « Quand ils eurent rejoint la foule, un homme s’approcha de lui, et tombant à ses genoux, il dit : “Seigneur, prends
pitié de mon fils. Il est épileptique et il souffre beaucoup. Souvent il tombe dans le feu et, souvent aussi, dans l’eau.
Je l’ai amené à tes disciples, mais ils n’ont pas pu le guérir.” Prenant la parole, Jésus dit : “Génération incroyante
et dévoyée, combien de temps devrai-je rester avec vous ? Combien de temps devrai-je vous supporter ? Amenez-le-
moi.” Jésus menaça le démon, et il sortit de lui. À l’heure même, l’enfant fut guéri. » (Mt., XVII, 14-18).
124 Mc, ch. IX.
125 Père Marie-Joseph Lagrange, Évangile selon Saint Marc (Paris : Librairie Lecoffre, 1935), p. 169, note.
126 Mc, ch. XVI, v. 17-18.

40
J’invite les catholiques à débattre

mains et, s’ils boivent un poison mortel, il ne leur fera pas de mal ; ils imposeront les mains aux
malades, et les malades s’en trouveront bien.

Les croyants baptisés peuvent-ils se targuer de tout cela ? Non.
Un commentateur anonyme du XVIIIe siècle avait vu la difficulté. Aussi appliquait-il cette
promesse aux « premiers temps de l’Église ». Car c’ « était nécessaire pour attirer à la foi ceux qui
ne croyaient pas encore », alors que c’était « inutile pour ceux qui avaient déjà la foi »127. Fallait-il
en déduire qu’au bout de quelques siècles, le monde entier était chrétien ? Non, naturellement. Dès
lors, pourquoi cette promesse avait-elle cessé ? Et pourquoi n’avait-elle pas repris aux moments des
schismes, de la Réforme, de la Révolution, de la Séparation de l’Église et l’État, etc. ? Depuis
Vatican II, enfin, les catholiques dits « traditionalistes » se considèrent comme les représentants de
la vraie Église dont la mission serait de convertir à nouveau le monde. Par conséquent, ils devraient
tous posséder ces dons merveilleux. Or, il n’en est rien.
L’auteur de la finale de Marc était donc bien mal « inspiré ».

Mais j’entends déjà la réponse : « Si vous remettez en cause la nécessité du baptême, alors
vous rejetez la doctrine du Péché originel ». J’en conviens. Mais je ne le rejette pas arbitrairement.
J’y consacrerai le prochain chapitre car, en 1765, un docteur en théologie, l’abbé Bergier, souligna
l’importance capitale de cette question128 : « Si la révélation du péché originel est fausse, écrit-il,
toute la croyance chrétienne est nulle ». Le sujet mérite donc tous les développements nécessaires.

127 Le Saint Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc, traduit en françois, avec une explication tirée des Saints Pères
& des Auteurs Ecclésiastiques (Paris : Desprez & Cavelier, 1746), p. 326-327.
128 Abbé Nicolas Bergier, Le déisme réfuté par lui-même, déjà cité, p. 184.

41
III. La doctrine du Péché originel

Tout d’abord, je souligne que cette doctrine est totalement absente des quatre évangiles. Il est
tout de même surprenant que Jésus n’en ait pas parlé ou que, l’ayant enseignée durant sa mission
terrestre, ni Matthieu, ni Marc, ni Luc ni Jean n’aient jugé opportun de le rapporter.

1°) L’Ancien Testament n’appuie pas la doctrine du Péché originel

Les catholiques croient pouvoir discerner la doctrine du Péché originel dans l’Ancien
Testament. Certains invoquent le Livre de Job, chapitre XIV, verset 16. Un catéchisme pour jeunes
le traduisait ainsi129 : « Nul n’est exempt de péché, pas même l’enfant qui vient de naître ». Mais le
voici correctement traduit et remis dans son contexte130 :

1 L’homme, né de la femme, n’a que peu de jours à vivre, et il est rassasié de troubles […].
3 Et c’est sur cet être que tu as les yeux ouverts ! Moi-même, tu me forces à comparaître en justice
avec toi !
4 Qui donc pourrait tirer quelque chose de pur de ce qui est impur ? Pas un !

Job lance qu’étant impur, le Seigneur lui-même ne pourra rien trouver en lui de pur. Peut-être
dit-il que, par nature, l’Homme est impur, mais rien ne prouve que cette nature viendrait d’un péché
commis au début des temps et qui se transmettrait de génération en génération.

Le Psaume LI, verset 5, confirme. Lui aussi est invoqué131. David confesse à Dieu : « Voici, je
suis né dans l’iniquité, Et ma mère m’a conçu dans le péché. » S’il est né « dans l’iniquité », la faute
revient à sa mère qui l’a « conçu dans le péché ». Mais là encore, rien ne prouve que ce péché
maternel serait celui commis par Eve et qu’il aurait été transmis de génération en génération.
Ces deux versets pourraient tout au plus venir comme une confirmation de la doctrine du
péché originel. Mais pour cela, encore faudrait-il que cette doctrine ait été établie préalablement.
Or, il n’en est rien : la Bible reste muette sur le péché originel. La meilleure preuve est que dans son
décret sur le Péché originel, le Concile de Trente a uniquement invoqué l’épître de saint Paul aux
Romains132. Il n’y avait donc rien de probant dans l’Ancien Testament.
129 « Catéchisme de première communion » publié dans L’Ami du Clergé Paroissial, 1892, p. 177, col. B.
130 Job., ch. XIV.
131 Voir, par exemple, abbé Nicolas Bergier, Le déisme réfuté par lui-même, déjà cité, p. 185.
132 « Si quelqu’un soutient que la prévarication d’Adam a été préjudiciable à lui seul, et non à sa postérité ; que la
sainteté et la justice dont Dieu l’avait doué, et qu’il a perdues, il les a perdues pour lui uniquement, et non pas
aussi pour nous ; ou que, souillé par le péché de désobéissance, il n’a transmis à tout le genre humain que la mort
et les peines du corps, sans lui transmettre le péché, qui est la mort de l’Ame, qu’il soit anathème, puisqu’il
contredit ces paroles de l’Apôtre : Par un seul homme le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort ; et

43
Pourquoi je ne suis plus catholique

2°) Le péché originel : une doctrine qui repose sur un écrit de saint Paul
a) La formulation de saint Paul
Il faudra donc attendre saint Paul pour que cette doctrine reçoive une formulation. Le Concile
de Trente invoque le cinquième chapitre de sa lettre aux Romains. Saint Paul écrit 133 :

12 Nous savons que par un seul homme, le péché est entré dans le monde, et que par le péché est
venue la mort ; et ainsi, la mort est passée en tous les hommes, étant donné que tous ont péché.
13 Avant la loi de Moïse, le péché était déjà dans le monde, mais le péché ne peut être imputé à
personne tant qu’il n’y a pas de loi.
14 Pourtant, depuis Adam jusqu’à Moïse, la mort a établi son règne, même sur ceux qui n’avaient
pas péché par une transgression semblable à celle d’Adam. Or, Adam préfigure celui qui devait
venir.

La doctrine du Péché originel est donc tardive. On m’objectera que c’est sans importance, car
saint Paul ayant écrit sous l’inspiration du Saint Esprit, son enseignement est attesté par Dieu lui-
même. L’ennui est qu’en matière d’inspiration, le cas de saint Paul se révèle problématique.
b) Saint Paul était-il vraiment un auteur « inspiré » ?

Je passerai rapidement sur sa première lettre aux Corinthiens 134 : « La nature elle-même ne
vous enseigne-t-elle pas que, pour un homme, il est déshonorant d’avoir les cheveux longs » ?
Pourtant, si l’on croit en l’authenticité du saint Suaire de Turin — ce qui semble être le cas de la
Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X135 — alors il faut admettre qu’au moment de sa mort, les cheveux
du Christ lui tombaient sur les épaules. Les images rendues par les appareils les plus perfectionnés
sont indiscutables136. Me dira-t-on qu’Il n’a pas les cheveux longs et que cette coiffure peut être
considéré comme courte ? Alors je demanderai à un élève d’une école de la Fraternité sacerdotale
Saint-Pie X de se présenter ainsi en classe, en disant qu’il a les cheveux courts. J’attends la réaction
du directeur.
Mais passons, car il y a plus grave : saint Paul « inspiré » croyait en l’imminence de la venue
du Jugement et, donc, du royaume des Cieux. Écrivant aux Corinthiens, il lançait137 :
Frères, je dois vous le dire : le temps est limité. Dès lors, que ceux qui ont une femme soient
comme s’ils n’avaient pas de femme, ceux qui pleurent, comme s’ils ne pleuraient pas, ceux qui ont
de la joie, comme s’ils n’en avaient pas, ceux qui font des achats, comme s’ils ne possédaient rien,
ceux qui profitent de ce monde, comme s’ils n’en profitaient pas vraiment. Car il passe, ce monde
tel que nous le voyons.

Paul ne disait pas : « Car vous serez bientôt délivrés par la mort » ; non, il encourageait ses
frères en affirmant que le temps laissé au monde présent — « tel que nous le voyons » — « est
ainsi la mort est passée dans tous les hommes, en celui dans lequel ils ont tous péché (Rm 5, 12) » (Concile de
Trente, 5e session, canon 2. En ligne : https://laportelatine.org/formation/magistere/decret-sur-le-peche-originel).
133 Rom., ch. V.
134 I, Cor, ch. XI, v. 14.
135 « Saint Suaire : c’est le sang d’un homme torturé et soumis à des souffrances atroces », abbé François-Marie
Chautard, « Une relique méconnue et surprenante »… articles publiés par le site La Porte Latine
(https://laportelatine.org).
136 Voir, par exemple, « Contemplons-nous le vrai visage du Christ ? » publié par le Centre Béthanie
(http://www.centrebethanie.org/2014/09/contemplons-nous-le-vrai-visage-du-christ.html).
137 I Co., VII, 29-31. Saint Paul écrivit aussi à Timothée : « Sache-le bien : dans les derniers jours surviendront des
moments difficiles. En effet, les gens […] auront des apparences de piété, mais rejetteront ce qui fait sa force.
Détourne-toi aussi de ces gens-là ! » (I Thim., III, 1-5 ) Paul demandait donc à Timothée de se détourner des gens
qui, « dans les derniers jours », pèchent.

44
J’invite les catholiques à débattre

limité ». Peu après, d’ailleurs, il ajoutait138 : « Ce qui leur est arrivé devait servir d’exemple, et
l’Écriture l’a raconté pour nous avertir, nous qui nous trouvons à la fin des temps ».

Voilà pourquoi il annonçait139 :

Nous ne mourrons pas tous, mais tous nous serons transformés, et cela en un instant, en un clin
d’œil quand, à la fin, la trompette retentira. Car elle retentira, et les morts ressusciteront,
impérissables, et nous, nous serons transformés.

On en déduit que les contemporains de Paul seraient encore vivants au moment de la
résurrection finale. Le même message se trouve dans sa première lettre aux Thessaloniciens 140 :

[…] sur la parole du Seigneur, nous vous déclarons ceci : nous les vivants, nous qui sommes encore
là pour la venue du Seigneur, nous ne devancerons pas ceux qui se sont endormis. Au signal donné
par la voix de l’archange, et par la trompette divine, le Seigneur lui-même descendra du ciel, et
ceux qui sont morts dans le Christ ressusciteront d’abord. Ensuite, nous les vivants, nous qui
sommes encore là, nous serons emportés sur les nuées du ciel, en même temps qu’eux, à la
rencontre du Seigneur. Ainsi, nous serons pour toujours avec le Seigneur […]
Vous savez très bien que le jour du Seigneur vient comme un voleur dans la nuit […] Mais vous,
frères, comme vous n’êtes pas dans les ténèbres, ce jour ne vous surprendra pas comme un voleur.

Paul écrivait cela « sur la parole du Seigneur ». Vous comprendrez pourquoi je ne considère
pas saint Paul comme ayant écrit sous l’inspiration du Saint-Esprit. Certes, cela ne suffit pas pour
conclure que la doctrine du Péché originel serait fausse. Pour la juger, mieux vaut revenir au récit de
la Genèse.

3°) Dans la Genèse, la tentation d’Eve a été l’œuvre de l’animal appelé « serpent »

A deuxième chapitre, Yahvé créé Adam et le place dans le jardin d’Éden. Il lui dit alors : « Tu
peux manger les fruits de tous les arbres du jardin ; mais l’arbre de la connaissance du bien et du
mal, tu n’en mangeras pas ; car, le jour où tu en mangeras, tu mourras. » (v. 16-17). Puis Il créé
Eve. Le Catéchisme de l’Église catholique enseigne141 :

L’homme, tenté par le diable, a laissé mourir dans son cœur la confiance envers son Créateur et, en
abusant de la liberté, a désobéi au commandement de Dieu. C’est en cela qu’a consisté le premier
péché de l’homme. Tout péché, par la suite, sera une désobéissance à Dieu et un manque de
confiance en sa bonté.

Le Péché originel serait donc un péché de désobéissance causé immédiatement par la tentation
du Diable, que les catholiques appellent aussi Satan 142. Soit. Mais l’Ancien Testament présente Satan
comme une entité céleste qui évolue librement entre le ciel et la terre, qui s’entretient amicalement
avec Dieu et qui parie avec Lui. C’est dans le Livre de Job, au premier chapitre :

6 Le jour où les fils de Dieu [les Elôhim] se rendaient à l’audience du Seigneur, le Satan,
l’Adversaire, lui aussi, vint parmi eux.
138 I Cor., ch. X, v. 11.
139 I Cor., ch. XV, v. 51-52.
140 I. Thes., ch. IV-V, v. 15-17 et 1-4.
141 Catéchisme de l’Église catholique, déjà cité, p. 89.
142 Dans son article « Le véritable péché de Satan », l’abbé Chautard parle bien de Lucifer, autrement dit du Diable. A
la note 4 d’ailleurs, il écrit : « le Diable aurait pu rester bon » (en ligne : https://laportelatine.org/spiritualite/le-
veritable-peche-de-satan#identifier_4_104298)

45
Pourquoi je ne suis plus catholique

7 Le Seigneur lui dit : « D’où viens-tu ? » L’Adversaire répondit : « De parcourir la terre et d’y
rôder. »
8 Le Seigneur reprit : « As-tu remarqué mon serviteur Job ? Il n’a pas son pareil sur la terre : c’est
un homme intègre et droit, qui craint Dieu et s’écarte du mal. »
9 L’Adversaire riposta : « Est-ce pour rien que Job craint Dieu ?
10 N’as-tu pas élevé une clôture pour le protéger, lui, sa maison et tout ce qu’il possède ? Tu as
béni son travail, et ses troupeaux se multiplient dans le pays.
11 Mais étends seulement la main, et touche à tout ce qu’il possède : je parie qu’il te maudira en
face ! »
12 Le Seigneur dit à l’Adversaire : « Soit ! Tu as pouvoir sur tout ce qu’il possède, mais tu ne
porteras pas la main sur lui. » Et l’Adversaire se retira.

Satan est donc le tentateur qui agit en accord avec Dieu. Mais s’il en est ainsi, alors pourquoi
Dieu l’a-t-Il puni après qu’il eût tenté Eve ? Un catholique me répondra en citant saint Augustin143 :

N’allons pas croire du reste que le démon ait fait choix du serpent pour tenter l’homme et l’engager
au péché ; sa volonté perverse et jalouse lui inspirait le désir de tromper, mais il ne put exécuter ses
desseins que par l’entremise de l’animal dont Dieu lui avait permis de prendre la figure. L’intention
coupable dépend de la volonté chez les êtres ; quant au pouvoir de la réaliser, il vient de Dieu, qui
ne l’accorde que par un arrêt mystérieux de sa justice profonde, tout en restant lui-même
inaccessible à l’iniquité.

On en déduit que si Yahvé punit le démon, c’est à cause de sa volonté perverse préexistante à
l’acte lui-même. Soit là encore. Mais cette explication de saint Augustin affirme que le Lucifer prit
la forme du serpent. Or, considérons le troisième chapitre de la Genèse. Cela nous mènera loin,
mais c’est nécessaire si l’on veut juger la doctrine chrétienne. L’histoire de la tentation d’Eve
commence ainsi :

Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs que le Seigneur Dieu avait faits. Il dit
à la femme : « Alors, Dieu vous a vraiment dit : “Vous ne mangerez d’aucun arbre du jardin” ? »

La première phrase est limpide : « Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des
champs que le Seigneur Dieu avait faits ». L’auteur ne dit rien d’un Lucifer qui se serait déguisé en
serpent ou qui serait venu l’habiter. Le serpent est considéré comme un animal parmi les autres. Il
est juste le plus rusé. Le fait qu’il parle n’y change rien (voir annexe 1).
A cela s’ajoute un autre argument ; au moment de punir le serpent qui a tenté Eve, Dieu
lance144 :

Parce que tu as fait cela, tu seras maudit parmi tous les animaux et toutes les bêtes des champs. Tu
ramperas sur le ventre et tu mangeras de la poussière tous les jours de ta vie. Je mettrai une hostilité
entre toi et la femme, entre ta descendance et sa descendance : celle-ci te meurtrira la tête, et toi, tu
lui meurtriras le talon.

Là encore, c’est limpide : Dieu punit non pas une quelconque puissance supérieure (Lucifer),
mais l’espèce animale appelée serpent, considérée dans son rapport avec « tous les animaux et
toutes les bêtes des champs » : tous les serpents, désormais ramperont en mangeront de la
poussière145. Dans cet épisode, il n’est pas question d’un Séraphin déchu.
143 Saint Augustin, Œuvres complètes, Livre XI : « La Chute et châtiment d’Adam », chapitre II. En ligne :
http://palimpsestes.fr/textes_divers/p/augustin/genese/genlit/gen3k.htm.
144 Gen., III, v. 14-15.
145 Cet argument n’est pas nouveau. En 1897, Victor Sidermann écrivit : « Mais la preuve qu’il n’est question ici que
d’un serpent […] c’est que la punition qui le frappe ne vise absolument en lui que l’animal et nullement le démon

46
J’invite les catholiques à débattre

4°) Les anges sont totalement absents de la Genèse

Est-ce étonnant ? Non, car dans le récit de la création, la Genèse ne parle pas de la chute des
anges qui auraient eu à leur tête Lucifer. Mieux encore : le récit ne parle pas d’anges du tout. On
lit146 :

Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. La terre était informe et vide, les ténèbres étaient
au-dessus de l’abîme et le souffle de Dieu planait au-dessus des eaux […].
Dieu fit le firmament, il sépara les eaux qui sont au-dessous du firmament et les eaux qui sont au-
dessus. Et ce fut ainsi. Dieu appela le firmament « ciel » […].
Et Dieu dit : « Qu’il y ait des luminaires au firmament du ciel, pour séparer le jour de la nuit ;
qu’ils servent de signes pour marquer les fêtes, les jours et les années ; et qu’ils soient, au
firmament du ciel, des luminaires pour éclairer la terre. » Et ce fut ainsi. Dieu fit les deux grands
luminaires : le plus grand pour commander au jour, le plus petit pour commander à la nuit ; il fit
aussi les étoiles.

Dieu s’occupe ensuite de peupler la Terre. Comment croire que Moïse, qui écrivait sous
l’opération du Saint-Esprit, aurait oublié de raconter la création des anges, un événement si
important pour l’économie divine ? C’est impossible. Si, donc, on s’en réfère à l’Écriture sainte, alors
on doit avouer qu’avant la chute de l’Homme, aucun ange n’a été créé.

5°) Dans la Genèse, les « Élôhim » ne sont pas les anges, mais les « fils de Dieu »

Ici, certains catholique m’objecteront : « Mais à qui Dieu pouvait-Il donc parler quand Il dit :
“Faisons l’homme à notre image” ? » Dans sa deuxième homélie sur la Genèse, saint Jean
Chrysostome répond : le Créateur parlait alors à son « Fils unique »147, donc pas à des anges.

a°) Les « Élôhim » dans le Livre de Job

Toutefois, l’affaire se complique car pour affirmer l’existence des anges malgré leur absence
dans la Genèse, le catéchisme invoque un verset du Livre de Job. Le voici remis dans son contexte ;
Dieu lui-même interroge Job148 :

Où étais-tu quand j’ai fondé la terre ? Indique-le, si tu possèdes la science ! […] Sur quoi ses bases
furent-elles appuyées, et qui posa sa pierre angulaire tandis que chantaient ensemble les étoiles du
matin et que tous les fils de Dieu criaient d’allégresse ?

Dans ce passage, « fils de Dieu » seraient les anges149. La version en hébreu parle des
« Élôhim » (‫)ﬦ’הּﬥאָﬨﬣ’נּבּ‬. Sans même connaître le sens de ce dernier terme (nous le verrons plus
loin), j’affirme qu’il ne peut s’agir des anges. En effet, le passage de Job explique que Dieu fonda la
que très arbitrairement une exégèse ultérieure s’est avisée de lui substituer. » (Victor Sidermann, L’avocat du
Diable, déjà cité, p. 89-90).
146 Gen., I, 1-2, 7-8, 14-16.
147 « Mais à qui donc parle Dieu en disant : “Faisons l’homme” ? Au “conseiller merveilleux” qui a toute puissance,
au “Dieu fort”, au “Prince de la paix”, au “Père des siècles à venir” (Is 9,6), au Fils unique de Dieu. C’est donc à
lui qu’il dit : “Faisons l’homme à notre image, comme notre ressemblance.” » (voir la seconde homélie se saint
Jean Chrysostome sur la Genèse, § 3 ; consultable en en ligne : http://www.migne.fr/textes/peres-eglise/32-pdf-022-
jean-chrysostome-la-genese-et-cesaire-d-arles-homelies#appel103).
148 Job, ch. XXXVIII, 4, 6-7.
149 Abbé de Lantages, « Catéchisme de la foi et des mœurs chrétiennes », déjà cité, col. 49. L’ouvrage date du
XVIIe siècle. Trois siècles plus tard, l’enseignement est resté le même : voy. Catéchisme de l’Église catholique, déjà
cité, p. 78, note 2.

47
Pourquoi je ne suis plus catholique

Terre « tandis que chantaient ensemble les étoiles du matin et que tous les fils de Dieu/Élôhim
criaient d’allégresse ». Il y a donc simultanéité entre ces événements. Or, d’après la Genèse, Dieu
créa la Terre, le premier jour : « Au commencement, Dieu créa le Ciel et la Terre »150. On en déduit
que les « étoiles du matin » et les « fils de Dieu » ont été créés le premier jour.
La Genèse confirme-t-elle ? Elle affirme qu’en ce lundi, Dieu créa la lumière 151 : « Dieu dit :
“Que la lumière soit” ». Par conséquent, on peut identifier les « étoiles du matin » de Job à cette
« lumière ». Mais les « fils de Dieu », eux, ne sont mentionnés nulle part ! Dans Job pourtant, ils
sont là, qui crient d’allégresse. Ils étaient donc déjà là, ce qui implique leur présence de toute
éternité (puisqu’il n’y a pas eu deux créations). D’ailleurs, le Catéchisme de l’Église catholique
commente ainsi le passage de Job152 : « Ils sont là dès la création. » Les auteurs n’ont pas osé dire
que les anges auraient été créés le premier jour, car c’était trop contradictoire avec la Genèse. Mais
ils n’ont pas dit non plus que ces êtres ailés existaient de toute éternité, car le catéchisme les définit
comme « de purs esprits, […] qui furent créés dans un état de justice et de sainteté »153. Les anges
ayant été créés, ils n’existent pas de toute éternité.
b) Confirmation : les « Élôhim » sont bien les « fils de Dieu » ou « les dieux »
La gène du catéchisme catholique moderne est évidente. Une question se pose alors : qui sont
ces « fils de Dieu », ces Élôhim ? Pour répondre, considérons le texte de la Genèse en hébreu. Une
inscription découverte dans une ancienne synagogue samaritaine de Naplouse nous en donne une
version qui remonte très loin dans le temps. Elle commence ainsi : « Berêschith : bàrà : Elôhîm »154.
En hébreu, Élohîm est un nom masculin pluriel qui, lorsqu’il est accompagné d’un article défini,
peut être traduit littéralement par « un groupe d’anges » ou « un groupe de dieux »155. Sans article
défini, il peut se traduire par Dieu, en tant que chef des dieux (ou des Élôhim)156. Par conséquent,
« Berêschith : bàrà : Elôhîm » peut se traduire ainsi : « Au commencement, le chef Élôhim créa… ».
Yahvé est le chef des Élohîm. C’est lui qui dit : « Faisons l’homme à notre image, selon notre
ressemblance. » (Gen., I, 26). Cette phrase, soit dit en passant, confirme que les Elôhim ne peuvent
être des anges, car le père Marie-Joseph Lagrange souligne avec raison : « l’homme n’est pas créé à
l’image des anges »157. Il ajoute que le sens de cette phrase — « Faisons l’homme à notre
image » — « a pu être polythéiste dans les anciens mythes » (Id.). Cela m’apparaît évident158.

Ces éclaircissements révèlent le sens du verset de Job cité plus haut : les « fils de Dieu »
ayant existé de toute éternité sont les Élohîm. Ils crient d’allégresse tandis que Yahvé, leur chef,
commence la Création. Certes, tout cela remet en question la notion chrétienne d’un Dieu unique ;
mais ce n’est pas l’objet de cette étude. Ce qu’il faut retenir, c’est ceci : contrairement aux allégations
du Catéchisme de l’Église catholique, ce verset de Job ne démontre pas que les anges auraient
existé « dès la création ». Je le répète : la Genèse ne mentionne nulle part des anges.
150 Gen., I, 1.
151 Gen., I, 3.
152 Catéchisme de l’Église catholique, déjà cité, p. 78.
153 Catéchisme catholique du cardinal Gasparri, déjà cité., question 52
154 Chanoine Duc, « Mémoire sur une inscription samaritaine », 27 novembre 1866, publié dans le bulletin de la
Société académique religieuse et scientifique, n° 6, 1868, p. 6 du feuillet.
155 « Les Élohîm et leur chef dans la Torah et autres bibles antiques », publié par Cirac (http://www.cirac.org/ infos-
fr/Elohims.htm).
156 Sur cette subtilité linguistique, voy. Gabriel Leuenberger, Les animaux dans la Bible, suivi de : Les anges
(Collection d’études bibliques, 2009, revu en 2012 et 2014), p. 109.
157 Père Marie-Jospeh Lagrange, La Genèse : pro manuscripto, déjà cité, p. 13.
158 Par la suite, Dieu serait devenu unique et chez les Juifs, les pluriels utilisés auraient été des « pluriels de majesté »,
c’est-à-dire des pluriels qui ne désignent en vérité qu’une seule personne, dotée de la toute puissance (Id.). Chez les
chrétiens enfin, le pluriel « marque évidemment la pluralité des personnes en Dieu » (Abbé Jean-Baptiste Glaire, La
Sainte Bible polyglotte, déjà cité, p. 14, note 26).

48
J’invite les catholiques à débattre

c) La « tradition » catholique complète les textes pour y trouver ce qui n’y est pas

Pour contourner la difficulté, l’auteur d’un commentaire du catéchisme en six tomes déclare
qu’il faut nous en tenir au sentiment de saint Augustin 159 : il « enseigne que les Anges ont été créés
le premier jour, et qu’apparemment, en créant le ciel, le Seigneur forma aussi les habitants de ce
magnifique séjour ». Voilà comment la « Tradition » de l’Église complète les textes pour y trouver
ce qui n’y est pas. A partir de là, tout est permis. La Bible d’une grand-mère ajoute160 : « A peine les
Anges furent-ils créés, que plusieurs se révoltèrent contre Dieu et ne voulurent pas le reconnaître ni
l’adorer comme leur Seigneur ». Un catéchisme pour adulte précise161 : « Quelques théologiens
pensent qu’ils étaient le tiers du nombre des anges ». Le tiers de l’armée angélique qui trahit !
Diable — c’est le cas de le dire — voilà un événement qui aurait dû être rapporté par Moïse. Mais
l’écrivain inspiré n’en souffle mot.

6°) L’histoire de Lucifer selon les théologiens catholiques : une fraude

Un catholique me répondra que plusieurs textes bibliques évoquent, directement ou non, une
révolte des anges.

a) Deux versets du Livre de Job invoqués illégitimement

Mgr Maupied, qui fut théologien au concile Vatican I, déclare162 : « Cette grande révolte [des
anges menés par Lucifer] nous est révélée au livre de Job, ch. IV, 18 ; xv, 15 ». Ces deux versets, je
les ai lus. Je m’attendais à trouver un récit de la chute de Lucifer. Ma déception fut grande ; les voici
traduits dans une Bible chrétienne :

– Job IV, 18 : « Si Dieu ne fait pas même confiance à ses serviteurs, et qu’il persuade ses
anges d’égarement »
– Job, XV, 15 : « Dieu, même à ses saints, ne fait pas confiance et le ciel n’est pas pur à ses
yeux. »
Je passerai sur le deuxième verset qui ne prouve rien. Quant au premier, il m’apparaît très
léger pour démontrer qu’un Séraphin aurait voulu prendre la place de Dieu Lui-même. D’ailleurs,
l’original en hébreu se traduit ainsi163 : « Mais [Dieu] ne se fie même pas à ses serviteurs ; jusque
dans ses anges il constate des défaillances ! ». Une autre traduction est celle-ci164 : « [Dieu] ne se fie
pas à ses serviteurs, Et dans ses anges mêmes il trouve des défauts ». Des anges avec des
défaillances ou des défauts, c’est certes regrettable, mais cela n’en fait pas des révoltés contre Dieu.
Un ministre coupable d’une défaillance n’est pas un séditieux qui veut fomenter un coup d’État ! Un
matelot affligé de défauts n’est pas un mutin qui veut prendre la place du capitaine. La meilleure
preuve et qu’au Psaume 81, Dieu promet à la chute et à la mort des êtres célestes parce qu’ils ne
rendent pas justice au faible et qu’ils ne font droit ni à l’indigent, ni au malheureux 165. Tels sont,

159 Hippolyte Noël, Nouvelle explication du catéchisme…, t. 1, p. 159.
160 La comtesse de Ségur, Bible d’une Grand-Mère, déjà cité, p. 6.
161 Abbé David Gosselin, Le Code Catholique, déjà cité, p. 25.
162 Monseigneur François Maupied, La secte antichrétienne (Tourcoing, Bibliothèque de Tout le Monde, 1874), p. 4.
163 Livre de Job en hébreu et en français, publié par le site serafin
(https://www.sefarim.fr/Hagiographes_Job_1_1.aspx).
164 Alfred Loisy, Le Livre de Job, traduit de l’hébreu (Imprimerie Rousseau-Leroy, 1892), p. 95.
165 « Dans l’assemblée divine, Dieu préside ; entouré des dieux [= des anges dit la doctrine chrétienne], il juge.
“Combien de temps jugerez-vous sans justice, soutiendrez-vous la cause des impies ? Rendez justice au faible, à
l’orphelin ; faites droit à l’indigent, au malheureux. Libérez le faible et le pauvre, arrachez-les aux mains des

49
Pourquoi je ne suis plus catholique

d’après la doctrine chrétienne, les anges défaillants auxquels Dieu ne peut pas se fier. Nous sommes
loin d’une révolte pour renverser le Très-Haut et prendre sa place. L’argument invoqué par le
théologien au concile Vatican I n’est donc nullement convaincant.

b) Le texte d’Isaïe : saint Thomas d’Aquin a triché
On m’objectera qu’une autorité bien plus grande s’est prononcée sur le sujet : saint Thomas
d’Aquin. Dans un article publié en février 2021 et intitulé « Le véritable péché de Satan », l’abbé
François-Marie Chautard cite celui que les catholiques surnomment le « docteur angélique ». A
propos de Lucifer, Saint Thomas explique166 :
l’ange a désiré ressembler à Dieu en désirant comme fin ultime de sa béatitude ce à quoi il pourrait
parvenir par ses forces naturelles, et en détournant son désir de la béatitude surnaturelle qu’il ne
pouvait recevoir que de la grâce de Dieu. Ou bien, s’il a désiré comme fin ultime cette
ressemblance avec Dieu que donne la grâce, il a voulu l’avoir par les forces de sa nature, et non la
tenir de l’intervention de Dieu et selon les dispositions prises par lui.

« Le péché de Satan, écrit l’abbé Chautard, fut donc un péché d’orgueil » (Id.). Sans doute.
Mais sur quoi saint Thomas d’Aquin s’appuie-t-il pour enseigner cela ? L’abbé Chautard ne le dit
pas ; il se contente d’indiquer la référence du texte cité : « a, 63, 3, c ». Il s’agit de la Somme
théologique, question 63, article 3, § c. Je l’ai consultée : saint Thomas d’Aquin appuie sa réponse
sur la Bible, et plus précisément sur le Livre d’Isaïe. Il écrit167 : « Isaïe (14, 13-14) fait dire au
diable : “ Je monterai au ciel, et je serai semblable au Très-Haut. ” ». La citation plus complète,
trouvée dans certains catéchismes, est la suivante168 :
Tu es tombé du ciel, astre brillant, fils de l’aurore ! Tu es renversé à terre, toi qui faisais ployer les
nations, toi qui te disais : « J’escaladerai les cieux ; plus haut que les étoiles de Dieu j’élèverai mon
trône ; j’irai siéger à la montagne de l’assemblée des dieux au plus haut du mont Safone,
j’escaladerai les hauteurs des nuages, je serai semblable au Très-Haut ! » Mais te voilà jeté aux
enfers, au plus profond de l’abîme.

Ce texte semble en effet désigner Lucifer. Mais si l’on consulte le Livre d’Isaïe, on s’aperçoit
qu’il concerne… le roi de Babylone. Voici la citation complétée169 :
Le jour où le Seigneur t’aura fait reposer, après tant de peines et de tourments, après le dur
esclavage qui fut le tien, tu entonneras cette chanson contre le roi de Babylone, tu diras :
« Comment ! Il est fini, l’oppresseur ! Elle est finie, la dictature ! Le Seigneur a brisé le bâton des
impies, le sceptre des tyrans qui frappait les peuples avec fureur, les frappait sans relâche, qui
dominait les nations avec colère et les persécutait sans retenue. Toute la terre repose, tranquille. On
éclate en cris de joie ! […] Le tréfonds des enfers s’agite pour toi à l’annonce de ta venue […] Elle
est jetée aux enfers, ta majesté, avec la musique de tes harpes. Tu as pour couche la vermine, et des
vers pour te couvrir. Comment ! Tu es tombé du ciel, astre brillant, fils de l’aurore ! Tu es renversé
à terre, toi qui faisais ployer les nations, toi qui te disais : “J’escaladerai les cieux ; plus haut que les
étoiles de Dieu j’élèverai mon trône ; j’irai siéger à la montagne de l’assemblée des dieux au plus
haut du mont Safone, j’escaladerai les hauteurs des nuages, je serai semblable au Très-Haut !” Mais
te voilà jeté aux enfers, au plus profond de l’abîme. Ceux qui te voient te dévisagent, ils
s’interrogent sur toi : “Est-ce bien l’homme qui faisait trembler la terre, qui ébranlait les royaumes,
impies. » Mais non, sans savoir, sans comprendre, ils vont au milieu des ténèbres : les fondements de la terre en
sont ébranlés. « Je l’ai dit : Vous êtes des dieux [des anges], des fils du Très-Haut, vous tous ! Pourtant, vous
mourrez comme des hommes, comme les princes, tous, vous tomberez !” » (Ps. LXXXI)
166 Article consultable en ligne : https://laportelatine.org/spiritualite/le-veritable-peche-de-satan#identifier_4_104298.
167 Consultable en ligne : http://www.santorosario.net/somme/prima/63.htm.
168 Is., XIV, 12-15.
169 Is., XIV, 3-20.

50
J’invite les catholiques à débattre

changeait le monde en désert, et rasait les villes sans renvoyer le prisonnier dans sa maison ?” Tous
les rois des nations reposent avec honneur, tous sans exception, chacun dans sa demeure. Mais toi,
tu es jeté dehors, loin de ton sépulcre, comme un rejeton réprouvé ; tu es couvert par les victimes
de l’épée qui descendent sur les pierres de la fosse ; tu es comme un cadavre qu’on piétine. Tu ne
les rejoindras pas dans la tombe, car tu as ruiné ton pays, assassiné ton peuple. Plus jamais on
n’évoquera l’engeance des méchants.

Saint Thomas d’Aquin a donc cité un fragment de ce chant pour l’attribuer faussement à
Lucifer qui se serait révolté. Un comble !
Saint Augustin, lui, avait été un peu plus honnête. Dans un chapitre intitulé : « Passage d’Isaïe
qui s’applique au corps dont le démon est la tête », il affirme que le texte dépeint le « démon
représenté sous la figure du roi de Babylone »170 Bien que ce soit un peu plus honnête, cela reste
entièrement faux ; car tout démontre que le texte d’Isaïe s’appliquait au roi de Babylone et à lui seul.
Les catholiques font dire aux textes ce qu’ils ne disent pas.
On m’objectera également que la Bible rapporte le combat entre l’archange saint Michel et
l’orgueilleux Dragon, « celui qu’on nomme le Diable et Satan ». Sans doute, mais c’est dans
l’Apocalypse de Jean (ch. XII) et c’est une vision d’un événement « qui doit ensuite advenir »
(ch. IV, 1). Le combat décrit est donc sans rapport avec la chute première de Lucifer. Cette chute
devrait être décrite dans l’Ancien Testament. Mais il n’en dit rien.
Voilà pourquoi, en désespoir de cause, saint Augustin puis saint Thomas d’Aquin ont détourné
abusivement un texte d’Isaïe.

c) Une histoire totalement illogique

Par ses silences, l’Ancien Testament dément l’existence du Lucifer, ange déchu. Faut-il s’en
étonner ? Non, car comment aurait-il possible que le plus magnifique des anges se soit révolté en
croyant qu’il pourrait surpasser son créateur ? On me répondait qu’il avait agi par jalousie envers
l’Homme que Dieu avait créé à son image. Toutefois, d’après la doctrine catholique, les anges
voyaient « Dieu face-à-face »171. Un catéchisme précisait172 :
les anges sont des créatures spirituelles et intellectuelles, parfaitement exemptes des défauts qui
sont en nous […] La parfaite connaissance qu’ils ont d’eux-mêmes et des autres ouvrages de Dieu,
leur fait connaître ce grand Créateur et ses divines perfections, incomparablement mieux que ne le
peuvent connaître les hommes plus savants par leurs lumières naturelles.

A propos des séraphins il expliquait173 :

170 « Le prophète Isaïe a dit du démon : “Comment es tu tombé des cieux, Lucifer, étoile du matin? Toi qui foulais les
nations, tu t’es brisé contre la terre. Tu disais en ton cœur : Je monterai aux cieux, j’élèverai mon trône au-dessus
des étoiles ; je m’assiérai au haut de la montagne, par-delà les hautes montagnes qui sont du côté de l’Aquilon ; je
monterai par-dessus les plus hautes nuées et je serai semblable au Très-Haut. Et toutefois te voilà plongé dans les
enfers” (Isaïe, XIV,12-14). Il y a dans cette peinture du démon, représenté sous la figure du roi de Babylone, une
foule de traits qui conviennent au corps que Satan se forme dans le genre humain, principalement à ceux qui
s’attachent à lui par orgueil et renoncent aux commandements de Dieu. » Saint Augustin, Œuvres complètes,
Livre XI : « La Chute et châtiment d’Adam », chapitre XXIV. En ligne : http://palimpsestes.fr/textes_divers/p/
augustin/genese/genlit/gen3k.htm.
171 « La connaissance qu’ils ont de Dieu […] porte immédiatement et sans aucun appui sensible, sur l’essence divine.
Elle n’est ni obscurcie, ni traversée par les besoins du corps, par les prestiges de l’imagination […] C’est une simple
vue, claire et distincte, une vue perpétuellement uniforme, et le principe d’un éternel repos dans l’objet perçu. C’est
ce que saint Paul appelle voir Dieu face-à-face, et tel qu’Il est. » (Jean-Georges Le Franc de Pompignan, évêque du
Puy, La religion vengée de l’incrédulité par l’incrédulité elle-même (Paris : Humblot, 1772), p. 14.]
172 Abbé Charles-Louis de Lantages, « Catéchisme de la foi et des mœurs chrétiennes » dans Œuvres complètes de
M. de Lantages par l’abbé Migne (Petit-Montrouge : J.-P. Migne, 1863), col. 54 et 51.
173 Ibid., col. 56.

51
Pourquoi je ne suis plus catholique

Ils sont consacrés à l’amour incréé. Ils louent cet adorable amour par un cantique éternel, et le
représentent d’une manière ravissante, paraissant devant Dieu et devant toute la cour céleste
entièrement pénétrés, remplis, transformés par le divin amour, ne s’occupant qu’à aimer et à
imprimer dans les autres les ardeurs de l’amour.

J’en déduisais : 1°) que Lucifer aimait Dieu d’un amour pur, donc qu’il devait aimer de la même
façon ses créations, y compris l’Homme fait à l’image du divin ; 2°) qu’avec son intelligence
incomparablement plus grande que celles des hommes, Lucifer connaissait parfaitement cette vérité
dont j’avais moi-même conscience174 : « une distance infinie sépare la créature du Créateur ».

Dès lors, comment ce Séraphin qui contemplait Dieu face-à-face, qui était tout dévoué à son
amour et qui recevait immédiatement de Lui « les divines illuminations »175, aurait-il pu non
seulement éprouver de la jalousie, mais aussi croire en la possibilité d’usurper la place de son
créateur ? Comment aurait-il pu ignorer qu’une révolte se finirait dans le feu de l’enfer ? Suscitée
par ma raison, ces questions n’étaient pas illégitimes. Dans un commentaire du catéchisme en six
tomes, un auteur soulignait176 : « Certes, il y a lieu de s’étonner que des intelligences si pures, si
parfaites, aient pu tomber dans un si grand aveuglement ». Saint Augustin lui-même avait dû
renoncer à donner une explication à la révolte de Lucifer 177. Cette histoire d’une révolte des anges
conduite par Lucifer est inepte.

7°) Les contradictions de la doctrine du Péché originel

On comprend désormais pourquoi, dans le récit de la tentation d’Eve, Lucifer est totalement
absent. Il est absent car il… n’existait pas en tant que démon tentateur. Avec lui, toutefois, expliquer
cette tentation était facile : « jaloux du bonheur de l’homme », le démon « cherchait à se venger de
Dieu lui-même en détruisant la pureté de son ouvrage »178. Et si Dieu le condamne « sans lui
demander de pourquoi », nous dit Bossuet, c’est parce qu’il connaît ses motifs 179 : « l’orgueil et
l’obstination ». Mais sitôt que Lucifer disparaît et que seul reste le simple serpent, alors trouver une
raison à son comportement devient problématique : pourquoi a-t-il voulu tenter Eve ? Dans quel
but ? Qu’avait-il à y gagner ? Absolument rien. Et d’ailleurs, pouvait-il seulement avoir l’idée de
tenter Eve ? Non, puisqu’en tant qu’animal, il était dénué de raison. Me dira-t-on que Dieu l’a
manipulé pour tenter les hommes ? Dans ce cas, la question revient : pourquoi l’aurait-Il puni
174 Édouard Hugon, « Quel concepts avons-nous des vérités surnaturelles », publié dans la Revue thomiste, 1906,
p. 413-429. Le fragment cité figure p. 420.
175 « Les hiérarchies [des anges] sont différentes selon leurs diverses manières de recevoir les divines illuminations ;
car la première hiérarchie les reçoit immédiatement de Dieu » (voy. abbé de Lantages, « Catéchisme de la foi et des
mœurs chrétiennes », déjà cité, col. 55).
176 Hippolyte Noël, Nouvelle explication du catéchisme de Rodez (Paris : Perisse Frères, 1859) t. 1, p. 159.
177 « Abrégeons ; une question aussi vaste exigerait un développement considérable et il suffira d’en résumer les points
principaux ; – le démon s’est vu immédiatement après sa création déchoir, par l’effet de son orgueil infini, du
bonheur qu’il aurait pu goûter s’il avait voulu ; – ou bien il y aurait des Anges d’un ordre inférieur, chargés des
fonctions subalternes dans l’univers, parmi lesquels il aurait vécu sans avoir la certitude de son éternelle félicité, et
des rangs desquels son orgueil insensé l’aurait fait tomber avec les anges dont il était le chef, et comme l’archange,
opinion qui ne saurait être avancée sans paraître étrange ; – d’autre part, si l’on veut que le démon ait partagé
quelque temps avec les siens le bonheur des saints anges, il faut chercher par quel secret les saints anges n’auraient
acquis la certitude d’être éternellement heureux qu’après la chute du démon, ou par quelle exception,
antérieurement à sa faute, le démon avec ses compagnons n’aurait point été instruit de sa chute, tandis que les
saints Anges l’auraient été de leur fidélité immuable. » (saint Augustin, Œuvres complètes, Livre XI : « La Chute et
châtiment d’Adam », chapitre XXVI. En ligne : http://palimpsestes.fr/textes_divers/p/augustin/genese/genlit/
gen3k.htm).
178 Hippolyte Noël, Nouvelle explication du catéchisme…, déjà cité, t. 1, p. 195.
179 Bossuet, « Dixième élévation sur la Tentation et la Chute de l’Homme », dans Œuvres complètes de Bossuet par
F. Lachat (Librarie Louis Vivès, Paris, 1862), volume VII, p. 109.

52
J’invite les catholiques à débattre

ensuite ? Pourquoi aurait-Il puni ce qui avait été une simple marionnette ? C’était d’autant plus
absurde qu’en tant qu’animal dénué de raison, le serpent était incapable de pécher.
Peut-être me reprochera-t-on de trop me focaliser sur le serpent. Alors je m’intéresserai au cas
d’Adam et Eve. Pourquoi Dieu les a-t-Il punis ? — « Parce qu’ils ont mal agi, par orgueil » me
répondra un catholique. Voilà qui est surprenant, car à propos de l’Homme édénique, le catéchisme
enseigne :
Son esprit était droit : en lui point d’ignorance dangereuse, nul défaut dans le jugement de la raison
[…]. Son cœur était droit, naturellement porté au bien, sans aucun penchant au mal ; […] il n’y avait
en lui aucune trace de concupiscence, d’orgueil, d’amour de soi-même [Ibid., p. 191-192].

C’est la doctrine catholique. Mais comment une créature « sans aucun penchant au mal »
aurait-elle pu pencher vers le mal ? Comment le serpent manipulé aurait-il pu éveiller la
concupiscence chez une créature sans « aucune trace de concupiscence » ? Comment aurait-il pu
exciter l’orgueil chez une créature sans « aucune trace d’orgueil » ?
a) Éveiller la concupiscence chez deux êtres… exempts de concupiscence
Dans la Genèse cependant, on lit qu’au Paradis180 : « Tous les deux, l’homme et sa femme,
étaient nus, et ils n’en éprouvaient aucune honte l’un devant l’autre. » Ce verset signifie qu’Adam
et Eve n’éprouvaient aucune concupiscence, ni de la chair, ni du reste. Le catéchisme confirme et
généralise181 : « Au moment de la création […] ils possédaient l’exemption de l’ignorance, de la
concupiscence, de la vieillesse, de la mort et de toutes les épreuves de la vie. » Fort bien. Mais cet
enseignement heurte en plusieurs points la doctrine du péché originel. Pour mettre en lumière les
contradictions, reprenons la Genèse. Au troisième chapitre, le serpent tente d’Eve avec de beaux
discours182. « Tenter » signifie : faire désirer ce qui est interdit. La suite du récit le démontre : Eve,
nous dit-on, s’aperçut que le fruit « était désirable »183. Or, au sens théologique, la concupiscence est
définie ainsi184 : « Aspiration de l’homme qui le porte à désirer les biens naturels ou surnaturels ».
En ressentant le fruit comme « désirable », Eve a donc éprouvé la concupiscence. Mais c’est
impossible, puisque Dieu Lui-même lui avait donné « l’exemption de la concupiscence ». Elle aurait
donc dû rester indifférente au discours du serpent.

b) Eve a-t-elle perdu la grâce quand elle a commencé à écouter le démon ?

On objectera qu’Eve fauta à partir du moment où elle choisit d’écouter le discours mensonger
du démon. Par ce péché, elle perdit son état d’innocence, ce qui lui fit perdre en même temps
« l’exemption de la concupiscence »185. Admettons cette thèse. Une question subsiste : pourquoi Eve
180 Gen., II, 25.
181 Abbé David Gosselin, Le Code Catholique…, déjà cité, p. 27.
182 « Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs que le Seigneur Dieu avait faits. Il dit à la femme :
“Alors, Dieu vous a vraiment dit : “Vous ne mangerez d’aucun arbre du jardin” ?” La femme répondit au serpent :
“Nous mangeons les fruits des arbres du jardin. Mais, pour le fruit de l’arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a
dit : “Vous n’en mangerez pas, vous n’y toucherez pas, sinon vous mourrez.”” Le serpent dit à la femme : “Pas du
tout ! Vous ne mourrez pas ! Mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront, et vous serez
comme des dieux, connaissant le bien et le mal.” » (Gen, III, 1-5)
183 « La femme s’aperçut que le fruit de l’arbre devait être savoureux, qu’il était agréable à regarder et qu’il était
désirable, cet arbre, puisqu’il donnait l’intelligence. Elle prit de son fruit, et en mangea. Elle en donna aussi à son
mari, et il en mangea » (Gen., III, 6).
184 Voir la définition donnée par le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL :
https://www.cnrtl.fr/definition/concupiscence).
185 Bossuet explique : « dès qu’elle eut commencé à écouter et à raisonner sur un commandement si précis, à ce
commencement d’infidélité on peut croire que Dieu commença aussi à retirer justement sa grâce, et que la
concupiscence des sens suivit de près le désordre qu’Eve avait déjà introduit volontairement dans son esprit. »

53
Pourquoi je ne suis plus catholique

avait-t-elle choisi d’écouter et d’entrer en relation avec le démon ? Pourquoi n’avait-elle pas agi
comme elle aurait dû186 : « repousser Satan avec exécration, et lui déclarer qu’elle ne voulait ni lui
parler, ni l’écouter » ? Un catéchisme apporte la solution : par sa première réponse, Eve reconnut
« la défense expresse que Dieu lui avait faite ; mais elle dout[ait] s’il y aurait si grand mal à la
violer » (Id.). Eve venait donc de « perdre confiance envers son créateur ». Mais je rappelle alors la
définition du Catéchisme donnée plus haut187 : « L’homme, tenté par le diable, a laissé mourir dans
son cœur la confiance envers son Créateur et, en abusant de la liberté, a désobéi au
commandement de Dieu. » Le péché originel reste donc la tentation : c’est elle qui constitue la
première étape, laquelle produisit une perte de confiance. L’objection tombe donc d’elle-même…

c) Contradictions en rafale

Certains soutiendront qu’Adam et Eve ont péché non par désobéissance, mais par orgueil : ils
ont voulu être « comme des dieux »188. Mais le catéchisme, enseigne qu’ « il n’y avait en lui
[l’Homme édénique] aucune trace de concupiscence, d’orgueil, d’amour de soi-même »189. Le
Serpent n’aurait donc pas pu le faire pêcher par orgueil.
D’ailleurs, à propos de l’Homme édénique, le catéchisme précise :

– « Son cœur était droit, naturellement porté au bien, sans aucun penchant au mal » (Id.). :

– « Nos premiers parents n’avaient pas de mauvais penchants […] Dieu, dit l’Écriture, avait
fait l’homme droit ; la volonté d’Adam et d’Eve, droite et bien ordonnée, était soumise à Dieu et lui
obéissait fidèlement. »190

Dès lors, comment croire que le serpent ait pu faire pencher vers le mal deux personnes qui
n’avaient « aucun penchant au mal » ? Face à tant d’impossibilités, Bossuet reconnut 191 :
« [L’Homme] est tombé néanmoins et Satan en a été le vainqueur, quoi qu’on ait peine à connaître
par où le péché a pu pénétrer » ; « un homme si parfait et si éclairé se laisse entraîner à une
tentation grossière », « osons le dire, tout a ici en apparence un air fabuleux ». En apparence
seulement ? Pour ma part, j’affirme que nous sommes en pleine fable incroyable car truffée de
contradictions.

d°) Adam et Eve ne pouvaient pas être coupables !

– L’arbre de la science du bien et du mal selon saint Jean Chrysostome

Et ce n’est pas fini, car nous en arrivons à l’argument principal : oublions ces contradictions et
revenons au début de l’histoire. Si Adam et Eve connaissaient tout (puisqu’ils avaient l’exemption de
l’ignorance), alors pourquoi Dieu leur aurait-Il interdit de manger le fruit de l’arbre de la
connaissance du bien et du mal ? Cela n’a aucun sens.

(Bossuet, « Quatrième élévation sur la Tentation et la Chute de l’Homme », dans Œuvres complètes de Bossuet, déjà
cité, volume VII, p. 102)
186 Hippolyte Noël, Nouvelle explication du catéchisme…, déjà cité, t. 1, p. 196.
187 Catéchisme de l’Église catholique, déjà cité, p. 89.
188 Jean-Baptiste de La Salle écrit : « Ce fut par un mouvement d’orgueil qu’il [Adam] tomba dans ce dérèglement »
(Jean-Baptiste de La Salle, Les Devoirs d’un chrétien envers Dieu et les moyens de pouvoir bien s’en acquitter
[Dumoulin et Cie, Paris, 1892], p. 27).
189 Hippolyte Noël, Nouvelle explication du catéchisme, déjà cité, t. 1, p. 192.
190 « Catéchisme de première communion » publié dans L’Ami du Clergé Paroissial, 1892, p. 135-136.
191 Bossuet, « Première élévation sur la Tentation et la Chute de l’Homme », dans Œuvres complètes de Bossuet, déjà
cité, volume VII, p. 96

54
J’invite les catholiques à débattre

On me répondra que Dieu voulait mettre à l’épreuve leur obéissance avec une épreuve facile
et que l’arbre a été appelé ainsi en référence à cette épreuve. Telle est l’explication de saint Jean
Chrysostome192 : « L’Écriture appelle cet arbre l’arbre de la science du bien et du mal, parce qu’il
devait être pour l’homme une occasion de péché ou de mérite ». Cette explication doit toutefois être
rejetée, pour trois raisons :
1°) Le serpent dit à Eve : « vos yeux s’ouvriront, et vous serez comme des dieux, connaissant
le bien et le mal. » Cette promesse n’aurait eu aucun sens ― ni aucun attrait ― si Adam et Eve
avaient déjà connu le bien et le mal.
2°) Après qu’ils eurent mangé le fruit, Dieu les chassa du Paradis en disant (Gen., ch. III,
v. 22) : « Voilà que l’homme est devenu comme l’un de nous par la connaissance du bien et du
mal ! » On en déduit qu’avant d’avoir mangé le fruit, Adam et Eve ne connaissaient pas le bien et le
mal.
3°) Bossuet affirme qu’en mangeant le fruit, « Adam crut donc qu’il saurait le bien et le mal,
et que sa curiosité serait satisfaite »193. Si sa curiosité était à satisfaire, c’est qu’il ignorait le bien et
le mal.

Le récit de la Genèse met donc en scène deux personnes qui connaissaient tout mais qui, en
même temps, ignoraient la différence essentielle entre le bien et le mal. La contradiction est
aveuglante. Voilà pourquoi saint Jean Chrysostome a modifié le sens pourtant évident du texte.

– Coupable d’avoir commis mal… quand on ignore ce qu’est le mal ?

D’autres catholiques tentent d’en sortir par une voie différente : ils soutiennent qu’au moment
de donner toute la connaissance à Adam et Eve, Dieu fit une exception : celle de la science du bien
et du mal. C’est en effet la seule échappatoire possible. Le bénédictin Jean Martianay soutient cette
thèse lorsqu’il écrit : Eve éprouva le désir « de connaître comme eux [= les Anges] le bien et le
mal »194. On en déduit qu’elle ne connaissait ni l’un ni l’autre. Soit. Mais loin de sauver la doctrine
du Péché originel, cette thèse l’infirme définitivement, car Victor Sidermann souligne avec
raison195 : « si Adam et Eve n’avaient pas eu cette science-là [savoir distinguer le bien et le mal],
leur désobéissance eût été inconsciente et par conséquent nullement coupable. » C’est évident.
Soixante ans plus tard, Lanza del Vasto reprit l’argument en ces termes196 :
L’Écriture enseigne que le Péché d’Adam, c’est le mal d’avoir mangé du fruit de la connaissance du
bien et du mal. Naïf qui trouverait claire cette étrange formule algébrique : le mal, c’est d’avoir
mangé du fruit de la connaissance du bien et du mal.

Cette contradiction, on peut l’exposer avec le dialogue suivant :

Dieu. — Vous avez mangé le fruit interdit.
Adam. — Oui, et alors ?
Dieu. — Alors ? Vous m’avez désobéi par orgueil.
Adam. — Oui, et alors ?
Dieu. — Alors ? C’est mal !
Adam. — Sans doute, mais sachant qu’au moment de manger le fruit, nous ignorions ce
qu’était le bien et le mal, alors nous ne sommes pas coupables !
192 Abbé Jean-Baptiste Glaire, La Sainte Bible polyglotte, déjà cité, p. 17, note 17.
193 Bossuet, « Cinquième élévation sur la Tentation et la Chute de l’Homme », dans Œuvres complètes de Bossuet, déjà
cité, volume VII, p. 104
194 Don Jean Martianay, Méthode sacrée pour apprendre à expliquer l’Écriture par l’Écriture même, déjà cité, p. 65.
195 Victor Sidermann, L’avocat du Diable…, déjà cité, p. viii-xi.
196 Lanza del Vasto, Les Quatre Fléaux (Dénoël, Paris, 1960), p. 13.

55
Pourquoi je ne suis plus catholique

Si des catholiques rejettent Victor Sidermann et Lanza del Vasto, alors je leur soumettrai ce
commentaire de saint Jean Chrysostome à propos de l’arbre de la science du bien et du mal (je
souligne)197 :
Cet arbre est ainsi nommé non pas parce qu’il a donné à l’homme la science du bien et du mal, mais
parce qu’il a été l’instrument de sa désobéissance et qu’il a introduit ainsi la connaissance et la
honte du péché…

On en déduit qu’avant d’avoir croqué le fruit, Adam et Eve n’avait pas connaissance du péché.
Dès lors, comment leur reprocher d’avoir péché ? Je citerai le catéchisme de la comtesse Ségur,
approuvé par un cardinal, deux archevêques et plusieurs évêques. On lit qu’après avoir croqué le
fruit, Adam et Eve « comprirent aussitôt leur faute ; ils comprirent le mal qu’ils ne connaissaient
pas avant leur désobéissance »198. Le mal « qu’ils ne connaissaient pas avant leur désobéissance » !
C’est aveuglant : ignorant le mal, ils ont péché sans le savoir.
Quant au serpent en tant qu’animal, lui aussi n’y était pour rien199 : « Satan, l’ennemi de Dieu
et du Genre humain, se servit du serpent comme d’un instrument ». Nulle part, il est dit Lucifer lui
aurait demandé la permission et que le serpent aurait accepté… Saint Augustin ajoute que « le
serpent n’entendait rien aux paroles qui sortaient de lui et s’adressaient à la femme. Il ne faudrait
pas croire en effet qu’il fut alors transformé en un être intelligent »200. La pauvre bête était donc
totalement innocente.
– Yahvé punit les trois innocents et accorde la victoire éclatante à… Lucifer !
Nous en arrivons alors à cette conclusion déroutante : si le sens de la Genèse donné par
l’Église est vrai, alors l’histoire du Péché originel comprenait quatre acteurs : Eve, Adam, le serpent
(en tant qu’animal) et Lucifer (qui entre dans le serpent). Trois d’entre eux étaient innocent : Adam
et Eve, qui ne connaissaient pas la science du bien et du mal, et le serpent, qui avait été possédé
bien involontairement.
Dans ce drame, Lucifer était le seul coupable. Or, Yahvé punit les trois innocent et laissa le
seul coupable indemne !
1°) Il punit Adam et Eve pour une faute dont ils n’avaient pas conscience ;
2°) Il punit le serpent201 : « Parce qu’il a servi d’instrument au démon pour perdre nos
premiers parents » ;
3°) Il laissa Lucifer indemne et lui accorda même le triomphe, puisque le démon pourrait
continuer à rôder sur la Terre pour tenter tous les hommes frappés désormais par la tache originelle.
Avec raison, Bossuet parle, pour le Malin, de « sa victoire sur le genre humain »202 : « Quel autre en
197 Reproduit dans La Sainte Bible polyglotte, de l’abbé Jean-Baptiste Glaire, déjà cité, p. 17, note 17.
198 Madame la comtesse de Ségur, Bible d’une Grand-Mère, déjà cité, p. 19.
199 « La Chute », déjà cité, p. 374, col. A.
200 « Nous savons déjà quelle est l’origine du serpent ; la terre produisit, au commandement de Dieu, les animaux
domestiques, les bêtes et les reptiles ; or toute créature, ayant la vie sans la raison, a été subordonnée par une loi
de l’ordre divin aux créatures intelligentes, que leur volonté soit bonne ou mauvaise. […] Qu’y aurait-il alors
d’étonnant si le démon, en communiquant son inspiration au serpent et en l’animant de son génie, comme il fait aux
devins qui lui sont consacrés, eût rendu cet animal le plus sage des êtres qui ont ici-bas la vie sans la raison ! […]
le démon a parlé par l’organe du serpent ; il a communiqué à cet animal les mouvements que sa puissance pouvait
en tirer naturellement pour exprimer les paroles et les gestes propres à faire entendre ses conseils à la femme […]
Ainsi donc le serpent n’entendait rien aux paroles qui sortaient de lui et s’adressaient à la femme. Il ne faudrait pas
croire en effet qu’il fut alors transformé en un être intelligent. » (Saint Augustin, Œuvres complètes, Livre XI : « La
Chute et châtiment d’Adam », chapitres II XII, XXVII et XXVIII. En ligne : http://palimpsestes.fr/textes_divers/p
/augustin/genese/genlit/gen3k.htm).
201 Le « Catéchisme de première communion » publié dans L’Ami du Clergé Paroissial, 1892, p. 151, col. B.
202 Bossuet, « Huitième élévation sur la Tentation et la Chute de l’Homme », dans Œuvres complètes de Bossuet, déjà

56
J’invite les catholiques à débattre

a remporté une plus entière ? Par un seul coup tout le genre humain devient captif de ce superbe
vainqueur ».

En conclusion, et pour ne considérer que l’Homme : Yahvé châtia deux personnes — et à
travers elles l’humanité entière — pour une faute dont elles ne pouvaient être déclarées coupables.
Injustice flagrante qui, depuis, en a entraîné des centaines de millions d’autres : tous ces enfants
privés de la vision béatifique au motif qu’ils n’ont pas reçu le baptême ! Des centaines de millions
d’innocents frappés conformément à l’ordre voulu par Dieu.
Vous comprendrez pourquoi je rejette la doctrine du péché originel. Elle heurte de plein fouet
le principe de non-contradiction. Dieu peut-Il heurter ce principe ?

– Des échappatoires qui me paraissent peu convaincantes

Dernière remarque : des catéchistes ont bien évidemment vu la difficulté. Aussi ont-ils tenté
de la contourner.
Au XVIIIe siècle, le bénédictin Jean Martianay crut y parvenir en invoquant la « version
arabique » de la Genèse. Elle explique qu’en susurrant : « vous serez comme des dieux, connaissant
le bien et le mal », le serpent voulait dire203 : « vous deviendrez comme des Anges, vous aurez une
plus parfaite connaissance du bien et du mal ». Le subterfuge consiste à ajouter l’élément de
perfection. Avec lui, le sens du texte devient : « même imparfaite, la connaissance du bien et du mal
qu’avaient nos premiers parents leur suffisait pour savoir que désobéir, c’était mal ». Pour ma part, je
ne tombe pas dans le piège : le sens original est clair, Adam et Eve ne possédaient pas la science du
bien et du mal, point final.
L’abbé David Gosselin tente une autre échappatoire. Il explique que Dieu commanda à Adam
et Eve de ne pas manger le fruit défendu en leur disant204 :

Si vous obéissez, vous serez heureux, vous et votre postérité, et vous ne mourrez jamais ; si, au
contraire, vous désobéissez, vous tomberez dans un abîme de maux, et vous serez assujettis aux
souffrances et à la mort. La terre, maintenant si fertile, ne produira plus rien sans être cultivée et
vous servira un jour de tombeau, à vous et à votre postérité.
Doué d’une volonté libre, Adam et Eve pouvaient donc choisir entre : obéir à Dieu et être heureux,
ou lui désobéir et être malheureux.

Dans ce texte, il n’est plus question de bien ni de mal, mais du choix d’être malheureux. Dieu
aurait offert un choix, c’est tout : voulez-vous être heureux ou malheureux ? L’ennui est que jamais
Dieu n’a exposé ainsi le commandement donné à nos premier parents. Il leur a juste dit : vous ne
mangerez pas de ce fruit sinon vous mourrez. Pour parler d’un choix, l’abbé Gosselin a tout
simplement inventé un discours qu’aurait tenu Yahvé. Sans ce discours, on retombe dans la notion
d’obéissance ou de désobéissance. J’ajoute que si Adam et Eve avaient choisi et non désobéi, alors il
n’y aurait pas eu de Péché originel.
En voulant contourner la difficulté, l’abbé Gosselin a donc détruit lui-même cette doctrine
que, pour ma part, je rejette après l’avoir méditée.

8°) Des millénaires pour envoyer le Sauveur : une histoire qui me paraît incompréhensible

Un dernier élément me la fait repousser. Supposons-la vraie. Supposons qu’après avoir chassé
Adam et Eve du Paradis Dieu leur ait promis un sauveur qui leur ouvrirait les portes du ciel.
cité, volume VII, p. 110.
203 Dom Jean Martianay, Méthode sacrée pour apprendre à expliquer l’Écriture par l’Écriture même, déjà cité, p. 69.
204 Abbé David Gosselin, Le Code Catholique, déjà cité, p. 126.

57
Pourquoi je ne suis plus catholique

a) Au lieu d’envoyer son Sauveur, Yahvé extermine l’humanité (avec le reste) dans le
Déluge

Un commentateur du catéchisme explique205 : « Cependant, le ciel ne devait pas s’ouvrir de
longtemps. Avant d’envoyer le Réparateur, Dieu voulut que le genre humain connût par une longue
expérience le besoin qu’il en avait. » Pour l’heure, le genre humain, c’était Adam et Eve. Pendant un
temps, le premier couple vécut durement, dans les peines et les souffrances : « Tout ce qui avait été
créé pour leur bonheur, se changea supplice »206.
De façon évidente, Adam et Eve vont très vite regretter. Ils vont ressentir dans leur chair et
dans leur âme le besoin d’un Rédempteur. Si Yahvé le leur envoyait pour les réintégrer dans le
Paradis, gageons qu’ils prendraient bien garde de ne plus Lui désobéir (« Je ne le ferai plus,
promis ! »). On s’attend donc à une rédemption dans les dix ou vingt ans, voire à la fin de la
première génération. Non seulement Yahvé n’envoie personne, mais il commet une gaffe et laisse le
Diable en profiter. Je lis sous la plume d’un évêque207 :

L’Église de Dieu était rétablie sur la promesse du Rédempteur depuis un peu plus de cent trente ans
[quand Adam et Eve avaient été chassés du Paradis]. Pendant cette période Satan s’était dissimulé
pour mieux préparer sa nouvelle séduction. Le choix que Dieu fit d’Abel comme prophète et
lieutenant du Christ promis, lui fournit l’occasion qu’il préparait depuis le commencement. Il excite
la jalousie dans le cœur de Caïn, il l’aveugle et le pousse à tuer son frère Abel par haine de Dieu et
de son Christ. Puis il entraîne Caïn et toute sa famille dans l’apostasie et le mépris de Dieu et de sa
miséricorde.

Yahvé aurait pu faire preuve de prudence en partageant la mission entre les deux frères. Pas
du tout : Il agit à l’opposé. Non seulement Il fait un choix qui risque d’exciter la jalousie, mais aussi,
Il laisse Satan libre d’exploiter la situation. Or, si le démon a réussi à séduire Eve dont le cœur était
pur, entraîner un Caïn déjà énervé lui sera un jeu d’enfant. En conséquence, ce qui doit arriver arrive
et l’idolâterie va se répandre, pervertissant l’humanité.
Yahvé va-t-il intervenir ? Non : dix générations se passent (chacune durant, en moyenne,
plusieurs siècles), et toujours pas de sauveur. Sans surprise, l’Homme laissé au démon se dégrade.
Le Livre de la Genèse, raconte208 :
Le Seigneur vit que la méchanceté de l’homme était grande sur la terre, et que toutes les pensées de
son cœur se portaient uniquement vers le mal à longueur de journée. Le Seigneur se repentit
d’avoir fait l’homme sur la terre ; il s’irrita en son cœur et il dit : « Je vais effacer de la surface du
sol les hommes que j’ai créés — et non seulement les hommes mais aussi les bestiaux, les bestioles
et les oiseaux du ciel — car je me repens de les avoir faits. »

Yahvé reproche à l’Homme de s’égarer et veut le détruire. Pourquoi n’a-t-Il pas envoyé son
Sauveur dès les premiers signes de malice, afin de tout restaurer ? Pourquoi a-t-Il laissé le démon
agir jusqu’à juger le mal irréparable ?

205 Hippolyte Noël, Nouvelle explication du catéchisme, déjà cité, t. 1, p. 209.
206 Le commentateur précise : « De la plus sublime grandeur plongés dans un abîme de misère, [Adam et Eve] se
virent assujettis à la mort et aux souffrances qui en sont les tristes préludes, à la faim, à la soif, au froid, au chaud,
aux maladies, aux douleur de toute sorte, aux peines de l’esprit, aux soucis dévorants, aux haines, aux jalousies,
aux emportements des passions ; ce fut comme un essaim de maux qui fondit sur eux. Tout ce qui avait été créé pour
leur bonheur, se changea supplice. » (Ibid., p. 201)
207 Monseigneur François Maupied, La secte antichrétienne, déjà cité, p. 4.
208 Gen., VI, 3-7.

58
J’invite les catholiques à débattre

b) Tout recommence et Yahvé persiste à ne pas envoyer son Sauveur

Et ce n’est pas fini. Dieu met en œuvre son plan d’extermination. Il provoque le Déluge qui
épargne uniquement Noé, sa famille et les animaux emmenés dans l’arche 209. Noé, son épouse, ses
trois fils et leurs femmes vont donner un nouveau départ à l’humanité. Sachant qu’il s’agit d’êtres de
chair, tout laisse craindre que l’histoire se répétera. Et en effet, à peine sortis de l’Arche, tout va de
travers : Noé se saoule et déshabille, un de ses fils, Cham, le voit et va le dénoncer. L’ayant appris
une fois dessaoûlé, son père le maudit en le vouant à l’esclavage 210. Saoulerie, dénonciation,
anathème… tout part donc très mal dès la première génération. Sans compter l’idolâtrie qui reprend.
L’abbé Houtteville explique211 :
Où commencent les premières lueurs de l’Histoire, là commencent à se montrer aussi les premières
discordes sur la nature du Culte véritable. Quelques-uns, mais en petit nombre, fidèles à la
tradition, et souple à l’autorité de l’évidence, reconnurent un Dieu Créateur, seul infini, seul parfait,
et lui rendirent par leurs sacrifices des hommages publics. Les autres, et répandus de toutes parts,
n’ayant ni tout à fait éteint, ni conservé pure au milieu du vice la notion auparavant distincte de la
Divinité, la divisèrent en autant d’êtres qu’il plut au caprice d’en adorer. Ainsi prit naissance
l’Idolâterie […] Les Hébreux furent donc seuls exempts de la contagion universelle.

Bref, l’histoire se répète encore et encore. Yahvé va-t-Il, cette fois, envoyer un sauveur ? C’est
d’autant plus urgent que, d’après les chrétiens, les religions païennes sont l’œuvre des démons qui se
font passer pour des dieux afin de perdre irrémédiablement les hommes 212. S’adressant aux païens,
Minucius Félix lança213 :
la plupart d’entre vous n’ignorent pas que les démons le disent eux-mêmes et ne s’en cachent pas,
toutes les fois que nous les chassons des corps ou par la torture de nos paroles, ou par la ferveur de
nos prières. Saturne, Sérapis, Jupiter et tout ce que vous adorez de démons, vaincus par la douleur,
déclarent ce qu’ils sont en présence même des vôtres, et n’osent mentir pour couvrir leur confusion.
Vous les avez pour témoins, ils déposent contre eux en faveur de la vérité. Adjurés au nom du seul
et vrai Dieu, les malheureux frissonnent involontairement dans les corps qu’ils possèdent ; ils en
sortent brusquement ou s’en retirent peu à peu selon que la foi du patient favorise leur fuite, ou
selon le bon plaisir de celui qui le guérit. Aussi fuient-ils précipitamment l’approche des Chrétiens
qu’ils attaquaient de loin autrefois par votre ministère dans les assemblées […]

209 Comment tous ces animaux furent-ils nourris dans l’arche pendant la durée du Déluge (car il ne fallait pas que les
proies soient mangées par les prédateurs) ? Comment l’air fut-il renouvelé, les espaces nettoyés ? Passons.
210 La Genèse raconte : « Noé, homme de la terre, fut le premier à planter la vigne. Il en but le vin, s’enivra et se
retrouva nu au milieu de sa tente. Cham, le père de Canaan, vit que son père était nu et il en informa ses deux
frères qui étaient dehors. Sem et Japhet prirent le manteau, le placèrent sur leurs épaules à tous deux et, marchant
à reculons, ils en couvrirent leur père qui était nu. Comme leurs visages étaient détournés, ils ne virent pas la
nudité de leur père. Noé, ayant cuvé son vin, se réveilla et apprit ce qu’avait fait son plus jeune fils. Il dit : “Maudit
soit Canaan ! Il sera pour ses frères l’esclave des esclaves”. » (Gen., ch. IX, 20-25).
211 Abbé Claude Houtteville, La religion chrétienne prouvée par les faits (Grégoire Dupuis, Paris, 1722), p. III et V.
212 Aux environs du IIIe siècle, un Père de l’Église, Lactance, assurait : « Quand ces abominables esprits sont conjurés,
ils confessent qu’ils ne sont que des démons. Quand ils sont adorés par les païens, ils supposent faussement qu’ils
sont des dieux pour les engager dans l’erreur, afin de les détourner de la connaissance du vrai Dieu, par laquelle
seule ils pourraient éviter la mort éternelle. Ce sont eux qui, pour perdre les hommes, ont inventé divers moyens de
se faire adorer par les peuples sous le nom des princes anciens. Il n’y a rien de si aisé que de découvrir ces artifices
et cette imposture. Il n’y a pour cela qu’à assembler ceux qui font profession de rappeler les âmes des enfers ; qu’ils
rappellent Jupiter, Neptune, Vulcain, Mercure, Apollon, et Saturne qui est plus ancien et le père de tous les autres ;
ils viendront, ils répondront, ils déclareront la vérité. Que ces mêmes personnes appellent Jésus-Christ, et qu’ils
tachent de l’évoquer, il ne paraîtra point, parce qu’il n’a été que deux jours dans les enfers. » (Lactance, Divinae
Institutiones, XXVII. En ligne et traduit en français : http://remacle.org/bloodwolf/eglise/lactance/instit4.htm).
213 Minucius Félix, « L’octave », publié dans abbé Antoine Eugène de Genoude, Les Pères de l’Église (Sapia, Paris,
1839), tome IV, p. 9-60. L’extrait cité figure p. 44.

59
Pourquoi je ne suis plus catholique

Immédiatement après le Déluge, donc, l’humanité devenue faible et ignorante était la proie
des démons. D’où l’urgence d’un Sauveur. Yahvé s’empresse-t-Il de l’envoyer ? Non : à nouveau, Il
attend… Sans raison apparente.

c) Yahvé laisse l’humanité se dégrader dans le « paganisme démoniaque »

Si bien qu’au bout de plusieurs millénaires, l’état de l’humanité est déplorable. Un
commentateur du catéchisme écrit214 :

Avant Jésus-Christ, quels affreux débordements. Tous les devoirs étaient méconnus ; on foulait
ouvertement aux pieds les lois les plus sacrées de la pudeur et de la tempérance. Le vice, comme
une affreuse gangrène, avait perverti tout le genre humain, et se montrait sous mille formes. Et ici,
qui oserait dévoiler cet amas de corruption, d’impuretés, d’infamies, ces monstres de crimes avec
lesquels on était si familiarisé qu’on n’en savait plus rougir ? Mais faut-il s’étonner que l’homme fût
méchant et pervers, quand les Dieux donnaient l’exemple de tous les vices, quand le crime était
nécessaire pour les adorer, quand les voleurs, les homicides, les adultères avaient leurs protecteurs
dans le Ciel ? Alors les temples n’étaient plus que des antres de débauche, et des écoles où l’on
apprenait à se porter sans remords aux plus honteux excès. Tirons le voile sur ces horreurs, et
déplorons la faiblesse de notre nature qui se perd dans la fange de tous les vices, si la Foi ne vient,
comme un sel mystérieux, la préserver de la corruption.

Si tout cela est vrai, alors pourquoi Yahvé n’a-t-il pas envoyé son sauveur plus tôt, afin de
donner à l’humanité ce sel de la Foi ? Pourquoi a-t-il attendu plusieurs millénaires ?
C’est d’autant plus incompréhensible que d’après le catéchisme :
1°) Dieu à créé l’Homme pour qu’il puisse « publier sa gloire »215. Plus loin, le commentateur
souligne : « Dieu a pris plaisir à se dépeindre dans ses créatures, comme dans un miroir »216. Dès
lors, comment expliquer qu’Il ait laissé l’Homme lui renvoyer une image si dégradée ?
2°) Dieu souhaite que le maximum de personnes se sauvent. Or, pour être sauvé avant
l’apparition du Christ, il fallait avoir « rempli tous les devoirs de la piété et de la justice, c’est-à-dire
observé fidèlement les préceptes de la loi naturelle »217. Par conséquent, pourquoi Dieu a-t-Il tant
tardé, perdant tant de ses créatures ? Nous nageons en pleine absurdité.
Cela dit, poursuivons. Yahvé s’est enfin décidé à envoyer un Sauveur : Jésus-Christ.

214 Hippolyte Noël, Nouvelle explication du catéchisme, déjà cité, t. 1, p. 46-47.
215 Ibid., p. 27.
216 Ibid., p. 29.
217 Ibid., p. 214.

60
IV. Jésus a-t-il établi l’Église ?

D’après le catéchisme, Jésus-Christ a institué l’Église pour continuer son œuvre sur la terre. Il
a voulu qu’elle soit gouvernée par un chef, le Pape. Cette création constituait un aspect essentiel de
sa mission terrestre. On s’attend donc à trouver des directives très nettes dans les quatre évangiles.
Or, il n’en est rien.
Pour affirmer que le Christ a fondé son église, les catéchistes s’appuient sur deux passages
différents, trouvés dans deux évangiles : le premier figure dans Matthieu, chapitre XVI ; le
deuxième dans Jean, ch. XXI.
S’agit-il au moins de passages incontestables et clairs ? Pour répondre, étudions-les.

1°) L’argument tiré de l’évangile selon saint Jean

a) Un passage trop flou pour démontrer la création d’une église par le Christ

Le dernier chapitre de l’évangile selon saint Jean contient le passage suivant 218 :
14 C’était la troisième fois que Jésus ressuscité d’entre les morts se manifestait à ses disciples.
15 Quand ils eurent mangé, Jésus dit à Simon-Pierre : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu vraiment,
plus que ceux-ci ? » Il lui répond : « Oui, Seigneur ! Toi, tu le sais : je t’aime. » Jésus lui dit : « Sois
le berger de mes agneaux. »
16 Il lui dit une deuxième fois : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu vraiment ? » Il lui répond :
« Oui, Seigneur ! Toi, tu le sais : je t’aime. » Jésus lui dit : « Sois le pasteur de mes brebis. »
17 Il lui dit, pour la troisième fois : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » Pierre fut peiné parce que,
la troisième fois, Jésus lui demandait : « M’aimes-tu ? » Il lui répond : « Seigneur, toi, tu sais tout :
tu sais bien que je t’aime. » Jésus lui dit : « Sois le berger de mes brebis. »

Déjà, j’affirme que pour une mission capitale, le texte est bien flou. On s’attendrait à une
description plus précise de la structure que sera l’Église avec sa hiérarchie, sa liturgie, ses
sacrements. Voici la suite (v. 17-19) :
[Jésus dit à Pierre] « En vérité, en vérité je te le dis, quand tu étais plus jeune, tu te ceignais toi-
même, et tu allais où tu voulais; mais quand tu seras vieux, tu étendras les mains, et un autre te
ceindra, et te mènera où tu ne voudras pas. » Il dit cela, indiquant par quelle mort Pierre devait
glorifier Dieu.

Cette suite n’a aucun rapport avec une mission de chef d’une église constituée. Elle parlait de
sa mort en des termes toujours aussi obscurs.

218 Jn, ch. XXI.

61
Pourquoi je ne suis plus catholique

En résumé, tout ce que ce passage (v. 14-17) pourrait démontrer, c’est que dans le groupe des
disciples, Pierre serait le chef en cas de dispute. Mais de là être le Pape d’une église constituée avec
sa hiérarchie, etc., il y a un fossé infranchissable.

Je pourrais m’arrêter là, mais j’en profiterai pour exposer quelques remarques importantes.

b) Un passage qui m’apparaît avoir été ajouté après coup

Ce texte invoqué par l’Église ne figure que dans l’évangile selon saint Jean, dans un chapitre
qui, selon moi, a été ajouté plus tard. En effet, le chapitre 20 s’achève ainsi219 :

21 Jésus leur dit de nouveau : « La paix soit avec vous ! De même que le Père m’a envoyé, moi
aussi, je vous envoie. »
22 Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et il leur dit : « Recevez l’Esprit Saint.
23 À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront
maintenus. »

On reconnaît les derniers moments de la mission terrestre du Christ, dans les jours qui
suivirent sa résurrection. Mais le passage qui évoque sa montée au ciel est absent. Cette omission
permet d’ajouter le vingt-et-unième chapitre qui commence ainsi : « Après cela, Jésus se manifesta
encore aux disciples sur le bord de la mer de Tibériade, et voici comment. » Plus bas, l’auteur
précise (v. 14) : « C’était la troisième fois que Jésus ressuscité d’entre les morts se manifestait à ses
disciples. » Puis vient ce détail surprenant (v. 4) : « les disciples ne savaient pas que c’était lui. »
Les disciples ont donc déjà vu deux fois Jésus ressuscité, mais ils ne le reconnaissent pas ! Un
catéchiste l’explique ainsi220 : « Leur foi est encore trop faible ; leurs yeux sont fermés. ». De plus en
plus stupéfiant : ils ont reçu l’Esprit-Saint de Jésus Lui-même 221 mais leur foi est trop faible ! C’est à
n’y rien comprendre.
L’explication est la suivante : primitivement, l’ajout destiné à justifier la création de l’Église
devait être placé ailleurs. L’auteur d’une Synopse des quatre évangiles confirme222 : « L’épilogue
interposé n’est pas à sa place primitive ». A mon avis, il devait être placé au sein du vingtième
chapitre, avant que les disciples ne reçoivent le Saint-Esprit et que le Christ ne monte au Ciel.
Finalement, il a été placé après ce chapitre. Aussi est-il devenu le vingt-et-unième chapitre et
dernier. Mais sachant qu’il n’était pas destiné à terminer l’évangile, la narration des faits s’arrête
brusquement. Le texte de Jean se termine ainsi223 :

20 […] Sur ces mots, [Jésus] lui dit : « [Pierre,] Suis-moi. »
20 S’étant retourné, Pierre aperçoit, marchant à leur suite, le disciple que Jésus aimait [= Jean].
21 Pierre, voyant donc ce disciple, dit à Jésus : « Et lui, Seigneur, que lui arrivera-t-il ? »
22 Jésus lui répond : « Si je veux qu’il demeure jusqu’à ce que je vienne, que t’importe ? Toi, suis-
moi. »
23 Le bruit courut donc parmi les frères que ce disciple ne mourrait pas. Or, Jésus n’avait pas dit à
Pierre qu’il ne mourrait pas, mais : « Si je veux qu’il demeure jusqu’à ce que je vienne, que
t’importe ? »
24 C’est ce disciple qui témoigne de ces choses et qui les a écrites, et nous savons que son
témoignage est vrai.

219 Jn., ch. XX.
220 http://www.idees-cate.com/eveil_a_la_foi/apparitionatiberiade.html .
221 Jn., ch. XX, v. 22.
222 Révérend père Ceslas Lavergne, Synopse des Quatre évangiles en français d’après la synopse grecque du R. P. M.-
J. Lagrange (Paris : J. Gabalda et Cie, 1958), p. 261, fin de la note 316.
223 Jn, ch. XXI.

62
J’invite les catholiques à débattre

25 Il y a encore beaucoup d’autres choses que Jésus a faites ; et s’il fallait écrire chacune d’elles, je
pense que le monde entier ne suffirait pas pour contenir les livres que l’on écrirait.

Pourquoi Jésus a-t-il demandé à Pierre de le suivre ? Ou sont-ils allés ? Qu’ont-ils fait ? Jean
(qui les suivait) n’en dit rien. De plus, comment Jésus finit-il sa mission terrestre ? Pas de réponse. Il
n’y a là rien de surprenant : la véritable fin de l’évangile de Jean était celle du chapitre XX, lorsque
le Christ envoie ses disciples en mission. Dans les autres évangiles, Il monte ensuite au Ciel. Mais à
cause du chapitre XXI qui fut ajouté, il n’était plus possible, chez Jean, de faire monter le Christ au
Ciel. D’où le retrait du passage qui décrit l’Ascension et un récit qui s’achève abruptement, au
chapitre XXI, avec un Christ qui part avec Pierre sans qu’on sache ce qui suit…

A mes yeux, donc, le chapitre XXI de l’évangile selon saint Jean est un ajout postérieur, rendu
nécessaire pour justifier après coup la création d’une église dite chrétienne. Cela signifie que le
reste de l’évangile ne souffle mot d’une telle création. Est-ce possible ? Oui, parce que Jésus croyait
en l’imminence de la fin du monde. Dès lors, pourquoi aurait-Il fondé une église destinée à durer ?

2°) Jésus croyait en la venue très prochaine du royaume des Cieux

a) Royaume des Cieux, royaume de Dieu et moisson

L’évangile selon saint Marc souligne que Jean-Baptiste, le prophète apparu à l’époque du
Christ, annonçait la proximité du Jugement dernier 224 : le grain amassé dans le grenier symbolisait
les justes qui, au terme du jugement, gagneraient le « royaume des Cieux » ; la paille brûlée
représentait les pécheurs qui, eux, seraient jetés en enfer.
Le même évangile précise225 :

Après l’arrestation de Jean, Jésus partit pour la Galilée proclamer l’Évangile de Dieu ; il disait :
« Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à
l’Évangile. »

L’évangile selon saint Matthieu rapporte également le fait 226 : « À partir de ce moment, Jésus
commença à proclamer : “Convertissez-vous, car le royaume des Cieux est tout proche”. » Le
royaume des Cieux — ou règne de Dieu — annonçait donc la fin du monde et le jugement dernier.
Tout comme Jean-Baptiste, Jésus symbolisait ce jugement par une moisson avec séparation du bon
grain et de l’ivraie227. Le Christ pensait donc que ses contemporains vivraient la moisson, c’est-à-

224 « En ces jours-là, paraît Jean le Baptiste, qui proclame dans le désert de Judée : “Convertissez-vous, car le
royaume des Cieux est tout proche […] Déjà la cognée se trouve à la racine des arbres : tout arbre qui ne produit
pas de bons fruits va être coupé et jeté au feu. Moi, je vous baptise dans l’eau, en vue de la conversion. Mais celui
qui vient derrière moi est plus fort que moi, et je ne suis pas digne de lui retirer ses sandales. Lui vous baptisera
dans l’Esprit Saint et le feu. Il tient dans sa main la pelle à vanner, il va nettoyer son aire à battre le blé, et il
amassera son grain dans le grenier ; quant à la paille, il la brûlera au feu qui ne s’éteint pas” » (Mc., 1-2, 10-11).
225 Mc., I, 14-15.
226 Mt, IV, 17.
227 « [Jésus] leur proposa une autre parabole : “Le royaume des Cieux est comparable à un homme qui a semé du bon
grain dans son champ. Or, pendant que les gens dormaient, son ennemi survint ; il sema de l’ivraie au milieu du blé
et s’en alla. Quand la tige poussa et produisit l’épi, alors l’ivraie apparut aussi. Les serviteurs du maître vinrent lui
dire : “Seigneur, n’est-ce pas du bon grain que tu as semé dans ton champ ? D’où vient donc qu’il y a de
l’ivraie ?” Il leur dit : “C’est un ennemi qui a fait cela.” Les serviteurs lui disent : “Veux-tu donc que nous allions
l’enlever ?” Il répond : “Non, en enlevant l’ivraie, vous risquez d’arracher le blé en même temps. Laissez-les
pousser ensemble jusqu’à la moisson ; et, au temps de la moisson, je dirai aux moissonneurs : Enlevez d’abord
l’ivraie, liez-la en bottes pour la brûler ; quant au blé, ramassez-le pour le rentrer dans mon grenier.”” » (Mt., XIII,
24-30). Peu après venait l’explication (je souligne) : « Ses disciples s’approchèrent et lui dirent : “Explique-nous

63
Pourquoi je ne suis plus catholique

dire la fin du monde. Voilà pourquoi lorsqu’Il envoya pour la première fois ses douze Apôtres
prêcher la « bonne nouvelle » (l’évangile), il leur commanda : « Sur votre route, proclamez que le
royaume des Cieux est tout proche »228, « Guérissez les malades qui s’y trouvent et dites-leur : “Le
règne de Dieu s’est approché de vous.” »229.

b) Deux concordances qui démontrent que Jésus croyait à l’imminence de la venue du
royaume des Cieux

Sur cette fin du monde qui viendrait avant une génération, deux passages des évangiles de
Marc, Luc et Matthieu concordent parfaitement.

Première concordance entre les trois évangiles

Voici comment ces trois évangiles rapportent un premier discours du Christ :

– Matthieu, ch. XVI, v. 27-28 :
Car le Fils de l’homme va venir avec ses anges dans la gloire de son Père ; alors il rendra à chacun
selon sa conduite.
Amen, je vous le dis : parmi ceux qui sont ici, certains ne connaîtront pas la mort avant d’avoir vu
le Fils de l’homme venir dans son Règne.

– Marc, ch. VIII-IX, v. 38 et 1 :

« Celui qui a honte de moi et de mes paroles dans cette génération adultère et pécheresse, le Fils de
l’homme aussi aura honte de lui, quand il viendra dans la gloire de son Père avec les saints anges. »
Et il leur disait : « Amen, je vous le dis : parmi ceux qui sont ici, certains ne connaîtront pas la mort
avant d’avoir vu le règne de Dieu venu avec puissance. »

– Luc, ch. IX, v. 26-27 :

Celui qui a honte de moi et de mes paroles, le Fils de l’homme aura honte de lui, quand il viendra
dans la gloire, la sienne, celle du Père et des saints anges.
Je vous le dis en vérité : parmi ceux qui sont ici présents, certains ne connaîtront pas la mort avant
d’avoir vu le règne de Dieu.

Si les mots ont un sens et si le sens doit être respecté, alors c’est limpide : les évangiles selon
saint Matthieu, saint Marc et saint Luc présentent un Jésus qui prévoyait l’arrivée du royaume des
Cieux avant une génération.

clairement la parabole de l’ivraie dans le champ.” Il leur répondit : “Celui qui sème le bon grain, c’est le Fils de
l’homme ; le champ, c’est le monde ; le bon grain, ce sont les fils du Royaume ; l’ivraie, ce sont les fils du Mauvais.
L’ennemi qui l’a semée, c’est le diable ; la moisson, c’est la fin du monde ; les moissonneurs, ce sont les anges. De
même que l’on enlève l’ivraie pour la jeter au feu, ainsi en sera-t-il à la fin du monde. Le Fils de l’homme enverra
ses anges, et ils enlèveront de son Royaume toutes les causes de chute et ceux qui font le mal ; ils les jetteront dans
la fournaise : là, il y aura des pleurs et des grincements de dents. Alors les justes resplendiront comme le soleil
dans le royaume de leur Père. Celui qui a des oreilles, qu’il entende !” » (Mt., XIII, 36-43.) Marc exposait la même
idée de moisson, mais en taisant le sort réservé au réprouvés : « [Jésus] disait : “Il en est du règne de Dieu comme
d’un homme qui jette en terre la semence : nuit et jour, qu’il dorme ou qu’il se lève, la semence germe et grandit, il
ne sait comment. D’elle-même, la terre produit d’abord l’herbe, puis l’épi, enfin du blé plein l’épi. Et dès que le blé
est mûr, il y met la faucille, puisque le temps de la moisson est arrivé” » (Mc., IV, 26-29).
228 Mt., X, 7.
229 Lc., X, 9.

64
J’invite les catholiques à débattre

Afin d’éviter cette conclusion très embarrassante pour l’Église, l’auteur de la Synopse des
quatre évangiles explique230 :

Rien de plus encourageant que de savoir que Jésus entrerait en possession de son royaume avant
que la génération présente ait disparu (Mt.). La domination divine installée bientôt sur cette terre
aura en elle-même la puissance qui la fera prévaloir contre vents et marées, et cela sera visible
(Mc.) Luc s’en tient à la certitude de l’établissement prochain du règne de Dieu. Ces textes sont
précieux pour établir la visibilité de l’Église comme du royaume du Fils.

D’après l’auteur, donc, ces versets font référence:
– au Christ qui, dans le ciel, prend possession de son royaume ;
– à l’Église qui, sur la Terre, sera établie visiblement.
Or, les paroles de Jésus rapportées plus haut par saint Matthieu sont très claires : lorsque, très
bientôt, « le Fils de l’homme » sera « dans son Règne », il viendra « avec ses anges » et « rendra à
chacun selon sa conduite ». Il s’agit donc bien du jugement dernier, pas de l’établissement d’une
église. Ce passage est à rapprocher de la Lettre de Saint Jude que l’Église a retenue comme
document fondateur. L’auteur y mettait en garde les fidèles contre les pécheurs des « derniers
temps » (je souligne)231 :
C’est encore contre eux qu’a prophétisé Hénok, le septième patriarche depuis Adam, qui disait :
Voici que le Seigneur est venu avec ses saints anges par myriades pour exercer le jugement
universel et accuser toutes les âmes pour tous les actes d’impiété qu’elles ont commis, et pour
toutes les paroles intolérables que les pécheurs impies ont prononcées contre lui […] Mais vous,
bien-aimés, souvenez-vous des paroles dites à l’avance par les Apôtres de notre Seigneur Jésus
Christ. Ils vous disaient en effet qu’aux derniers temps, il y aura des moqueurs qui iront au
gré de leurs convoitises impies. Ce sont des fauteurs de divisions, menés par l’instinct, ils ne
possèdent pas l’Esprit. Mais vous, bien-aimés, construisez votre vie sur votre foi très sainte, priez
dans l’Esprit Saint gardez-vous dans l’amour de Dieu, attendant la miséricorde de notre Seigneur
Jésus Christ en vue de la vie éternelle.

C’est clair : pour saint Jude, ses contemporains étaient dans les « derniers temps » avant le
« jugement universel » ; un jugement auquel présiderait le Seigneur « venu avec ses saints anges
par myriades ». Dans cette lettre, il n’était pas question d’une église.

Deuxième concordance entre les trois évangiles

Venons-en à la deuxième concordance. Là encore, c’est Jésus qui parle :

– Matthieu, ch. XXIV, v. 30-34 :
Alors paraîtra dans le Ciel le signe du Fils de l’homme ; alors toutes les tribus de la Terre se
frapperont la poitrine et verront le Fils de l’homme venir sur les nuées du ciel, avec puissance et
grande gloire.
Il enverra ses anges avec une trompette retentissante, et ils rassembleront ses élus des quatre coins
du monde, d’une extrémité des cieux jusqu’à l’autre.
Laissez-vous instruire par la parabole du figuier : dès que ses branches deviennent tendres et que
ses feuilles sortent, vous savez que l’été est proche.
De même, vous aussi, lorsque vous verrez tout cela, sachez que le Fils de l’homme est proche, à
votre porte.
Amen, je vous le dis : cette génération ne passera pas avant que tout cela n’arrive.

230 Révérend père Ceslas Lavergne, Synopse des Quatre évangiles en français…, déjà cité, p. 122-123, note 124.
231 Lettre de S. Jude, v. 14-21

65
Pourquoi je ne suis plus catholique

– Marc, ch. XIII, v. 26-30 :
Alors on verra le Fils de l’homme venir dans les nuées avec grande puissance et avec gloire.
Il enverra les anges pour rassembler les élus des quatre coins du monde, depuis l’extrémité de la
terre jusqu’à l’extrémité du ciel.
Laissez-vous instruire par la comparaison du figuier : dès que ses branches deviennent tendres et
que sortent les feuilles, vous savez que l’été est proche.
De même, vous aussi, lorsque vous verrez arriver cela, sachez que le Fils de l’homme est proche, à
votre porte.
Amen, je vous le dis : cette génération ne passera pas avant que tout cela n’arrive.

– Luc, ch. XXI, v. 27-32 :
Alors, on verra le Fils de l’homme venir dans une nuée, avec puissance et grande gloire.
Quand ces événements commenceront, redressez-vous et relevez la tête, car votre rédemption
approche. »
Et il leur dit cette parabole : « Voyez le figuier et tous les autres arbres.
Regardez-les : dès qu’ils bourgeonnent, vous savez que l’été est tout proche.
De même, vous aussi, lorsque vous verrez arriver cela, sachez que le royaume de Dieu est proche.
Amen, je vous le dis : cette génération ne passera pas sans que tout cela n’arrive.

Après bien d’autres, l’auteur de la Synopse des quatre évangiles prétend que ces versets font
allusion à la ruine du Temple de Jérusalem par les Romains232.
Il est vrai que l’histoire commence en parlant du Temple détruit 233. Mais voici le verset
suivant234 :
Puis, comme il s’était assis au mont des Oliviers, les disciples s’approchèrent de lui à l’écart pour
lui demander : « Dis-nous quand cela arrivera, et quel sera le signe de ta venue et de la fin du
monde. »

Jésus leur décrit alors des signes de cette fin du monde235. Puis il annonce236 :
Alors paraîtra dans le ciel le signe du Fils de l’homme ; alors toutes les tribus de la terre se
frapperont la poitrine et verront le Fils de l’homme venir sur les nuées du ciel, avec puissance et
grande gloire […] Amen, je vous le dis : cette génération ne passera pas avant que tout cela
n’arrive.

L’évangile selon saint Luc confirme admirablement 237. Il m’apparaît donc évident que ces
passages concordants font référence à une fin du monde avant une génération.

232 Révérend père Ceslas Lavergne, Synopse des Quatre évangiles en français…, déjà cité, p. 213, note 248.
233 « Jésus était sorti du Temple et s’en allait, lorsque ses disciples s’approchèrent pour lui faire remarquer les
constructions du Temple. Alors, prenant la parole, il leur dit : “Vous voyez tout cela, n’est-ce pas ? Amen, je vous le
dis : il ne restera pas ici pierre sur pierre ; tout sera détruit.” » (Mt., XXIV, 1-2).
234 Mt., XXIV, 3.
235 « On se dressera nation contre nation, royaume contre royaume ; il y aura, en divers lieux, des famines et des
tremblements de terre. » ; « cet Évangile du Royaume sera proclamé dans le monde entier ; il y aura là un
témoignage pour toutes les nations. Alors viendra la fin. » ; « Aussitôt après la détresse de ces jours-là, le soleil
s’obscurcira et la lune ne donnera plus sa clarté ; les étoiles tomberont du ciel et les puissances célestes seront
ébranlées » (Mt., XXIV, 7, 14, 29).
236 Mt., XXIV, 30, 33.
237 « Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles. Sur terre, les nations seront affolées et désemparées par le
fracas de la mer et des flots. Les hommes mourront de peur dans l’attente de ce qui doit arriver au monde, car les
puissances des cieux seront ébranlées. Alors, on verra le Fils de l’homme venir dans une nuée, avec puissance et
grande gloire […] Amen, je vous le dis : cette génération ne passera pas sans que tout cela n’arrive » (Lc., XXI,
25-27, 32).

66
J’invite les catholiques à débattre

c) Une croyance répandue chez les disciples

J’ajoute que cette croyance était répandue chez ses disciples. Témoins ces lettres qui figurent
parmi les tout premiers documents de l’Église :
– Première lettre de saint Jean, ch. II, v. 18 :
Mes enfants, c’est la dernière heure et, comme vous l’avez appris, un anti-Christ, un adversaire du
Christ, doit venir ; or, il y a dès maintenant beaucoup d’anti-Christs ; nous savons ainsi que c’est la
dernière heure.

– Première lettre de saint Pierre, ch. IV, v. 7 et 17 :
La fin de toutes choses est proche. Soyez donc raisonnables et sobres en vue de la prière.
Car voici le temps du jugement : il commence par la famille de Dieu. Or, s’il vient d’abord sur
nous, quelle sera la fin de ceux qui refusent d’obéir à l’Évangile de Dieu ?

– Lettre de saint Jacques, ch. V, v. 1 et 3, 8-9 :
Et vous autres, maintenant, les riches ! Pleurez, lamentez-vous sur les malheurs qui vous attendent
[…]. Vous avez amassé des richesses, alors que nous sommes dans les derniers jours !
Prenez patience, vous aussi, et tenez ferme car la venue du Seigneur est proche. Frères, ne gémissez
pas les uns contre les autres, ainsi vous ne serez pas jugés. Voyez : le Juge est à notre porte.

Voilà pourquoi les évangiles sont si discrets — voire muets — à propos de l’établissement
d’une église. Car à quoi bon une église pour les siècles à venir, si la fin devait venir très bientôt,
avant même une génération ?

3°) L’argument tiré de l’évangile selon saint Matthieu

a) Création de l’Église : un passage très clair tiré de l’évangile selon saint Matthieu

On m’objectera qu’un passage très clair figure au seizième chapitre de l’évangile selon saint
Matthieu :

13 Jésus, arrivé dans la région de Césarée-de-Philippe, demandait à ses disciples : « Au dire des
gens, qui est le Fils de l’homme ? »
14 Ils répondirent : « Pour les uns, Jean le Baptiste ; pour d’autres, Élie ; pour d’autres encore,
Jérémie ou l’un des prophètes. »
15 Jésus leur demanda : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? »
16 Alors Simon-Pierre prit la parole et dit : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ! »
17 Prenant la parole à son tour, Jésus lui dit : « Heureux es-tu, Simon fils de Yonas : ce n’est pas la
chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux.
18 Et moi, je te le déclare : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et la puissance de
la Mort ne l’emportera pas sur elle.
19 Je te donnerai les clés du royaume des Cieux : tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans
les cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux. »
20 Alors, il ordonna aux disciples de ne dire à personne que c’était lui le Christ.

Je l’admets sans peine, le passage est très clair.
b) Le silence de Marc et Luc lorsqu’ils racontent le même épisode

Toutefois, voici comment Marc et Luc rapportent le même événement :

67
Pourquoi je ne suis plus catholique

– Marc., ch. VIII, v. 27-30 :
27 Jésus s’en alla, ainsi que ses disciples, vers les villages situés aux environs de Césarée-de-
Philippe. Chemin faisant, il interrogeait ses disciples : « Au dire des gens, qui suis-je ? »
28 Ils lui répondirent : « Jean le Baptiste ; pour d’autres, Élie ; pour d’autres, un des prophètes. »
29 Et lui les interrogeait : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » Pierre, prenant la
parole, lui dit : « Tu es le Christ. »
30 Alors, il leur défendit vivement de parler de lui à personne.

– Luc., ch. IX, v. 18-21 :
18 En ce jour-là, Jésus était en prière à l’écart. Comme ses disciples étaient là, il les interrogea :
« Au dire des foules, qui suis-je ? »
19 Ils répondirent : « Jean le Baptiste ; mais pour d’autres, Élie ; et pour d’autres, un prophète
d’autrefois qui serait ressuscité. »
20 Jésus leur demanda : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » Alors Pierre prit la
parole et dit : « Le Christ, le Messie de Dieu. »
21 Mais Jésus, avec autorité, leur défendit vivement de le dire à personne,

Sachant que la création d’une Église aurait été un aspect essentiel de la mission du Christ, il
est invraisemblable que Marc et Luc aient « oublié » de retranscrire ce passage capital de la
conversation.

c) Les explications peu convaincantes de l’exégète Marie-Joseph Lagrange

Soucieux de comprendre, j’ai consulté l’œuvre de Marie-Joseph Lagrange, un exégète et
théologien catholique, fondateur de l’École biblique et archéologique française de Jérusalem et de la
Revue biblique. Mort en 1938, neuf ans auparavant, il avait laissé un commentaire développé et
corrigé de l’évangile selon saint Marc (plus de 600 pages). Pour expliquer le silence de Marc et de
Luc, il écrit238 : « Si l’on admet que Marc suivait la catéchèse de Pierre, on peut attribuer à
l’humilité de l’apôtre l’omission des paroles louangeuses ; c’est l’opinion d’Eusèbe. » Opinion
puérile assurément. A supposer que Pierre deviendrait humble et que le Seigneur — sachant tout,
même l’avenir — ait jugé cette humilité légitime, alors Il l’aurait entretenu de sa vocation seul-à-
seul. S’Il a jugé bon de parler en présence des autres, c’est parce que la mission de Pierre était
suffisamment importante, capitale même, pour être révélée publiquement. On le comprend : Pierre
serait le chef de l’Église, possesseur des clés du royaume des Cieux, chargé de lier et de délier ! Ce
n’est pas le genre de statut que l’on cache.
Conscient, selon tout probabilité, du peu de force de l’opinion d’Eusèbe, Marie-Joseph
Lagrange avance une autre explication :

Même en connaissant l’investiture de Pierre, Marc a pu préférer n’en pas parler, parce que son but
n’est pas d’insister sur l’organisation de l’Église, mais sur la carrière et la mission de Jésus.
Spécialement ici, voulant opposer à l’idée fausse qui pouvait être contenue dans le mot de Messie,
la vraie destinée du Fils de l’homme, il n’accueille aucun détail qui pourrait distraire la pensée et
affaiblir l’effet relativement à Jésus [Id.].

Déjà, il est absurde de croire qu’un lecteur pourrait avoir la pensée « distraite », ce qui
affaiblirait un « effet ». La lecture n’est ni une conversation, ni une conférence. Ensuite, il n’était pas
question, ici, de « l’organisation de l’Église », comme le prétend l’auteur, mais de sa création, ce qui
était précisément le centre de la mission de Jésus. Sachant que c’est le seul endroit qui en parle

238 Père Marie-Joseph Lagrange, Évangile selon saint Marc (Librairie Lecoffre, 1929), p. 216.

68
J’invite les catholiques à débattre

— contrairement à ceux où Jésus est reconnu comme le Messie ou le Fils de Dieu 239 —, Marc ne
pouvait l’omettre. L’explication de Marie-Joseph Lagrange n’a donc aucune valeur.

Reste à expliquer le silence de Luc. L’auteur assène : « Luc s’est contenté de ce qu’il lisait
dans Marc » (Id.). Pardon ! L’Église affirme que les évangélistes écrivaient sous l’inspiration du
Saint-Esprit. Sachant que, d’après Elle, Matthieu et Jean ont clairement révélé la mission de Pierre,
alors pourquoi le Saint-Esprit n’a-t-il pas aussi guidé Luc et Marc ? Pourquoi ne pas les avoir repris
au moment où ils allaient commettre un oubli essentiel ?

4°) La leçon tirée des Actes des Apôtres et des Épîtres de Paul

Un autre fait, à mon avis, démontre que Jésus n’a fondé aucune église. Il s’agit des
dissensions, au premier siècle, entre Paul et la communauté apostolique. Les questions portaient
avant tout sur des problème de discipline. Parfois aussi sur la Foi. Dans sa première lettre aux
Corinthiens, par exemple, saint Paul semblait ne pas croire en la résurrection de la chair 240. Ces
tiraillements sont perceptibles lorsqu’on lit les Épîtres de Paul et le Livre des Actes des Apôtres. Or,
un fait surprenant s’en dégage : l’autorité du Christ est quasiment absente. Ni à Jérusalem, ni à
Antioche on ne l’invoque. Alfred Loisy écrit241 : « Le fondateur présumé du christianisme ne compte
pas dans ce débat où se joue l’avenir de la religion ». C’est incontestable et, à mes yeux, cela
confirme que Jésus n’avait fondé aucune église. S’il apparaît, c’est comme moraliste (on l’invoque,
par exemple, sur la question du divorce), crucifié, ressuscité et véhicule de l’Esprit-Saint. Pas
comme fondateur d’une structure ecclésiale.

Ma conclusion : croyant en l’imminence de la venue du royaume des Cieux, Jésus n’a
fondé aucune église

A mes yeux, la conclusion s’impose : dans l’évangile selon saint Matthieu, le passage a été
ajouté tardivement, pour faire croire que Jésus aurait instauré une église avec Pierre pour chef. Voilà
pourquoi ni Marc, ni Luc, ni Jean ne le mentionnent.

Rien donc, dans les quatre évangiles, ne vient démontrer que Jésus aurait fondé une église. Au
contraire, tout laisse croire que les premiers chrétiens étaient persuadés de l’imminence de la fin des
temps ; en conséquence, ils se souciaient nullement des siècles à venir.
Lorsque, toutefois, les temps eurent passé sans que le royaume des Cieux ne vint, il fallut
bâtir une structure de plus en plus organisée. Les évangiles de Matthieu et de Jean furent alors
modifiés en conséquence.
Dernière remarque : l’évangile selon saint Matthieu comporte un passage qui parle d’une
Église. C’est au dix-huitième chapitre :

15 Si ton frère a commis un péché contre toi, va lui faire des reproches seul à seul. S’il t’écoute, tu
as gagné ton frère.
16 S’il ne t’écoute pas, prends en plus avec toi une ou deux personnes afin que toute l’affaire soit
réglée sur la parole de deux ou trois témoins.

239 Jn, I, 50 ; IV, 26 ; X, 24… et XI, 47 ; Mt., IV, 3 ; XXVI, 63…
240 « ce qui est semé corps physique ressuscite corps spirituel ; car s’il existe un corps physique, il existe aussi un
corps spirituel […] Je le déclare, frères : la chair et le sang sont incapables de recevoir en héritage le royaume de
Dieu, et ce qui est périssable ne reçoit pas en héritage ce qui est impérissable […] et cela en un instant, en un clin
d’œil, quand, à la fin, la trompette retentira. Car elle retentira, et les morts ressusciteront, impérissables, et nous,
nous serons transformés. » (I Co., XV, 44, 50 et 52).
241 Alfred Loisy, Jésus et la tradition évangélique (Émile Nourry, 1910), p. 34.

69
Pourquoi je ne suis plus catholique

17 S’il refuse de les écouter, dis-le à l’assemblée de l’Église ; s’il refuse encore d’écouter l’Église,
considère-le comme un païen et un publicain.
18 Amen, je vous le dis : tout ce que vous aurez lié sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que
vous aurez délié sur la terre sera délié dans le ciel.

Dans ce passage, l’Église considérée comme une simple assemblée, sans hiérarchie, ni ordre,
ni sacrements… On ne saurait donc l’invoquer pour affirmer que Jésus aurait fondé l’Église
catholique.

70
V. La Naissance miraculeuse de Jésus

La divinité de Jésus serait démontrée en premier lieu par sa naissance miraculeuse. Les quatre
évangiles devraient donc la décrire longuement. Or, Jean et Marc restent muet à son propos. Voilà
qui surprend. Mais passons et considérons les deux autres évangélistes.

1°) Marie et Joseph étaient-ils donc si fermés aux signes les plus évidents ?

a) Un ange prévient Marie qu’elle sera enceinte miraculeusement…

Dans le première chapitre de son évangile, Luc décrit ainsi l’annonce de la conception
miraculeuse de Jésus :

26 Le sixième mois, l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, appelée
Nazareth,
27 à une jeune fille vierge, accordée en mariage à un homme de la maison de David, appelé
Joseph ; et le nom de la jeune fille était Marie.
28 L’ange entra chez elle et dit : « Je te salue, Comblée-de-grâce, le Seigneur est avec toi. »
29 À cette parole, elle fut toute bouleversée, et elle se demandait ce que pouvait signifier cette
salutation.
30 L’ange lui dit alors : « Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu.
31 Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils ; tu lui donneras le nom de Jésus.
32 Il sera grand, il sera appelé Fils du Très-Haut ; le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David
son père ;
33 il régnera pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin. »
34 Marie dit à l’ange : « Comment cela va-t-il se faire puisque je ne connais pas d’homme ? »
35 L’ange lui répondit : « L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra
sous son ombre ; c’est pourquoi celui qui va naître sera saint, il sera appelé Fils de Dieu.
36 Or voici que, dans sa vieillesse, Élisabeth, ta parente, a conçu, elle aussi, un fils et en est à son
sixième mois, alors qu’on l’appelait la femme stérile.
37 Car rien n’est impossible à Dieu. »
38 Marie dit alors : « Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole. » Alors
l’ange la quitta […]
46 Marie dit alors : « Mon âme exalte le Seigneur,
47 exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur !
48 Il s’est penché sur son humble servante ; désormais tous les âges me diront bienheureuse.
49 Le Puissant fit pour moi des merveilles ; Saint est son nom ! »

71
Pourquoi je ne suis plus catholique

b) … mais il ne prévient pas Joseph son (futur) époux
Passons au premier chapitre de l’évangile selon saint Matthieu :
18 […] voici comment fut engendré Jésus Christ : Marie, sa mère, avait été accordée en mariage à
Joseph ; avant qu’ils aient habité ensemble [la version grecque dit : « avant qu’ils eussent été
ensemble »], elle fut enceinte par l’action de l’Esprit Saint.
19 Joseph, son époux, qui était un homme juste, et ne voulait pas la dénoncer publiquement, décida
de la renvoyer en secret.
20 Comme il avait formé ce projet, voici que l’ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit :
« Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse, puisque l’enfant qui
est engendré en elle vient de l’Esprit Saint ;
21 elle enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus (c’est-à-dire : Le-Seigneur-sauve), car
c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. »
22 Tout cela est arrivé pour que soit accomplie la parole du Seigneur prononcée par le prophète :
23 Voici que la Vierge concevra, et elle enfantera un fils ; on lui donnera le nom d’Emmanuel, qui
se traduit : « Dieu-avec-nous »
24 Quand Joseph se réveilla, il fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit : il prit chez lui son
épouse,
25 mais il ne s’unit pas à elle, jusqu’à ce qu’elle enfante un fils, auquel il donna le nom de Jésus.

Notez la différence : chez Luc, l’ange intervient avant que Marie ne soit enceinte. Chez
Matthieu, il prévient Joseph alors que Marie porte déjà l’enfant depuis un certain temps. Sachant
qu’il ne peut s’agir d’un même événement, il est étonnant qu’une fois informée, Marie n’ait pas
prévenu Joseph, afin, déjà, d’éviter de se retrouver dans une situation déshonorante. La question
n’est pas illégitime. En effet, l’auteur d’un évangile apocryphe, le Protoévangile de Jacques, essaie
de trouver une explication au silence incompréhensible de la futur mère : il raconte qu’après avoir
été avertie par l’ange, Marie aurait… oublié242. Si l’on refuse d’accorder foi à la version du
Protoévangile de Jacques, alors il faut croire que la future mère du Christ n’a pas osé ou pas pu
prévenir Joseph (soit par timidité, soit parce que ce dernier était absent). Pourquoi pas ? Mais dans
ce cas, il est encore plus étonnant qu’après avoir averti Marie, l’ange n’ait pas averti Joseph.
Comment expliquer que ce dernier ait été laissé dans l’ignorance, puisqu’il songea à chasser sa
future épouse ? Dieu aime-t-il voir ses créatures plongées dans des affres qu’elles n’ont pas
méritées ?
c) Le recensement romain qui fait naître Jésus à Bethléem : une énigme historique

Revenons à l’évangile selon saint Luc. Il raconte243 :

En ces jours-là, parut un édit de l’empereur Auguste, ordonnant de recenser toute la terre — ce
premier recensement eut lieu lorsque Quirinius était gouverneur de Syrie. Et tous allaient se faire
recenser, chacun dans sa ville d’origine. Joseph, lui aussi, monta de Galilée, depuis la ville de
Nazareth, vers la Judée, jusqu’à la ville de David appelée Bethléem. Il était en effet de la maison et
de la lignée de David.
242 « Et voici qu’un ange debout devant [Marie] disait : “Ne crains pas, Marie, tu as trouvé grâce devant le Maître de
toute chose. Tu concevras de son Verbe […]” Pleine de joie, Marie se rendit chez sa parente Élisabeth et frappa à
la porte. En l’entendant, Élisabeth […] courut à la porte, ouvrit, et la bénit en ces termes : “Comment se fait-il que
la mère de mon Seigneur vienne à moi ? Car vois-tu, l’enfant a tressailli et t’a bénie.” Or Marie avait oublié les
mystères dont avait parlé l’ange Gabriel. Elle leva les yeux au ciel et dit : “Qui suis-je, pour que toutes les femmes
de la terre me proclament bienheureuse ?” Et elle demeura trois mois chez Élisabeth. Et de jour en jour son sein
s’arrondissait. Inquiète, elle regagna sa maison et elle se cachait des fils d’Israël. Elle avait seize ans, quand
s’accomplirent ces mystères. » (Protoévangile de Jacques, chapitres 11 et 12. Une version est consultable en ligne :
https://livres-mystiques.com/partieTEXTES/Apocryphes/protevan.html)
243 Lc., II, 1-4.

72
J’invite les catholiques à débattre

Seul Luc évoque cette histoire. Pourquoi ? Parce qu’elle est fausse. Pour plusieurs raisons.
Déjà, les recensements organisés par les Romains servaient à collecter l’impôt : le gens se faisaient
donc inscrire là où ils résidaient, ce qui permettait en outre de contrôler l’exactitude de la
déclaration244.

Dira-t-on que les Romains avaient adopté la coutume juive qui, elle, prévoyait un recensement
sur le lieu de naissance ? Dans ce cas, Joseph aurait certainement effectué le déplacement seul, car
les recensements juifs ne concernaient que les hommes 245. Si, donc, les Romains avaient organisé un
recensement de type juif, Joseph aurait assurément laissé Marie à la maison, sous la protection de
voisines qui l’assisteraient lors de l’accouchement.

Mais l’argument le plus fort contre Luc est le suivant : aucun recensement général n’a été
organisé à l’époque de la naissance du Christ. Dans ses chroniques, Flavius Joseph parle d’un
dénombrement organisé après la mort du roi Hérode et la déposition du son fils Archelaus, c’est-à-
dire une dizaine d’années après la venue au monde de Jésus 246. C’est à cette occasion qu’eut lieu la
révolte menée par Judas le Galiléen.

Quant aux sources romaines (Suétone, Dion Cassius et le monument d’Ancyre), aucune ne
parle d’un recensement qui aurait été décidé par Auguste. Dans un livre consacré à la question, Du
recensement opéré au moment de la naissance du Christ, un auteur chrétien le reconnaît247. Mais il
fournit une explication savoureuse. Sachant que d’après la Genèse, au Paradis, Adam avait recensé
tous les animaux de la terre en les nommant, il écrivit 248 : « Le sauveur du monde [le “second Adam
céleste”] devait par principe naître en même temps que, par un recensement général de l’empire,
Auguste devenait le nouvel Adam terrestre ». Et l’auteur d’asséner249 : « Après cela, faut-il encore
s’inquiéter de l’objection qui nous est opposée, selon laquelle aucune source historique digne de
confiance, soit contemporaine, soit postérieure, ne mentionne ce recensement général ? » Je passe
sur ces raisonnements délirants.

Pourquoi Luc a-t-il inventé cet épisode ? Parce que dans son évangile, Joseph et Marie
résidaient à Nazareth. Or, pour être le Messie, Jésus devait naître à Bethléem, conformément à la

244 Cette réalité transparaît dans l’ouvrage déjà cité la Légende dorée ; l’auteur écrit qu’aux termes du recensement
ordonné par César Auguste : « tous les hommes de son empire [eurent] à se rendre dans la ville ou le village d’où ils
étaient originaires, et à remettre au gouverneur de la province un denier d’argent, en signe de soumission à l’empire
romain. » (Jacques de Voragine, La Légende dorée, traduite du latin d’après les plus anciens manuscrits [Paris :
Librairie Académique Perrin, 1910], p. 38). On ne voit vraiment pas pourquoi les gens auraient dû parcourir des
kilomètres pour aller donner un seul denier en signe de soumission ; une telle opération aurait en outre désorganisé
totalement le pays.
245 « Ainsi Yahvé avait-il dit à Moïse : “Quand tu dénombreras les fils d’Israël pour le recensement, chacun d’eux
donnera au Seigneur le prix de la rançon pour sa vie : ainsi, aucun fléau ne les frappera lors du recensement. Voici
ce que donnera tout homme soumis au recensement : un demi-sicle, selon le sicle du sanctuaire à vingt guéras par
sicle, comme contribution pour le Seigneur. Tout homme de vingt ans et plus qui viendra se faire recenser
s’acquittera de la contribution pour le Seigneur.” »(Exode, XXX, 12-14). Au chapitre XXXVIII, on lit : « Argent
provenant des personnes recensées de la communauté : cent talents et mille sept cent soixante-quinze sicles, en
sicles du sanctuaire, soit un béqua par tête ou un demi-sicle, en sicles du sanctuaire, pour tout homme passant au
recensement, âgé de vingt ans et plus, soit six cent trois mille cinq cent cinquante hommes. » (v. 25-26).
246 Histoire des Juifs, écrite par Flavius Joseph, sous le titre de : « Antiquitez judaïques », traduite du grec par
Mgr Arnaud d’Andilly (Schippers & Wetstein, Amsterdam, 1681) Livre XVIII, ch. I, dans cette édition : p. 415,
col. B.
247 Philipp Eduard Huschke, Über den zur Zeit der Geburt Jesu Christi gehaltenen Census (Ferdinand Hirt, Breslau,
1840), p. 36.
248 Ibid., p. 35.
249 Ibid., p. 36.

73
Pourquoi je ne suis plus catholique

prophétie de Michée250 : « Et toi, Bethléem Éphrata, le plus petit des clans de Juda, c’est de toi que
sortira pour moi celui qui doit gouverner Israël. » Pour que Joseph et Marie aillent à Bethléem, Luc
inventa donc un recensement qui aurait eu lieu à cette époque sous le gouverneur Quirinius 251.
d) Marie et Joseph n’ont pas compris qui était Jésus
L’enfant vient donc au monde dans une étable. Au deuxième chapitre de son évangile, Luc
poursuit :

08 Dans la même région, il y avait des bergers qui vivaient dehors et passaient la nuit dans les
champs pour garder leurs troupeaux.
09 L’ange du Seigneur se présenta devant eux, et la gloire du Seigneur les enveloppa de sa lumière.
Ils furent saisis d’une grande crainte.
10 Alors l’ange leur dit : « Ne craignez pas, car voici que je vous annonce une bonne nouvelle, qui
sera une grande joie pour tout le peuple :
11 Aujourd’hui, dans la ville de David, vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur.
12 Et voici le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans
une mangeoire. »
13 Et soudain, il y eut avec l’ange une troupe céleste innombrable, qui louait Dieu en disant :
14 « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes, qu’Il aime. »
15 Lorsque les anges eurent quitté les bergers pour le ciel, ceux-ci se disaient entre eux : « Allons
jusqu’à Bethléem pour voir ce qui est arrivé, l’événement que le Seigneur nous a fait connaître. »
16 Ils se hâtèrent d’y aller, et ils découvrirent Marie et Joseph, avec le nouveau-né couché dans la
mangeoire.
17 Après avoir vu, ils racontèrent ce qui leur avait été annoncé au sujet de cet enfant.
18 Et tous ceux qui entendirent s’étonnaient de ce que leur racontaient les bergers.
19 Marie, cependant, retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur.
20 Les bergers repartirent ; ils glorifiaient et louaient Dieu pour tout ce qu’ils avaient entendu et vu,
selon ce qui leur avait été annoncé.

Avec tous ces événements survenus depuis la conception de l’enfant, Marie et Joseph ne
peuvent ignorer qu’il s’agit du Sauveur tant attendu et envoyé par Dieu. Mais voici ce qu’on lit dans
la suite :
41 Chaque année, les parents de Jésus se rendaient à Jérusalem pour la fête de la Pâque.
42 Quand il eut douze ans, ils montèrent en pèlerinage suivant la coutume.
43 À la fin de la fête, comme ils s’en retournaient, le jeune Jésus resta à Jérusalem à l’insu de ses
parents.
44 Pensant qu’il était dans le convoi des pèlerins, ils firent une journée de chemin avant de le
chercher parmi leurs parents et connaissances.
45 Ne le trouvant pas, ils retournèrent à Jérusalem, en continuant à le chercher.
46 C’est au bout de trois jours qu’ils le trouvèrent dans le Temple, assis au milieu des docteurs de
la Loi : il les écoutait et leur posait des questions,
47 et tous ceux qui l’entendaient s’extasiaient sur son intelligence et sur ses réponses.
48 En le voyant, ses parents furent frappés d’étonnement, et sa mère lui dit : « Mon enfant,
pourquoi nous as-tu fait cela ? Vois comme ton père et moi, nous avons souffert en te cherchant ! »
49 Il leur dit : « Comment se fait-il que vous m’ayez cherché ? Ne saviez-vous pas qu’il me faut
être chez mon Père ? »
50 Mais ils ne comprirent pas ce qu’il leur disait [souligné par moi].
51 Il descendit avec eux pour se rendre à Nazareth, et il leur était soumis. Sa mère gardait dans son
cœur tous ces événements.
250 Michée, ch. V, v. 1
251 Sur cette question, voir David Strauss, Vie de Jésus, ou Examen critique de son histoire (Paris : Librairie
Philosophique De Ladrange, 1853), tome I, p. 236 et s.

74
J’invite les catholiques à débattre

Comment expliquer qu’après tous les miracles ayant accompagné la conception et la naissance
de Jésus, et qu’avec les mystères révélés au père (putatif), ni Marie ni Joseph n’aient compris ce
qu’Il leur disait ? C’est tout simplement incroyable !
Je note que sur cette question, l’auteur de la volumineuse Explication suivie des quatre
évangiles passe très rapidement. Il cite tout d’abord saint Bède qui hasardait l’explication
suivante252 : « [Marie et Joseph] ne comprirent pas ce qu’il venait de leur dire de sa divinité. »
Pourtant, l’ange Gabriel aurait dit à Marie 253 : « tu vas concevoir et enfanter un fils […] il sera
appelé Fils du Très-Haut ; le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il régnera
pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin. ». N’était-ce pas assez clair ?
L’auteur cite ensuite Origène254 :

[Marie et Joseph] ignoraient si par ces paroles : « Aux choses qui regardent le service de mon
Père, » il voulait parler du temple, ou si ces paroles renfermaient un sens plus élevé, d’une utilité
plus immédiate, car chacun de nous, s’il est bon et vertueux, devient la demeure et comme le siège
de Dieu le Père ; et si nous sommes la demeure et le siège de Dieu nous avons Jésus au milieu de
nous.

Par la suite, cette explication qui invoquait un prétendu sens caché aux paroles de Jésus fut
développée. Au XXe siècle, dans un ouvrage fouillé sur l’évangile selon saint Luc, le commentateur
Marie-Joseph Lagrange prétendit justifier l’incompréhension des parents, en invoquant les
« profondeurs insondables » du mystère que portait Jésus255. Pourtant, l’affaire était ici très simple :
Fils de Dieu, Jésus était dans le Temple à s’entretenir des choses de la Foi avec les docteurs de la
Loi. Quoi de plus aisé à comprendre pour Marie et pour Joseph ?
En 1958, l’auteur de la Synopse des quatre évangiles délaissa les explications de Marie-Joseph
Lagrange. Pourtant, son travail s’appuyait sur cet exégète. Il se contenta de résumer en quelques
lignes256 :

Jésus Fils éternel de Dieu, incarné pour nous sauver, restait au Temple pour accomplir la volonté
mystérieuse de son Père, et, sûr de la Foi et de la confiance de ses parents, il les préparait ainsi à
« comprendre » la nécessité généreuse des perspectives douloureuses ouvertes déjà par la prophétie
de Siméon.

Cette nouvelle explication pose toutefois une question : si, vraiment, Marie et Joseph avaient
eu foi et confiance en Dieu, sachant que Jésus était son Fils, alors ils ne se seraient pas inquiétés.

252 La chaîne d’or : Explication des quatre évangiles par le docteur angélique saint Thomas d’Aquin, traduction
nouvelle par l’abbé J.-M. Péronne (Librairie Louis Vivès, Paris, 1868), tome V, p. 138.
253 Lc., I, 31-33.
254 La chaîne d’or…, déjà cité, tome V, p. 138-139.
255 « Ce verset [où Luc soligne l’incompréhension des parent de Jésus] a beaucoup embarrassé la piété des exégètes,
en particulier de Cajetan, qui a cru qu’il s’appliquait aux auditeurs, non aux interlocuteurs, ou tout au plus à
Joseph. La difficulté c’est que Marie du moins connaissait bien la conception miraculeuse de Jésus, et la parole de
Jésus avait déjà été précédée de celle des bergers, de Siméon et d’Anne […]. Luc qui nous a mis au courant du
mystère veut simplement montrer qu’il contenait des profondeurs insondables. A mesure qu’il se déroulait, il
dépassait l’intelligence qu’en avaient ceux même auxquels il était confié. Si jésus sur la Croix a dû subir l’abandon
de son Père, pourquoi l’âme n’aurait-elle pas connu des épreuves mystérieuses qui la plongeaient dans une sorte
d’obscurité ? Peut-être cependant Luc n’aurait pas écrit cette phrase, si l’on n’en avait recueilli l’expression de la
bouche de Marie. Au moment où la mère de Jésus rappelait aux premiers chrétiens les souvenirs qu’elle avait
conservés dans son cœur, elle pouvait bien dire que dans ces premiers et heureux temps elle n’avait pas compris
tout ce que comportait la nature et la mission de son Fils. Pourquoi avait-il dû se séparer d’eux pour être chez son
père ? Première douleur imposée à la Mère, qui en présageait bien d’autres. » (Révérend père Marie-Joseph
Lagrange, Évangile selon Saint Luc, déjà cité, édition, de 1941, p. 97-98, note 51).
256 Révérend père Ceslas Lavergne, Synopse des Quatre évangiles en français…, déjà cité, p. 34-35, note 14.

75
Pourquoi je ne suis plus catholique

Pourtant, Marie lui dit257 : « nous avons souffert en te cherchant ! » J’en déduis qu’ils ignoraient que
Jésus était le Fils de Dieu. D’où leur inquiétude et, surtout, leur incompréhension quand Il répondit
qu’Il lui fallait être chez son Père.
Il est intéressant de souligner qu’Origène avait vu la difficulté. Aussi avait-il expliqué 258 :
Mais pourquoi [Marie et Joseph] le cherchaient-ils ? Craignaient-ils qu’Il n’eût péri ou qu’Il se fût
égaré ? Loin de nous cette pensée. Comment auraient-ils pu craindre la perte de cet enfant dont ils
connaissaient la divinité ? Lorsque vous lisez les saintes Écritures, vous cherchez avec une certaine
peine à en découvrir le sens, ce n’est pas, sans doute, que vous pensiez que la divine Écriture puisse
renfermer des erreurs ou des choses dites au hasard ; mais vous désirez trouver la vérité qui est
cachée sous l’écorce de la lettre. C’est ainsi que Marie et Joseph cherchaient l’enfant Jésus, en
craignant que peut-être il ne les eût quittés et ne fût remonté dans les cieux, pour en descendre de
nouveau lorsqu’il le jugerait à propos.

Dans cette nouvelle explication, Marie et Joseph avaient si bien compris la divinité de Jésus
qu’ils le pensaient même capable de faire un petit tour au ciel avant de revenir ! Mais dans ce cas,
pourquoi n’ont-ils pas compris la réponse que leur fit Jésus ?
On le voit, quelle que soit l’explication envisagée, on butte sur une contradiction. D’où
l’embarras des exégètes.

2°) Dieu cache au monde l’arrivée du Rédempteur

a) Catholiques et Juifs à propos des prophéties concernant le Messie

Si Dieu semble avoir caché la divinité de son Fils à ses propres parents, il a davantage caché
au monde la naissance du Rédempteur. Les catholiques n’ont cessé de reprocher aux Juifs leur
aveuglement à propos du Messie : ils l’attendaient sous une figure glorieuse et puissante. L’abbé
Gosselin écrit259 :

Les hommes s’attendaient à voir venir le Rédempteur dans un appareil plus magnifique que la
gloire de Salomon, et ils se trompaient en cela. S’ils avaient étudié ou compris les Saintes Écritures,
ils auraient su qu’il devaient naître pauvre et humble.

Neuf lignes plus haut toutefois, il mentionne (sans le citer) un verset de la Genèse qui aurait
annoncé le Messie. C’est la seule référence qu’il donne : « Genèse, XLIX, 10 ». Que dit ce verset ?
Voici : « Le sceptre royal n’échappera pas à Juda, ni le bâton de commandement, à sa
descendance, jusqu’à ce que vienne celui à qui le pouvoir appartient, à qui les peuples obéiront. »
L’abbé Gosselin aurait pu citer aussi (je souligne) :

– Jérémie, XXIII, 5 :

Voici venir des jours — oracle du Seigneur —, où je susciterai pour David un Germe juste : il
régnera en vrai roi, il agira avec intelligence, il exercera dans le pays le droit et la justice.

– Psaume LXXI, 1, 7-11 :

Dieu, donne au roi tes pouvoirs, à ce fils de roi ta justice. En ces jours-là, fleurira la justice, grande
paix jusqu’à la fin des lunes ! Qu’il domine de la mer à la mer, et du Fleuve jusqu’au bout de la

257 Lc., II, 48
258 La chaîne d’or…, déjà cité, tome V, p. 138.
259 Abbé David Gosselin, Le Code Catholique, déjà cité, p. 167.

76
J’invite les catholiques à débattre

terre ! Des peuplades s’inclineront devant lui, ses ennemis lécheront la poussière. Les rois de
Tarsis et des Îles apporteront des présents. Les rois de Saba et de Seba feront leur offrande. Tous
les rois se prosterneront devant lui, tous les pays le serviront.

– Isaïe, IX, 5-6 :

Oui, un enfant nous est né, un fils nous a été donné ! Sur son épaule est le signe du pouvoir […]
Et le pouvoir s’étendra, et la paix sera sans fin pour le trône de David et pour son règne qu’il
établira, qu’il affermira sur le droit et la justice dès maintenant et pour toujours.

– Aggée, II, 6-9 :

Encore un peu de temps — déclare le Seigneur de l’univers —, et je vais ébranler le ciel et la terre,
la mer et la terre ferme. Je vais mettre en branle toutes les nations, leurs trésors afflueront ici,
et j’emplirai de gloire cette Maison — déclare le Seigneur de l’univers. L’argent est à moi, l’or
est à moi — oracle du Seigneur de l’univers. La gloire future de cette Maison surpassera la
première […]

– Ou encore Zacharie, XIV, 3-21 :

Alors le Seigneur sortira pour combattre avec les nations, comme lorsqu’il combat au jour de la
bataille. Ses pieds se poseront, ce jour-là, sur le mont des Oliviers qui est en face de Jérusalem, à
l’orient. Et le mont des Oliviers se fendra par le milieu, d’est en ouest ; il deviendra une immense
vallée. Une moitié de la montagne reculera vers le nord, et l’autre vers le sud […] Alors le
Seigneur deviendra roi sur toute la terre ; ce jour-là, le Seigneur sera unique, et unique, son nom
[…] Et voici le fléau dont le Seigneur frappera tous les peuples qui auront combattu contre
Jérusalem : il fera pourrir la chair de chacun quand il sera encore debout sur ses pieds ; ses
yeux pourriront dans leurs orbites, sa langue pourrira dans sa bouche […] Juda aussi
combattra avec Jérusalem. Les richesses de toutes les nations d’alentour seront rassemblées, or,
argent, vêtements, en énorme quantité […] Alors tous les survivants des nations qui auront
marché contre Jérusalem monteront année après année se prosterner devant le Roi Seigneur de
l’univers, et célébrer la fête des Tentes. Mais pour les familles de la terre qui ne monteront pas se
prosterner à Jérusalem devant le Roi Seigneur de l’univers, la pluie ne tombera pas […] Tel sera le
châtiment de l’Égypte et le châtiment de toutes les nations qui ne monteront pas célébrer la fête des
Tentes.

Je pourrai multiplier les citations de ce genre 260. Ceux qui lisaient cela n’avaient-ils pas raison
d’attendre un Messie puissant ?
Alors certes, Isaïe prévoyait aussi261 :

Qui aurait cru ce que nous avons entendu ? Le bras puissant du Seigneur, à qui s’est-il révélé ?
Devant lui, le serviteur a poussé comme une plante chétive, une racine dans une terre aride ; il était
sans apparence ni beauté qui attire nos regards, son aspect n’avait rien pour nous plaire. Méprisé,
abandonné des hommes, homme de douleurs, familier de la souffrance, il était pareil à celui devant
qui on se voile la face ; et nous l’avons méprisé, compté pour rien.

De même, Zacharie262 : « Voici ton roi qui vient à toi : il est juste et victorieux, pauvre et
monté sur un âne, un ânon, le petit d’une ânesse. »

260 Ezéchiel, XXXVII, 24 et s ; Joël, IV, 20 ; Isaïe, II, LX et LXI ; Michée, IV ; Amos, IX, Jérémie, XXIII, etc.
261 Is., LIII, 1-3.
262 Zacharie, IX, 9.

77
Pourquoi je ne suis plus catholique

Mais c’est toujours le problème avec la Bible : on y trouve tout et son contraire. La lecture et
l’étude de l’Écriture sainte obscurcit donc davantage qu’elle n’éclaire. Par conséquent, l’abbé
Gosselin est bien malvenu d’accuser les hommes de n’avoir pas étudié ou d’avoir mal compris les
Saintes Écritures. Au contraire, c’est pour les avoir trop scrutées que les Juifs étaient perdus… Mais
comment expliquer que Yahvé ait annoncé le Sauveur au moyen de quelques prophéties
contradictoires, perdues dans un fatras d’histoires ou d’historiettes ? A cela, un pasteur protestant
répondait263 :
En nous donnant la Bible, Dieu n’a pas voulu, par des motifs dignes de sa sagesse et de sa bonté,
que les révélations y fussent disposées avec la régularité triste et froide que doivent s’imposer les
sciences humaines. La Bible n’est point arrangée selon un ordre méthodique de matières, de faits ou
de dates ; c’eût été une science, non une révélation. Dieu y a mis la vérité ; il a laissé à l’esprit
humain le soin d’y trouver l’ordre.

Autrement dit : Dieu nous accorde une révélation car notre raison serait impuissante à tout
découvrir, mais il la rend obscure en nous la livrant dans le désordre le plus complet. Le pasteur y
voit une marque de sagesse et de bonté ; pour ma part, j’y vois un Dieu qui, comme toujours, agit au
rebours de la logique la plus élémentaire.

b) Le Messie précédé par Élie : une prophétie claire mais dont Dieu cache la réalisation

Mais il y a plus déroutant encore. D’après le prophète Malachie, Élie devrait précéder la venue
du Messie264. Or, celui qui vint s’appelait Jean, Jean le Baptiste 265. Voilà pourquoi des Pharisiens
envoyèrent des prêtres et des lévites interroger Jean-Baptiste afin de savoir s’il était Élie. Mais il
répondit négativement266. Jean ayant nié être Élie, on comprend donc pourquoi les Juifs refuseraient
de croire que le Messie puisse arriver à sa suite.
Certes, plus tard, le Christ aurait déclaré que Jean-Baptiste était Élie 267. Mais ayant reçu un
démenti de la bouche même de l’intéressé, cette affirmation n’avait aucun poids.
On m’objectera que par la suite, lors du miracle de la Transfiguration, Élie apparut pendant
que Dieu témoignait en faveur de son Fils Jésus. L’évangile selon saint Marc rapporte268 :

263 Anathase Conquerel, Histoire sainte et analyse de la Bible (Paris : Cherbuliez et Cie, 1842), p. v.
264 « Voici que j’envoie mon messager pour qu’il prépare le chemin devant moi ; et soudain viendra dans son Temple le
Seigneur que vous cherchez. Le messager de l’Alliance que vous désirez, le voici qui vient, – dit le Seigneur de
l’univers […]. Voici que je vais vous envoyer Élie le prophète, avant que vienne le jour du Seigneur, jour grand et
redoutable. » (Malachie, III, 1 et 23).
265 « Il est écrit dans Isaïe, le prophète : Voici que j’envoie mon messager en avant de toi, pour ouvrir ton chemin. Voix
de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers. Alors Jean, celui qui
baptisait, parut dans le désert. Il proclamait un baptême de conversion pour le pardon des péchés. Toute la Judée,
tous les habitants de Jérusalem se rendaient auprès de lui, et ils étaient baptisés par lui dans le Jourdain, en
reconnaissant publiquement leurs péchés. Jean […] proclamait : “Voici venir derrière moi celui qui est plus fort
que moi ; je ne suis pas digne de m’abaisser pour défaire la courroie de ses sandales. Moi, je vous ai baptisés avec
de l’eau ; lui vous baptisera dans l’Esprit Saint.” » (Mc., I, 2-8).
266 « Voici le témoignage de Jean, quand les Juifs lui envoyèrent de Jérusalem des prêtres et des lévites pour lui
demander : “Qui es-tu ?” Il ne refusa pas de répondre, il déclara ouvertement : “Je ne suis pas le Christ.” Ils lui
demandèrent : “Alors qu’en est-il ? Es-tu le prophète Élie ?” Il répondit : “Je ne le suis pas. — Es-tu le Prophète
annoncé ?” Il répondit : “Non.” Alors ils lui dirent : “Qui es-tu ? Il faut que nous donnions une réponse à ceux qui
nous ont envoyés. Que dis-tu sur toi-même ?” Il répondit : “Je suis la voix de celui qui crie dans le désert :
Redressez le chemin du Seigneur, comme a dit le prophète Isaïe.” Or, ils avaient été envoyés de la part des
pharisiens. » (Jn., I, 19-24).
267 « Tous les Prophètes, ainsi que la Loi, ont prophétisé jusqu’à Jean. Et, si vous voulez bien comprendre, c’est lui, le
prophète Élie qui doit venir. »(Mt., XI, 13-14).
268 Mc., IX, 2-9. Voir aussi Mt., XVII, 1-9 et Lc., IX, 28-36.

78
J’invite les catholiques à débattre

Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean, et les emmène, eux seuls, à l’écart sur une haute
montagne. Et il fut transfiguré devant eux. Ses vêtements devinrent resplendissants, d’une
blancheur telle que personne sur terre ne peut obtenir une blancheur pareille. Élie leur apparut avec
Moïse, et tous deux s’entretenaient avec Jésus […] Survint une nuée qui les couvrit de son ombre,
et de la nuée une voix se fit entendre : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé : écoutez-le ! » Soudain,
regardant tout autour, ils ne virent plus que Jésus seul avec eux. Ils descendirent de la montagne, et
Jésus leur ordonna de ne raconter à personne ce qu’ils avaient vu, avant que le Fils de l’homme soit
ressuscité d’entre les morts.

A supposer que ce miracle ait été accompli devant une foule de pharisiens prévenus contre
Jésus, ceux-ci auraient été subjugués : Élie lui-même qui apparaît avec Jésus pendant que Yahvé,
venu sous forme d’une nuée, témoigne en sa faveur. On imagine sans peine les pharisiens se
prosternant face contre terre et révérant le Christ. Or, non seulement ce miracle incroyable n’eut lieu
que devant trois disciples, mais de plus, Jésus leur interdit d’en parler avant qu’il ne soit ressuscité !

Moralité : à travers ses prophètes, Dieu aurait donc prévenu qu’Élie annoncerait le Messie ;
mais une fois les temps accomplis, Il aurait tout fait pour cacher à la foule — et aux premiers
intéressés — la réalisation de cette prophétie. L’abbé Bergier pourra me répéter : « Je soutiens que
Dieu ne devait pas révéler ce miracle, puisqu’il ne l’a pas fait », je ne puis croire que le Créateur
puisse agir avec tant d’illogisme : on ne livre pas des prophéties au peuple pour ensuite cacher au
public leur réalisation ! A ce stade, Dieu n’est plus seulement illogique, Il est injuste.

c) Le Messie née d’une vierge : une autre prophétie dont Dieu cache la réalisation

D’après les chrétiens, la Bible offrait une autre prophétie claire : le Messie devrait naître d’une
« jeune fille », autrement dit d’une vierge269. Pour les Juifs toutefois, la « jeune fille » du verset
n’était pas une vierge. A l’appui de leur analyse, ils invoquent trois arguments :
1°) En hébreu, une fille vierge se dit : ‫ נתןלח‬et non ‫; עלםה‬
2°) Le terme ‫( עלםה‬jeune fille) utilisé dans le verset d’Isaïe, « se dit même d’une femme qui a
commerce avec un homme ». Pour étayer cet argument, ils invoquent les Proverbes, XXX, 19 et le
Cantique des Cantiques, VI, 8, « où il y a ‫ עלםןה‬jeunes femmes au sérail »270.
3°) La « jeune fille » qui enfantera est désignée au chapitre suivant : il s’agit de la propre
femme d’Isaïe271.

A cela, saint Thomas d’Aquin répondait272 :
1°) Que pour les chrétiens, ‫( עלםה‬jeune fille) « signifie vierge, selon l’origine du mot, et
encore plus, virginité conservée, excluant tout soupçon de mal ».
2°) Qu’ « il n’y aurait eu aucun signe si une jeune fille venait à concevoir, et si une vierge
venait à perdre sa virginité. Or, le Seigneur a voulu signifier une grande chose lorsqu’il a dit au
fond de l’enfer, ou dans les hauteurs au-dessus (v. 11) » ;
3°) Si la jeune fille qui devait enfanter avait été la femme d’Isaïe, « alors il n’y aurait pas eu
de signe. Et en outre le fils d’Isaïe ne fut pas seigneur de Judée, bien qu’on dise (Is., VIII, 8) que la
terre de Judée est celle d’Emmanuel, comme sa possession. » ;
Saint Thomas en concluait que cette prophétie s’appliquait bien au « fils de Dieu ».
269 « C’est pourquoi le Seigneur vous donnera lui-même un signe : Voici, la jeune fille ( ‫ )העלםה‬deviendra enceinte et
enfantera un fils, et le nommera Emmanuel (Dieu avec nous) » (Is., VII, 14).
270 Isidore Cahen, La Bible : traduction nouvelle avec l’hébreu en regard, déjà cité, tome IX, p. 26, note 14.
271 En effet, Isaïe déclare : « Je m’étais approché de la prophétesse, elle était devenue enceinte et avait enfanté un
fils »(Is., VIII, 3).
272 Saint Thomas d’Aquin, Commentaires sur Isaïe (Traduction des moines de l’abbaye Notre-Dame de Fontgombault,
s.d.) p. 94 (en ligne : http://docteurangelique.free.fr/livresformatweb/ecriture/isaie.pdf).

79
Pourquoi je ne suis plus catholique

Pour les Juifs, toutefois, la naissance de l’enfant ne devait pas nécessairement être un signe
miraculeux. Car remis dans son contexte, le verset 11 était le suivant :
10. Jéhovah continua à parler [au roi] A’haz, savoir :
11. Demande pour toi un signe de Jéhovah, ton Dieu, demande-le dans la profondeur, ou élevé dans
la hauteur.
12. A’haz dit : Je ne demanderai rien, et je ne tenterai pas Jéhovah.

Le roi ayant refusé de demander un signe au Seigneur, Isaïe répondit que ce signe serait son
épouse qui enfanterait… Car dans la tradition juive, un signe « consiste souvent dans un événement
très ordinaire et accidentel ; là, le merveilleux n’est que dans la prédication ; quelquefois aussi c’est
quelque chose de prodigieux et de surnaturel »273.
M’abstenant de prendre parti dans cette querelle entre juifs et chrétiens, je note que malgré son
infinie sagesse, Yahvé n’a pas pu dévoiler le signe de la naissance du Rédempteur avec une
prophétie suffisamment limpide pour être indiscutable. Pourtant, il lui aurait suffi de dire : « Le
Messie naîtra d’une demoiselle qui n’aura jamais connu d’homme, et il aura six doigts aux deux
mains. » Voilà qui eût été clair, et infalsifiable !

On me répondra que les discussions viennent de la malice des Juifs qui, dès le départ,
s’illusionnaient sur le Messie. Admettons. Mais dans ce cas, Dieu aurait dû agir pour que la virginité
de Marie soit reconnue, évidente, publique. Or, Il cache cette virginité en choissant une fille mariée
(à Joseph)274. Dieu inspire donc le prophète Isaïe pour annoncer au peuple la virginité de la mère du
Messie, mais le moment voulu, Il cache cette virginité sous le voile du mariage ! Le conséquence
était inévitable ; parlant de Jésus, des Juifs lancèrent 275 : « lui, nous savons d’où il est. Or, le Christ,
quand il viendra, personne ne saura d’où il est. » Autrement dit : nous connaissons le père de ce
Jésus (c’est Joseph le charpentier, qui l’a engendré physiquement) ; mais le Messie, lui, n’aura pas de
père (puisqu’il naîtra d’une vierge).
Afin d’expliquer cette logique absurde adoptée par Dieu, saint Jérôme affirme que si la Vierge
a conçu dans le mariage, c’était « pour qu’elle ne fut pas lapidée par le peuple comme coupable
d’adultère, selon la loi de Moïse »276. Mais là encore, puisqu’il existait une prophétie claire,
pourquoi Dieu n’a-t-Il pas attendu que le peuple tente de lapider Marie pour faire apparaître un
Ange qui l’aurait protégée et rappelé aux gens les paroles annonciatrices d’Isaïe ? Cela aurait été un
signe magnifique préparant l’arrivée du Messie. Comme toujours, c’est à n’y rien comprendre.

Oublions cette première incohérence. Dieu veut protéger Marie de la lapidation par des voies
naturelles, sans le recours d’un ange. Soit. Surgit alors un problème :
1°) Saint Matthieu déclare que la jeune fille fut enceinte « avant qu’ils [= les époux] eussent
été ensemble »277. Tout le monde comprend qu’il veut dire : avant que les futurs époux n’aient habité
sous le même toit278. Il n’y a aucune ambiguïté.
2°) De plus, la grossesse de Marie dut être apparente puisque Joseph songea à la répudier.
Par conséquent, le risque de lapidation existait bel et bien. Comment les catholiques vont-ils

273 Isidore Cahen, La Bible : traduction nouvelle avec l’hébreu en regard, déjà cité, tome IX, p. 26, note 26.
274 « Sans doute, [Joseph] était uni avec Marie par le plus sacré des liens, parce qu’il avait plu au Père éternel de
cacher, sous le voile du mariage, la virginité de celle qu’il destinait à être la mère de son Fils. » (Hippolyte Noël,
Nouvelle explication du catéchisme…, déjà cité, t. 1, p. 260).
275 Jn., VII, 17.
276 Abbé Jean-François Bareille, Œuvres complètes de saint Jérôme (Paris : Louis Vivès, 1878) tome 2, « Contre
Helvédius », p. 481.
277 Mt., I, 18.
278 D’ailleurs, dans une version soignée parue en 1889, un docteur en théologie traduit ces mots par : « avant qu’ils
eussent vécu ensemble » (Edmond Stapfer, Le Nouveau Testament [Paris : Fischbacher, 1889], p. 43).

80
J’invite les catholiques à débattre

résoudre cette contradiction ? En invoquant la « glose » qui affirme279 : « Ces paroles : “Avant qu’ils
fussent ensemble”, doivent être entendues dans le sens de l’union charnelle ». Sous-entendu : Marie
et Joseph vivaient déjà ensemble (sous le même toit), mais ils n’avaient pas encore été ensemble (ils
n’avaient eu aucun rapport sexuel). Dans les annales des tentatives d’explication ineptes, celle-ci
mérite de figurer en bonne place. Je note d’ailleurs que trois pages plus loin, le discours change.
S’agissant de répondre à une autre objection, on invoque saint Rémi qui déclare : « On peut dire
encore que ce mot : “être ensemble” exprime non pas l’union conjugale, mais l’époque de la
célébration des noces, c’est-à-dire le moment ou la fiancée devient épouse, et alors le sens serait :
“Avant qu’ils fussent ensemble” c’est-à-dire avant la célébration solennelle du mariage » (Ibid.,
p. 58). Bref, suivant la difficulté à résoudre, on change le sens du texte, n’hésitant pas à lui faire dire
ce qu’il ne dit pas.

Je passe donc sur ces explications variables pour m’en tenir au sens évident du texte : la future
mère de Jésus fut enceinte avant de vivre avec son époux. En conséquence, si l’on suppose, avec
saint Jérôme, que Dieu voulait protéger Marie de la lapidation, alors l’évangile selon saint Matthieu
pose un grave problème.

d) L’argument : « Les Juifs aveuglés n’auraient pas compris »
De la conception de Jésus, passons à sa naissance. Les Juifs attendaient « un Messie, un
Messie puissant, un Messie couronné de gloire » ; à la place, Jésus naît dans une étable. Pourquoi ?
Pour nous faire « sentir le danger des richesses, le crime de ceux qui se font un dieu de l’argent »280.
Admettons. Mais cela risquait de faire passer ce Messie inaperçu. Dès lors, on se demande pourquoi
Dieu n’envoya son ange qu’aux bergers trouvés à proximité de la crèche. Un catéchiste
s’interroge281 : « Pourquoi Dieu n’a-t-il pas fait d’abord connaître sa naissance aux grands du
monde, aux principaux d’entre les Juifs, aux docteurs de la loi, plutôt qu’à des hommes obscurs,
grossiers, ignorants ? » Question d’autant plus pertinente que Joseph Cohen souligne282 :
Au moment où Jésus vint au monde, Rome dominait en Judée. Les institutions politiques du peuple
hébreu disparaissaient sous les lois des vainqueurs et sous l’organisation centralisatrice de l’empire ;
les institutions religieuses étaient menacées par l’invasion des pratiques païennes qu’imposaient des
maîtres superbes ou qu’introduisaient d’ambitieux apostats. La résistance des Juifs s’accroissait avec
leurs malheurs, car ils défendaient tout à la fois leur patrie et leur Dieu […] Dans ces circonstances,
tout libérateur devait être accueilli avec enthousiasme. Quiconque viendrait, au nom de Dieu,
réaliser les promesses des prophètes, rétablir le trône de David, repousser d’un bras victorieux les
envahisseurs de la terre et de la cité saintes, ne pouvait manquer d’exciter partout en Judée
d’universels transports et de rallier rapidement autour de lui tous les hommes et toutes les forces
d’Israël. Le sentiment national et le sentiment religieux devaient se réunir pour décupler la
puissance de ce Messie et assurer le triomphe de sa mission.

Dieu ne pouvait-Il donc pas exploiter cette attente générale, surtout chez les grands, pour
favoriser l’arrivée du Sauveur ? Le « Catéchisme de la foi et des mœurs chrétiennes » traite la
question283 :
279 La chaîne d’or…, déjà cité, tome I, p. 55.
280 Hippolyte Noël, Nouvelle explication du catéchisme…, déjà cité, t. 1, p. 260.
281 Ibid., p. 288.
282 Joseph Cohen, Les déicides (Paris : Michel Lévy frères, 1861), p. 16-17. l’abbé Joseph-Épiphane Darras confirme
« dans le monde entier, et à Jérusalem surtout, à l’époque où elle [= la naissance du Christ] se produisit, les esprits
se préoccupaient unanimement de la naissance d’un Roi, et de l’avènement d’un nouvel Empire. Hérode, le tyran
iduméen, suivait, d’un regard plein d’anxiété, les diverses manifestations de l’espérance populaire. » (Abbé Joseph-
Épiphane Darras, Histoire générale de l’Église, depuis la création jusqu’à nos jours [Paris : Louis Vivès, 1864],
tome IV, p. 337.)
283 Abbé de Lantages, « Catéchisme de la foi et des mœurs chrétiennes », déjà cité, col. 81.

81
Pourquoi je ne suis plus catholique

Pourquoi la naissance de Jésus fut-elle manifestée à de pauvres bergers plutôt qu’à des prêtres et à
des docteurs de la loi ?
1°) Parce que ces bergers avaient mieux conservé l’innocence et la simplicité, et menaient une vie
conforme à celle de Moïse et des anciens patriarches qui gardaient leurs troupeaux (I Co, I, 27) ;
2°) parce qu’ils étaient la figure de la sainte Église, à qui les mystères de Jésus-Christ sont révélés,
pendant que les Juifs demeurent dans leur aveuglement (Mt., XIII, 11).

Le point n° 2 constitue l’excuse sans cesse invoquée pour prétendre justifier la logique
absurde de Yahvé. Dans un autre catéchisme, je lis284 :

C’est que Dieu révèle aux petits et aux humbles ce qu’il cache aux prudents, aux sages du siècle.
Les grands de la Judée étaient des orgueilleux, qui ne voulaient d’autres Messie qu’un roi glorieux
et triomphant, et, quand les anges leur auraient donné, pour signe de sa venue, des langes, une
crèche, une étable, qu’auraient-ils dit ? Qu’auraient-ils pensé ? Plus tard ils ne voulurent pas le
reconnaître, malgré les prodiges qui s’échappaient incessamment de ses mains ; l’auraient-ils
reconnu aux seules marques de son humilité ? D’ailleurs, leur négligence à chercher le Sauveur,
lorsque les bergers publiaient ses merveilles, et lorsque ensuite les Mages vinrent l’adorer est une
preuve certaine de leur orgueil, et nous montre suffisamment qu’ils étaient indignes que Dieu se
révélât à eux.

L’auteur attache une grande importance à la visite des rois-mages. Encore faudrait-il que ce
fait soit authentique. Nous verrons au paragraphe suivant qu’il ne l’est certainement pas. D’ailleurs, à
supposer que, dans sa providence, Dieu ait suscité des rois-mages pour avertir la Judée, alors
pourquoi les a-t-Il conduits chez celui qui serait le pire ennemi du Christ : le roi Hérode ? Pourquoi
ne les a-t-Il pas conduits chez Nicodème ou chez Joseph d’Arimathie ? Ayant trouvé un accueil
favorable, ils auraient pu venir accompagnés de gens bienveillants et repartir sans se cacher, en
louant les merveilles de Dieu. Mais non ! Dieu les fait aller chez Hérode, ce qui occulte leur venue
et les oblige à repartir furtivement, pour ne plus jamais reparaître. Quant au « massacre de
Innocents » qui aurait suivi, j’y reviendrai.
L’auteur reproche également aux grands de ce monde leur apathie quand des bergers ont
annoncé la venue du Messie. Comment en être surpris ? Les grands attendant un Messie glorieux
— on peut les comprendre —, il fallait donc leur envoyer des messagers en conséquence, c’est-à-
dire des anges ou des rois illustres dans la région, pas des gens « obscurs, grossiers, ignorants ».
Puis vient la sempiternelle excuse : de toute façon, les Juifs étaient trop aveuglés, donc cela
n’aurait servi à rien ! Pardon, mais si l’on en croit l’évangile selon saint Jean, la guérison d’un
aveugle-né par Jésus provoqua une dispute entre Juifs285 :
Beaucoup d’entre eux disaient : « Il a un démon, il délire. Pourquoi l’écoutez-vous ? » D’autres
disaient : « Ces paroles ne sont pas celles d’un possédé… Un démon pourrait-il ouvrir les yeux des
aveugles? »

Preuve que de nombreux Juifs n’étaient pas aveuglés. De plus, voici ce que saint Matthieu
rapporte lorsque, plus tard, Jésus revint dans sa région natale pour prêcher286 :

il enseignait les gens dans leur synagogue, de telle manière qu’ils étaient frappés d’étonnement et
disaient : « D’où lui viennent cette sagesse et ces miracles ? N’est-il pas le fils du charpentier ? Sa
mère ne s’appelle-t-elle pas Marie, et ses frères : Jacques, Joseph, Simon et Jude ? Et ses sœurs ne
sont-elles pas toutes chez nous ? Alors, d’où lui vient tout cela ? » Et ils étaient profondément
284 Hippolyte Noël, Nouvelle explication du catéchisme…, déjà cité, t. 1, p. 288.
285 Jn., X, 20-21
286 Mt., XIII, 54-58.

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J’invite les catholiques à débattre

choqués à son sujet. Jésus leur dit : « Un prophète n’est méprisé que dans son pays et dans sa
propre maison. »

Les gens étaient donc troublés par la sagesse du fils de Joseph ; toutefois, ils ne pouvaient
croire en sa mission à cause de son origine obscure. Un commentateur confirme287 :
La thèse de Matthieu est limpide : […] un manque de foi envers celui dont on connaissait toute la
famille, ce qui mettait en question, non pas la provenance, mais la nature de sa prétendue sagesse et
de son mirifique pouvoir.

Face à ce scepticisme dû à son origine, Jésus répondait288 :
Vous me connaissez ? Et vous savez d’où je suis ? Je ne suis pas venu de moi-même : mais il est
véridique, Celui qui m’a envoyé, Lui que vous ne connaissez pas. Moi, je le connais parce que je
viens d’auprès de Lui, et c’est Lui qui m’a envoyé.

Sans doute… Mais en l’absence de messagers adéquats (anges ou rois) lors de la naissance, ce
discours n’avait aucune crédibilité aux yeux des sceptiques. Les miracles n’y changeaient rien, car
ces derniers les attribuaient à la magie, voire au démon. Les Actes de Apôtre font référence à un
Simon qui « pratiquait la magie et frappait de stupéfaction la population de Samarie, prétendant
être un grand personnage »289. Jésus lui-même prévenait le peuple contre « des faux messies et des
faux prophètes qui fer[aient] des signes et des prodiges afin d’égarer, si c’était possible, les
élus »290. Les Juifs pouvaient donc toujours suspecter les miracles opérés par Jésus en personne.
Mais si, à sa naissance, des Anges s’étaient répandus partout, annonçant sa venue, même à supposer
que, sur le moment, personne n’ait cru, trente ans plus tard, des gens se seraient souvenus. D’autres
auraient consulté les chroniques qui mentionnaient le fait. La crédibilité de Jésus en aurait été
beaucoup plus forte.

e) Pourquoi ne pas avoir averti toute l’humanité ?

J’ajoute que Jésus étant le sauveur du genre humain, c’est tout l’humanité qu’il aurait fallu
avertir, afin que la venue de l’enfant soit clairement annoncée. C’est au-dessus des synagogues, des
temples romains, des sanctuaires païens, des lieux de prières hindous, des pyramides aztèques, etc.
qu’il aurait fallu chanter la gloire du Seigneur. C’est dans les steppes, les campagnes, les humbles
villages, qu’il aurait fallu se manifester. Pourquoi Dieu ne l’a-t-Il pas fait ? Un catéchiste répond291 :
« La conduite de la Providence a toujours été la même. De tout temps, Dieu a résisté aux superbes
et donné sa grâce aux humbles. ». La naissance de Jésus ayant été si discrète, faut-il en conclure
que le monde était peuplé uniquement de superbes ? Les humbles pasteurs, les laboureurs, les mères
de familles de tous les pays étaient-ils des monstres d’orgueil ? Non, bien évidemment. Alors
pourquoi ce silence ? Ce fait heurte ma raison.
Dira-t-on que Dieu s’est manifesté ? Que ses cohortes angéliques ont rempli tout le ciel ? Dans
ce cas, comment expliquer que, outres les bergers — dont on n’entendra plus parler — seuls trois
rois-mages soient venus se prosterner devant l’enfant ? Faut-il croire que le spectacle des anges
ordonné par Dieu sur toute la Terre aurait été trop ridicule ou trop peu convaincant pour retenir
l’attention ? Un catholique repoussera avec horreur cette hypothèse. Il devra alors convenir que,
pour annoncer la venue du Sauveur, Dieu n’a suscité que les bergers à proximité (les Anges n’ayant

287 Révérend père Ceslas Lavergne, Synopse des Quatre évangiles en français…, déjà cité, p. 99, fin de la note 100.
288 Jn, VII, 28-29.
289 Actes…, VIII, 9
290 Mc., XIII, 22
291 Hippolyte Noël, Nouvelle explication du catéchisme…, déjà cité, t. 1, p. 289.

83
Pourquoi je ne suis plus catholique

pas chanté ailleurs) et qu’en annonçant la nouvelle un peu partout 292, ceux-ci n’ont rencontré
qu’indifférence. Un prêtre confirme : « Que se passa-t-il après le départ des bergers ? L’admiration
qu’avaient excitée leurs récits dura-t-elle ? Les habitants de Bethléem s’empressèrent-ils d’offrir à
Marie des cadeaux ? » Il est obligé de convenir que non293 :

Rien ne distinguait la pauvre famille du Sauveur ; il est donc probable que l’attention attirée sur elle
par les bergers se détourna promptement, car, huit jour plus tard, quand il fallut circoncire l’enfant
[…] apparemment ce fut Joseph qui pratiqua ce rite sacré et versa les première gouttes du sang
divin.

Une semaine après, donc, il n’y avait déjà plus personne — à supposer qu’il y ait eu du monde
auparavant. Certes, le peu de succès des bergers n’est pas surprenant. Mais là encore, c’était
totalement illogique : si Dieu voulait annoncer la venue du sauveur, alors il fallait répandre partout
des anges ; si, en revanche, Il voulait la cacher, alors il fallait n’envoyer personne. Un
commentateur écrit294 : « Immobilisé dans ses langes, [Jésus] mobilisa l’armée du ciel pour faire
part de sa naissance à d’humbles bergers du désert ». Le contraste est certes très frappant, mais
envoyer les Anges, qui constituent un moyen de communication extraordinaire, pour qu’ensuite, la
communication soit assurée par des bergers « obscurs, grossiers, ignorants », voilà une façon d’agir
qui heurte ma raison.
On m’objectera que Jésus a répondu aux Pharisiens 295 : « La venue du règne de Dieu n’est pas
observable. On ne dira pas : “Voilà, il est ici !” ou bien : “Il est là !” » J’en conviens, mais dans ce
passage, Jésus parle de son Avènement à la fin du monde, lorsqu’il reviendra juger les vivants et les
morts296. Or, d’après l’Église, ce jour-là, il faudra avoir été baptisé. Et le catéchisme enseigne 297 :
« Jésus-Christ veut sincèrement que tous les hommes soient sauvés ». Par conséquent, Dieu, dans
son infinie bonté et dans sa volonté de sauver le plus d’hommes possible, aurait dû tout faire pour
annoncer clairement au monde la première la venue du Rédempteur. S’Il ne l’a pas fait, j’en déduis
que le baptême n’est pas nécessaire au salut ; ce qui importe — d’après les textes du Nouveau
Testament, c’est la Foi en Dieu.
D’autres m’objecteront qu’avec leur visite, les rois-mages ont porté un témoignage
annonciateur au monde entier. Considérons donc cette histoire.
3°) Les « rois-mages » : réalité ou fiction inventée par Matthieu ?
Toujours à propos de la naissance de Jésus, dans le deuxième chapitre de son évangile saint
Matthieu raconte :
1 Jésus était né à Bethléem en Judée, au temps du roi Hérode le Grand. Or, voici que des mages
venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem
2 et demandèrent : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu son étoile à l’orient
et nous sommes venus nous prosterner devant lui. »
292 Lc, I, 17.
293 Abbé Constant Fouard, La vie de N.-S. Jésus-Christ (Paris : Librairie Victor Lecoffre, 1903), p. 63-64.
294 Révérend père Ceslas Lavergne, Synopse des Quatre évangiles en français… , déjà cité, p. 31, note 8.
295 Lc, XVII, 20
296 « 20 Comme les pharisiens demandaient à Jésus quand viendrait le règne de Dieu, il prit la parole et dit : “La
venue du règne de Dieu n’est pas observable. 21 On ne dira pas : “Voilà, il est ici !” ou bien : “Il est là !” En effet,
voici que le règne de Dieu est au milieu de vous.” 22 Puis il dit aux disciples : “Des jours viendront où vous
désirerez voir un seul des jours du Fils de l’homme, et vous ne le verrez pas. 23 On vous dira : “Voilà, il est là-
bas !” ou bien : “Voici, il est ici !” N’y allez pas, n’y courez pas. 24 En effet, comme l’éclair qui jaillit illumine
l’horizon d’un bout à l’autre, ainsi le Fils de l’homme, quand son jour sera là. 25 Mais auparavant, il faut qu’il
souffre beaucoup et qu’il soit rejeté par cette génération”. » (Ibid.)
297 Monseigneur Jacques-François-Ernest Ricard, Catéchisme du diocèse d’Auch (Toulouse : Édouard Privat, 1913),
p. 106.

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J’invite les catholiques à débattre

a) Des « rois-mages » ? Non, des « magiciens »

Première remarque : on ignore si ces personnages étaient trois. Quant à leur dignité, l’abbé
Fouard écrit298 : « Tout concourt à prouver que les Mages n’étaient pas rois ». Parmi les raisons
invoquées : « Hérode les eût reçus avec plus d’égards ». La « tradition » en fait des rois parce
qu’elle invoque le Psaume 72 qui, dans son verset 10, déclare à propos du roi d’Israël : « Les rois de
Tarsis et des Îles apporteront des présents. » Mais la citation est trop courte. Voici les versets 9 à
11 :

9 Des peuplades s’inclineront devant lui, ses ennemis lécheront la poussière.
10 Les rois de Tarsis et des Îles apporteront des présents. Les rois de Saba et de Seba feront leur
offrande.
11 Tous les rois se prosterneront devant lui, tous les pays le serviront.

Or, il est bien évident qu’à sa naissance, Jésus n’a été salué ni par « des peuplades », ni par
« tous les rois ». Ce Psaume s’applique au roi temporel du royaume d’Israël, pas au Christ.
Qui étaient donc ces « mages » ? Dans la version en grec de l’évangile selon saint Mathieu, les
trois visiteurs sont désignés par le mot « μάγοι » qui signifie « magiciens »299.
c) Des « magiciens » (μάγοι) qui pratiquaient l’astrologie
S’ils ont été averti par une étoile, cela signifie qu’ils pratiquaient la divination, plus
exactement l’astrologie. D’ailleurs, l’abbé Joseph-Épiphane Darras les présente comme « les
héritiers Chaldéens, ou Perses, de l’antique science des astres »300. Plus net encore : à la question
« Que signifie ce mot de mages ? » le Catéchisme de la foi et des mœurs chrétiennes répondait301 :
« Des hommes sages ou savants, particulièrement dans l’astrologie ; et parce que ces trois hommes
avaient cette science, Dieu se servit d’un nouvel astre pour les attirer à son Fils ». Or, Yahvé avait
interdit cette pratique302. Certes, cette interdiction ne concernait pas les païens, mais il est difficile
de croire que Dieu aurait annoncé son Sauveur au moyen d’une pratique qu’Il condamnait. Car cela
risquait fort de rendre l’astrologie désirable à beaucoup…
Voilà pourquoi, certains catholiques prétendent que ces mages avaient connu une prophétie,
celle de Balaam qui aurait annoncé la venue du Christ. Mais il s’agit d’une fausse interprétation 303.
298 Abbé Constant Fouard, La vie de N.-S. Jésus-Christ, déjà cité, p. 79, note.
299 Pour la version en grec du Nouveau Testament, consulter le site : Théotex (https://theotex.org/theotex_read.html).
Pour le chapitre 2 de l’évangile selon saint Matthieu, voy. https://theotex.org/ntgf/matthieu/matthieu_2_gf.html. Je
passe sur l’explication de l’abbé Fouard qui, pour en faire des « prêtres » ou des « sages », est obligé d’invoquer le
mot « Mogh » issu du pehlvi, « langue vulgaire de la Perse au temps des Sassanides » (voy. abbé Fouard, La vie de
N.-S. Jésus-Christ, déjà cité, p. 71, note 2). Je souligne d’ailleurs qu’à cette époque, en Orient, les prêtres étaient
versés dans les sciences hermétiques, dont l’astrologie. L’abbé Fouard lui même écrit : « Les Mages suivaient
attentivement la marche des étoiles » (p. 74).
300 Abbé Joseph-Épiphane Darras, Histoire générale de l’Église, depuis la création jusqu’à nos jours, déjà cité,
tome IV, p. 338.
301 Abbé de Lantages, « Catéchisme de la foi et des mœurs chrétiennes », déjà cité, col. 84.
302 « Vous ne pratiquerez ni incantation ni astrologie » (Lv., XIX, 26) ; « On ne trouvera chez toi personne […] qui
scrute les présages, ou pratique astrologie, incantation, enchantement » (Dt., XVIII, 10).
303 Pour en comprendre la raison, reportons-nous au Livre des Nombres dont elle est extraite. La prophétie fut révélée
lorsque, sorti d’Égypte, le peuple juif rejoignait la terre promise, massacrant tous les habitants des pays qu’il
traversait. Les Juifs s’apprêtaient à agresser le pays de Moab. Inquiet face à ce peuple supérieur en nombre et en
férocité, le roi du pays, Balaq, fit appel à l’oracle Balaam pour qu’il maudisse les envahisseurs et qu’ainsi, ils
perdent la bataille. Mais Yahvé apparut au devin et lui interdit d’obéir au roi. Après une dispute, Balaam prononça la
prophétie suivante : « Ce héros, je le vois — mais pas pour maintenant — je l’aperçois — mais pas de près : Un
astre se lève, issu de Jacob, un sceptre se dresse, issu d’Israël. Il brise les flancs de Moab, il décime tous les fils de
Seth ; il prendra possession d’Édom, possession de Séïr, son ennemi. Israël déploiera sa puissance, et de Jacob
surgira un dominateur qui fera périr tout survivant de la ville. » (Nb., XXIV, v. 17-19) La prédiction concernait

85
Pourquoi je ne suis plus catholique

L’affaire étant évidente, certains catholiques adoptent donc d’autres subterfuges.
d) Les bons et les mauvais astrologues de saint Augustin
Sachant qu’il s’agit de magiciens, donc d’astrologues, saint Augustin établit une différence
entre la « bonne » et la « mauvaise » astrologie304. De son côté, l’auteur de la Légende dorée,
affirme que l’étoile n’était pas une étoile ; elle avait la forme « d’un merveilleux enfant, avec une
croix de feu sur la tête »305. Mais ces explications ne convainquent pas grand monde, loin de là.
e) Des commentateurs catholiques qui évacuent la prophétie et l’étoile
D’autres thèses sont alors échafaudées, qui évacuent l’astrologie, voire même l’étoile. Saint
Augustin hasarde306 : « Vous me demanderez : Qui donc leur avait appris que cette étoile annonçait
la naissance du Christ ? Sans doute les anges par voie de révélation. » Pour sa part, saint Rémi les
présente comme des… « philosophes »307. S’ils sont philosophes, alors l’étoile devient inutile. Voilà
pourquoi saint Léon assure308 : « Indépendamment de l’éclat de l’étoile qui frappa leurs yeux, un
rayon plus brillant encore de la vérité éclaira et instruisit leurs cœurs, et c’était là une figure de la
lumière que la foi répand dans les âmes ». Cet enseignement est repris par un catéchiste309 :

[Les mages] voient l’étoile, dont la nouveauté fixe leur attention ; et, en même temps que ce signe
extérieur frappe les yeux de leur corps, Dieu touche leur cœur par une émotion secrète de la grâce ;
une lumière intérieure éclaire leur esprit et leur découvre le mystère de l’enfant qui vient de naître.
Dociles à l’inspiration divine, ils s’empressent d’en suivre le mouvement. Dieu les appelle, c’est
assez […].

Dans cette version, la prophétie de Balaam et l’étoile ne joue finalement plus aucun rôle : c’est
Dieu qui a inspiré les magiciens. Là encore, toutefois, ce détail est absent de l’histoire rapportée par
Matthieu. Les catholiques ne cessent de compléter les textes, comme ça les arrange, avec des
supputations diverses, parfois appelées « pieuses traditions ».
f) Pourquoi Dieu n’a-t-Il appelé que trois obscurs magiciens ?
Et si ce détail est vrai, alors pourquoi Dieu n’a-t-Il appelé que trois obscurs magiciens venus
de l’Orient ? Ne pouvait-Il pas inspirer une multitude des vrais rois et des vrais mages répartis dans
le monde entier ? Une véritable cohorte aurait convergé vers Bethléem avec des personnages
importants venus se prosterner. Les Pharisiens de Jérusalem en auraient été très impressionnés.

donc un ou plusieurs événements qui surviendraient dans la guerre que les Juifs livraient aux peuples qu’ils
rencontraient. Sans doute annonçait-elle, de façon très vague, le royaume d’Israël tel qu’on se le figurait à l’époque :
un royaume terrestre, une puissance temporelle établie en terre de Canaan une fois la victoire militaire des Juifs
acquise.
304 A propos des des « Mages », il écrit : « ils comprirent que le roi des Juifs, était né parce que l’étoile était un indice
ordinaire de la royauté temporelle. En effet, ces Mages n’étudiaient pas le cours des astres dans des intentions
coupables, mais pour satisfaire le désir qu’ils avaient de connaître. » (cité par La chaîne d’or…, déjà cité, tome I,
p. 98).
305 « dans la nuit de la naissance du Christ, une étoile leur apparut qui avait la forme d’un merveilleux enfant, avec
une croix de feu sur la tête ; et il leur dit : “Allez vite dans la terre de Juda, vous y trouverez un nouveau-né qui est
le roi que vous attendez !” » (Jacques de Voragine, La Légende dorée, déjà cité, p. 74).
306 Cité par La chaîne d’or…, déjà cité, tome I, p. 89.
307 « Les Mages sont des hommes qui font profession de raisonner sur toutes choses, mais leur nom dans l’acception
vulgaire, est synonyme de celui de magiciens ; cependant telle n’est pas leur réputation chez les Chaldéens, dont ils
sont comme les philosophes, et dont les rois et les princes se conduisent en tout d’après les principes de cette
science ; ce fut aussi ce qui leur fit connaître comme le premier lever du Seigneur dans le monde. » (Cité par La
chaîne d’or…, déjà cité, tome I, p. 88).
308 Cité par La chaîne d’or…, déjà cité, tome I, p. 98.
309 Hippolyte Noël, Nouvelle explication du catéchisme…, déjà cité, t. 1, p. 291.

86
J’invite les catholiques à débattre

Trois magiciens, c’est trop (si la naissance devait rester secrète) ou trop peu (si elle devait être
annoncée au mode entier), mais c’est contraire à la logique la plus élémentaire.
Bref, quelle que soit la façon dont on l’aborde, l’histoire rapportée par Matthieu — et lui
seul — n’offre aucun caractère d’authenticité. Pour en sortir, la Glose déclare 310 : « si ces princes
n’était que trois, ils avaient avec eux une suite nombreuse ». Toujours cette manie de compléter les
textes…

g) Les Juifs pouvaient-ils vraiment croire que Jésus était le messie annoncé ?

Cela dit, poursuivons la lecture du deuxième chapitre de l’évangile selon saint Matthieu :
3 En apprenant cela, le roi Hérode fut bouleversé, et tout Jérusalem avec lui.
4 Il réunit tous les grands prêtres et les scribes du peuple, pour leur demander où devait naître le
Christ.
5 Ils lui répondirent : « À Bethléem en Judée, car voici ce qui est écrit par le prophète :
6 Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es certes pas le dernier parmi les chefs-lieux de Juda, car de
toi sortira un chef, qui sera le berger de mon peuple Israël. »
7 Alors Hérode convoqua les mages en secret pour leur faire préciser à quelle date l’étoile était
apparue ;
8 puis il les envoya à Bethléem, en leur disant : « Allez vous renseigner avec précision sur l’enfant.
Et quand vous l’aurez trouvé, venez me l’annoncer pour que j’aille, moi aussi, me prosterner
devant lui. »

Troisième remarque : le texte affirme que « tout Jérusalem » fut bouleversé par la nouvelle.
On veut bien croire que dans la ville, il y ait eu des courtisans d’Hérode, rendus inquiets avec lui.
Mais combien d’autres devaient attendre le sauveur. Dès lors, pourquoi ces gens — qui devaient
ignorer les noirs desseins d’Hérode — n’ont-ils pas suivi les mages pour aller, eux aussi, voir le
Messie ? En particulier, pourquoi les grands-prêtres consultés par Hérode n’ont-ils pas bougé ? Saint
Augustin le leur reproche expressément311. Pourquoi ce paradoxe d’autant plus surprenant que les
Juifs attendaient leur Messie ? La réponse est apportée par saint Augustin lui-même. Il écrit312 :
Jésus donc ne se manifesta ni aux savants ni aux justes ; c’est l’ignorance qui l’emporte dans la
grossièreté des pasteurs et l’impiété dans les cérémonies sacrilèges des Mages celui qui est la pierre
angulaire s’unit les uns et les autres, car il est venu choisir ce qui est folie pour confondre les sages
il est venu appeler les pécheurs et non les justes, afin que toute grandeur cessât de s’enorgueillir,
toute faiblesse de se décourager.

Admettons. Mais alors, il faut comprendre le peu d’empressement de Jérusalem à suivre les
mages et, par la suite, le fait que les Juifs n’ont pas cru en Jésus. Car il va de soi que si, dès le
départ, le Christ avait été annoncé par des astrologues participant à des « cérémonies sacrilèges »,
alors les grands-prêtres convoqués par Hérode ont dû le savoir. Par conséquent, ils n’ont
certainement pas cru au « roi » annoncé par les mages. Et même si, plus tard, Jésus accomplit des
prodiges, ces grands-prêtres (ou leurs successeurs) ont dû dire : « Ne vous y fiez pas, il a été
annoncé par des magiciens ; c’est donc lui-même un magicien ». C’est effectivement ce qu’ils
soutinrent313 : « les pharisiens disaient : “Il n’expulse les démons que par Belzébul, le chef des
démons” ». Encore une fois, Dieu agit au rebours de la logique.

310 Cité par La chaîne d’or…, déjà cité, tome I, p. 88.
311 « Ceux qui cherchaient n’eurent pas plus tôt appris ce qu’ils demandaient qu’ils partirent aussitôt, tandis que les
docteurs les enseignèrent et restèrent immobiles. » (Cité par La chaîne d’or…, déjà cité, tome I, p. 106).
312 Ibid., p. 106.
313 Mt., XII, 24

87
Pourquoi je ne suis plus catholique

h) Le comportement incompréhensible du roi Hérode

Quatrième remarque : le commentateur du catéchisme en six tome écrit 314 : « [Hérode] avait
poussé jusqu’au dernier point les raffinements de sa politique, afin de découvrir le Messie nouveau-
né ; il avait feint de vouloir l’adorer, pour lui ôter plus sûrement la vie ». Je dirai qu’au contraire,
Hérode n’a guère déployé d’efforts. Il aurait pu faire suivre magiciens par un messager, afin d’être
informé au plus tôt du lieu où se trouvait cet enfant qu’il voulait faire périr. Bien plus, il pouvait
donner aux mages des compagnons, sous prétexte de les conduire, en leur ordonnant de faire
disparaître l’enfant au plus vite. A défaut, il lui suffisait de découvrir l’enfant dans la petite ville de
Bethléem ; quelques heures d’enquête auraient suffi. Le peu d’efforts déployé par Hérode contribue
à mettre en doute l’authenticité de cette histoire315.

i) Les « rois-mages » sont-ils devenus des évangélisateurs ?

Avançons dans le deuxième chapitre de l’évangile selon saint Matthieu :
9 Après avoir entendu le roi, ils partirent. Et voici que l’étoile qu’ils avaient vue à l’orient les
précédait, jusqu’à ce qu’elle vienne s’arrêter au-dessus de l’endroit où se trouvait l’enfant.
10 Quand ils virent l’étoile, ils se réjouirent d’une très grande joie.
11 Ils entrèrent dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie sa mère ; et, tombant à ses pieds, ils
se prosternèrent devant lui. Ils ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent leurs présents : de l’or, de
l’encens et de la myrrhe.
12 Mais, avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre
chemin.

Matthieu parle bien d’une « maison » (οἰκίαν), pas d’une crèche, ni d’une étable, ni d’une
grotte. Je ne m’étendrai pas, car les exégètes catholiques invoquent de multiples explications…
Voilà donc les magiciens repartis en catimini. Pourquoi, donc, sont-ils donc venus ? Pour que
Hérode soit informé ? Des gens habitant moins loin auraient fait l’affaire. Pour trouver un sens à ce
voyage, on fait valoir que ces trois mystérieux personnages devinrent les évangélisateurs de leur
région, la Perse. Saint Jean Chrysostome écrit316 :
Lorsqu’ils furent de retour, ils se montrèrent plus que jamais adorateurs fidèles du vrai Dieu ; ils en
instruisirent un grand nombre, par leurs prédications, et lorsque saint Thomas arriva plus tard dans
ces contrées, ils se joignirent à lui et après avoir reçu le baptême ils devinrent ses coadjuteurs dans
l’apostolat.

On ne voit pas trop quelles « prédications » les mages ont pu donner, sachant qu’ils avaient
seulement eu connaissance qu’un « roi des Juifs » était né — ce dont tout le monde, en Perse, devait
se moquer. Ce détail — qui ne figure nulle part dans les évangiles — est si peu crédible qu’il
disparaît dans un article publié par la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X. On lit317 :

Les Mages, avertis en songe, retournèrent par un autre chemin en leur pays […] Selon une tradition,
l’apôtre Thomas, à qui fut dévolu l’Orient quand les Apôtres se séparèrent, aurait baptisé les Mages
déjà âgés, et ceux-ci, à leur tour, auraient annoncé la Bonne Nouvelle. Leurs corps, découverts par
sainte Hélène, mère de Constantin, furent transportés à Constantinople (vers 330), puis à Milan
314 Hippolyte Noël, Nouvelle explication du catéchisme…, déjà cité, t. 1, p. 325.
315 L’abbé Fouard tente l’explication suivante : « [Hérode] les envoya sur l’heure, sans guide et sans escorte, pour ne
pas donner l’éveil, et afin que personne, ni à Jérusalem, ni à Bethléem, ni dans la compagnie des Mages, ne pût
soupçonner ses intentions et lui dérober sa victime. » (abbé Constant Fouard, La vie de N.-S. Jésus-Christ, déjà cité,
p. 77). Ce n’est guère convaincant.
316 Cité par La chaîne d’or…, déjà cité, tome I, p. 116
317 « La foi des rois mages » (https://laportelatine.org/spiritualite/la-foi-des-rois-mages).

88
J’invite les catholiques à débattre

(344). En 1164, l’archevêque de Cologne fit venir solennellement ces reliques dans sa cathédrale
où elles sont vénérées. Ainsi, dès le XIIe siècle, Cologne est devenue la quatrième ville sainte
catholique, après Jérusalem, Rome et Compostelle.

Je passerai sur les approximations historiques de cet exposé. Une seule m’intéresse : sainte
Hélène n’a pas « découvert » les corps des mages. Elle les aurait fait « récupérer à prix d’or » en
Perse318. Or, c’est bien connu : contre de l’argent, on peut tout obtenir, surtout dans ces pays. Au
IXe siècle ainsi, un groupe de moines aurait ramené d’Alexandrie trois squelettes de saints
Innocents, ces garçons de moins de deux ans massacrés par Hérode qui voulait tuer Jésus (voy. le
4°)319. Mais plus tard, l’auteur de la Légende dorée admit320 : « Le fait est que certains os des saints
Innocents, qui sont conservés, sont trop grands pour provenir d’enfants de moins de deux ans ».
Dieu sait ce qu’on avait refourgué aux moines. Par conséquent, les trois squelettes de « rois-mages »
avec morceaux d’étoffe examinés en 1981 et réputés dater du premier siècle ne sont pas la preuve de
quoi que ce soit.
L’affaire serait différente si des traces historiques de l’évangélisation attribuée aux mages
existaient. Car enfin, il s’agissait des trois personnes qui, les premières, étaient venues se prosterner
devant le Sauveur. Je suis surpris que saint Thomas, après les avoir baptisés, n’ait pas prévenu les
autres apôtres. Je m’étonne également que les « mages » n’aient rien écrit, rien laissé. On ignore
même leur noms ! Il fallut attendre le VIIIe siècle pour que « la tradition » les nomme Melchior,
Gaspar et Balthazar. Ces noms, on les trouve pour la première fois dans un manuscrit du
VIIIe siècle, Excerpta latina barbari, pas même reconnu par l’Église321.
4°) L’historicité problématique du « massacre des Innocents »
a) Matthieu et Luc sur les jours qui suivirent la naissance de Jésus-Christ
Considérons les événements qui suivirent la naissance de Jésus. Après avoir rapporté
l’adoration des rois-mages, saint Matthieu poursuit322 :
Après leur départ, voici que l’ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph et lui dit : « Lève-toi ;
prends l’enfant et sa mère, et fuis en Égypte. Reste là-bas jusqu’à ce que je t’avertisse, car Hérode
va rechercher l’enfant pour le faire périr. » Joseph se leva ; dans la nuit, il prit l’enfant et sa mère, et
se retira en Égypte, où il resta jusqu’à la mort d’Hérode.

Le style du texte ne laisse aucune doute : il s’agit d’une fuite précipitée, très peu après le
départ des visiteurs, car le roi Hérode veut tuer l’enfant. Mais saint Luc raconte une tout autre
histoire. Après avoir rapporté l’adoration des bergers, il poursuit323 :
Quand fut arrivé le huitième jour, celui de la circoncision, l’enfant reçut le nom de Jésus, le nom
que l’ange lui avait donné avant sa conception. Quand fut accompli le temps prescrit par la loi de
Moïse pour la purification [= 40 jours], les parents de Jésus l’amenèrent à Jérusalem pour le
présenter au Seigneur, selon ce qui est écrit dans la Loi : tout premier-né de sexe masculin sera
consacré au Seigneur.
318 Anne Bernet, « Les reliques des rois mages, vérité ou légende ? » publié par le site Aleteia. Pour une version
gratuite : https://paroissenotredamedescoteauxetdelaplaine47.over-blog.com/2022/01/epiphanie-du-seigneur.html.
319 Edina Bozoky, « Têtes coupées des saints au Moyen Âge. Martyrs, miracles, reliques », publié dans Babel.
Littératures plurielles, n° 42, 2020, p. 133-168, § 14.
320 Jacques de Voragine, La Légende dorée, déjà cité, p. 59.
321 « Les Rois Mages n’étaient pas trois ! ». L’auteur montre l’original du manuscrit ainsi que la page (feuillet 51v) qui
montre les trois noms (https://www.etaletaculture.fr/culture-generale/les-rois-mages-netaient-pas-trois/). A la même
époque, un ouvrage attribué à saint Bède les aurait aussi mentionnés et décrits (voy. abbé Constant Fouard, La vie
de N.-S. Jésus-Christ, déjà cité, p. 78-79).
322 Mt., II, 13-14.
323 Lc., II, 20-23.

89
Pourquoi je ne suis plus catholique

Dans ce récit, rien ne relève du drame : après la naissance, les parents restent tranquillement
sur place afin d’accomplir les rites exigés par la Loi.

b) Les deux chronologies proposées par les catholiques

Saint Augustin explique ainsi cette divergence324 :

chaque évangéliste a joint ensemble les différentes parties de son récit de manière à lui donner
l’apparence d’une narration complète où rien n’est omis. En taisant ce qu’il ne veut pas dire, il unit
de telle sorte ce qu’il veut dire à ce qu’il a dit, que les choses racontées paraissent.

Par conséquent, si l’on détache chaque événement de chaque évangile, on pourra reconstituer
une histoire cohérente de la vie de Jésus-Christ. Adoptant cette méthode, les catholiques proposent
deux chronologies qu’ils présentent comme possibles325 :

1. Naissance de Jésus-Christ – Circoncision (8 jours après) – Présentation au Temple (40 jours
après) – Adorations des mages (6, 12 ou 24 mois après ?) – Massacre des Innocents et fuite en
Egypte – Retour à Nazareth (1, 2, 3, 5, ou 7 ans après la naissance)

2. Naissance de Jésus-Christ – Circoncision (8 jours après) – Adorations des mages (12 jours
après) – Présentation au Temple (40 jours après) – Massacre des Innocents et fuite en Egypte –
Retour à Nazareth (1, 2, 3, 5, ou 7 ans après la naissance)

En réalité, loin d’être possibles, les deux chronologies posent un premier problème : d’après
Luc, avertis le jour-même, par un ange, de la naissance de Jésus le Sauveur 326, les bergers allèrent le
voir puis « firent connaître la chose qui leur avait été dite de cet enfant, et tous ceux qui les
entendirent s’étonnèrent de ce que leur disaient les bergers »327. Sachant qu’un commentateur des
évangiles reproche aux grands prêtres « leur négligence à chercher le Sauveur, lorsque les bergers
publiaient ses merveilles »328, on en déduit que dans les heures qui suivirent la naissance, la
nouvelle se répandit dans la ville, Hérode ne pouvant manquer d’en être informé. Mais sachant
aussi que, d’après Mathieu, Hérode reçut la nouvelle des rois-mages329, on en déduit :
– qu’à Jérusalem, personne n’avait été informé ;
– qu’Hérode apprit le fait soit 12 jours après la naissance (chronologie 2), soit des mois plus
tard (chronologie 1).
C’est contradictoire avec Luc. Par conséquent, les deux chronologies proposées échouent à
concilier les deux évangiles.

Oublions cet argument. Oui, supposons que les bergers n’aient pas été crus, donc que la
nouvelle ne se soit pas répandue.
D’après la première chronologie, les rois-mages arrivent six mois, voire un ou même deux ans
après la naissance de Jésus. Pourquoi un aussi long laps de temps ? Parce qu’Hérode aurait ordonné
324 Saint Augustin, De l’accord des Évangiles, chapitre V : « Accord entre saint Matthieu et saint Luc au sujet de la
conception et des premières années de Jésus-Christ » (en ligne : https://www.bibliotheque-monastique.ch
/bibliotheque/bibliotheque/saints/augustin/comecr2/accord.htm). Voir également La chaîne d’or, déjà cité, tome I,
p. 135.
325 Catholique Sans Concession, n° 2, Printemps 2024 : « Massacre des saints Innocents et fuite en Égypte, Un mythe
seulement ? »
326 « il vous est né aujourd’hui, dans la ville de David, un Sauveur » (Lc, II, 11).
327 Lc, II, 17-18.
328 Hppolye Noël, Nouvelle explication du catéchisme…, t. 1, p. 288.
329 Mt., II, 1-2.

90
J’invite les catholiques à débattre

de massacrer les enfants « depuis l’âge de deux ans et au-dessous »330. On peut donc penser qu’en
effet, les mages se présentèrent au palais royal un an environ après la naissance. Ce fait pose deux
difficultés :
– pourquoi Marie et Joseph n’étaient-ils pas déjà repartis pour Nazareth, où ils habitaient ?
Luc le dit bien : après avoir présenté Jésus au Temple, ses parents retournèrent en Galilée331.
– pourquoi les mages demandent-ils à Hérode : « Où est le roi des Juifs qui vient de
naître ? »332 ? Quand on cherche un bébé d’environ un an, on ne dit pas qu’il vient de naître.

La première chronologie m’apparaît donc inacceptable. Je note d’ailleurs que saint Augustin
semble préférer la deuxième333.

c) La solution proposée par saint Augustin

Mais cette chronologie impose de retarder la colère d’Hérode d’au moins 28 jours pour faire
concorder les deux évangiles (car entre l’adoration des mages et la présentation au Temple, 28 jours
se sont écoulés). D’où la solution que saint Augustin propose334 :

si l’on répugne à penser qu’il [= Hérode] s’avisa seulement de prendre contre cet enfant la plus
cruelle résolution et d’en faire mourir tant d’autres, quand fut écoulé le temps de la purification de
Marie, quand furent terminées les cérémonies solennelles prescrites à l’égard des premiers-nés, et
lorsque la sainte famille fut partie pour l’Égypte ; il faut convenir cependant que beaucoup de
graves affaires, dont j’omets le détail, purent distraire le souci du roi, et lui faire oublier son projet
durant plusieurs semaines, ou en empêcher l’exécution. Il est impossible d’énumérer les causes qui
purent donner ce tour aux événements, mais nul n’est assez étranger au monde, pour nier ou
révoquer en doute qu’il pût s’en trouver beaucoup et de très-sérieuses. Qui ne peut se figurer
combien d’autres nouvelles plus terribles, vraies ou fausses, purent arriver aux oreilles du roi, pour
enlever son âme, par la vive appréhension de périls plus prochains, à la crainte que cet enfant, ce
nouveau roi des Juifs, ne prit les armes, dans quelques années, contre lui ou contre ses fils, et
l’occuper entièrement du soin de parer à des éventualités dont l’imminence appelait de promptes
mesures ? Mais, laissant de côté toutes ces raisons, voici ce que je dirai. Les Mages n’étant pas
revenus vers Hérode pour l’instruire, celui-ci put croire qu’ils s’étaient laissé abuser en s’imaginant
voir une étoile qui n’existait point, et que, n’ayant pas découvert l’Enfant qu’ils cherchaient, ils
avaient eu honte de retourner à sa cour. Ainsi le roi aurait cessé de craindre et aurait abandonné son
homicide dessein. Suivant cette hypothèse bien vraisemblable, Joseph aurait été averti dans son
sommeil de fuir en Égypte avec l’enfant et sa mère quand, après les jours de la purification de
Marie, après la démarche de la sainte famille au temple de Jérusalem, après la consommation de
toutes les choses que nous fait connaître saint Luc, les paroles prophétiques de Siméon et d’Anne à
l’égard de Jésus, en se propageant par les récits des témoins, allaient ranimer les craintes du roi, et

330 Mt., II, 16.
331 Lc., II, 39.
332 Mt., II, 2.
333 « Mais quand l’un [des deux évangélistes] rapporte des choses dont l’autre ne parle pas, l’ordre des deux récits
considéré avec soin fait voir l’endroit où celui qui les a omises a pu les passer, en liant ce qu’il avait dessein de dire
à ce qu’il avait dit précédemment, comme si tout se suivait sans aucun fait intermédiaire. Ainsi, c’est dans le lieu de
son récit où il nous représente les Mages retournant par un autre chemin, selon l’avertissement du Ciel, que saint
Matthieu a passé ce qui, au rapport de saint Luc, s’est accompli dans le temple au sujet du Seigneur, et les paroles
de Siméon et d’Anne ; comme c’est après avoir rapporté ces derniers détails que saint Luc lui-même omet la fuite en
Egypte racontée par saint Matthieu, pour mentionner tout de suite le retour de la sainte famille à Nazareth. » (Voir
saint Augustin, De l’accord des Évangiles, chapitre V : « Accord entre saint Matthieu et saint Luc au sujet de la
conception et des premières années de Jésus-Christ » ; en ligne : https://www.bibliotheque-monastique.ch
/bibliotheque/bibliotheque/saints/augustin/comecr2/accord.htm).
334 Saint Augustin, De l’accord des Évangiles, déjà cité, chapitre XI « Comment la présentation au temple se peut-elle
concilier avec la colère d’Hérode ? ». Pour un résumé, voy. La chaîne d’or…, tome I, déjà cité, p. 124.

91
Pourquoi je ne suis plus catholique

le rappeler à sa première intention. Hérode comprenant ensuite, par la divulgation des faits
accomplis et des discours prononcés dans le temple, que les mages s’étaient joués de lui, et voulant
assurer la mort de Jésus-Christ, commanda alors ce massacre général dont parle saint Matthieu.

Que vaut cette explication ?
d) Saint Augustin face au récit de Matthieu
Pour répondre, considérons le récit de Matthieu. Il écrit 335 : « Après leur départ [celui des
mages], voici que l’ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph et lui dit : “Lève-toi ; prends
l’enfant et sa mère, et fuis en Égypte […]”. Joseph se leva ; dans la nuit, il prit l’enfant et sa mère,
et se retira en Égypte ». Rien, absolument rien ne laisse soupçonner que, pendant vingt-huit jours,
Marie et Joseph seraient restés sur place, attendant l’heure de la purification au temple. D’ailleurs,
dans son Histoire générale de l’Église, l’abbé Joseph-Épiphane Darras écrit336 : « L’Adoration des
Mages ne précéda point la Purification. Immédiatement après le départ des illustres étrangers, la
sainte Famille, dans la nuit même, partit pour l’Égypte ». Auparavant, il avait expliqué337 :
Nous ne croyons pas excéder, en renfermant dans l’espace d’une seule nuit les événements dont
saint Matthieu rapporte la suite au chapitre II, du verset 12 au 14. En effet, le tour rapide, le temps
présent de la phrase ἰδού, ἄγγελος κυρίου φαίνεται qui suit immédiatement Ἀναχωρησάντων δὲ
αὐτῶν, semblent bien indiquer qu’il n’y eut aucun intervalle entre le départ des Mages et
l’apparition de l’ange à saint Joseph. Et d’ailleurs il suffit de se rappeler quelles étaient les
circonstances pour comprendre avec quelle rapidité tout dut s’accomplir. Bethléem n’est qu’à deux
heures de Jérusalem : Hérode, dévoré d’inquiétude, eût-il laissé s’écouler de sept à dix jours,
comme le veut le Père Patrizi (lib. III, p. 377), avant de prendre un parti ? La jalousie qui l’agitait
ne permet pas de songer à ces longs retards. C’est dès le lendemain probablement qu’il connut le
départ précipité des Mages et qu’il fit massacrer les saints Innocents.

Voilà qui est clair, et qui heurte de front l’explication de saint Augustin, donc la valeur de la
deuxième chronologie.
S’y ajoute un autre argument : les exégètes soulignent que l’évangile selon saint Matthieu a été
rédigé pour des Juifs convertis, afin de démontrer la continuité entre la Synagogue et la Bonne
nouvelle apportée par le Christ338. Par conséquent, Matthieu aurait dû rapporter la venue de Marie et
Joseph au temple de Jérusalem pour « présenter [Jésus] au Seigneur, selon ce qui est écrit dans la
Loi »339. C’était une préfiguration éclatante de cette continuité entre la Synagogue et la Bonne
nouvelle. S’il ne l’a pas fait, c’est parce que dans son récit, l’Ange prévint Joseph de partir en Égypte
avant que les quarante jours ne soient écoulés.
Matthieu devait donc choisir : soit la Purification, soit la fuite en Égypte. Il choisit la fuite en
Égypte. Pourquoi ? Joseph Huby apporte la réponse : Matthieu voulait démontrer aux Juifs que
Jésus était « le Fils de David qui vérifie les prophéties »340.
335 Mt., II, 13-14.
336 Abbé Joseph-Épiphane Darras, Histoire générale de l’Église, depuis la création jusqu’à nos jours, déjà cité,
tome IV, p. 334.
337 Ibid., p. 80, note 2.
338 Joseph Huby, L’Évangile et les Évangiles (Beauchesne, Paris, 1954), p. 107 et 108.
339 Lc., II, 22-23.
340 « Avec un soin jaloux, saint Matthieu recueille les sentences du Seigneur qui marquent la continuité entre l’Ancien
et le Nouveau testament. Le Nouveau ne renverse pas l’Ancien, ne l’abroge pas, mais l’amène à sa perfection.
“N’allez pas croire que je sois venu abolir la Loi et les prophètes (c’est-à-dire toute l’économie de l’ancienne
alliance) ; je ne suis pas venu pour abolir mais pour parachever” (Mt., V, 17) […] Le témoignage le plus éclatant
de cette doctrine de la continuité est le Discours sur la montagne. Jésus s’y présente, non pas en adversaire de
Moïse, opposant profession de foi à profession de foi, précepte à précepte, mais en législateur souverain, qui
précise et complète des commandements imparfaits […] » (Joseph Huby, L’Évangile et les Évangiles, déjà cité,
p. 111).

92
J’invite les catholiques à débattre

Voilà pourquoi son évangile explique341 :

Joseph […] prit l’enfant et sa mère, et se retira en Égypte, où il resta jusqu’à la mort d’Hérode, pour
que soit accomplie la parole du Seigneur prononcée par le prophète : D’Égypte, j’ai appelé mon
fils.

Matthieu a donc inventé cet exil parce qu’il voulait convaincre (ou conforter) les Juifs toujours
avides de prophéties.

Quoi qu’il en soit, la solution imaginée par saint Augustin pour concilier les évangiles échoue.
Conséquemment, la deuxième chronologie proposée s’effondre.

e) Saint Augustin face au récit de Luc

Je pourrais m’arrêter là, mais j’examinerai le texte de Luc, car il me permettra de dévoiler la
méthode principale utilisée par les exégètes catholiques pour prétendre concilier l’inconciliable. Luc
raconte qu’à peine Jésus né, les bergers viennent le contempler. Voici la suite 342 :

Les bergers repartirent […] Quand fut accompli le temps prescrit par la loi de Moïse pour la
purification [= 40 jours], les parents de Jésus l’amenèrent à Jérusalem pour le présenter au
Seigneur, selon ce qui est écrit dans la Loi : Tout premier-né de sexe masculin sera consacré au
Seigneur […] Siméon les bénit, puis il dit à Marie sa mère : « Voici que cet enfant provoquera la
chute et le relèvement de beaucoup en Israël. Il sera un signe de contradiction […] » Lorsqu’ils
eurent achevé tout ce que prescrivait la loi du Seigneur, [ici devrait se placer l’exil en Égypte
d’après saint Agustin] ils retournèrent en Galilée, dans leur ville de Nazareth.

Le solution imaginée par saint Augustin peut, en théorie, se concilier avec le récit de Luc.
Mais un problème surgit : d’après la tradition de l’Église, le voyage de la Sainte Famille jusqu’en
Égypte « dura environ trente jours »343. Elle ajoute que Joseph et sa famille « y demeurèrent
plusieurs années »344. Or, la dernière phrase du passage cité de Saint-Luc est claire. Il écrit :
« Lorsqu’ils eurent achevé tout ce que prescrivait la loi du Seigneur, ils retournèrent en Galilée,
dans leur ville de Nazareth ». Rien, absolument rien ne vient soupçonner un exil quelconque qui,
pourtant, dura plusieurs années345 avant la possibilité d’un retour à Nazareth. Au contraire : dans
Luc, le retour à Nazareth suit de peu la purification au temple.

Gênés par retour à Nazareth, des commentateurs trouvèrent une solution astucieuse : « ce
n’était pas un vrai retour, disent-ils, mais juste un aller-retour rapide pour prendre des affaires
laissées là-bas ». Dans l’Explication suivie des quatre évangiles, on lit346 :
Saint-Luc fait retourner directement Joseph et Marie à Nazareth après la présentation ; mais selon
la supposition assez vraisemblable du P. [François] de Ligny, Joseph ne retourna avec Marie à
Nazareth que pour mettre de l’ordre à ses affaires et transporter ses effets à Bethléem où il venait
d’établir sa résidence, pensant probablement que Dieu qui avait fait naître Jésus à Bethléem pour
l’accomplissement des prophéties, voulait aussi qu’il y fut élevé.

341 Mt., II, 14-15.
342 Lc., II, 20-39.
343 Jacques Collin de Plancy, Légendes du Nouveau Testament (Paris : Plon, 1860), p. 113. L’ouvrage a été approuvé
par l’évêque d’Arras, le 6 mai 1860.
344 Abbé de Lantages, « Catéchisme de la foi et des mœurs chrétiennes », déjà cité, col. 86.
345 Sept ans d’après l’auteur de la Légende dorée (voy. Jacques de Voragine, La Légende dorée, déjà cité, p. 58).
346 La chaîne d’or…, tome I, déjà cité, p. 88.

93
Pourquoi je ne suis plus catholique

Cette supposition n’était pas gratuite. Dans leur chronologie des événements, les bollandistes
racontent347 :
Le Christ fut circoncis le tout premier janvier et adoré le 6 du même mois par les Mages ; puis le
2 février il fut porté dans le temple et reçu dans les bras de Siméon. (circoncis, adoré, présenté)
Après cela, il semble, comme le pensent saint Augustin et d’autres, qu’il a été ramené à Bethléem
où Joseph avait fixé sa résidence […]

Voilà comment saint Augustin et d’autres évacuaient le retour à Nazareth qui les gênait : c’était
un simple déménagement. Seulement, on ne voit pas pourquoi, parti ramener ses affaires de
Nazareth à Bethléem, Joseph aurait pris avec lui Marie et le nouveau-né. Il suffisait de les laisser
dans leur nouvelle résidence, sous la protection de voisins. Mais surtout, pourquoi Luc n’avait-il pas
précisé ce changement de résidence en rapport avec les prophéties ? Pourquoi lui avait-il privilégié
cet aller-retour sans importance effectué dans le cadre du déménagement ?
D’autres commentateurs ont certainement vu l’ineptie de cette explication. Voilà pourquoi
l’abbé Constant Fouard objecte348 :
cette hypothèse [du simple aller-retour] nous paraît compliquer inutilement la suite des faits, car le
texte de saint Luc n’implique pas nécessairement que le retour de la sainte Famille en Galilée suivit
immédiatement la Purification.

Cette divergence entre commentateurs montre leur façon d’agir.
1°) Les premiers l’avouent : « Saint-Luc fait retourner directement Joseph et Marie à
Nazareth après la présentation » ; car c’est le sens évident de l’évangile. Aussi gomment-ils ce
retour en le qualifiant de simple déplacement effectué dans le cadre d’un déménagement.
2°) Les seconds se rendent compte que la thèse du déménagement est intenable. Alors il
changent le sens évident du texte : « le texte de saint Luc n’implique pas nécessairement que le
retour de la sainte Famille en Galilée suivit immédiatement la Purification. »

En résumé : si je trouve une échappatoire, et alors je garde le sens — évident — du texte ; si
je ne trouve pas d’échappatoire, et alors je change le sens du texte. C’est la méthode principale de
l’exégèse catholique.
Dernière remarque concernant saint Luc ; on l’a vu, il fait retourner directement Joseph et
Marie à Nazareth après la présentation. Il ajoute 349 : « Chaque année, les parents de Jésus se
rendaient à Jérusalem pour la fête de la Pâque. » Sachant qu’ils habitaient Nazareth, cette remarque
ne suscite aucun commentaire. Mais à supposer que la Sainte Famille se soit trouvée en Égypte,
alors les trois premières années, ce respect des pratiques religieuses l’aurait contrainte à effectuer un
voyage aller-retour de l’Égypte à Jérusalem. « Le pays était infesté de bandes armées, écrit un
auteur qui évoque cet exil350. Des périls de toutes sortes entouraient les fugitifs ». Par conséquent,
cette observance des pratiques religieuses aurait été un magnifique témoignage non seulement de
fidélité à la Loi, mais aussi de confiance en Dieu ! Pourtant, Luc n’en dit pas un mot ! Pas plus que
Marc ni Jean d’ailleurs. Ce silence inexplicable démontre que la fuite en Égypte est une fable
inventée par Matthieu afin de prétendre que la vie du Christ accomplissait des prophéties.
La solution imaginée par saint Augustin (fuite en Égypte après la venue au temple) ne résout
donc rien. Elle laisse subsister l’impossibilité de concilier les récits de Luc et de Matthieu.
Cela dit, venons-en au massacre des saints Innocents.

347 Acta Sanctorum der Bollandisten, Einleitung April I, 1675 (en ligne et en latin : https://www.heiligenlexikon.de/
Literatur/Baende_Acta_Sanctorum.html).
348 Abbé Constant Fouard, La vie de N.-S. Jésus-Christ, déjà cité, p. 63-64.
349 Lc., II, 41.
350 Jacques Collin de Plancy, Légendes du Nouveau Testament, déjà cité, p. 109.

94
J’invite les catholiques à débattre

f) Pourquoi Matthieu a introduit le « massacre des Innocents »

Dans son deuxième chapitre, l’évangile selon saint Matthieu raconte qu’après le départ des
mages et la fuite de la Sainte Famille :
16 […] Hérode, voyant que les mages s’étaient moqués de lui, entra dans une violente fureur. Il
envoya tuer tous les enfants jusqu’à l’âge de deux ans à Bethléem et dans toute la région, d’après la
date qu’il s’était fait préciser par les mages.
17 Alors fut accomplie la parole prononcée par le prophète Jérémie :
18 Un cri s’élève dans Rama, pleurs et longue plainte : c’est Rachel qui pleure ses enfants et ne
veut pas être consolée, car ils ne sont plus.

Matthieu affirme donc que ce massacre horrible accomplit une prophétie par Jérémie. C’est
faux. Le trente-et-unième chapitre du livre de Jérémie raconte (je souligne la phrase invoquée par
Matthieu) :
7 Éternel, délivre ton peuple, le reste d’Israël !
8 Voici, je les ramène du pays du septentrion, Je les rassemble des extrémités de la Terre ; Parmi
eux sont l’aveugle et le boiteux, La femme enceinte et celle en travail ; C’est une grande multitude,
qui revient ici.
9 Ils viennent en pleurant, et je les conduis au milieu de leurs supplications ; Je les mène vers des
torrents d’eau, Par un chemin uni où ils ne chancellent pas ; Car je suis un père pour Israël, Et
Éphraïm est mon premier-né.
10 Nations, écoutez la parole de l’Éternel, Et publiez-la dans les îles lointaines ! Dites : Celui qui a
dispersé Israël le rassemblera, Et il le gardera comme le berger garde son troupeau.
11 Car l’Éternel rachète Jacob, Il le délivre de la main d’un plus fort que lui.
12 Ils viendront, et pousseront des cris de joie sur les hauteurs de Sion ; Ils accourront vers les
biens de l’Éternel, Le blé, le moût, l’huile, Les brebis et les bœufs ; Leur âne sera comme un jardin
arrosé, Et ils ne seront plus dans la souffrance.
13 Alors les jeunes filles se réjouiront à la danse, Les jeunes hommes et les vieillards se réjouiront
aussi ; Je changerai leur deuil en allégresse, et je les consolerai ; Je leur donnerai de la joie après
leurs chagrins.
14 Je rassasierai de graisse l’âme des sacrificateurs, Et mon peuple se rassasiera de mes biens, dit
l’Éternel.
15 Ainsi parle l’Éternel : On entend des cris à Rama, Des lamentations, des larmes amères ;
Rachel pleure ses enfants ; Elle refuse d’être consolée sur ses enfants, Car ils ne sont plus.
16 Ainsi parle l’Éternel : Retiens tes pleurs, Retiens les larmes de tes yeux ; Car il y aura un salaire
pour tes œuvres, dit l’Éternel ; Ils reviendront du pays de l’ennemi.
17 Il y a de l’espérance pour ton avenir, dit l’Éternel ; Tes enfants reviendront dans leur territoire.

On le voit : Rachel ne pleure pas des enfants massacrés ; elle pleure des enfants emmenés par
l’ennemi et qui reviendront de captivité. D’ailleurs, on ne voit pas pourquoi des pleurs ayant retenti à
Rama en prophétiseraient d’autres qui retentiraient à Jérusalem. Afin d’échapper à cette dernière
contradiction, saint Jérôme expliquait351 :
Il ne faut pas prendre Rama pour le nom propre de ce lieu […] le mot Rama signifie ici élevé, et il
veut dire : « La voix s’est fait entendre sur les hauteurs, c’est-à-dire qu’elle a retenti au loin, dans
une grande étendue. »

Voilà comment saint Jérôme et ses continuateurs changeaient le sens des mots :
– Rama étant le nom d’une ville sans rapport avec l’histoire, les exégètes le prenaient dans le
sens d’ « élevé » ; puis d’ « élevé » (une notions de verticalité) ils passaient à « étendu » (une notion
d’horizontalité). Rama venait alors prophétiser un massacre étendu ;
351 Cité par La chaîne d’or…, déjà cité, tome I, p. 125

95
Pourquoi je ne suis plus catholique

– Quant à Rachel, en tant que mère de Benjamin, elle était étrangère à la tribu de Juda dont les
enfants furent massacrés. Ses enfants, eux, avaient été emmenés en captivité. Butant sur le même
problème, les commentateurs catholiques adoptaient la même tactique : changer le sens du mot. On
lit352 :

Rachel (dont le nom signifie brebis ou voyante) est une belle figure de l’Église, dont toute
l’intention se dirige vers la contemplation de Dieu, et qui est aussi cette centième brebis que le bon
pasteur rapporte sur ses épaules […].
Rachel était la figure de l’Église dont la fécondité avait succédé à une longue stérilité. Ces
gémissements qu’elle fait entendre n’ont pas pour objet les enfants qui lui ont été ravis, mais ceux
qui les ont mis à mort et qu’elle eût voulu garder pour ses enfants.
Ou bien Rachel signifie l’Église qui pleure la mort des saints arrachés à cette vie de la terre, et qui
ne veut pas de la consolation de voir ceux qui ont triomphé du monde par leur trépas revenir de
nouveau avec elle pour soutenir les mêmes combats, mais qui refuse toute consolation parce qu’ils
ne doivent pas être rappelés à la vie.

Que pensent les catholiques de toutes ces explications alambiquées ? A mes yeux, elles sont
imaginées pour tenter, vainement, de concilier l’inconciliable.

g) Le silence inexplicable de l’historien Flavius Josèphe et d’autres

Mais fort heureusement, tout démontre que ce bain de sang n’a pas eu lieu. En effet, dans cette
région occupée par les Romains, d’où des rapports étaient envoyés régulièrement à Rome, il n’existe
aucune trace historique de ce massacre !
D’ailleurs, à supposer que Hérode ait fait massacrer les enfants de moins de deux ans, Flavius
Josèphe en aurait parlé dans ses chroniques qui décrivent assez précisément son règne. Or, il n’en
souffle mot. Pour tenter d’expliquer ce silence, certains ont argué que Flavius Josèphe avait « copié
Nicolas de Damas » qui était « l’ami intime d’Hérode », donc qui avait occulté ce crime odieux 353.
Mais les sources de l’historien Josèphe était très diverses, ce qui enlève toute force à l’argument. En
1850, un auteur catholique, Félix Nève, reprit une autre explication354 :
n’importe que Josèphe ait gardé le silence sur ce massacre : il ne pouvait en parler sans rappeler la
cause de l’arrivée des Mages en Judée, et sans faire allusion aux prédictions sur la domination des
descendants de David.

Félix Nève faisait référence à la prétendue prophétie de Balaam. Or, nous avons vu qu’elle ne
concernait pas le Christ et qu’il n’en est nullement question dans l’évangile selon saint Matthieu : les
magiciens auraient été guidés par une étoile. Sa réplique s’écroule donc.

J’ajoute qu’on a tort de se focaliser sur l’historien Josèphe. Auteur d’une étude sur le
« massacre des Innocents », Édith Parmentier souligne355 : « aucune source historique, ni judéenne,
ni grecque, ni romaine ne signale un massacre d’enfants en Judée ». C’est si incroyable qu’une fois
encore, la conclusion s’impose : ce carnage n’a pas eu lieu.

352 Ibid., p. 127-128
353 « Histoire de Jésus-Christ d’après la Science » paru dans La France Littéraire, Artistique, Scientifique, 31 août
1865, p. 718, col. B.
354 Félix Nève, « Quelques souvenirs de l’antiquité chrétienne en Orient », publié dans la Revue Catholique. Recueil
religieux, philosophique, scientifique, historique et littéraire, tome IX, mars 1851, p. 14-24. L’extrait cité figure
p. 18.
355 Édith Parmentier, « Le massacre des innocents, une construction mémorielle » publié dans Pallas, n° 104, 2017,
p. 225-240. La phrase citée figure p. 229.

96
J’invite les catholiques à débattre

Après d’autres, l’auteur de l’article paru dans Catholique Sans Concession rappelle le peu
d’enfants de l’âge désigné qui pouvaient se trouver dans la petite ville de Bethléem ; il ajoute que
parmi les nombreux forfaits d’Hérode, ce massacre a disparu comme une goutte dans la mer 356.
L’explication a sa force, mais le massacre, même d’un petit nombre d’enfants innocents a quelque
chose de particulièrement abominable, et cet acte, s’il était réel, n’aurait pu être aussi complètement
oublié.

h) Aucune preuve historique, y compris chez Macrobe

On m’objectera que le massacre a été mentionné par un auteur païen, Macrobe, dans son
ouvrage Les Saturnales357. C’est exact, mais la vérité est tout autre. Dans ses premières lignes, le
chapitre IV du deuxième livre des Saturnales précise358 :

Des plaisanteries d’Auguste à l’égard d’autres personnes, et de celles d’autres personnes à son égard.
Aviénus commença ainsi :
— César Auguste, disais-je, aima beaucoup les plaisanteries, en respectant toujours néanmoins les
bornes posées par l’honnêteté et par les convenances de son rang, et sans tomber jamais dans la
bouffonnerie

Plus loin venait la plaisanterie qui concernait Hérode359 :

Ayant appris que, parmi les enfants de deux ans et au-dessous qu’Hérode, roi des Juifs, avait fait
massacrer en Syrie, était compris le propre fils de ce roi, il dit : « Il vaut mieux être le porc
d’Hérode que son fils. »

Passons sur l’erreur qui place le massacre en Syrie au lieu de la Judée. La seule question qui
se pose est la suivante : cette histoire d’Auguste plaisantant sur Hérode à propos du « massacre des
Innocents » est-elle authentique ? La réponse est négative. Lorsque les œuvres de Macrobe furent
réimprimées en 1850, il y avait bien longtemps que la vérité sur ce mot d’esprit était connue. Dès le
XIIIe siècle, Jacques de Voragine avait expliqué que suite à des intrigues de palais, le roi Hérode
avait fait assassiner un de ses fils, Alexandre, et emprisonner un autre, Aristobule 360. Aussi était-il
réputé pour sa cruauté envers ses propres enfants. L’auteur de la Légende dorée notait361 :

C’est à cette occasion de César-Auguste dit à ses familiers : « J’aimerais mieux être le porc
d’Hérode que son fils, car, en sa qualité de Juif, il épargne les porcs, tandis qu’il tue ses fils. »

Dès le Moyen Âge, donc, la vérité était connue. En 1811, un manuel scolaire apporta les
précisions suivantes362 :

Diogène de Sinope se moquait de l’ignorance des [bergers] Mégariens qui négligeaient d’instruire
leurs enfants dans les beaux-arts, et qui avaient un soin particulier de leurs troupeaux. Il disait
souvent qu’il aimerait mieux être le bélier d’un habitant de Mégare que son fils. C’était dans le
même sens, mais pour un sujet différent, qu’Auguste, empereur Romain, disait qu’il aimerait mieux
être le cochon d’Hérode, roi des Juifs, que son fils, parce que ce prince s’abstenait de la viande de
porc, mais il ne s’abstenait pas de tremper ses mains dans le sang de ses enfants.
356 Catholique Sans Concession, n° 2, déjà cité, p. 14-15.
357 « Les Saints Innocents » (https://laportelatine.org/spiritualite/vies-de-saints/les-saints-innocents).
358 Macrobe, Œuvres complètes (Paris : Firmin-Didot Frères, 1850), p. 227, col. B.
359 Ibid., p. 228, col. B
360 Jacques de Voragine, La Légende dorée, déjà cité, p. 59-60.
361 Ibid., p. 60.
362 Pierre Dantal, Nouveau cours de thèmes pour les quatrièmes et troisièmes (Lyon : J.-M. Boursy, 1811), p. 53.

97
Pourquoi je ne suis plus catholique

A l’époque, on savait qu’Hérode Ier avait ordonné l’exécution non seulement de son épouse
Mariamne et d’Alexandre, mais aussi d’au moins deux autres de ses fils. Quant aux bergers de
Mégare, s’ils apportaient un soin légendaire à leurs troupeaux, c’est parce que leur laine était source
de richesse. En 1849, l’auteur d’un ouvrage consacré au commerce expliqua363 :
[A Mégare], on avait enfin des troupeaux qui étaient élevés avec la plus grande sollicitude ; ce qui
fit dire à un philosophe de l’antiquité, qu’il aimerait mieux être le bélier d’un habitant de Mégare
que son fils. Avec la laine que produisaient les troupeaux on confectionnait des vêtements qu’on
exportait également, ainsi que les sardines qui se pêchaient sur les côtes, et qui étaient très
recherchées par les Athéniens.

Dans son étude déjà citée, Édith Parmentier explique : « Auguste réinterpréta le mot d’esprit
du philosophe blâmant la dureté des parents de Mégare pour condamner la cruauté d’Hérode à
l’égard de ses fils »364. Par la suite, Macrobe l’appliqua de façon arbitraire au prétendu massacre des
Innocents. Telle est la vérité sur cette affaire.
Certains s’interrogeront : « Comment Macrobe aurait-il pu connaître le massacre des
Innocents ? » La réponse est simple : sachant qu’à l’époque de la rédaction des Saturnales, l’évangile
selon saint Matthieu circulait, l’auteur avait pu en prendre connaissance à partir de cette source ou
d’une autre source chrétienne.
i) Le « massacre des Innocents » décrit dans plusieurs apocryphes

Mon affirmation n’est pas gratuite. Ce carnage figure en effet dans les Actes de Pilate.
L’auteur raconte que face au préfet romain de Judée, les grand-prêtres juifs lancèrent à Jésus 365 : « ta
naissance à Bethléem a provoqué un massacre d’enfants ». Le livre des Actes de Pilate confirme
l’évangile selon saint Matthieu. Pourquoi, donc, Félix Nève ne l’a-t-il pas mentionné ? Parce qu’il
s’agit d’un faux (aussi appelé Évangile de Nicodème) rédigé, comme tant d’autres, dans les milieux
chrétiens des premiers siècles366.
Le fait que Macrobe ait mentionné le massacre des Innocents ne prouve donc pas sa réalité,
car en l’absence d’autres sources, il l’a certainement connu par le biais d’un écrit chrétien, peut-être
un apocryphe367.
Certes, l’Église a rejeté les Actes de Pilate ; toutefois, le mythe du « massacre des Innocents »
reste dans l’évangile attribué à Matthieu. Au XIX e siècle encore, des catholiques prétendait
démontrer la réalité de ce carnage en citant Macrobe. J’ai évoqué Félix Nève, j’aurais pu également
mettre en cause l’abbé Joseph-Épiphane : en 1864 dans Histoire générale de l’Église, depuis la
création jusqu’à nos jours, il s’appuya lui aussi sur les Saturnales, présenté comme source sure368.

363 J. Duesberg, Histoire du Commerce de la Géographie et de la Navigation (Paris : Sagber et Bray, 1849), p. 310-
311.
364 Édith Parmentier, « Le massacre des innocents, une construction mémorielle », déjà cité, p. 232.
365 Actes de Pilate, II, 3. Plus loin, on lit : « [Pilate] se leva de son siège et il se dirigeait vers la sortie. Les Juifs
s’écrièrent : “Nous reconnaissons pour roi César, pas Jésus ! Or les mages lui ont apporté d’Orient des cadeaux
comme à un souverain. Et quand Hérode eut appris par ces mages qu’un roi était né, il voulut le faire périr. Joseph
son père l’ayant su, prit l’enfant et sa mère, et ils s’enfuirent en Égypte. A cette nouvelle, Hérode ordonna le
massacre des enfants hébreux nés à Bethléem.” Ces discours alarmèrent Pilate. Il imposa silence aux foules
bruyantes et leur dit : “C’est donc cet homme que recherchait Hérode ? — Oui, répondirent les Juifs, c’est lui !” »
(Ibid., IX, 3-4)
366 En vérité, il s’agit initialement de deux écrits, rédigés probablement vers l’an 150 pour le plus ancien, et vers la fin
du quatrième siècle pour le plus récent. Ils ont été liés plus tard (Michel Nicolas, Études sur les évangiles
apocryphes, déjà cité, p. 370).
367 Sur les autres sources qui mentionnent le massacre des Innocent, voir Catholique Sans Concession, n° 2, déjà cité,
p. 10-11.
368 Abbé Joseph-Épiphane, Histoire générale de l’Église, depuis la création jusqu’à nos jours, déjà cité, p. 343.

98
J’invite les catholiques à débattre

j) Macrobe finalement abandonné

Un siècle plus tard cependant, l’auteur de la Synopse des quatre évangiles s’abstint de citer
Macrobe. A propos du « massacre des Innocents », il écrivit369 :

Lisant ces lignes [de l’évangile selon saint Matthieu] quelque cinquante ans après les événements,
les Juifs de Judée pouvaient aisément s’assurer de la réalité d’un massacre d’enfants ordonné par
Hérode le Grand à la suite du passage de savants astronomes venus d’Arabie lors du retour d’une
comète. Les familles endeuillées n’oublient pas de telles circonstances.

Notez l’absence totale de source ; elle confirme que ce massacre est dénué de toute preuve
documentaire. La démonstration de la Synopse se voulait uniquement fondée sur la logique : un
demi-siècle plus tard, alléguait l’auteur, le massacre était encore dans les mémoires. L’argument peut
toutefois être retourné : si l’évangile de Matthieu ne rencontra que peu de succès parmi les Juifs,
surtout parmi les lettrés, c’est parce que 50 ans plus tard, personne ne se souvenait de ce massacre
prétendu…

Conclusion : cette histoire de « massacre des Innocents » me paraît être une invention.
Aucune annale ne la mentionne, le bon mot d’Auguste n’y faisait pas référence et elle n’est même
pas appuyée par la prophétie invoquée dans l’évangile selon saint Matthieu.

369 Révérend père Ceslas Lavergne, Synopse des Quatre évangiles en français… , déjà cité, p. 33, note 11.

99
VI Des miracles qui ne convainquent quasiment personne

De tous les évangiles écrits370, l’Église n’en a gardé que quatre. J’en ai lu certains qui, bien
que rejetés, nous sont parvenus (beaucoup d’autres ayant disparu, soit avec la secte qui les utilisait,
soit détruits sur ordre de l’Église). A quelques exception près, je n’y ai rien vu de contraire à la foi
catholique. Tous rapportent des merveilles assez surprenantes. Dans Le livre des miracles de notre
Seigneur, Maître et Sauveur Jésus-Christ, le Rédempteur encore enfant guérit un homme qui avait
été transformé en mulet371 :

[Les femmes] dirent en pleurant : « Ô Dame sainte Marie, ayez pitié de vos servantes. Nous
n’avons plus aucun parent âgé, ni chef de famille, ni père, ni frère, qui fasse une démarche pour
nous. Ce mulet que vous apercevez a été notre frère : des femmes l’ont réduits par leurs sortilèges à
l’état que vous voyez. Nous vous prions donc, d’avoir pitié de nous. » Alors, touchée de leur
malheur, Dame sainte Marie prit le Seigneur Jésus et le posa sur le clos du mulet. Elle pleurait et
les (trois) femmes aussi. Elle dit à Jésus Christ, son enfant : « Mon fils, par votre vertu puissante,
guérissez ce mulet et faites qu’il redevienne l’homme raisonnable qu’il était autrefois. »
Et au moment même où ces paroles sortaient de la bouche de Dame la vierge sainte Marie, le mulet
changea de forme et prit la figure humaine : il était devenu un homme jeune et exempt de toute
infirmité. Alors lui, sa mère et ses sœurs se prosternèrent devant Dame sainte Marie. Ils posèrent
l’enfant sur leurs têtes et se mirent à l’embrasser en disant : « Heureuse votre mère, ô Jésus, sauveur
du monde ! Bienheureux les yeux qui ont eu la faveur de vous regarder ! »

Plus tard, la seule odeur de ses vêtements permet de guérir un enfant qui se mourrait372 :

Sainte Marie en eut pitié et lui dit [à la mère] : « déposez votre enfant sur le lit de mon fils, et
couvrez le avec les habits de ce dernier. » Elle le déposa donc sur le lit où était le Christ. Il avait
déjà les yeux fermés, pour quitter la vie, mais lorsque l’odeur des vêtements du Seigneur, le Christ
Jésus, parvint au petit garçon, à l’instant même, celui-ci ouvrit les yeux et poussant un grand cri
vers sa mère, il lui dit : « mère, donnez-moi du pain ! » elle le lui donna et il le suça. Sa mère dit à
Dame sainte Marie : « Je sais maintenant que la puissance de Dieu réside en vous, au point que
votre fils s’est mis à guérir ses pareils par le seul contact de ses vêtements » Et cet enfant qui fut
guéri est celui qui, dans l’évangile est appelé Barthélemy.

370 Deux évangiles de l’Enfance de Jésus, l’évangile de Pierre, du Pseudo-Matthieu, de Barnabé, de Barthélemy, de
Gamaliel, de Judas, de la femme de Jésus, de la vérité, de Marie, de Matthias, l’évangile de Nicodème ou Actes de
Pilate, l’évangile selon Philippe, selon Thomas, deux évangiles des Égyptiens, deux autres évangiles de Jean,
l’évangile secret de Marc. Sans compter les actes, les épîtres, les apocalypses…
371 L’évangile arabe de l’enfance ou Le livre des miracles de notre Seigneur, Maître et Sauveur Jésus-Christ, ch. XXI.
Consultable en ligne : http://seigneurjesus.free.fr/evangilearabe.htm.
372 Ibid., ch. XXX.

101
Pourquoi je ne suis plus catholique

Chez le teinturier, le petit Jésus s’amuse a jeter tous les habits dans la cuve d’indigo, l’homme
se fâche373 :

« Que m’as-tu fait là, Jésus fils de Marie ! Tu m’attires des affronts de tous les gens de la ville.
Chacun d’eux voulait une couleur à sa convenance, et toi, tu es venu et tu as gâté tout l’ouvrage. »
Le Seigneur Jésus lui dit : « Tous les habits auxquels vous voudrez une autre couleur, je la
changerai. » Et au même instant, le Seigneur Jésus se mit à retirer de la cuve les habits, chacun,
jusqu’au dernier, avec la couleur que le teinturier souhaitait. Et les Juifs, à la vue de ce miracle et de
ce prodige, rendirent gloire à Dieu.

La réaction des Juifs est compréhensible. A supposer, donc, que le Christ enfant ait accompli
ces miracles, alors sa mission aurait été admirablement préparée. Ce n’est pas moi qui l’affirme,
mais un commentaire catholique de l’évangile selon saint-Jean. Il cite saint Jean Chrysostome qui
explique374 :

sa réputation eût été mille fois plus grande s’il avait commencé à faire des miracles dès ses
premières années, car des miracles faits par un enfant eussent paru plus surprenants et ils auraient
eu beaucoup plus de temps pour se répandre.

Dès lors, pourquoi Dieu n’a-t-Il pas agi ainsi ? Saint Jean Chrysostome répond :

Mais il convenait qu’il ne fit point de miracles dès son enfance, car on eût refusé de croire à son
incarnation, et la jalousie extrême de ses ennemis les aurait portés à le crucifier avant le temps qu’il
avait marqué [Id.].

La réponse est très faible, car Jésus étant Dieu, Il aurait pu se protéger jusqu’au temps marqué.
Un simple exemple illustrera mon propos : l’évangile selon saint Jean montre le Christ dans le
temple, entouré de Juifs375. Leur ayant dit qu’il ne faisait qu’Un avec le Père, ils veulent le lapider.
Jésus continue à parler. Les Juifs cherchent alors à l’arrêter, mais « il échappa à leurs main »376.
Comment parvient-Il à fuir alors qu’un public hostile l’entourait ? L’évangéliste n’en dit rien. Il est
difficile de ne pas voir ici une intervention miraculeuse pour le sauver. Dans son commentaire de
l’évangile, le site Biblia Plus souligne qu’après avoir livré Jésus, Judas s’attendait peut-être à ce que
« le Seigneur échappe miraculeusement, comme il l’avait fait encore et encore, à la puissance de ses
ennemis »377. C’est indéniable, Jésus bénéficia de l’aide de son Père. Par conséquent, Il aurait pu
commencer sa mission plus tôt et faire des miracles dans son enfance, sans crainte d’être crucifié.
A cela, on répondra que les « miracles » décrits dans les apocryphes sont ineptes. Certes, on
peut sourire à la lecture des merveilles du petit Jésus, mais qu’en est-il des miracles retenus par
l’Église ?

1°) Les deux miracles qui entourent la vie publique de Jésus

Les évangiles racontent deux miracles essentiels qui entourent la vie publique de Jésus. Le
premier serait arrivé lors de son baptême par Jean-Baptiste, le deuxième lors de sa mort physique
sur la croix.

373 Ibid., ch. XXXVII.
374 Cité par La chaîne d’or…, déjà cité, tome VII, p. 144.
375 « Les Juifs firent cercle autour de lui » (Jn, X, 24).
376 Jn, X, 39.
377 « Commentaire critique et explicatif : Matthieu, 27:3 », diffusé par le site BibliaPlus (en ligne :
https://www.bibliaplus.org/fr/commentaries/1/commentaire-critique-et-explicatif-sur-toute-la-bible/matthieu/27/3).

102
J’invite les catholiques à débattre

a) Jean-Baptiste et le miracle survenu lors du baptême du Christ

Jésus vient se faire baptiser. D’après l’évangile selon saint Luc378 :
Comme tout le peuple se faisait baptiser et qu’après avoir été baptisé lui aussi, Jésus priait, le ciel
s’ouvrit. L’Esprit Saint, sous une apparence corporelle, comme une colombe, descendit sur Jésus, et
il y eut une voix venant du ciel : « Toi, tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie. »

Si l’on en croit ce texte, le miracle fut public, vu et entendu de tous. D’après Matthieu,
pourtant, seul le Christ vit l’apparition ; quant à la voix, il se peut que tout le monde l’ait
entendue379 :

Dès que Jésus fut baptisé, il remonta de l’eau, et voici que les cieux s’ouvrirent : il vit l’Esprit de
Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui. Et des cieux, une voix disait : « Celui-ci est
mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie. »

Si l’on se réfère à l’évangile selon saint Marc, le miracle n’est vu et entendu que du Christ
(puisque la voix s’adresse à lui personnellement)380 :

Et aussitôt, en remontant de l’eau, il vit les cieux se déchirer et l’Esprit descendre sur lui comme
une colombe. Il y eut une voix venant des cieux : « Tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma
joie. »

Petite remarque en passant : si ce dernier récit est vrai ― et il doit l’être puisque Marc était
« inspiré » ― alors il faut en déduire qu’avant son baptême, le Christ ignorait qu’il était le Fils de
Dieu. Pourtant, il paraît que le Père, le Fils et le Saint-Esprit ne sont qu’une seule et même personne.
Voilà donc qui étonne.
Reste l’évangile selon saint Jean. Comme bien souvent, l’histoire est différente 381 :

Le lendemain, voyant Jésus venir vers lui, Jean déclara : « Voici l’Agneau de Dieu, qui enlève le
péché du monde ; c’est de lui que j’ai dit : L’homme qui vient derrière moi est passé devant moi,
car avant moi il était. Et moi, je ne le connaissais pas ; mais, si je suis venu baptiser dans l’eau,
c’est pour qu’il soit manifesté à Israël. » Alors Jean rendit ce témoignage : « J’ai vu l’Esprit
descendre du ciel comme une colombe et il demeura sur lui. Et moi, je ne le connaissais pas, mais
celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’a dit : “Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et
demeurer, celui-là baptise dans l’Esprit Saint.” Moi, j’ai vu, et je rends témoignage : c’est lui le Fils
de Dieu. »

Sachant que ce miracle est essentiel, les divergences entre les évangiles étonnent. On me
répondra que les détails sont sans importance : Jésus venait d’être reconnu comme le Messie, et Jean
le Baptiste l’avait parfaitement compris. Dans ce cas, pourquoi n’est-il pas devenu le premier apôtre
du Christ ? On m’objectera que Jean en a lui-même donné la raison 382 : « Lui, il faut qu’il
grandisse ; et moi, que je diminue. » Aussi ne pouvait-il pas cesser brutalement sa mission.
Admettons. Mais dans le cadre de son effacement progressif, Jean aurait dû envoyer ses
compagnons vers le Christ. Je n’invente rien ; d’après saint Jean Chrysostome, le Baptiste craignait
que ses disciples383 : « ne demeurent éloignés de Jésus-Christ, à l’école duquel il à voulu les
378 Lc, III, 21-22.
379 Mt, III, 16-17.
380 Mc, I, 10-11.
381 Jn, I, 29-34.
382 Jn., III, 30.
383 La chaîne d’or…, tome II, déjà cité, p. 123.

103
Pourquoi je ne suis plus catholique

renvoyer tous dès le commencement. » Pourquoi, donc, ne leur avait-il pas donné l’exemple, en
devenant lui-même le premier disciple du Messie ? Pourquoi avait-t-il, au contraire, poursuivi sa
mission ? Car l’évangile selon saint Matthieu rapporte cet événement survenu bien plus tard 384 : « les
disciples de Jean le Baptiste s’approchent de Jésus en disant : “Pourquoi, alors que nous et les
pharisiens, nous jeûnons, tes disciples ne jeûnent-ils pas ?” » J’y vois la preuve que Jean-Baptiste
poursuivait son œuvre, avec ses propres disciples et une morale différente. Pour un homme qui
aurait vu le miracle survenu lors du baptême du Christ, c’est surprenant.
La surprise se change en stupeur lorsqu’on découvre qu’une fois jeté en prison, Jean fit
demander à Jésus s’il était… le Messie385 :
Jean le Baptiste entendit parler, dans sa prison, des œuvres réalisées par le Christ. Il lui envoya ses
disciples et, par eux, lui demanda : « Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un
autre ? »

Le même épisode est raconté dans l’évangile selon saint Luc. Jésus ayant ressuscité un jeune
homme, la nouvelle se répand partout386 :
La crainte s’empara de tous, et ils rendaient gloire à Dieu en disant : « Un grand prophète s’est levé
parmi nous, et Dieu a visité son peuple. » Et cette parole sur Jésus se répandit dans la Judée entière
et dans toute la région.
Les disciples de Jean le Baptiste annoncèrent tout cela à leur maître. Alors Jean appela deux d’entre
eux et les envoya demander au Seigneur : « Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre
un autre ? » Arrivés près de Jésus, ils lui dirent : « Jean le Baptiste nous a envoyés te demander :
Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? »

Cette demande stupéfiante embarrasse beaucoup les commentateurs. Aussi tentent-ils d’en
fournir l’explication. Tertullien affirme qu’au moment où il formula cette demande, le prophète Jean-
Baptiste n’était plus « inspiré » par l’Esprit Saint387 :
les rayons de l’Esprit saint qui, aux termes de la mission prophétique, avaient illuminé le
Précurseur pour l’aider à préparer les voies du maître, durent se retirer de Jean-Baptiste et remonter
au Seigneur, leur centre et leur principe.

Devenu un « homme ordinaire, et confondu avec la foule » (Id.), Jean-Baptiste s’était donc
mis douter, malgré le miracle auquel il avait assisté pendant le baptême du Christ.
Cette explication était toutefois jugée embarrassante. Car comment le dernier prophète ayant
annoncé le Christ aurait-il pu être plongé dans les ténèbres spirituelles ? Bossuet, par exemple,
refusait d’y croire388. Par conséquent, commentateurs et exégètes rivalisèrent d’ingéniosité pour
trouver d’autres explications. Leur schéma est toujours le même : « Jean-Baptiste, disent-ils, savait
bien évidemment que le Christ était le Messie. Mais s’il l’a demandé tout de même, c’est pour telle
ou telle raison ». Et chacun d’inventer sa raison.

384 Mt., XI, 14.
385 Mt., XI, 2-3.
386 Lc., VII, 14-20.
387 Tertullien, Contre Marcion, Livre IV, § 18., publié dans Œuvres complètes de Tertullien par M. de Genoude (Paris :
Louis Vivès, 1852), tome 1, p. 208
388 « Celui qui été envoyé pour rendre témoignage de la lumière aura été lui-même dans les ténèbres ? Et après avoir
tant de fois désigné au peuple cet agneau de Dieu qui purge les péchés du monde, après avoir vu le Saint Esprit
descendre sur lui lorsqu’il voulut être baptisé de sa main, tout d’un coup il aura oublié ce qu il a fait connaître à
tant de personnes ? Vous voyez bien, Fidèles, que cela n’a aucune apparence. » (Bossuet, « Premier sermon pour le
Deuxième Dimanche de l’Avent », dans Œuvres complètes de Bossuet par F. Lachat, déjà cité, p. 176-198. L’extrait
cité figure pp. 176-177).

104
J’invite les catholiques à débattre

Face à des religieuses, Bossuet déclara que si Jean avait délégué une ambassade pour
interroger le Christ sur sa qualité de Messie, c’était juste pour entendre la réponse (connue d’avance)
qui lui ferait du bien389.
Parfois, l’explication nécessitait de changer le sens du texte : Jean a demandé ceci, mais en
fait, il demandait cela. Jésus à répondu ceci, mais en fait, il répondait cela. Une homélie prononcée
par saint Grégoire en offre un exemple flagrant : quand Jean faisait demander à Jésus s’il était le
Messie, sa question signifiait : « En tant que Messie qui sera tué, iras-tu aux Enfers ? Car sachant
que je vais mourir avant toi, donc que j’irai aux Enfers avant toi, si tu y vas aussi, alors je pourrais
t’annoncer ». Et quand Jésus répondait qu’il opèrait des signes prodigieux, en fait, il voulait dire :
« Certes, j’accomplis des miracles pour lesquels vous m’honorez, mais je mourrai de façon
humiliante sur la croix, et ce jour là, il faudra aussi m’honorer »390. Saint Grégoire changeait
arbitrairement le sens des propos tenus afin de prétendre qu’en dépit de la question pourtant très
claire de Jean-Baptiste (« Es-tu celui qui doit venir »?), celui-ci ne doutait pas qu’il fut le Messie.
Cette explication trop alambiquée ne fut cependant guère reprise. Car même pour un exégète
catholique, il y a des limites. Aussi Saint Chrysostome lui en préféra-t-il une autre 391 :

S’il leur avait dit [à ses disciples] : « Allez à lui, parce qu’il est bien au-dessus de moi », il ne les
aurait pas persuadés ; ils auraient cru qu’il parlait ainsi par un profond sentiment d’humilité, et ils
lui seraient restés plus attachés qu’auparavant. Que fait-il donc ? Il attend, que ses disciples
viennent lui rapporter eux-mêmes que le Christ fait des miracles ; et parmi eux tous, il n’en envoie
que deux qu’il regardait peut-être comme plus faciles à être convaincus. Il les envoie afin que sa
demande ne prête à aucun soupçon et qu’ils apprennent par les faits eux-mêmes la distance qui les
sépare de Jésus-Christ.

Cette explication présentait toutefois un point faible : que valaient les miracles du Christ si,
pour convaincre un groupe de fidèles, seuls les deux plus crédules devaient être envoyés afin de
s’informer ?
389 « Pour moi je m’imagine, fidèles, que le fruit qu’il espérait de cette ambassade, c’est que ses disciples lui
rapportant la réponse de son bon Maître, il ne doutait nullement que sa parole ne dût être pleine d’une si ineffable
douceur que seule elle serait capable non seulement de chasser les maux d’une dure captivité, mais encore
d’adoucir les amertumes de cette vie. » (Bossuet, « Second exorde au Premier sermon pour le Deuxième Dimanche
de l’Avent », ibid., p. 176).
390 « Auprès des eaux du Jourdain, Jean affirmait que Jésus était le Rédempteur du monde, mais du fond de sa prison il
Lui envoie demander s’Il est Celui qui doit venir, non qu’il doute que Jésus soit le Rédempteur du monde, mais il
cherche à savoir si Celui qui, de Sa propre volonté, est venu dans le monde, descendra aussi, par cette même
volonté, dans la prison des enfers.
« Car celui qui avait précédé Jésus en L’annonçant au monde, Le précéda aussi aux enfers, par la mort. Il Lui dit
donc : “Es-Tu Celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ?”, comme s’il disait clairement : “De même
que Tu as daigné naître pour les hommes, daigneras-Tu aussi, pour les hommes, subir la mort ; de telle sorte que
moi, qui fus le précurseur de Ta naissance, je devienne aussi le précurseur de Ta mort, en annonçant Ta descente
aux enfers comme déjà j’ai annoncé Ta venue au monde ?”
« Étant ainsi interrogé, le Seigneur donna d’abord des preuves manifestes de Sa Puissance, puis, répondant en
paroles, prophétisa l’humiliation de Sa propre mort : “Les aveugles voient et les boiteux marchent, les lépreux sont
purifiés et les sourds entendent, les morts ressuscitent et les pauvres ont appris la bonne nouvelle. Et bienheureux
celui qui ne trouvera pas en Moi un objet de scandale.” [Lc, VII, 22-23].
« Qui ne serait émerveillé plutôt que scandalisé devant tant de signes prodigieux ! Mais l’esprit incroyant supporta
un scandale bien plus grand à son sujet quand, après tant de miracles, il Le vit mourir […] Aux hommes, en effet, il
semblait vraiment insensé que l’Auteur de la vie dût mourir pour les hommes […] Et que veut dire Jésus par :
“Bienheureux celui qui ne trouvera pas en Moi un objet de scandale”, sinon signifier clairement l’abjection et
l’abaissement de Sa propre mort ? Comme s’Il disait ouvertement : “Oui, Je fais des miracles, mais Je ne refuse pas
de supporter les humiliations. Et ceux qui M’honorent à cause de ces miracles devraient se garder de Me mépriser
quand Je te suivrai sur le chemin de la mort”. » (Saint Grégoire, Sixième Homélie prononcée pendant la période de
l’Avent [en ligne : http://www.kerit.be/pdf/homelies_gregoire_grand.pdf], p. 13-14).
391 La chaîne d’or…, tome II, déjà cité, p. 123.

105
Pourquoi je ne suis plus catholique

Voilà pourquoi, délaissant le texte de Luc (sur lequel s’appuyait saint Jean Chrysostome) et
préférant celui de Marc, saint Jérôme expliqua392 :
Ce n’est point par ignorance qu’il interroge [le Christ par le biais de ses disciples], mais de la même
manière que le Sauveur demandait en quel endroit le corps de Lazare avait été déposé, afin de
préparer ainsi à la foi ceux qui lui indiquaient le lieu de sa sépulture, et de les rendre témoins de la
résurrection d’un mort. C’est ainsi que Jean-Baptiste, sur le point d’être mis à mort par Hérode,
envoie ses disciples à Jésus-Christ, pour qu’ils aient occasion de voir ses miracles et ses prodiges, et
qu’ils puissent croire en lui, et s’instruire eux-mêmes en l’interrogeant au nom de leur maître.

Bien plus tard, Bossuet reprit cette explication devenue commune 393. Mais une incohérence de
taille subsistait. En effet, si Jean savait que le Christ était le Messie alors il aurait dû envoyer ses
disciples en leur disant : « Dieu Lui-même m’a révélé, avec un miracle éclatant, que Jésus était le
Messie. Allez le lui demander, il vous le confirmera ». Cette explication les auraient convaincu
avant même qu’ils n’aillent s’informer auprès du Christ. Auprès du peuple, en outre, la mention du
miracle aurait été bien plus claire, bien plus nette que cette question sujette à une mésinterprétation :
« Es-tu celui qui doit venir ou doit-on en attendre un autre ? » Le fait que Jean-Baptiste ait posé
cette question démontre qu’il doutait, donc qu’il n’avait vu aucun miracle lors du baptême du Christ.
Conscient, très probablement, de cette incohérence, un auteur moderne a proposé une
nouvelle explication394 :
Plus les miracles se multiplient, plus l’âme ardente de Jean souffre que Jésus, qui le pourrait, ne se
mette pas plus résolument à la grande œuvre annoncée et qui consisterait, pensait-il, à nettoyer
l’aire de Dieu. Deux disciples iront donc lui demander officiellement : Agissant comme vous faites,
êtes-vous bien celui qui vient, ou faut-il reporter nos espérance sur un autre ? Jean ne doute pas que
Jésus soit le Messie, mais ce calme le scandalise : il supplie avec hardiesse et familiarité Jésus de
passer enfin aux actes énergiques indispensables pour briser à tout jamais les ennemis du
renouveau salutaire.

Traduite en parlé moderne, la question de Jean-Baptiste aurait donc été : « Quand vas-tu enfin
te mettre au boulot ? Je perds confiance ! » Mais s’il avait été persuadé que le Christ était le Messie,
alors Jean n’aurait jamais posé une question si déplacée, car l’Envoyé de Dieu savait mieux que
quiconque ce qu’il fallait faire. Dès lors, même à accepter cette nouvelle interprétation, la
conclusion demeure : le fait que Jean-Baptiste ait posé cette question démontre qu’il doutait, donc
qu’il n’avait vu aucun miracle lors du baptême du Christ.
Quand on connaît les divergences des évangiles au moment de le raconter, il n’y a là rien
détonnant.

392 La chaîne d’or…, tome II, déjà cité, p. 123.
393 « Je dis qu’il interroge [le Christ] parce qu’il sait ; il demande au Sauveur Jésus quel il est parce qu’il connaît très
bien quel il est. Comment cela direz-vous ? C’est ici, Chrétiens, la vraie explication de notre évangile et le
fondement nécessaire de tout ce discours. Saint Jean, qui connaissait le Sauveur qu il avait prêché tant de fois,
savait bien qu il n’appartenait qu’à lui seul de dire quel il était et de se manifester aux hommes desquels il venait
être le précepteur. C’est pourquoi il lui envoie ses disciples afin qu’il soient instruits par lui même touchant sa
venue que lui seul était capable de nous déclarer. Ainsi n’appréhendez pas, Chrétiens, qu’il détruise le témoignage
qu’il a donné de Notre Seigneur, car lui faisant demander à lui même ce qu’il faut croire de sa personne, il fait bien
voir qu’il reconnaît en lui une autorité infaillible et qu il ne lui envoie ses disciples que pour être formés de sa main
et enseignés de sa propre bouche. Ne pouvant plus annoncer sa venue aux hommes parce qu il était retenu aux
prisons d’Hérode, il prie Notre Seigneur de se faire connaître lui même ; et lui faisant faire cette ambassade en
présence de tout le peuple, il a dessein de tirer de lui quelque instruction mémorable pour les spectateurs qui
s’imaginaient le Messie tout autre qu il ne devait être. » (Bossuet, « Premier sermon pour le Deuxième Dimanche
de l’Avent », dans Œuvres complètes de Bossuet, déjà cité, p. 177).
394 Révérend père Ceslas Lavergne, Synopse des Quatre évangiles en français…, déjà cité, p. 79-80, note 78

106
J’invite les catholiques à débattre

b) Paul ignore le miracle survenu lors de la mort du Christ sur la Croix

Un autre miracle capital serait survenu au moment où Jésus expirait sur la croix : le
déchirement surnaturel du rideau qui, dans le Temple, masquait le saint de saint. Trois évangiles en
parlent :

– Matthieu, ch. XXVII, v. 51 : « Et voici que le rideau du Sanctuaire se déchira en deux,
depuis le haut jusqu’en bas » ;
– Marc, ch. XV, v. 38 : « Le rideau du Sanctuaire se déchira en deux, depuis le haut jusqu’en
bas. » ;
– Luc, ch. XXIII, v. 45 : « Le rideau du Sanctuaire se déchira par le milieu. » ;

Ce miracle marquait la fin de l’ancienne alliance : Dieu lui-même déchirait le contrat qu’Il
avait passé avec le peuple juif. Un auteur chrétien écrit 395 : « Comparons cette déchirure du voile à
celle d’un contrat venu à terme. Ainsi, Dieu déchira le contrat de l’ancienne alliance. » De son
côté, l’apologiste Origène expliqua ce miracle survint396 :
pour signifier que les mystères qui avaient été cachés selon les desseins de la sagesse de Dieu
depuis le commencement du monde, jusqu’à l’avènement du Sauveur, allaient être révélés d’une
extrémité de la terre a l’autre.

Il s’agissait donc d’un témoignage essentiel en faveur de Jésus et de la mission des apôtres. Or,
ce miracle n’est plus jamais mentionné ensuite : on ne le trouve ni dans les évangiles, ni dans les
Actes des Apôtres, ni dans les quatorze épîtres retenues par l’Église. Plus révélateur encore : à trois
reprises, dans son Épître aux Hébreux, Paul évoque ce rideau en relation avec Jésus qui le franchit.
Mais jamais il ne mentionne le déchirement surnaturel 397. A mes yeux, ce silence général, après la
résurrection du Christ, à propos du déchirement surnaturel du rideau du temple, atteste qu’il s’agit
d’un événement inventé.

2°) Les disciples restent froids devant l’eau changée en vin et la multiplication des pains

Si l’on en croit l’évangile selon saint Jean — et seulement lui — le premier miracle accompli
par Jésus lui-même aurait eu lieu lors des noces de Cana, lorsqu’il changea l’eau en vin. Après avoir
raconté l’événement, l’évangéliste précise : « Tel fut le commencement des signes que Jésus
accomplit. C’était à Cana de Galilée. Il manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui. »398

395 David Roper, « Miracles du Calvaire », p. 4, n. 7, publié par le site BibleCourses.com (en ligne :
http://www.biblecourses.com/French/fr_lessons/FR_200602_06.pdf).
396 La chaîne d’or…, tome III, déjà cité, p. 434.
397 « Cette espérance [chrétienne] elle entre au-delà du rideau, dans le Sanctuaire où Jésus est entré pour nous en
précurseur, lui qui est devenu grand prêtre de l’ordre de Melkisédek pour l’éternité. » ; « Le Christ est venu, grand
prêtre des biens à venir. […] il est entré une fois pour toutes dans le sanctuaire, en répandant, non pas le sang de
boucs et de jeunes taureaux, mais son propre sang. De cette manière, il a obtenu une libération définitive. » ;
« Frères, c’est avec assurance que nous pouvons entrer dans le véritable sanctuaire grâce au sang de Jésus : nous
avons là un chemin nouveau et vivant qu’il a inauguré en franchissant le rideau du Sanctuaire ; or, ce rideau est sa
chair. Et nous avons le prêtre par excellence, celui qui est établi sur la maison de Dieu. » (Heb., VI, 19-20, IX, 11-
12, X, 19-21).
398 « Le troisième jour, il y eut un mariage à Cana de Galilée. La mère de Jésus était là. Jésus aussi avait été invité au
mariage avec ses disciples. Or, on manqua de vin. La mère de Jésus lui dit : « Ils n’ont pas de vin. » Jésus lui
répond : “Femme, que me veux-tu ? Mon heure n’est pas encore venue. » Sa mère dit à ceux qui servaient : “Tout ce
qu’il vous dira, faites-le.” Or, il y avait là six jarres de pierre pour les purifications rituelles des Juifs ; chacune
contenait deux à trois mesures, (c’est-à-dire environ cent litres). Jésus dit à ceux qui servaient : “Remplissez d’eau
les jarres.” Et ils les remplirent jusqu’au bord. Il leur dit : “Maintenant, puisez, et portez-en au maître du repas.” Ils

107
Pourquoi je ne suis plus catholique

Plus tard, Jésus accomplit un autre miracle éclatant : la multiplication des pains et des
poissons : cinq pains et deux poissons permirent de nourrir cinq mille personnes 399. Jésus venait
donc d’accomplir un miracle encore plus éclatant que celui de Cana. Or, voici la suite de
l’histoire400 :

Aussitôt après, Jésus obligea ses disciples à monter dans la barque et à le précéder sur l’autre rive,
vers Bethsaïde, pendant que lui-même renvoyait la foule. Quand il les eut congédiés, il s’en alla sur
la montagne pour prier.
Le soir venu, la barque était au milieu de la mer et lui, tout seul, à terre. Voyant qu’ils peinaient à
ramer, car le vent leur était contraire, il vient à eux vers la fin de la nuit en marchant sur la mer, et il
voulait les dépasser. En le voyant marcher sur la mer, les disciples pensèrent que c’était un fantôme
et ils se mirent à pousser des cris. Tous, en effet, l’avaient vu et ils étaient bouleversés. Mais
aussitôt Jésus parla avec eux et leur dit : « Confiance ! c’est moi ; n’ayez pas peur ! » Il monta
ensuite avec eux dans la barque et le vent tomba ; et en eux-mêmes ils étaient au comble de la
stupeur, car ils n’avaient rien compris au sujet des pains : leur cœur était endurci.

Voilà qui est incroyable ! Les disciples ont vu, dans la journée même, un miracle éclatant.
Mais… ils n’ont rien compris, car « leur cœur était endurci ». La précision de Marc est si gênante
que l’explication des évangiles La chaîne d’Or… cite uniquement de saint Bède qui écrit401 :
La grandeur de ces miracles étonnait les disciples qui étaient encore charnels ; mais ils ne
pouvaient encore reconnaître dans le Sauveur la vérité de la majesté divine « Parce que leur cœur
était aveuglé [=endurci] ».

Saint Bède n’explique rien, car il trahit totalement le sens du texte. Il n’est nullement question,
dans ce passage, de reconnaître chez Jésus une « majesté divine », il est juste question de
comprendre que Jésus est doté de pouvoirs surnaturels… Quant à l’auteur de la Synopse des quatre
évangiles, il passe sous silence ce verset trop embarrassant.

3°) Jésus n’accomplit-il des miracles que devant ceux qui veulent y croire ?

Revenons au premier miracle, celui de Cana. De façon évidente, il aurait été connu non
seulement des disciples, mais aussi de la famille de Jésus, par l’intermédiaire de Marie qui en avait
d’ailleurs bien d’autres à raconter. Ajoutons que par la suite, ceux qui avaient servi le vin aux noces
lui en portèrent. Et celui-ci goûta l’eau changée en vin. Il ne savait pas d’où venait ce vin, mais ceux qui servaient
le savaient bien, eux qui avaient puisé l’eau. Alors le maître du repas appelle le marié et lui dit : “Tout le monde
sert le bon vin en premier et, lorsque les gens ont bien bu, on apporte le moins bon. Mais toi, tu as gardé le bon vin
jusqu’à maintenant.” Tel fut le commencement des signes que Jésus accomplit. C’était à Cana de Galilée. Il
manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui. Après cela, il descendit à Capharnaüm avec sa mère, ses frères et
ses disciples, et ils demeurèrent là-bas quelques jours. » (Jn, II, 1-11)
399 « En débarquant, Jésus vit une grande foule. Il fut saisi de compassion envers eux, parce qu’ils étaient comme des
brebis sans berger. Alors, il se mit à les enseigner longuement. Déjà l’heure était avancée ; s’étant approchés de
lui, ses disciples disaient : “L’endroit est désert et déjà l’heure est tardive. Renvoie-les : qu’ils aillent dans les
campagnes et les villages des environs s’acheter de quoi manger.” Il leur répondit : “Donnez-leur vous-mêmes à
manger.” Ils répliquent : “Irons-nous dépenser le salaire de deux cents journées pour acheter des pains et leur
donner à manger ?” Jésus leur demande : “Combien de pains avez-vous ? Allez voir.” S’étant informés, ils lui
disent : “Cinq, et deux poissons.” Il leur ordonna de les faire tous asseoir par groupes sur l’herbe verte. Ils se
disposèrent par carrés de cent et de cinquante. Jésus prit les cinq pains et les deux poissons, et, levant les yeux au
ciel, il prononça la bénédiction et rompit les pains ; il les donnait aux disciples pour qu’ils les distribuent à la
foule. Il partagea aussi les deux poissons entre eux tous. Ils mangèrent tous et ils furent rassasiés. Et l’on ramassa
les morceaux de pain qui restaient, de quoi remplir douze paniers, ainsi que les restes des poissons. Ceux qui
avaient mangé les pains étaient au nombre de cinq mille hommes. » (Mc., VI, 34-44).
400 Mc., VI, 45-55.
401 La chaîne d’or…, tome IV, déjà cité, p. 173.

108
J’invite les catholiques à débattre

auraient été interrogés par le marié : ils auraient alors révélé l’origine de la boisson, répandant la
réputation de Jésus au-delà du cercle familial.
Mais lorsque, un peu plus tard, Jésus revint dans son pays, les gens lui réservèrent un accueil
défavorable. Saint Luc l’affirme402, saint Matthieu est encore plus net403 :
[Jésus] se rendit dans son lieu d’origine, et il enseignait les gens dans leur synagogue, de telle
manière qu’ils étaient frappés d’étonnement et disaient : « D’où lui viennent cette sagesse et ces
miracles ? […] Et ils étaient profondément choqués à son sujet. Jésus leur dit : « Un prophète n’est
méprisé que dans son pays et dans sa propre maison. » Et il ne fit pas beaucoup de miracles à cet
endroit-là, à cause de leur manque de foi.

Je m’étonne de l’accueil qui lui est réservé alors que sa réputation aurait dû être établie. Quant
à la dernière phrase — « il ne fit pas beaucoup de miracles à cet endroit-là, à cause de leur manque
de foi. » — je pensais que, justement, les miracles étaient opérés pour susciter la foi chez les
incrédules. Mais le plus stupéfiant se trouve dans l’évangile selon saint Marc. Après avoir décrit
l’étonnement des concitoyens du Christ, il précise404 :
Jésus leur disait : « Un prophète n’est méprisé que dans son pays, sa parenté et sa maison. » Et là il
ne pouvait accomplir aucun miracle ; il guérit seulement quelques malades en leur imposant les
mains. Et il s’étonna de leur manque de foi. Jésus parcourait les villages d’alentour en enseignant.

Jésus s’étonne du manque de foi, mais il ne peut alors accomplir aucun miracle. C’est
totalement contradictoire ! Faut-il en déduire qu’il accomplissait des « miracles » uniquement là où
les gens étaient prêts à les croire ? Cette réflexion du père jésuite Claude-René Hongnant semble
l’attester405 :
Il ne laisse pas d’être étonnant, que les premiers disciples de Jésus-Christ étaient les derniers des
hommes, et les plus grands ignorants de la Terre, et par conséquent les gens les plus capables d’une
crédulité grossière. Ce ne sont point les doctes Pharisiens, ce ne sont point les vertueux Esséniens,
qui prennent son parti, qui ajoutent foi à la doctrine, et se laissent entraîner à ses miracles.

Jésus semble faire des miracles uniquement lorsque les spectateurs sont « capables d’une
crédulité grossière ». Voilà qui inquiète.

4°) Malgré ses miracles, la famille de Jésus le croit fou !

J’en termine avec deux autres versets. On raconte que le Christ accomplit des miracles : « Les
gens de chez lui, l’apprenant, vinrent pour se saisir de lui, car ils affirmaient,: “Il a perdu la
tête”. »406 ; « En effet, les frères de Jésus eux-mêmes ne croyaient pas en lui »407. Cette réaction de la
famille est si embarrassante que l’auteur de la Synopse des quatre évangiles explique : « Sa mère
[=Marie] est avec eux, pour adoucir les choses : son Jésus se tue, mais elle ne voudrait pas que

402 « Tous lui rendaient témoignage et s’étonnaient des paroles de grâce qui sortaient de sa bouche. Ils se disaient :
“N’est-ce pas là le fils de Joseph ?” Mais il leur dit : “Sûrement vous allez me citer le dicton : “Médecin, guéris-toi
toi-même”, et me dire : “Nous avons appris tout ce qui s’est passé à Capharnaüm ; fais donc de même ici dans ton
lieu d’origine !”” Puis il ajouta : “Amen, je vous le dis : aucun prophète ne trouve un accueil favorable dans son
pays […]” » (Lc., V, 22-24).
403 Mt., XIII, 54, 57-58.
404 Mc., VI, 4-6.
405 Claude-René Hongnant, Lettres de M. l’abbé*** à Monsieur l’abbé d’Houtteville au sujet du livre De la religion
chrétienne prouvée par les faits (Paris : Pissot, Paris, 1722), p. 163.
406 Mc., III, 21.
407 Jn., VII, 5. Sur le frères de Jésus, voir l’annexe 2.

109
Pourquoi je ne suis plus catholique

leurs parents usent de la force et l’arrachent à son noble tâche »408. Mais loin de sauver l’histoire
catholique de Jésus, cette réflexion la fissure davantage. Car enfin, Marie n’avait-elle rien raconté à
la famille : la conception miraculeuse de Jésus, les songes, les anges, les rois-mages, la fuite en
Égypte, Cana ? De plus en plus inquiétant…

5°) Miracles véritables ou légendes ? Le cas de l’Assomption de la sainte Vierge

On me répondra que parmi les miracle éclatants survenus au début de la chrétienté figurent la
résurrection de Lazare et l’Assomption de la Sainte Vierge : à la fin de sa vie terrestre, Marie ne
serait pas morte mais aurait été emportée directement dans les cieux. Considérons cette histoire. En
1950, le pape Pie XII l’a érigée en dogme409.

a) Un miracle décrit dans un apocryphe mais dénué de témoignages contemporains

Cette Assomption était connue depuis les débuts du christianisme. Car saint Jean lui-même
l’aurait rapportée dans le Livre du Passage de la Bienheureuse Vierge Marie. On lit410 :

Alors Jésus dit à Pierre et aux disciples : « Voici le temps, » [où ma mère doit mourir] et tous, ainsi
que les anges, louaient et glorifiaient Dieu à haute voix et, versant beaucoup de larmes, ils jetèrent
l’encens avec beaucoup de respect et de piété. Et le visage de la bienheureuse Marie resplendissait
d’une clarté merveilleuse, et, ayant étendu les mains, elle les bénit tous, et le Seigneur étendit sa
main sainte, et il prit son âme pure qui fut portée aux trésors du Père. Et il se manifesta une lumière
et une odeur suave comme le monde n’en connaît pas, et voici qu’une voix vint du ciel, disant : « Je
te salue, heureuse Marie ; tu es bénie et honorée parmi les femmes. » Et Jean le disciple étendit sa
main, et Pierre ferma ses yeux, et Paul étendit ses pieds, et Notre-Seigneur monta à son royaume
éternel, escorté par les anges et au milieu des louanges. Et ils posèrent une pierre à l’entrée de la
caverne où était son corps, et ils restèrent autour en prières. Et l’Esprit-Saint répandit une grande
lumière qui les enveloppa, de sorte qu’ils ne pouvaient s’apercevoir entre eux et que personne ne
pouvait les voir. Et la vierge sans tache fut portée en grand triomphe au paradis sur des chars de
feu. Alors une nuée souleva tous les assistants et chacun revint à l’endroit d’où il était parti, et il ne
resta que les disciples qui demeurèrent trois jours en prières, et ils entendaient toujours le chant des
cantiques.
Et lorsqu’ils étaient ainsi réunis, voilà que Thomas, un des disciples, arriva sur une nuée, et le corps
de la bienheureuse Marie était porté sur les épaules des anges, et il leur cria de s’arrêter, afin qu’il
obtint sa bénédiction.
Et lorsqu’il fut avec ses compagnons qui persévéraient dans la prière, Pierre lui dit : « Thomas,
notre frère, qui est-ce qui t’a empêché d’assister au trépas de la Mère du Seigneur Jésus et de voir la
multitude des miracles qui se sont accomplis à son égard ; et tu as été privé de sa bénédiction. » Et
Thomas répondit : « C’est le service de Dieu qui m’a empêché d’être avec vous, car l’Esprit-Saint
m’a révélé ce qui se passait, lorsque je prêchais la grâce du Christ et lorsque je baptisais Golodius,
fils de la sœur du roi. Et dites-moi où est maintenant son corps ? » Et ils dirent : « Dans cette
caverne. » Et il répondit : « Je veux aussi la voir et recevoir sa bénédiction afin de pouvoir affirmer
la vérité de ce que vous dites. » Les disciples répondirent : « Tu es toujours en méfiance de ce que
nous disons, de même que tu t’es défié au temps de la résurrection du Seigneur jusqu’à ce qu’il t’eût

408 Révérend père Ceslas Lavergne, Synopse des Quatre évangiles en français… , déjà cité, p. 83, note 82.
409 « Nous proclamons, déclarons et définissons que c’est un dogme divinement révélé que Marie, l’Immaculée Mère
de Dieu toujours Vierge, à la fin du cours de sa vie terrestre, a été élevée en âme et en corps à la gloire céleste. »
(Munificentissimus Deus. Une version française du texte est consultable en ligne : https://www.infocatho.fr/le-texte-
de-la-proclamation-du-dogme-de-lassomption-par-pie-xii-en-1950-munificentissimus-deus/)
410 Cité par l’abbé Jacques-Paul Migne dans l’Encyclopédie Théologique, ou Troisième et dernière série de
dictionnaires sur toutes les parties de la science religieuse (J.-P. Migne, Paris, 1858), tome 24, « Dictionnaire des
Apocryphes », col. 503 et s. Le passage cité figure col. 525-527.

110
J’invite les catholiques à débattre

donné la certitude et qu’il t’eût montré les traces des clous dans ses mains et de la lance dans son
côté, alors tu t’écrias : « Ô mon Seigneur et mon Dieu ! » Alors Thomas répondit : « Vous savez que
je suis Thomas, et je n’aurai pas de repos jusqu’à ce que j’aie vu le sépulcre où a été enseveli le
corps de Marie, sinon je ne croirai pas ». Alors Pierre se leva avec colère et avec promptitude, et les
disciples l’aidèrent à ôter la pierre, et ils entrèrent dans la caverne, et ils n’y trouvèrent rien, ce qui
leur causa une extrême surprise, et ils dirent : « Nous nous sommes absentés et nous disons que les
Juifs ont enlevé le corps afin d’en faire ce qu’ils voulaient. » Et Thomas répondit : « Ne vous
affligez pas, mes frères, car, lorsque j’arrivai de l’Inde sur une nuée, je vis le corps saint
accompagné d’un grand nombre d’anges, et il montait avec eux en triomphe dans le ciel, et je
demandais, avec de grands cris, que la bienheureuse Marie me bénît, et elle me donna cette
ceinture. » Lorsque les disciples la virent, ils louèrent Dieu avec ferveur, et ils fermèrent avec un
rocher la porte de la caverne, et ils se mirent en prières […]

Avant d’aller plus loin, je souligne que si, vraiment, la Vierge Marie avait été emportée dans
les cieux, alors le Livre des Actes des apôtres en aurait parlé. Mais Marie n’y tient pour ainsi dire
aucune place. Elle n’apparaît qu’une fois, au début, dans le verset suivant 411 : « Tous, d’un même
cœur, étaient assidus à la prière, avec des femmes, avec Marie la mère de Jésus, et avec ses frères ».

b) Comment Pie XII a « prouvé » ce miracle

J’ajoute que dans sa proclamation du dogme de l’Assomption de Marie, Pie XII ne s’est pas
appuyé sur le livre Livre du Passage de la Bienheureuse Vierge Marie attribué à saint Jean.
Pourquoi ? Parce qu’en 494, le pape Gélase condamna, comme apocryphes, un ouvrage intitulé
Transitus sanctæ Mariæ ainsi que d’autres documents du même genre ; tous évoquaient le miracle
de la montée au ciel de la sainte Vierge.
En vérité, le Livre du Passage de la Bienheureuse Vierge Marie, n’est pas de saint Jean mais
d’un auteur qui, dans les premiers siècles, voulut édifier les âmes. Copiant l’évangile de Jean, il
reprit le personnage de Thomas, présenté là aussi comme un incrédule. L’objectif était toujours le
même : convaincre le lecteur qu’il fallait croire aux miracles, même sans les avoir vus. Une
croyance aveugle en quelque sorte.
Dans sa définition du dogme de l’Assomption, Pie XII ne put citer aucun texte clair qui aurait
établi ce « fait »412. Dès lors, comment fit-il ? Le § 26 apporte la réponse ; c’est un modèle du genre.
Pie XII écrit (je souligne)413 :
Souvent ainsi, des théologiens et des orateurs sacrés se présentent qui, suivant les traces des Saints
Pères, pour illustrer leur foi en l’Assomption, usant d’une certaine liberté, rapportent des
événements et des paroles qu’ils empruntent aux Saintes Lettres. Pour Nous en tenir à quelques
citations qui sont sur ce sujet le plus souvent employées, il y a des orateurs qui citent la parole du
psalmiste : « Lève-toi, Seigneur, au lieu de ton repos, toi et l’arche de ta majesté » ; et ils
envisagent l’« Arche d’alliance » faite de bois incorruptible et placée dans le temple de Dieu,
comme une image du corps très pur de la Vierge Marie, gardé exempt de toute corruption du
sépulcre et élevé à une telle gloire dans le ciel.
De la même façon, en traitant de cette question, ils décrivent la Reine entrant triomphalement dans
la cour des cieux et siégeant à la droite du divin Rédempteur ; ainsi ils présentent l’Épouse du
Cantique « qui monte du désert comme une colonne de fumée exhalant la myrrhe et l’encens » pour
ceindre la couronne. Ils proposent ce qui précède comme des images de cette Reine du ciel, cette
Épouse céleste qui, en union avec son Époux divin, est élevée à la cour des cieux.

411 Actes, I, 14.
412 Lire §§ 21 et suivants.
413 Munificentissimus Deus, déjà cité, § 26.

111
Pourquoi je ne suis plus catholique

La procédé est toujours le même : on sélectionne quelques fragments épars de textes qui
parlent d’autre chose, puis, à l’aide de comparaisons arbitraires qui reviennent à changer le sens des
mots, on en fait des « annonces » ou des « prophéties » de tel ou tel événement sans aucun rapport.
Ici, l’Arche d’Alliance devient le corps de la Vierge qui monte au ciel ! Pourtant, il est impensable
qu’un tel événement n’ait laissé aucune trace claire dans les documents d’époque.

c) La logique inversée : un miracle prouvé par la doctrine catholique

Dans ce genre d’affaire toutefois, ce ne sont pas les faits qui comptent, mais la Foi. En 1907,
dom Paul Renaudin écrivit à propos de l’Assomption414 :

Il ne s’agit aucunement des circonstancee, peut-être vraies, peut-être fausses, que des récits plus ou
moins légendaires nous rapportent sur la mort et la résurrection de Marie. Que la Très Saint Vierge
ait vécu jusqu’à un âge ou à un autre ; que son tombeau soit à Jérusalem ou à Éphèse ; que tous les
Apôtres aient constaté l’absence de son corps dans le tombeau, ou seulement quelques-uns, ou
même un seul ; qu’ils aient été, plusieurs ou un seul, témoins de sa résurrection ; cela n’importe pas
à la prérogative de la Vierge. C’est aux historiens qu’il appartient de nous renseigner, s’ils le
peuvent, sur les circonstances qui ont accompagné l’Assomption : date, lieu, témoins, etc. ; ce sont
des détails assurément intéressants à connaître, mais étrangers à l’essence de l’Assomption qui
consiste, répétons-le, dans l’union du corps de Marie, vivant et glorieux, à son âme bienheureuse.
Que l’on y prenne bien garde, elle n’est pas seulement un fait, mais encore, et surtout, une doctrine ;
nous disons surtout, parce que ce fait se rattache, de lui-même, à l’économie générale du dogme, et
que les raisons de son existence sont d’ordre doctrinal. La question de l’Assomption appartient donc
essentiellement, et premièrement, à la théologie. Aussi quoiqu’elle soit un fait, et à ce titre relève de
l’histoire, cependant est-ce sur des arguments théologiques que repose l’absolue et entière certitude
de la glorification complète de Marie, en corps et en âme, nullement sur l’histoire qui reste
impuissante à nous renseigner.

Ce que dom Renaudin explique pour l’Assomption est valable pour quantité d’autres miracles,
en particulier ceux attribués au Christ. Un catholique y croit pour des raisons de doctrine.
Autrement dit : il faut la Foi pour croire aux miracles. Je pensais pourtant que les miracles venaient
pour convaincre d’avoir la Foi…
Cela dit, venons-en aux miracles les plus extraordinaires prêtés à Jésus : les résurrections.

6°) Les résurrections opérées par Jésus

a) La résurrection de Lazare : un récit ajouté dans l’évangile selon saint Jean ?

Commençons par celle de Lazare. C’est dans l’évangile selon saint Jean415 :
Jésus, repris par l’émotion, arriva au tombeau. C’était une grotte fermée par une pierre. Jésus dit :
« Enlevez la pierre. » Marthe, la sœur du défunt, lui dit : « Seigneur, il sent déjà ; c’est le quatrième
jour qu’il est là. » […] On enleva donc la pierre. Alors Jésus leva les yeux au ciel et dit : « Père, je
te rends grâce parce que tu m’as exaucé. Je le savais bien, moi, que tu m’exauces toujours ; mais je
le dis à cause de la foule qui m’entoure, afin qu’ils croient que c’est toi qui m’as envoyé. » Après
cela, il cria d’une voix forte : « Lazare, viens dehors ! » Et le mort sortit, les pieds et les mains liés
par des bandelettes, le visage enveloppé d’un suaire. Jésus leur dit : « Déliez-le, et laissez-le aller. »
Beaucoup de Juifs, qui étaient venus auprès de Marie et avaient donc vu ce que Jésus avait fait,
crurent en lui.

414 Dom Paul Renaudin, L’Assomption de la Très Sainte Vierge, déjà cité, p. 7-8.
415 Jn, XI, 38-48

112
J’invite les catholiques à débattre

Mais quelques-uns allèrent trouver les pharisiens pour leur raconter ce qu’il avait fait. Les grands
prêtres et les pharisiens réunirent donc le Conseil suprême ; ils disaient : « Qu’allons-nous faire ?
Cet homme accomplit un grand nombre de signes. Si nous le laissons faire, tout le monde va croire
en lui, et les Romains viendront détruire notre Lieu saint et notre nation. »

Suite à ce miracle, les Pharisiens auraient décidé de tuer Jésus. Sans approuver le moins du
monde, on peut comprendre leur point de vue : la résurrection, au nom de Dieu, d’une personne
décédée depuis quatre jours et qui sentait déjà transporterait les foules. D’après la tradition, ce retour
à la vie avait eu lieu en présence de mille personnes 416. Immanquablement, une grande partie de ces
gens s’empresseraient de publier la nouvelle partout. Quant à Lazare, il deviendrait le principal allié
du Christ et ne cesserait de témoigner en sa faveur. Telle devrait être, du moins, la logique, une
logique redoutée par les Pharisiens. Mais il n’en est rien. Par la suite, Lazare n’apparaît plus qu’une
fois, au détour d’un verset ; il mentionné comme simple convive lors d’un repas417.

Plus révélateur encore : hormis Jean, aucun évangéliste ne mentionne la résurrection de
Lazare. Son nom même n’apparaît pas ! Chez Matthieu, Marc et Luc, Lazare ne joue strictement
aucun rôle. C’est totalement incroyable.

Pour tenter d’en sortir, les catholiques citent saint Jean Chrysostome qui explique 418 :

Quant aux miracles, que l’un en raconte quelques-uns, et un autre ceux que n’a pas racontés le
premier, cela ne doit nullement ni vous troubler, ni vous surprendre. Car si un seul les avait tous
racontés, le récit des autres devenait tout-à-fait inutile ; au contraire, s’ils avaient toujours raconté
des miracles différents, comment pourrait-on découvrir cette admirable unité qui existe entre eux ?

Le raisonnement du saint est le suivant : X, Y , Z et K ont raconté la vie d’un grand
personnage. X peut avoir omis un fait que Y a raconté. Mais sachant que Z, au moins, a aussi
raconté le fait, alors l’omission de X ne doit pas nous troubler. L’ennui est que dans le cas présent,
saint Jean raconte ce qu’aucun autre n’a rapporté, ni même mentionné. Autrement dit : X, Z et K ont
omis ce que Y a raconté. C’est d’autant plus incroyable que l’événement raconté par Y est très
important, exceptionnel même. Par conséquent, il aurait dû être rapporté par les autres. Le
raisonnement de saint Jean Chrysostome ne peut donc s’appliquer ici.

La preuve de l’ajout réside dans le désordre narratif relevé au début du onzième chapitre de
l’évangile selon saint Jean. Je le reproduis un peu plus bas. Il raconte deux histoires totalement
différentes. La première, en caractères droits, raconte que le Seigneur veut revenir en Judée (pour la
Pâques). Ses disciples s’en inquiètent parce que les Juifs en veulent à sa vie. Finalement, Thomas
encourage tout le monde à y aller, même s’il faut mourir avec le Christ. Sur cette histoire initiale,
une deuxième a été ajoutée : celle de la résurrection de Lazare. Je l’ai mise en caractères italiques.
Les passages soulignés montrent comment l’auteur a soudé les deux récits (c’est sa méthode
habituelle : le chapitre XXI, ajouté lui aussi, commençait ainsi : « Après cela, Jésus… »). Notez
enfin que le verset 16 (de l’histoire initiale) se trouve isolé entre deux verset de l’histoire ajoutée ;
aussi peut-on croire que Thomas encourage les autres à venir voir la résurrection de Lazare pour
mourir, s’il le faut, avec le Christ ! Voici donc ce début du onzième chapitre :

416 « Le résurrection de Lazare arrive en Béthanie, en présence de mille personnes » (Claude-René Hongnan, Lettres de
M. l’abbé*** à Monsieur l’abbé d’Houtteville…, déjà cité, p. 177.
417 « Six jours avant la Pâque, Jésus vint à Béthanie où habitait Lazare, qu’il avait réveillé d’entre les morts. On
donna un repas en l’honneur de Jésus. Marthe faisait le service, Lazare était parmi les convives avec Jésus » (Jn.,
ch. XII, v. 1-2).
418 Cité par La chaîne d’or…, déjà cité, tome I, p. xxx.

113
Pourquoi je ne suis plus catholique

1 Il y avait quelqu’un de malade, Lazare, de Béthanie, le village de Marie et de Marthe, sa sœur.
2 Or Marie était celle qui répandit du parfum sur le Seigneur et lui essuya les pieds avec ses
cheveux. C’était son frère Lazare qui était malade.
3 Donc, les deux sœurs envoyèrent dire à Jésus : « Seigneur, celui que tu aimes est malade. »
4 En apprenant cela, Jésus dit : « Cette maladie ne conduit pas à la mort, elle est pour la gloire de
Dieu, afin que par elle le Fils de Dieu soit glorifié. »
5 Jésus aimait Marthe et sa sœur, ainsi que Lazare.
6 Quand il apprit que celui-ci était malade, il demeura deux jours encore à l’endroit où il se
trouvait.
7 Puis, après cela, il dit aux disciples : « Revenons en Judée. »
8 Les disciples lui dirent : « Rabbi, tout récemment, les Juifs, là-bas, cherchaient à te lapider, et tu y
retournes ? »
9 Jésus répondit : « N’y a-t-il pas douze heures dans une journée ? Celui qui marche pendant le jour
ne trébuche pas, parce qu’il voit la lumière de ce monde ;
10 mais celui qui marche pendant la nuit trébuche, parce que la lumière n’est pas en lui. »
11 Après ces paroles, il ajouta : « Lazare, notre ami, s’est endormi ; mais je vais aller le tirer de ce
sommeil. »
12 Les disciples lui dirent alors : « Seigneur, s’il s’est endormi, il sera sauvé. »
13 Jésus avait parlé de la mort ; eux pensaient qu’il parlait du repos du sommeil.
14 Alors il leur dit ouvertement : « Lazare est mort,
15 et je me réjouis de n’avoir pas été là, à cause de vous, pour que vous croyiez. Mais allons
auprès de lui ! »
16 Thomas, appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau), dit aux autres disciples : « Allons-y, nous aussi,
pour mourir avec lui ! »
17 À son arrivée, Jésus trouva Lazare au tombeau depuis quatre jours déjà.

Du verset 18 au verset 52, l’évangile raconte l’histoire de la résurrection de Lazare avec les
Juifs qui finalement, décident de tuer Jésus. Le verset 53 permet de relier les deux récits assez
élégamment. L’auteur reprend ensuite l’histoire initiale qui, de façon naturelle, finit le chapitre. On
lit :

53 À partir de ce jour-là, ils décidèrent de le tuer.
54 C’est pourquoi Jésus ne se déplaçait plus ouvertement parmi les Juifs ; il partit pour la région
proche du désert, dans la ville d’Éphraïm où il séjourna avec ses disciples.
55 Or, la Pâque juive était proche, et beaucoup montèrent de la campagne à Jérusalem pour se
purifier avant la Pâque.
56 Ils cherchaient Jésus et, dans le Temple, ils se disaient entre eux : « Qu’en pensez-vous ? Il ne
viendra sûrement pas à la fête ! »
57 Les grands prêtres et les pharisiens avaient donné des ordres : quiconque saurait où il était
devait le dénoncer, pour qu’on puisse l’arrêter.

A mes yeux, la résurrection de Lazare est une invention ajoutée après coup.

b) Des résurrections d’inconnus, qui empêchent toute vérification historique

Dans son évangile, saint Luc mentionne deux autres résurrections : au chapitre VIII, Jésus
ressuscite la fille du chef de la synagogue locale419 :

Comme [Jésus] parlait encore, quelqu’un arrive de la maison de Jaïre, le chef de synagogue, pour
dire à celui-ci : « Ta fille est morte. Ne dérange plus le maître. » Jésus, qui avait entendu, lui
déclara : « Ne crains pas. Crois seulement, et elle sera sauvée. » En arrivant à la maison, il ne laissa

419 Lc., VIII, 49-56.

114
J’invite les catholiques à débattre

personne entrer avec lui, sauf Pierre, Jean et Jacques, ainsi que le père de l’enfant et sa mère. Tous
la pleuraient en se frappant la poitrine. Mais Jésus dit : « Ne pleurez pas ; elle n’est pas morte : elle
dort. » Mais on se moquait de lui, sachant qu’elle venait de mourir. Alors il lui saisit la main et dit
d’une voix forte : « Mon enfant, éveille-toi ! » L’esprit lui revint et, à l’instant même, elle se leva.
Alors Jésus ordonna de lui donner à manger. Ses parents furent frappés de stupeur ; quant à Jésus, il
leur commanda de ne dire à personne ce qui était arrivé.

Sachant que Jésus leur ordonne le silence, ce miracle n’avait pas été accompli pour
l’édification des foules, mais pour donner la foi à Jaïre, le chef de la synagogue. Or, lui et sa famille
disparaîtront complètement de l’histoire. Jamais sa fille ne viendra plaider pour Jésus, en particulier
au moment de sa Passion. Jamais elle ne se montrera à ceux qui douteront de la résurrection du
Christ. C’est très troublant.
Plus troublant encore. Saint Luc raconte que le Christ ressuscite le fils d’une veuve420 :
[Jésus] s’approcha et toucha le cercueil ; les porteurs s’arrêtèrent, et Jésus dit : « Jeune homme, je
te l’ordonne, lève-toi. » Alors le mort se redressa et se mit à parler. Et Jésus le rendit à sa mère. La
crainte s’empara de tous, et ils rendaient gloire à Dieu en disant : « Un grand prophète s’est levé
parmi nous, et Dieu a visité son peuple. » Et cette parole sur Jésus se répandit dans la Judée entière
et dans toute la région.

Un commentaire de l’évangile confirme421 : « La multitude des miracles que fit Jésus dans un
court espace de temps, lui donnèrent une si grande célébrité, que son nom était connu dans toute la
Judée. ». Non seulement une célébrité, mais aussi des alliés. Car il est bien évident que les gens des
environs voudront voir le ressuscité. L’homme sera connu ; on l’interrogera ; on interrogera sa
mère ; ils pourront témoigner en faveur de Jésus-Christ. Qu’ils le veuille ou non, ils entreront dans
l’histoire sainte. Mais là encore, ce n’est pas ce qui advient : immédiatement après, le ressuscité et sa
mère sortent de la scène à jamais.
On m’objectera que ce miracle avait été accompli pour l’édification des foules, pas pour le
vedettariat. Dans ce cas, il aurait fallu le mentionner dans les autres évangiles. Or, lui non plus
n’apparaît nulle part. Comment expliquer que ni Matthieu, ni Marc, ni Jean n’aient jugé bon de
rapporter ce fait qui avait transporté toute la Judée ? Parce qu’il s’agissait d’un ressuscité anonyme ?
Mais c’est justement ce point qui pose problème : pourquoi Jésus n’a-t-il pas ressuscité Jean-
Baptiste dont les disciples avaient pu ensevelir le corps après sa décapitation 422 ? Comment
expliquer qu’Il ait uniquement ressuscité des anonymes, c’est-à-dire des gens dont l’histoire n’a rien
retenu ? N’est-ce pas, précisément, pour rendre toute enquête historique impossible, parce que ces
résurrections relèvent de la fable ? Cette question n’est pas nouvelle. Dans sa Vie de Jésus, David
Strauss écrit423 :
Aussi Woolston a-t-il pu demander pourquoi Jésus, au lieu d’arracher à la mort ces personnages
insignifiants, n’avait pas fait sortir du tombeau un Jean-Baptiste ou tout autre homme utile au genre
humain. Si l’on disait qu’il avait reconnu que c’était la volonté de la Providence, que des hommes
tels que Jean-Baptiste, ayant une fois payé le tribut à la nature, restassent dans le sein de la mort, il
aurait dû, ce semble, penser de même au sujet de tous les trépassés ; et,en définitive, il n’y aura pas
d’autre réponse à faire que celle-ci : comme on savait notoirement, au sujet des hommes célèbres,
que le vide laissé par leur mort n’avait jamais été rempli par leur retour à la vie, la légende ne
pouvait pas rattacher à de pareils noms les résurrections qu’elle avait envie de raconter, et elle était
obligée de choisir des sujets inconnus qui échappaient au contrôle de l’histoire.

420 Lc., VII, 14-17.
421 Cité par La chaîne d’or…, déjà cité, tome VII, p. 144.
422 Mt., XIV, 10-12.
423 Sur cette dernière question, voir David Strauss, Vie de Jésus…, déjà cité, tome II, p. 169-170.

115
Pourquoi je ne suis plus catholique

7°) La Passion de Jésus : le contraste entre ce qui aurait dû être et ce qui a été

Lors de son arrestation, Jésus aurait opéré une guérison miraculeuse424 :

Voyant ce qui allait se passer [= que le Christ allait être appréhendé], ceux qui entouraient Jésus lui
dirent : « Seigneur, et si nous frappions avec l’épée ? » L’un d’eux [= Pierre] frappa le serviteur du
grand prêtre et lui trancha l’oreille droite. Mais Jésus dit : « Restez-en là ! » Et, touchant l’oreille
de l’homme, il le guérit.

Saint Ambroise commente ainsi ce miracle425 :

En guérissant la sanglante blessure de cet homme, Notre-Seigneur nous révèle ses divins mystères,
et nous montre le serviteur du prince de ce monde réduit en servitude, non par la condition de sa
nature, mais par sa faute, et recevant une blessure à l’oreille, parce qu’il n’a point voulu écouter les
enseignements de la sagesse ; ou si Pierre lui-même a voulu frapper cet homme à l’oreille, c’est
pour nous enseigner que celui qui n’a point l’oreille du cœur ouverte pour les saints mystères, ne
mérite point d’avoir l’oreille du corps qui en est la figure. Mais pourquoi est-ce Pierre plutôt qu’un
autre disciple ? Parce qu’il a reçu le pouvoir de lier et de délier, et c’est pour cela qu’il coupe avec
le glaive spirituel l’oreille intérieure de celui dont l’intelligence est rebelle aux divins
enseignements. Mais le Seigneur rend aussitôt à cet homme l’usage de l’ouïe, pour nous apprendre
que ceux mêmes qui ont été blessés et scandalisés de sa passion, peuvent parvenir au salut, s’ils
veulent se convertir, parce qu’il n’y a point de péché qui ne puisse être effacé par la puissance
mystérieuse des sacrements de la foi.

Voilà comment un miracle est exploité pour « attester » de nombreux autres points de la
doctrine. Mais auparavant, il aurait fallu s’interroger : l’événement a-t-il vraiment eu lieu ? Car face
à un acte révélant une telle puissance, la logique voudrait que, malgré la docilité de Jésus, les gens
venus l’arrêter hésitent, voire reculent. Or il n’en est rien. L’arrestation se déroule normalement 426 :
« Alors la troupe, le commandant et les gardes juifs se saisirent de Jésus et le ligotèrent ». Aucun
des membres de la troupe envoyée pour saisir Jésus n’éprouve la moindre crainte d’offenser un
magicien puissant, voire un prophète ou même le Fils de Dieu. Pourquoi ? Parce que cette guérison
miraculeuse n’est mentionnée dans aucun autre évangile. Pourtant, tous mentionnent l’histoire du
coup d’épée et de l’oreille tranchée 427. A mes yeux, ce silence des autres évangélistes atteste la
fausseté de cette guérison. D’où l’arrestation qui se déroule normalement, alors qui si un miracle
avait été opéré, les gardes auraient certainement hésité, voire reculé.
Ce contraste entre ce qui aurait dû être et ce qui fut peut s’appliquer à toute l’histoire racontée
dans les évangiles. Au cours de sa vie publique, Jésus envoya ses apôtres partout en Galilée.
L’évangile selon saint Marc raconte428 : « Ils partirent, et proclamèrent qu’il fallait se convertir. Ils
expulsaient beaucoup de démons, faisaient des onctions d’huile à de nombreux malades, et les
guérissaient ». L’auteur de la Synopse des quatre évangiles s’enthousiasme429 :
Le but est atteint : désormais en Galilée, nul ne peut ignorer l’arrivée du règne de Dieu et l’empire
du Messie et de ses mandataires sur les démons et sur les suites du péché. Les Apôtres n’auraient
opéré en chaque localité évangélisée qu’une seule guérison que le souvenir de cette mission
resterait impérissable.

424 Lc., XII, 49-51
425 Cité par La chaîne d’or…, déjà cité, tome VI, p. 548-549.
426 Jn., XVIII, 11.
427 Mt., XXVI, 51 ; Mc., XIV, 47 ; Jn., XVIII, 10.
428 Mc., VI, 12-13.
429 Révérend père Ceslas Lavergne, Synopse des Quatre évangiles en français…, déjà cité, p. 102-103, note 102.

116
J’invite les catholiques à débattre

Je le crois bien volontiers. Mais ce qui frappe, c’est le contraste entre cet enthousiasme
extraordinaire suscité par Jésus et sa solitude lors de sa Passion : ses disciples se dispersent, Pierre
le renie trois fois et aucune foule ne vient le soutenir devant le palais du grand-prêtre. On
m’objectera que la foule craignait les grands-prêtres juifs. Admettons. Mais au moment où Pilate
propose de libérer soit Jésus, soit Barabas, l’action se déroule devant le palais du gouverneur
romain, en présence de gardes romains. Pour les partisans de Jésus, c’était l’occasion inespérée de
manifester leur soutien et de renverser la situation. Mais rien de tel n’arriva. Pourtant, les évangiles
assurent que Pilate fit tout pour sauver le Christ430 :

Pilate convoqua les grands prêtres, les chefs et le peuple. Il leur dit : « Vous m’avez amené cet
homme en l’accusant d’introduire la subversion dans le peuple. Or, j’ai moi-même instruit l’affaire
devant vous et, parmi les faits dont vous l’accusez, je n’ai trouvé chez cet homme aucun motif de
condamnation. D’ailleurs, Hérode non plus, puisqu’il nous l’a renvoyé. En somme, cet homme n’a
rien fait qui mérite la mort. Je vais donc le relâcher après lui avoir fait donner une correction. »
Ils se mirent à crier tous ensemble : « Mort à cet homme ! Relâche-nous Barabbas. » Ce Barabbas
avait été jeté en prison pour une émeute survenue dans la ville, et pour meurtre.
Pilate, dans son désir de relâcher Jésus, leur adressa de nouveau la parole. Mais ils vociféraient :
« Crucifie-le ! Crucifie-le ! » Pour la troisième fois, il leur dit : « Quel mal a donc fait cet homme ?
Je n’ai trouvé en lui aucun motif de condamnation à mort. Je vais donc le relâcher après lui avoir
fait donner une correction. » Mais ils insistaient à grands cris, réclamant qu’il soit crucifié ; et leurs
cris s’amplifiaient. Alors Pilate décida de satisfaire leur requête.

L’absence de gens venus soutenir Jésus est si embarrassante que l’exégète catholique Marie-
Joseph Lagrange tente de lui trouver une explication : Pilate, dit-il, demande au peuple de choisir
entre le Christ et Barabas « parce qu’il devine les sympathies du peuple et la jalousie des chefs »431.
Nous sommes donc priés de croire qu’en réalité, la majorité des gens entassés devant le palais du
gouverneur soutenait Jésus. Mais alors, pourquoi n’ont-ils pas profité de l’occasion ? L’exégète
répond :

le Messie enchaîné devant un procurateur romain éveillait une idée si grotesque aux yeux des Juifs
que ceux même qui avaient espéré en Jésus durent subir un désenchantement qui se changea en
colère. Peut-être donna-t-on à entendre à ceux qui le plaignaient qu’il s’en tirerait autrement, tandis
que Barabas, un héros de l’indépendance, et si gravement compromis ! [Id.]

L’explication est très faible pour une raison simple : peu auparavant, lors de son procès devant
le Sanhédrin, Jésus s’était clairement déclaré comme étant le Messie 432. Or, Jésus n’avait cessé de
souligner que son Royaume n’était pas de ce monde433. Au peuple, il enseignait434 : « faites-vous des
trésors dans le ciel, là où il n’y a pas de mites ni de vers qui dévorent, pas de voleurs qui percent les
murs pour voler. » Ses actes avaient démontré sa sincérité : Jésus était toujours resté hors des
querelles temporelles ; il n’avait ni palais, ni gardes. Par conséquent, ceux qui croyaient en ses
miracles et les reconnaissaient comme Messie pouvaient parfaitement comprendre sa faiblesse dans
le monde. En le voyant enchaîné, ils auraient dû le soutenir ouvertement. Mais il n’en fut rien : loin
de manifester sa sympathie, la foule rassemblée chez Pilate réclama au contraire son crucifiement.
J’ajoute qu’au pied de la croix ses partisans étaient cinq : quatre femmes accompagnées du disciple

430 Lc., XXIII, 13-24.
431 Révérend père Ceslas Lavergne, Synopse des Quatre évangiles en français…, déjà cité, p. 241, note 282.
432 « Le grand prêtre l’interrogea de nouveau : “Es-tu le Christ, le Fils du Dieu béni ?” Jésus lui dit : “Je le suis. Et vous
verrez le Fils de l’homme siéger à la droite du Tout-Puissant, et venir parmi les nuées du ciel.” » (Mc., XIV, 61-62).
433 « Vous, vous êtes de ce monde, avait-il dit aux chefs juifs, moi, je ne suis pas de ce monde » (Jn., VIII, 23).
434 Mt., VI, 20.

117
Pourquoi je ne suis plus catholique

Jean435. Matthieu précise436 : « Les passants l’injuriaient en hochant la tête ; ils disaient : “Toi qui
détruis le Sanctuaire et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même, si tu es Fils de Dieu, et
descends de la croix !” » Lorsque, enfin, son corps fut mis au tombeau par Joseph d’Arimathie (et
peut-être Nicodème), seules quelques femmes assistaient à la scène. Luc ajoute 437 : « C’était le jour
de la Préparation de la fête, et déjà brillaient les lumières du sabbat. » Autrement dit : Jérusalem
s’apprêtait à faire la fête ; on allumait déjà les lumières.
La mort de Jésus apparaît donc comme celle d’un vulgaire agitateur doublé d’un
prestidigitateur qui avait pu éblouir et poignée de naïfs, mais dont on venait de se débarrasser.
L’affaire était close, l’agitation calmée, la vie reprenait… Joseph Cohen confirme438 :

le silence des écrivains contemporains sur ce dramatique épisode de l’histoire juive dit assez
clairement que Jésus, confondu parmi tous les faux messies dont cette époque fut prodigue, ne
laissa pas, d’abord, une trace plus caractérisée et ne produisit pas une impression plus profonde que
ces derniers.

En présence d’un contraste si frappant, j’avoue ne pas croire que Jésus et les siens auraient
opéré tant de miracles, dont plusieurs éclatants.

Conclusion sur les miracles auxquels je devais croire

Dans son étude sur les évangiles apocryphes, Michel Nicolas note à propos des histoires
extraordinaires qui y sont décrites439 :

il n’en est probablement pas une seule qui ait la moindre valeur historique. Elles sont le produit
d’une piété puérile, peu éclairée, qui se plaisait à broder des arabesques sans fin sur le thème de
l’histoire évangélique. Et cependant ces fables ne sont pas, à proprement parler, des fraudes
pieuses. Elles ne sont pas nées de quelque projet de substituer l’erreur à la vérité, ni même de
surcharger l’histoire évangélique de récits mensongers. L’admiration pour Jésus-Christ n’avait pas
de bornes ; on ne trouvait rien d’extraordinaire à ses nombreux miracles ; sa vie était une série de
prodiges ; en y en joignant quelques-uns de plus, on rendait seulement au Seigneur ce qui lui
appartenait. S’il n’avait pas opéré les miracles nouveaux, il aurait bien pu les faire ; de là à les lui
attribuer, il n’y avait qu’un pas.

Ce que Michel Nicolas affirme pour les évangiles apocryphes, je l’applique aux évangiles
canoniques.

Conclusion : à mes yeux, les évangiles ne démontrent ni que Jésus serait né miraculeusement,
ni qu’il aurait semé sa route de miracles éclatants. Même sa propre famille, qui devait bien le
connaître, ne croyait pas en lui…
A cela, on m’objectera que même à ignorer la naissance de Jésus, sa mort fut suivie d’un
miracle grandiose : la Résurrection.

435 Jn., XIX, 25-26
436 Mt., XXVII, 39-40.
437 Lc., XXIII, 54.
438 Joseph Cohen, Les déicides, déjà cité, p. 20.
439 Michel Nicolas dans Études sur les évangiles apocryphes, déjà cité, p. 247.

118
J’invite les catholiques à débattre

VII. La mort & la Résurrection de Jésus

1°) Les morts qui ressuscitent et qui entrent dans Jérusalem

a) Une histoire rapportée dans un seul évangile

Je l’affirme : l’évangile de Matthieu est truffé d’ajouts qui relèvent de la fable. En voici un
exemple flagrant, quand Matthieu raconte la mort de Jésus sur la Croix440 :
la terre trembla et les rochers se fendirent. Les tombeaux s’ouvrirent ; les corps de nombreux saints
qui étaient morts ressuscitèrent, et, sortant des tombeaux après la résurrection de Jésus, ils entrèrent
dans la Ville sainte, et se montrèrent à un grand nombre de gens. À la vue du tremblement de terre
et de ces événements, le centurion et ceux qui, avec lui, gardaient Jésus, furent saisis d’une grande
crainte et dirent : « Vraiment, celui-ci était Fils de Dieu ! »

Des tombeaux qui s’ouvrent, des morts qui en sortent et qui se montrent, dans la ville, à de
nombreuses personnes. Voilà qui devrait faire du bruit dans toute la contrée et qui devrait favoriser
la croyance en la résurrection de Jésus. Mais il n’en est rien. Jérusalem ne se convertit pas.
Visiblement gêné, saint Jérôme explique441 :

Ces paroles : « Et ils apparurent à plusieurs » prouvent que cette résurrection n’eut pas un
caractère général qui la rendit visible aux yeux de tous, mais qu’elle fut restreinte à un certain
nombre pour en rendre témoins ceux qui méritaient cette faveur.

Passons sur le fait qu’un miracle est inutile s’il s’adresse à des convaincus. Pour affirmer qu’il
se serait agi d’un miracle limité, saint Jérôme s’appuie sur une version de l’évangile selon laquelle
les ressuscités seraient apparus « à plusieurs » personnes seulement. Or, l’évangile original en grec
porte : « καὶ ἐνεφανίσθησαν πολλοῖς », que l’on peut traduire par : « et ils apparurent à beaucoup ».
Le miracle était donc répandu. Mais malgré cela, Jérusalem resta de marbre.

Plus révélateur encore : si l’on excepte l’évangile selon saint Matthieu, aucune annale de
l’époque ne parle de ces morts ressuscités. Enfin, les autres évangiles restent muets sur ces
résurrections et ces apparitions. Pourtant, Marc et Luc ont raconté la mort du Christ 442. Là encore,

440 Mt., XXXVII, 51-54.
441 Cité par La chaîne d’or…, déjà cité, tome III, p. 436.
442 « Le rideau du Sanctuaire se déchira en deux, depuis le haut jusqu’en bas. Le centurion qui était là en face de
Jésus, voyant comment il avait expiré, déclara : “Vraiment, cet homme était Fils de Dieu !” » (Mc., ch. XV, v. 38-
39). « C’était déjà environ la sixième heure [c’est-à-dire : midi] ; l’obscurité se fit sur toute la terre jusqu’à la
neuvième heure, car le soleil s’était caché. Le rideau du Sanctuaire se déchira par le milieu. Alors, Jésus poussa un

119
Pourquoi je ne suis plus catholique

comment croire que si, à cette occasion, des morts sortis de leurs tombeaux se fussent montrés dans
la ville, Marc et Luc l’eussent omis ? Et comment croire que, par la suite, ni les épîtres, ni les
discours des apôtres (relatés dans les Actes des Apôtres) n’aient mentionné ce fait ? C’est
inconcevable. Le passage a donc été ajouté dans l’évangile selon saint Matthieu ; il n’a aucune
réalité historique.

b) Une histoire introduite par Matthieu parce que les Juifs croyaient en la « première
résurrection » ?

Il a été inventé car les Juifs de l’époque croyaient que la première venue du Messie serait
accompagnée de la résurrection des Justes. Cet événement était appelé « première résurrection ».
On retrouve cette croyance dans l’Apocalypse de Jean : au dix-neuvième chapitre le « Verbe de
Dieu » descend du Ciel (v. 13-16). Le vingtième chapitre raconte :

4 Puis j’ai vu des trônes : à ceux qui vinrent y siéger fut donné le pouvoir de juger. Et j’ai vu les
âmes de ceux qui ont été décapités à cause du témoignage pour Jésus, et à cause de la parole de
Dieu, eux qui ne se sont pas prosternés devant la Bête et son image, et qui n’ont pas reçu sa marque
sur le front ou sur la main. Ils revinrent à la vie, et ils régnèrent avec le Christ pendant mille ans.
5 Le reste des morts ne revint pas à la vie tant que les mille ans ne furent pas arrivés à leur terme.
Telle est la première résurrection.
6 Heureux et saints, ceux qui ont part à la première résurrection ! Sur eux, la seconde mort n’a pas
de pouvoir : ils seront prêtres de Dieu et du Christ, et régneront avec lui pendant les mille ans.

Voilà pourquoi l’évangile selon saint Matthieu (que l’on dit rédigé au départ pour les Juifs)
devait coûte que coûte comporter cette « résurrection première », une fois Jésus ressuscité. Le
rédacteur l’aura donc inventée.

c) Une histoire complétée dans un apocryphe : les Actes de Pilate

Sans surprise, le rédacteur des Actes de Pilate a repris cette fable en l’embellissant. Mais il
ignorait la croyance juive en la « résurrection première ». On lit443 :

Joseph [d’Arimatie] dit [aux grands-prêtres] : « Pourquoi vous étonner de la résurrection de Jésus ?
Elle n’est pas étonnante. Étonnons-nous plutôt qu’il n’ait pas ressuscité seul. Il a relevé un grand
nombre de morts, que beaucoup ont vus à Jérusalem. Vous ne les connaissez pas tous. Mais au
moins connaissez-vous Syméon qui reçut Jésus [alors bébé] dans ses bras et ses deux fils par lui
ressuscités. Nous les avions ensevelis peu avant. Aujourd’hui on peut voir leurs tombes ouvertes et
vides. Eux-mêmes sont vivants et habitent Arimathie. »
Ils envoyèrent de leurs gens pour vérifier que les tombes étaient bien ouvertes et vides. Joseph
reprit « Allons à Arimathie ; nous les rencontrerons. »
Alors les grands prêtres, Anne, Caïphe, Joseph, Nicodème, Gamaliel et les autres se levèrent et se
rendirent à Arimathie. Ils les trouvèrent, comme Joseph l’avait dit. Après les prières et les
embrassements, ils reprirent avec eux la route de Jérusalem et les firent entrer dans la synagogue,
dont ils fermèrent les portes avec soin. Puis les grands prêtres leur mirent en mains l’Ancien
Testament des Juifs et leur dirent : « Nous aimerions qu’après avoir prêté serment par le Dieu
d’Israël et d’Adonaï, vous nous disiez la vérité : comment avez-vous ressuscité et qui vous a
ressuscités des morts ? »

grand cri : “Père, entre tes mains je remets mon esprit.” Et après avoir dit cela, il expira. À la vue de ce qui s’était
passé, le centurion rendit gloire à Dieu : “Celui-ci était réellement un homme juste.” Et toute la foule des gens qui
s’étaient rassemblés pour ce spectacle, observant ce qui se passait, s’en retournaient en se frappant la poitrine »
(Lc., ch. XXIII, v. 44-48).
443 Actes de Pilate, XVII-XVIII.

120
J’invite les catholiques à débattre

A ces mots, les ressuscités se signèrent le front et dirent aux grands prêtres : « Donnez-nous du
papier, de l’encre et une plume. » On leur apporta ces objets. Ils s’assirent et écrivirent ce qui suit :
« Seigneur Jésus-Christ, résurrection et vie du monde, permets-nous de raconter ta résurrection et
les merveilles que tu as accomplies en enfer. Nous y étions avec tous ceux qui se sont endormis
depuis l’origine. A minuit, une lumière aussi vive que le soleil perça les ténèbres. Nous fûmes
illuminés, et nous pouvions nous voir les uns les autres. Et aussitôt, les patriarches et les prophètes
se joignirent à Abraham notre père, et au comble de la joie, ils se disaient entre eux : « Cette
lumière provient de la grande lumière. » Le prophète Isaïe s’écria : « C’est la lumière du Père, du
Fils et du Saint-Esprit. Je l’avais annoncée de mon vivant, par ces mots : Terre de Zabulon, terre de
Nephtali, le peuple assis dans les ténèbres a vu une grande lumière. »

Encore une fois, l’Église à écarté les Actes de Pilate, mais elle conserve la fable de la
résurrection des morts dans l’évangile selon saint Matthieu.

2°) Le faux procès-verbal de Pilate sur la mort du Christ

On se demandera peut-être comment de telles inventions ont pu être acceptées. La réponse est
simple : pour les premiers chrétiens, il fallait défendre une foi naissante. Alfred Loisy note avec
raison444 :
en général, les récits mêmes et les enseignements directs ont été suggérés par la foi, et de telle sorte
que, tout en les suggérant dans son propre intérêt, la foi les regardait comme vrais, bien qu’on eût
été fort empêché d’en établir la réalité historique ou l’authenticité, et parce qu’on n’avait aucun souci
de cette historicité ni de cette authenticité, en ayant à peine l’idée.

Autrement dit : au nom de la défense de la Foi tout était permis. C’est ainsi que, outre les
évangiles modifiés, les chrétiens de toute obédience sont à l’origine d’une multitude de faux. Parmi
ces documents forgés figure un prétendu procès-verbal de la Passion de Jésus-Christ que Pilate
aurait envoyé à l’empereur Tibère. Cette pièce permettait de combler l’absence de traces
documentaires — extérieures au christianisme — de la vie et de la mort de Jésus. Pilate aurait écrit
à son empereur445 :
Je suis obligé, très-puissant Empereur, quoique saisi de crainte et de terreur, de vous apprendre par
ces lettres ce qu’un tumulte a causé dernièrement et ce que fait prévoir la fin de cet événement. A
Jérusalem, ville de cette province, que j’administre, la foule des Juifs m’a livré un homme nommé
Jésus, l’accusant de plusieurs crimes, sans pouvoir le prouver par de solides raisons. Ils
s’accordaient tous cependant à dire qu’il avait enseigné qu’il ne fallait pas observer le sabbat.

Pilate mentionnait alors la plupart des miracles rapportés dans les évangiles en les qualifiant
de « plus grands que ceux des dieux que nous adorons. » Dès que Jésus fut attaché à la croix446 :

la nature entière fut bouleversée, le soleil s’obscurcit, la lune prit une couleur de sang, les ténèbres
couvrirent la terre, le sol s’entrouvrit, des morts ressuscitèrent en grand nombre, [parmi lesquels]
Abraham, Isaac, Jacob, les douze patriarches, Moïse et Jean-Baptiste. Trois jours après, le soleil
jeta une clarté extraordinaire, et au milieu des éclairs, des hommes couverts de vêtements brillants,
environnés d’une grande gloire et suivis d’une grande foule, firent entendre ces mots d’une voix
aussi éclatante que le tonnerre : « Le Christ crucifié est ressuscité. » Et aussitôt un grand nombre de
Juifs qui avaient accusé Jésus furent engloutis dans les entrailles de la terre, toutes les synagogues
de Jérusalem furent renversées et des fantômes terribles se montrèrent en tous lieux.

444 Alfred Loisy, Les livres du Nouveau Testament (Paris : Émile Nourry, 1922), p. 11.
445 Cité par Michel Nicolas dans Études sur les évangiles apocryphes, déjà cité, p. 247.
446 Ibid., p. 247-248

121
Pourquoi je ne suis plus catholique

En 1767 encore, dans son ouvrage La certitude des preuves du christianisme, l’apologiste
catholique Nicolas Bergier attestait l’authenticité du document. Ce docteur en théologie affirmait
qu’un père de l’Église, Tertullien, l’avait découvert dans les archives du Sénat romain 447. Nous avons
vu ce qu’il en était réellement.

Cela dit, revenons à la Passion. Jésus meurt sur la croix. Ayant annoncé qu’il ressusciterait, les
Pharisiens craignent une action de ses disciples.

3°) Le corps de Jésus subtilisé la première nuit par les apôtres : une thèse invraisemblable

Une fois n’est pas coutume, les évangiles s’accordent sur un point : le soir de la mort de Jésus,
Joseph d’Arimathie obtint de Pilate l’autorisation de prendre le corps de Jésus. Il le prit et le déposa
dans un tombeau vide. D’après les textes, la première nuit, au moins, se passa sans surveillance.
Chez Luc et Jean, le corps reste au minimum deux nuits sans surveillance 448. Chez Matthieu, le
corps reste sans surveillance une nuit, car le lendemain, les Juifs obtiendront de Pilate une garde (j’y
reviendrai)449. Un auteur écrit450 :

Que se passa-t-il dans ce tombeau abandonné, pendant cette nuit si décisive dans l’histoire du
christianisme? Nul ne le sait, les évangélistes gardant là-dessus le silence le plus étonnant. Les
disciples et les apôtres, ceux que la mort de Jésus avait ou compromis publiquement ou confondus
dans leurs espérances, et qui avaient intérêt à faire croire à sa résurrection, ont eu le temps d’enlever
le corps : l’ont-ils enlevé ? Les Juifs l’affirment ou l’insinuent ; les chrétiens le nient ; mais quant
aux preuves, ils n’en donnent pas plus les uns que les autres.

Des inconnus ont-ils subtilisé le corps ? Dans ce cas, il ne pouvait s’agir que des disciples de
Jésus. Mais si l’on en croit les évangiles, c’est extrêmement peu probable, car au moment de la
Passion du Christ, ses amis avaient fui et s’étaient dispersés 451 : « Les disciples l’abandonnèrent et
s’enfuirent tous ». Seul Pierre et « autre disciple » (Jean ?), gardèrent un sang-froid prudent452. On
voit mal cette troupe débandée revenir quelques heures plus tard au tombeau pour enlever le corps.

447 « Tertullien était mieux instruit que ceux qui avaient écrit avant lui, […] il avait découvert, dans les Archives du
Sénat qu’il cite, une pièce que les Païens avaient intérêt de cacher » Il s’agissait du procès-verbal en question et,
plus généralement, des Actes de Pilate (Nicolas Bergier, La certitude des preuves du christianisme ou Réfutation de
l’ « Examen critique des apologistes de la religion chrétienne » [Paris : Humblot, 1767], p. 90).
448 « [Joseph d’Arimatie] alla trouver Pilate et demanda le corps de Jésus. Puis il le descendit de la croix, l’enveloppa
dans un linceul et le mit dans un tombeau taillé dans le roc, où personne encore n’avait été déposé. C’était le jour
de la Préparation de la fête, et déjà brillaient les lumières du sabbat. Les femmes qui avaient accompagné Jésus
depuis la Galilée suivirent Joseph. Elles regardèrent le tombeau pour voir comment le corps avait été placé. Puis
elles s’en retournèrent et préparèrent aromates et parfums. Et, durant le sabbat, elles observèrent le repos prescrit.
Le premier jour de la semaine, à la pointe de l’aurore, les femmes se rendirent au tombeau, portant les aromates
qu’elles avaient préparés. » (Lc., XXIII, 52-56 et XXIV, 1. Voir aussi Jn., XIX, 38-42 et XX, 1 ; Mc., XV, 42-47).
449 « Comme il se faisait tard, arriva un homme riche, originaire d’Arimathie, qui s’appelait Joseph, et qui était
devenu, lui aussi, disciple de Jésus. Il alla trouver Pilate pour demander le corps de Jésus. Alors Pilate ordonna
qu’on le lui remette. Prenant le corps, Joseph l’enveloppa dans un linceul immaculé, et le déposa dans le tombeau
neuf qu’il s’était fait creuser dans le roc. Puis il roula une grande pierre à l’entrée du tombeau et s’en alla. Or
Marie Madeleine et l’autre Marie étaient là, assises en face du sépulcre. Le lendemain, après le jour de la
Préparation, les grands prêtres et les pharisiens s’assemblèrent chez Pilate […] » (Mt., XXVII, 57-62).
450 Alphonse Peyrat, Histoire élémentaire et critique de Jésus (s. l. : Michel Lévy Frères, 1864), p. 321-322.
451 Mt., XVIII, 50.
452 « Or Simon-Pierre, ainsi qu’un autre disciple, suivait Jésus. Comme ce disciple était connu du grand prêtre, il entra
avec Jésus dans le palais du grand prêtre. Pierre se tenait près de la porte, dehors. Alors l’autre disciple — celui
qui était connu du grand prêtre — sortit, dit un mot à la servante qui gardait la porte, et fit entrer Pierre » (Jn,
XVIII, 15-16).

122
J’invite les catholiques à débattre

4°) D’après Matthieu, les Pharisiens auraient cru en la résurrection de Jésus

a) Le récit de Matthieu : le tombeau gardé, des gardes corrompus par les Juifs

L’évangile selon saint Matthieu raconte453 :
62 Le lendemain, après le jour de la Préparation, les grands prêtres et les pharisiens s’assemblèrent
chez Pilate,
63 en disant : « Seigneur, nous nous sommes rappelé que cet imposteur a dit, de son vivant : “Trois
jours après, je ressusciterai.”
64 Alors, donne l’ordre que le sépulcre soit surveillé jusqu’au troisième jour, de peur que ses
disciples ne viennent voler le corps et ne disent au peuple : “Il est ressuscité d’entre les morts.”
Cette dernière imposture serait pire que la première. »
65 Pilate leur déclara : « Vous avez une garde. Allez, organisez la surveillance comme vous
l’entendez ! »
66 Ils partirent donc et assurèrent la surveillance du sépulcre en mettant les scellés sur la pierre et
en y plaçant la garde.
1 Après le sabbat, à l’heure où commençait à poindre le premier jour de la semaine, Marie
Madeleine et l’autre Marie vinrent pour regarder le sépulcre.
2 Et voilà qu’il y eut un grand tremblement de terre ; l’ange du Seigneur descendit du ciel, vint
rouler la pierre et s’assit dessus.
3 Il avait l’aspect de l’éclair, et son vêtement était blanc comme neige.
4 Les gardes, dans la crainte qu’ils éprouvèrent, se mirent à trembler et devinrent comme morts.
11 […] quelques-uns des gardes allèrent en ville annoncer aux grands prêtres tout ce qui s’était
passé.
12 Ceux-ci, après s’être réunis avec les anciens et avoir tenu conseil, donnèrent aux soldats une
forte somme
13 en disant : « Voici ce que vous direz : “Ses disciples sont venus voler le corps, la nuit pendant
que nous dormions.”
14 Et si tout cela vient aux oreilles du gouverneur, nous lui expliquerons la chose, et nous vous
éviterons tout ennui. »
15 Les soldats prirent l’argent et suivirent les instructions. Et cette explication s’est propagée chez
les Juifs jusqu’à aujourd’hui.

Avec ce récit, Matthieu explique pourquoi les Juifs n’ont pas cru en la résurrection.
Que penser de ce passage ?

Certains pourront s’interroger sur la raison du tremblement de terre mentionné par Matthieu.
Car Jésus étant déjà ressuscité, la nature n’avait plus rien à manifester. Quant à effrayer les gardes,
l’ange seul suffisait. Alors pourquoi ? Sachant que des femmes étaient venues au tombeau pour
embaumer le corps, saint Chrysostome explique454 :

Afin donc qu’elles crussent qu’il [= Jésus] était véritablement ressuscité, on leur fit voir que le
corps n’était plus dans le sépulcre. Voilà pourquoi l’ange ôta la pierre, pourquoi le tremblement de
terre eut lieu, c’était afin de les avertir de se lever et de se réveiller. Comme elles étaient venues
pour oindre le corps de parfums, et qu’il était encore nuit, il est vraisemblable que quelques-unes
d’entre elles pouvaient être assoupies.

Un tremblement de terre pour réveiller quelques femmes ! Ce genre d’ineptie finit par
m’exaspérer. Mais je passe en j’en viens au principal.
453 Mt, XXVII-XXVIII.
454 Saint Jean Chrysostome, Homélie 89 sur l’évangile selon saint Matthieu (en ligne : http://jesusmarie.free.fr/
jean_chrysostome_commentaire_evangile_saint_matthieu_5.html).

123
Pourquoi je ne suis plus catholique

b) Pilate n’aurait probablement pas prêté des gardes aux grands-prêtres

Déjà, il est peu probable que Pilate eût donné une garde aux prêtres juifs. L’auteur de la
Synopse de quatre évangiles en avait conscience. Aussi cherche-t-il a rendre l’histoire plus crédible
en y ajoutant un détail455 : « Pilate excédé refuse de faire assurer la garde d’un cadavre, et, comme
les Juifs insistent, il leur dit : je vous laisse une garde, donnez-lui les instructions nécessaires. »
Avec ce premier refus, l’histoire devient plus vraisemblable. Mais il est plus probable que Pilate
aurait persisté dans son refus et renvoyé les Juifs456. Michel Nicolas souligne avec raison457 :

Pour cet esprit léger [= Pilate], cette condamnation n’était que la suite d’une querelle des Juifs sur
quelques points de leur religion ; il n’attacha certainement qu’un fort mince intérêt à une affaire
dans laquelle il ne pouvait, à son jugement, y avoir en jeu qu’une absurde superstition.

Cette histoire de Pilate accordant une garde aux prêtres est donc très douteuse. Mais il y a
plus.

c) Une excuse qui n’aurait jamais été acceptée

L’excuse que les grands prêtres suggèrent aux soldats pour couvrir leur mensonge (« Ses
disciples sont venus voler le corps, la nuit pendant que nous dormions ») n’aurait jamais été crue.
Car comment imaginer que des disciples venus en pleine nuit, auraient brisé les scellés puis roulé la
pierre sans réveiller un seul garde. Cette objection n’est pas de moi, mais d’un catholique déjà cité 458.
On voit donc mal les grands-prêtres suggérer une telle excuse aux gardes, car elle risquait de
compromettre toute la manœuvre.

d) Corruption des gardes : la discrétion inexplicable des apôtres

Oublions cette première objection et supposons la véracité du récit de Matthieu. Comment
expliquer le silence des trois autres évangélistes ? De même, comment expliquer que, par la suite, la
prédication apostolique n’ait pas exploité le fait de la corruption des gardes par les Juifs ? Car c’était
une preuve accablante en faveur de la Résurrection et de l’aveuglement des grands-prêtres. Or, on ne
retrouve le récit de Matthieu ni dans les épîtres, ni dans les Actes des Apôtres.

Il est enfin surprenant que les premiers chrétiens, dont la fougue est connue, n’aient pas
retrouvé et pris à partie les gardiens qui devaient avoir été les témoins de tout autre chose qu’un vol
de cadavre459.

Sachant que l’évangile selon saint Matthieu est inspiré celui de Marc et que, dans cet évangile,
la démarche auprès de Pilate n’y figure pas, on en déduit qu’elle a été inventée bien plus tard, pour
répondre aux Juifs qui accusaient les chrétiens d’avoir subtilisé le corps.

455 Révérend père Ceslas Lavergne, Synopse des Quatre évangiles en français…, déjà cité, p. 253, note 305.
456 Alphonse Peyrat écrit : « car un Romain n’ayant pas la moindre idée de la résurrection des morts, demander à
Pilate des gardes pour empêcher l’effet d’une imposture sur la résurrection d’un homme crucifié et enterré, c’est
vouloir se faire bafouer. » (Alphone Peyrat, Histoire élémentaire et critique de Jésus, déjà cité, p. 324).
457 Michel Nicolas, Études sur les évangiles apocryphes, déjà cité, p. 425.
458 « n’est-ce pas un mensonge visible que de venir nous dire que les disciples ont forcé le sépulcre pendant que les
gardes dormaient ? Quoi ! les gardent dormaient tous à la fois ? Quoi ! pendant une opération qui nécessitait
beaucoup de bruit, de tumulte, de mouvement ; pendant qu’on brisait les sceaux, qu’on soulevait l’énorme pierre,
aucun des gardes ne s’est réveillé ? » (Hippolyte Noël, Nouvelle explication du catéchisme…, déjà cité, t. 1, p. 412).
459 Sur cette dernière question, voy. David Strauss, Vie de Jésus…, déjà cité, tome II, p. 609.

124
J’invite les catholiques à débattre

e) Des témoins qui dormaient ? Une ineptie

Allons encore plus loin et laissons ces deux premières objections. Une troisième s’élève : les
grands-prêtre auraient inventé cette histoire de gardiens endormis pour faire croire que le corps du
Christ avait été enlevé. Mais puisque les gardes dormaient, alors ils ne pouvaient pas savoir ce qui
était arrivé. Encore une fois, cette objection n’est pas de moi ; elle émane d’un auteur très chrétien
qui, en 1770, défendait sa religion460 : « Je n’insiste point, écrit-il, sur la singulière absurdité de ce
rapport suggéré aux gardes. Elle saute aux yeux : comment ces gardes pouvaient-ils déposer sur ce
qui s’était passé pendant qu’ils dormaient ? » Près d’un siècle plus tard, un commentateur du
catéchisme reprit l’argument461. L’auteur conclut qu’en agissant ainsi, les Juifs ont eux-mêmes
« prouvé » la résurrection de Jésus462 : « C’est ainsi, écrit-il, que Dieu se joue des vains conseils des
hommes, en permettant que l’iniquité se démente elle-même ». Il ne lui vient pas à l’esprit que cette
histoire inepte a pu tout simplement être inventée, après coup, par le rédacteur de l’évangile selon
saint Matthieu.

On répliquera que si les gardes s’étaient endormis et que le corps avait disparu, l’unique
possibilité était son enlèvement par des disciples. J’en conviens, mais au point 1°), nous avons vu
que c’était impossible. Cependant admettons. Oui, admettons que l’histoire de l’enlèvement du corps
par des disciples ait pu être acceptée des gens. Loin de sauver le récit de Matthieu, cette hypothèse
va au contraire provoquer son effondrement définitif.

f) A mes yeux, les grands-prêtres ne pouvaient croire en la résurrection du Christ

Car un dernier élément — le plus fort — surgit alors : les grands prêtres ne croyaient pas en la
résurrection de Jésus. Déjà parce que certains étaient des Sadducéens qui, de façon générale, ne
croyaient pas en la résurrection. Quant aux Pharisiens, ils pouvaient croire Jésus capable d’opérer
certains prodiges, mais ils les attribuaient à la magie ou au démon 463. Or, ni un magicien ni un
possédé n’avait jamais ressuscité.
Par conséquent, persuadés que Jésus n’était pas ressuscité, les grands-prêtres auraient dû
répondre aux gardes venus leur dire que Jésus était ressuscité : « Vous mentez ! Vous avez
abandonné votre poste et ses disciples en ont profité. » L’auteur très chrétien cité plus haut confirme
et ajoute :

S’ils sont convaincus de la réalité de l’enlèvement, pourquoi ne font-ils point le procès des gardes ?
Pourquoi ne publient-ils point ce procès ? Quoi de plus démonstratif, et de plus propre à arrêter les
progrès de l’imposture, et à confondre les imposteurs ?

Il a raison. Si les grands-prêtres avaient été convaincus de l’enlèvement du corps, alors ils se
seraient empressés de dénoncer les gardes à Pilate. En vertu de la discipline régnant dans l’armée
romaine, celui-ci les aurait punis très sévèrement, sans doute en les mettant à mort 464. L’affaire ayant
460 Charles Bonnet, Recherches philosophiques sur les preuves du christianisme, déjà cité, p. 262.
461 « Mais si les gardes dormaient, comment savez-vous, ô Juifs, que les disciples ont enlevé le corps ? Comment
pouvez-vous l’assurer ? Quels témoins en avez-vous ? — Les gardes. — Vous n’y pensez pas ; quelle extravagance
de nous donner pour témoins des gens qui dorment ! » (Hippolyte Noël, Nouvelle explication du catéchisme…, déjà
cité, t. 1, p. 412).
462 Ibid., p. 414.
463 « les pharisiens disaient : “Il n’expulse les démons que par Belzébul, le chef des démons” » (Mt., XII, 24)
464 On m’objectera que Dieu n’aurait jamais permis le châtiment de gardes innocents. Je répondrai en citant le
douzième chapitre des Actes des Apôtres. Accomplissant un miracle, le Seigneur délivre Pierre de la prison où
Hérode l’avait enfermé sous bonne garde. On lit « Au lever du jour, il y eut une belle agitation chez les soldats :
qu’était donc devenu Pierre ? Hérode le fit rechercher, sans réussir à le trouver. Ayant fait comparaître les gardes,

125
Pourquoi je ne suis plus catholique

été publique, le peuple aurait cru que les gardes avaient déserté leur poste, permettant aux disciples
de subtiliser le corps de Jésus. En conséquence, les grands-prêtres auraient du dénoncer à Pilate les
hommes qu’il leur avaient prêtés.
Or, si l’on en croit le récit de Matthieu, ils n’en font rien. Bien au contraire, ils leur donnent
une « forte somme » pour qu’ils se taisent… J’en déduis que d’après Matthieu, ces Juifs auraient cru
en la résurrection du Christ ; du moins auraient-ils jugé l’histoire très possible. Aussi auraient-ils
soudoyé les gardes pour éviter que l’événement ne s’ébruite. Encore une fois, mon analyse n’est pas
gratuite. Elle s’appuie sur deux documents :
1°) Les Actes de Pilate : cet apocryphe rédigé par un rédacteur qui connaissait fort bien
l’évangile selon saint Matthieu. Au chapitre XIII, il reprend l’histoire des gardes qui annoncent aux
grands-prêtres la résurrection. On lit465 :

Les gardes répliquèrent : « Et Jésus est ressuscité, c’est l’ange qui nous l’a dit. Il se trouve en
Galilée. » Ces propos inquiétaient les Juifs. Ils dirent : « Il ne faut pas que cette nouvelle s’ébruite
et que tous se convertissent à Jésus. » Et après avoir délibéré, ils se cotisèrent et remirent un bon
pécule aux soldats.

2°) L’explication du catéchisme en six tomes destinée avant tout aux prêtres. L’auteur écrit 466 :

malgré les remords de leur conscience, [les grands prêtres] s’efforcent de combattre un fait de la
vérité duquel ils sont intimement convaincus, et les voilà qui corrompent le témoignage des soldats.

Ces deux auteurs ont dévoilé clairement le sens de l’évangile selon saint Matthieu : les grands-
prêtres finissent par croire les gardes ou, du moins, par juger leur histoire très possible. C’est si
contradictoire avec le reste de l’évangile que ce récit — trouvé uniquement chez Matthieu —
m’apparaît faux.

A cela, on m’opposera le livre des Actes des Apôtres. Pierre et Jean ayant accompli un miracle
— guérir un infirme de naissance — les Juifs les arrêtent et leur demandent « par quelle
puissance » ils ont opéré cette guérison. Pierre Répond : « c’est par le nom de Jésus le Nazaréen,
lui que vous avez crucifié mais que Dieu a ressuscité d’entre les morts, c’est par lui que cet homme
se trouve là, devant vous, bien portant »467. Au lieu d’en profiter pour leur dire : « Si votre Jésus est
ressuscité, alors qu’il se montre ! », les Juifs adoptent un tout autre comportement468 :

Ayant rappelé Pierre et Jean, ils leur interdirent formellement de parler ou d’enseigner au nom de
Jésus […] Après de nouvelles menaces, ils les relâchèrent, faute d’avoir trouvé le moyen de les
punir : c’était à cause du peuple, car tout le monde rendait gloire à Dieu pour ce qui était arrivé.

C’est, me dira-t-on, une confirmation éclatante de l’évangile selon saint Matthieu : les Juifs
pensaient la résurrection de Jésus possible, voire probable, mais ils ne voulaient pas en avoir la
preuve, afin de persister dans leur négation.
Admettons. Dans ce cas, c’était le moment idéal, pour Jésus ressuscité, de leur donner un
signe clair, c’est-à-dire de se montrer, conformément à sa promesse. Oui : à sa promesse.

il donna l’ordre de les emmener au supplice. Puis, de Judée, il descendit à Césarée, où il séjourna. » (Actes,
ch. XII, v. 18-19) J’y vois la preuve que le Dieu des évangiles se soucie peu de la vie de quelques gardes innocents.
465 Actes de Pilate, XIII, 3-4.
466 Hippolyte Noël, Nouvelle explication du catéchisme…, déjà cité, t. 1, p. 412.
467 Actes, IV, 10.
468 Actes, IV, 18 et 21.

126
J’invite les catholiques à débattre

5°) Jésus avait promis un signe de sa résurrection à la « génération mauvaise et adultère »

a) Le « signe de Jonas » promis par le Christ

Car ce signe, Jésus lui-même l’avait promis. Ouvrons l’évangile selon saint Matthieu. On
lit469 :
[Jésus] leur répondit : « Cette génération mauvaise et adultère réclame un signe, mais, en fait de
signe, il ne lui sera donné que le signe du prophète Jonas. En effet, comme Jonas est resté dans le
ventre du monstre marin trois jours et trois nuits, le Fils de l’homme restera de même au cœur de la
terre [comprenez : sera enterré] trois jours et trois nuits. »

Dans son évangile, Luc confirme470. Jésus avait donc promis d’apparaître après trois jours
passés au tombeau. Il l’avait promis à cette « génération mauvaise et adultère », c’est-à-dire à tous
ceux qui persisteraient à ne pas croire en Lui.
On me dira que l’évangile selon saint Marc affirme le contraire471 :
11 Les pharisiens survinrent et se mirent à discuter avec Jésus ; pour le mettre à l’épreuve, ils
cherchaient à obtenir de lui un signe venant du ciel.
12 Jésus soupira au plus profond de lui-même et dit : « Pourquoi cette génération cherche-t-elle un
signe ? Amen, je vous le déclare : aucun signe ne sera donné à cette génération. »

J’en conviens. Mais il faut alors admettre que les évangiles se contredisent.

b) Les Juifs sont ébranlés : Jésus aurait dû réaliser sa promesse
Qui faut-il croire, Marc ou Matthieu et Luc ? Pour répondre, revenons au fait mentionné plus
haut dans le Livre des Actes des Apôtres. Exposons-le dans son entier. La scène ne se passe pas dans
un coin perdu ; elle se déroule au temple même de Jérusalem472 :
On y amenait alors un homme, infirme de naissance, que l’on installait chaque jour à la porte du
Temple, appelée la « Belle-Porte », pour qu’il demande l’aumône à ceux qui entraient. Voyant
Pierre et Jean qui allaient entrer dans le Temple, il leur demanda l’aumône. Alors Pierre, ainsi que
Jean, fixa les yeux sur lui, et il dit : « Regarde-nous ! » L’homme les observait, s’attendant à
recevoir quelque chose de leur part. Pierre déclara : « De l’argent et de l’or, je n’en ai pas ; mais ce
que j’ai, je te le donne : au nom de Jésus Christ le Nazaréen, lève-toi et marche. » Alors, le prenant
par la main droite, il le releva et, à l’instant même, ses pieds et ses chevilles s’affermirent. D’un
bond, il fut debout et il marchait. Entrant avec eux dans le Temple, il marchait, bondissait, et louait
Dieu. Et tout le peuple le vit marcher et louer Dieu. On le reconnaissait : c’est bien lui qui était
assis à la « Belle-Porte » du Temple pour demander l’aumône. Et les gens étaient frappés de
stupeur et désorientés devant ce qui lui était arrivé. L’homme ne lâchait plus Pierre et Jean. Tout le
peuple accourut vers eux au Portique dit de Salomon. Les gens étaient stupéfaits. Voyant cela,
Pierre interpella le peuple : « Hommes d’Israël, pourquoi vous étonner ? Pourquoi fixer les yeux
sur nous, comme si c’était en vertu de notre puissance personnelle ou de notre piété que nous lui
avons donné de marcher ? Le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, le Dieu de nos pères, a glorifié
son serviteur Jésus, alors que vous, vous l’aviez livré, vous l’aviez renié en présence de Pilate qui
était décidé à le relâcher. Vous avez renié le Saint et le Juste, et vous avez demandé qu’on vous
469 Mt., XII, 39-40. Voir aussi XVI, v. 1 & 4 : « Les pharisiens et les sadducéens s’approchèrent pour mettre Jésus à
l’épreuve ; ils lui demandèrent de leur montrer un signe venant du ciel […] “Cette génération mauvaise et adultère
réclame un signe, mais, en fait de signe, il ne lui sera donné que le signe de Jonas. ” Alors il les abandonna et
partit. »
470 « Comme les foules s’amassaient, Jésus se mit à dire “Cette génération est une génération mauvaise : elle cherche
un signe, mais en fait de signe il ne lui sera donné que le signe de Jonas. Car Jonas a été un signe pour les
habitants de Ninive ; il en sera de même avec le Fils de l’homme pour cette génération.” » (Lc., XI, 29-30).
471 Mc., ch. VIII.
472 Actes, III, 2-19.

127
Pourquoi je ne suis plus catholique

accorde la grâce d’un meurtrier. Vous avez tué le Prince de la vie, lui que Dieu a ressuscité d’entre
les morts, nous en sommes témoins. Tout repose sur la foi dans le nom de Jésus Christ : c’est ce
nom lui-même qui vient d’affermir cet homme que vous regardez et connaissez ; oui, la foi qui
vient par Jésus l’a rétabli dans son intégrité physique, en votre présence à tous. D’ailleurs, frères, je
sais bien que vous avez agi dans l’ignorance, vous et vos chefs. Mais Dieu a ainsi accompli ce qu’il
avait d’avance annoncé par la bouche de tous les prophètes : que le Christ, son Messie, souffrirait.
Convertissez-vous donc et tournez-vous vers Dieu pour que vos péchés soient effacés.

Donc, Dieu donne un premier signe au peuple juif qui, pourtant, a fait crucifier Jésus. Par
conséquent, il peut — il doit, en vertu de sa promesse — accorder le « signe de Jonas ». Lisons la
suite473 :
Comme Pierre et Jean parlaient encore au peuple, les prêtres survinrent, avec le commandant du
Temple et les sadducéens ; ils étaient excédés de les voir enseigner le peuple et annoncer, en la
personne de Jésus, la résurrection d’entre les morts. Ils les firent arrêter et placer sous bonne garde
jusqu’au lendemain, puisque c’était déjà le soir. Ils firent amener Pierre et Jean au milieu d’eux et
les questionnèrent : « Par quelle puissance, par le nom de qui, avez-vous fait cette guérison ? »
Alors Pierre, rempli de l’Esprit Saint, leur déclara : « Chefs du peuple et anciens, nous sommes
interrogés aujourd’hui pour avoir fait du bien à un infirme, et l’on nous demande comment cet
homme a été sauvé. Sachez-le donc, vous tous, ainsi que tout le peuple d’Israël : c’est par le nom
de Jésus le Nazaréen, lui que vous avez crucifié mais que Dieu a ressuscité d’entre les morts, c’est
par lui que cet homme se trouve là, devant vous, bien portant. Ce Jésus est la pierre méprisée de
vous, les bâtisseurs, mais devenue la pierre d’angle. En nul autre que lui, il n’y a de salut, car, sous
le ciel, aucun autre nom n’est donné aux hommes, qui puisse nous sauver. » Constatant l’assurance
de Pierre et de Jean, et se rendant compte que c’était des hommes sans culture et de simples
particuliers, ils étaient surpris ; d’autre part, ils reconnaissaient en eux ceux qui étaient avec Jésus.
Mais comme ils voyaient, debout avec eux, l’homme qui avait été guéri, ils ne trouvaient rien à
redire.

A cet instant, les prêtres étaient ébranlés. C’était donc l’occasion, pour Jésus, de leur apparaître
en vertu de sa promesse : accorder le « signe de Jonas ».

c) Jésus n’apparaîtra jamais au peuple Juif : un fait inexplicable à mes yeux

Or, Jésus ne leur est jamais apparu. Il n’est même jamais apparu au peuple Juif. La preuve est
apportée par saint Pierre lui-même qui, s’adressant au centurion Corneille, lui déclare 474 :
Et nous, nous sommes témoins de tout ce qu’il a fait dans le pays des Juifs et à Jérusalem. Celui
qu’ils ont supprimé en le suspendant au bois du supplice, Dieu l’a ressuscité le troisième jour. Il lui
a donné de se manifester, non pas à tout le peuple, mais à des témoins que Dieu avait choisis
d’avance, à nous qui avons mangé et bu avec lui après sa résurrection d’entre les morts.

Pourquoi ne pas être apparu au peuple ? Pourquoi ne pas avoir tenu la promesse ? Plus tard,
un Juif écrira475 :

Que l’on s’imagine, en effet, un grand bruit se faisant soudain sur la terre et dans les cieux; des voix
retentissantes éclatant aux quatre coins de l’horizon ; les milices célestes faisant résonner les
fanfares effrayantes au sein des éléments bouleversés ; Jérusalem tout entière accourant, pâle de
terreur, au tombeau du Grand Crucifié, poussée, par une force divine, vers le lieu où va se produire
le plus grand et le plus solennel des miracles ; puis, tout d’un coup, la tombe s’entr’ouvrant, le Dieu
brisant la pierre funéraire en vain scellée pour le retenir, et s’élançant vers les cieux dans le sein de
473 Actes, IV, 1-14.
474 Actes, X, 39-41.
475 Joseph Cohen, Les déicides, déjà cité, p. 147.

128
J’invite les catholiques à débattre

son Père éternel, aux yeux de la foule courbée dans l’adoration et l’épouvante. Israël tout entier, le
monde romain tout entier auraient été convertis aussitôt, et les temps prédits par les prophètes
eussent été désormais accomplis.

On me dira que c’était inutile, parce que les Juifs étaient aveuglés de façon irrémédiable.
Pourtant, l’évangile selon saint Luc affirme qu’au moment de la mort de Jésus : « toute la foule des
gens qui s’étaient rassemblés pour ce spectacle, observant ce qui se passait, s’en retournaient en se
frappant la poitrine »476. Ils avaient donc été impressionnés par les événements surnaturels survenus
lors du décès de Jésus.
Ouvrons également le Livre des Actes des Apôtres. Après la mort de Jésus, Pierre adresse une
première harangue aux Juifs477 : « Hommes d’Israël, écoutez les paroles que voici ». Il leur parle du
Christ ressuscité et sauveur du monde. Comment la foule réagit-elle ? On lit478 :
Les auditeurs furent touchés au cœur ; ils dirent à Pierre et aux autres Apôtres : « Frères, que
devons-nous faire ? » Pierre leur répondit : « Convertissez-vous, et que chacun de vous soit baptisé
au nom de Jésus Christ pour le pardon de ses péchés ; vous recevrez alors le don du Saint-Esprit.
Car la promesse est pour vous, pour vos enfants et pour tous ceux qui sont loin, aussi nombreux
que le Seigneur notre Dieu les appellera. » Par bien d’autres paroles encore, Pierre les adjurait et
les exhortait en disant : « Détournez-vous de cette génération tortueuse, et vous serez sauvés. »
Alors, ceux qui avaient accueilli la parole de Pierre furent baptisés. Ce jour-là, environ trois mille
personnes se joignirent à eux.

Parler de Juifs aveuglés est donc faux. A cela, on répondra que pour ces Juifs, Jésus n’avait
pas à se montrer. Quant aux grands-prêtres, leur aveuglement était irrémédiable, donc même si
Jésus s’était montré, cela n’aurait rien changé.
6°) La raison pour laquelle les grands-prêtres n’ont pas cru en la résurrection du Christ
Telle est l’éternelle accusation portée contre eux. Toutefois, les chrétiens devraient s’examiner,
car pour cette première harangue, Pierre prétendait donc prouver la Résurrection avec un Psaume 479.
Les grand-prêtres purent alors vérifier. Il s’agissait du Psaume XV. David rappelait tout d’abord sa
confiance en Yahvé et les bienfaits terrestres qu’il en retirait :
1 Garde-moi, mon Dieu : j’ai fait de toi mon refuge.
2 J’ai dit au Seigneur : « Tu es mon Dieu ! Je n’ai pas d’autre bonheur que toi […]
476 Lc., XXIII, 48.
477 Actes, II, 22.
478 Actes, II, 37-41.
479 « Hommes d’Israël, écoutez les paroles que voici. Il s’agit de Jésus le Nazaréen, homme que Dieu a accrédité
auprès de vous en accomplissant par lui des miracles, des prodiges et des signes au milieu de vous, comme vous le
savez vous-mêmes. Cet homme, livré selon le dessein bien arrêté et la prescience de Dieu, vous l’avez supprimé en
le clouant sur le bois par la main des impies. Mais Dieu l’a ressuscité en le délivrant des douleurs de la mort, car il
n’était pas possible qu’elle le retienne en son pouvoir. En effet, c’est de lui que parle David dans le psaume : “Je
voyais le Seigneur devant moi sans relâche : il est à ma droite, je suis inébranlable. C’est pourquoi mon cœur est en
fête, et ma langue exulte de joie ; ma chair elle-même reposera dans l’espérance : tu ne peux m’abandonner au
séjour des morts ni laisser ton fidèle voir la corruption. Tu m’as appris des chemins de vie, tu me rempliras
d’allégresse par ta présence”. Frères, il est permis de vous dire avec assurance, au sujet du patriarche David, qu’il
est mort, qu’il a été enseveli, et que son tombeau est encore aujourd’hui chez nous. Comme il était prophète, il
savait que Dieu lui avait juré de faire asseoir sur son trône un homme issu de lui. Il a vu d’avance la résurrection
du Christ, dont il a parlé ainsi : “Il n’a pas été abandonné à la mort, et sa chair n’a pas vu la corruption “. Ce
Jésus, Dieu l’a ressuscité ; nous tous, nous en sommes témoins. Élevé par la droite de Dieu, il a reçu du Père
l’Esprit Saint qui était promis, et il l’a répandu sur nous, ainsi que vous le voyez et l’entendez. David, en effet, n’est
pas monté au ciel, bien qu’il dise lui-même : “Le Seigneur a dit à mon Seigneur : “Siège à ma droite, jusqu’à ce
que j’aie placé tes ennemis comme un escabeau sous tes pieds.”” Que toute la maison d’Israël le sache donc avec
certitude : Dieu l’a fait Seigneur et Christ, ce Jésus que vous aviez crucifié. » (Actes, II, 22-36)

129
Pourquoi je ne suis plus catholique

6 La part qui me revient fait mes délices ; j’ai même le plus bel héritage !
7 Je bénis le Seigneur qui me conseille : même la nuit mon cœur m’avertit.

Puis venait le passage cité par saint Pierre. David exaltait sa confiance en l’avenir :

8 Je garde le Seigneur devant moi sans relâche ; il est à ma droite : je suis inébranlable.
9 Mon cœur exulte, mon âme est en fête, ma chair elle-même repose en confiance :
10 tu ne peux m’abandonner à la mort ni laisser ton ami voir la corruption.
11 Tu m’apprends le chemin de la vie : devant ta face, débordement de joie ! A ta droite, éternité de
délices !

David affirmait qu’avec le Seigneur pour allié, son corps (sa chair) serait protégé des maux
qui peuvent faire mourir et qu’ainsi, il connaîtrait une vie (terrestre) longue, toujours pleine de
délices. Et quand bien même l’expression « éternité de délices » serait comprise comme une éternité
bienheureuse dans un paradis céleste (une notion absente des Psaumes), il n’était pas question d’une
quelconque résurrection corporelle. Par conséquent, lorsque Pierre prétendait démontrer la
résurrection en lançant : « Il [= David] a vu d’avance la résurrection du Christ, dont il a parlé
ainsi : Il n’a pas été abandonné à la mort, et sa chair n’a pas vu la corruption », les grands-prêtres
n’ont pu que repousser cette interprétation.
Je rappelle que lors de l’agonie de Jésus sur la croix480 :

les grands prêtres se moquaient de lui avec les scribes et les anciens, en disant : « Il en a sauvé
d’autres, et il ne peut pas se sauver lui-même ! Il est roi d’Israël : qu’il descende maintenant de la
croix, et nous croirons en lui ! »

Jésus n’en était pas descendu. A leur yeux, c’était déjà une preuve de l’imposture. Et
maintenant, Pierre venait avec une fausse interprétation d’un psaume pour prétendre démontrer sa
résurrection. La réponse grands-prêtres dut être celle-ci : « Trêve de discours ! Nous connaissons
mieux que vous les Écritures. Votre Jésus n’est pas descendu de sa croix. S’il est ressuscité, qu’il se
montre ! » Personnellement, je puis les comprendre.
J’ajoute que même si ces grands-prêtres étaient fortement prévenus contre Jésus, ils n’étaient
pas totalement aveuglés. Un autre passage du Livre des Actes des Apôtres le démontre.

7°) Jésus devait montrer un signe tangible de sa résurrection

La scène se passe au cinquième chapitre, lorsqu’il est question de tuer des apôtres du Christ
que les Juifs ont appréhendés481 :
Ceux qui les avaient entendus [le récits de leurs prodiges] étaient exaspérés et projetaient de les
supprimer. Alors, dans le Conseil suprême, intervint un pharisien nommé Gamaliel, docteur de la
Loi, qui était honoré par tout le peuple. Il ordonna de les faire sortir un instant, puis il dit : « Vous,
Israélites, prenez garde à ce que vous allez faire à ces gens-là. Il y a un certain temps, se leva
Theudas qui prétendait être quelqu’un, et à qui se rallièrent quatre cents hommes environ ; il a été
supprimé, et tous ses partisans ont été mis en déroute et réduits à rien. Après lui, à l’époque du
recensement, se leva Judas le Galiléen qui a entraîné beaucoup de monde derrière lui. Il a péri lui
aussi, et tous ses partisans ont été dispersés. Eh bien, dans la circonstance présente, je vous le dis :
ne vous occupez plus de ces gens-là, laissez-les. En effet, si leur résolution ou leur entreprise vient
des hommes, elle tombera. Mais si elle vient de Dieu, vous ne pourrez pas les faire tomber. Ne
risquez donc pas de vous trouver en guerre contre Dieu. » Les membres du Conseil se laissèrent

480 Mt., XXVII, 41-42. A rapprocher de Mc., XV, 31-32.
481 Actes, V, 33-42.

130
J’invite les catholiques à débattre

convaincre ; ils rappelèrent alors les Apôtres et, après les avoir fait fouetter, ils leur interdirent de
parler au nom de Jésus, puis ils les relâchèrent. Quant à eux, quittant le Conseil suprême, ils
repartaient tout joyeux d’avoir été jugés dignes de subir des humiliations pour le nom de Jésus.
Tous les jours, au Temple et dans leurs maisons, sans cesse, ils enseignaient et annonçaient la
Bonne Nouvelle : le Christ, c’est Jésus.

J’en déduis que les grand-prêtres n’étaient pas totalement aveuglés. Ils craignaient encore de
déplaire à Dieu en tuant les apôtres. Dès lors, pourquoi Jésus ne leur est-il pas apparu
physiquement ? Présent en chair et en os, il aurait récité les Psaumes 17 et 85 pour leur démontrer
que, par amour pour lui, Dieu son Père l’avait arraché à la mort 482. Face à un Jésus présent
physiquement, les grands-prêtres déjà troublés n’auraient rien pu lui opposer. Par conséquent, je le
demande à nouveau : pourquoi Jésus ne leur est-il pas apparu ? Faut-il en déduire qu’Il n’est pas
ressuscité avec un corps physique ?
Nous abordons ici une question capitale. Car dans sa première lettre aux Corinthiens, saint
Paul a prévenu483 : « si le Christ n’est pas ressuscité, notre proclamation est sans contenu, votre foi
aussi est sans contenu ». Voilà pourquoi je développerai le sujet.

8°) Le saint suaire de Turin démontre-t-il la Résurrection ?

Certains affirment que le saint suaire de Turin démontre la réalité de la Résurrection. C’est
aller un peu vite. Même à supposer : a) que la relique soit authentique — parti que l’on peut prendre,
malgré les arguments contraires484 —, b) que l’image du Christ se soit formée de façon miraculeuse
et c) qu’elle démontre une disparition subite du supplicié, alors le saint suaire prouverait qu’il y a eu
dématérialisation surnaturelle du corps485. C’est certes beaucoup, mais c’est tout. Un corps
dématérialisé ne démontre pas une résurrection physique par la suite. Pour cette suite, seuls restent
les évangiles. Considérons-les.
9°) Résurrection : les divergences manifestes entre les évangiles

L’auteur d’une explication du catéchisme en six tomes écrit486 :

Ce mystère [de la Résurrection] est encore le plus solide fondement de notre foi ; c’est le fait
principal sur lequel repose la Divinité du christianisme ; et voilà pourquoi il a plu à Dieu de le
rendre plus certain et plus incontestable.
On s’attend, donc, en premier lieu, à des récits évangéliques convergents. Mais l’auteur
n’invoque pas cette raison. Pourquoi ? Parce que dès le début, cette attente est déçue : « C’est dans

482 « Les liens de la mort m’entouraient, le torrent fatal m’épouvantait […] : j’étais pris aux pièges de la mort. Dans
mon angoisse, j’appelai le Seigneur ; vers mon Dieu, je lançai un cri ; de son temple il entend ma voix : mon cri
parvient à ses oreilles […] Des hauteurs il tend la main pour me saisir, il me retire du gouffre des eaux ; il me
délivre d’un puissant ennemi, d’adversaires plus forts que moi. » « Je te rends grâce de tout mon cœur, Seigneur
mon Dieu, toujours je rendrai gloire à ton nom ; il est grand, ton amour pour moi : tu m’as tiré de l’abîme des
morts. » (Ps. 17, 5-7, 17-18 et Ps. 85, 12-13).
483 I, Co., XV, 14.
484 Pour les arguments contraires, voir Andrea Nicolotti, The Shroud of Turin. The History and Legends of the World’s
Most Famous Relic (Baylor University Press, 2020).
485 Voir l’article publié par le site Linceul Turin. L’auteur écrit avait raison : « si le linceul est une image miraculeuse, il
ne prouve pas seulement la mort du Christ ; il prouve aussi qu’il s’est passé quelque chose de surnaturel à
l’intérieur du tombeau du Christ ! De là à dire qu’il “prouve la Résurrection”, il y a un pas infranchissable. Pour
être rigoureux, il faut dire simplement que le linceul apporte un élément supplémentaire tendant à renforcer les
arguments déjà existants en faveur de la Résurrection (tombeau vide, conversion subite des apôtres, récits
d’apparitions) » (https://www.linceulturin.net/le-linceul-prouve-t-il-la-resurrection-du-christ/).
486 Hippolyte Noël, Nouvelle explication du catéchisme…, déjà cité, t. 1, p. 410.

131
Pourquoi je ne suis plus catholique

cette partie du récit évangélique que les quatre narrations divergent le plus » reconnaît un docteur
en théologie487. Pour l’illustrer, comparons la façon dont les quatre évangiles racontent le début de
l’histoire de la Résurrection. Nous résumerons ensuite.

– Mt, ch. XXVIII, v. 1-5 :

Après le sabbat, à l’heure où commençait à poindre le premier jour de la semaine, Marie Madeleine
et l’autre Marie vinrent pour regarder le sépulcre. Et voilà qu’il y eut un grand tremblement de
terre ; l’ange du Seigneur descendit du ciel, vint rouler la pierre et s’assit dessus. Il avait l’aspect de
l’éclair, et son vêtement était blanc comme neige. Les gardes, dans la crainte qu’ils éprouvèrent, se
mirent à trembler et devinrent comme morts. L’ange prit la parole et dit aux femmes : « Vous, soyez
sans crainte ! Je sais que vous cherchez Jésus le Crucifié […] ».

– Mc, ch. XVI, v. 1-6 :

Le sabbat terminé, Marie Madeleine, Marie, mère de Jacques, et Salomé achetèrent des parfums
pour aller embaumer le corps de Jésus. De grand matin, le premier jour de la semaine, elles se
rendent au tombeau dès le lever du soleil […] Levant les yeux, elles s’aperçoivent qu’on a roulé la
pierre, qui était pourtant très grande. En entrant dans le tombeau, elles virent, assis à droite, un
jeune homme vêtu de blanc. Elles furent saisies de frayeur. Mais il leur dit : « Ne soyez pas
effrayées ! Vous cherchez Jésus de Nazareth, le Crucifié ? Il est ressuscité : il n’est pas ici. Voici
l’endroit où on l’avait déposé […] »

– Lc, ch. XXIV, v. 1-5 et 10 :

Le premier jour de la semaine, à la pointe de l’aurore, les femmes se rendirent au tombeau, portant
les aromates qu’elles avaient préparés. Elles trouvèrent la pierre roulée sur le côté du tombeau.
Elles entrèrent, mais ne trouvèrent pas le corps du Seigneur Jésus. Alors qu’elles étaient
désemparées, voici que deux hommes se tinrent devant elles en habit éblouissant. Saisies de
crainte, elles gardaient leur visage incliné vers le sol. Ils leur dirent : « Pourquoi cherchez-vous le
Vivant parmi les morts ? […] C’étaient Marie Madeleine, Jeanne, et Marie mère de Jacques ; les
autres femmes qui les accompagnaient disaient la même chose aux Apôtres. »

– Jean, ch. XX, v. 1-2 et11-14 :
Le premier jour de la semaine, Marie Madeleine se rend au tombeau de grand matin […] Elle
s’aperçoit que la pierre a été enlevée du tombeau […] Marie Madeleine se tenait près du tombeau,
au-dehors, tout en pleurs. Et en pleurant, elle se pencha vers le tombeau. Elle aperçoit deux anges
vêtus de blanc, assis l’un à la tête et l’autre aux pieds, à l’endroit où avait reposé le corps de Jésus.
Ils lui demandent : « Femme, pourquoi pleures-tu ? » Elle leur répond : « On a enlevé mon
Seigneur, et je ne sais pas où on l’a déposé. » Ayant dit cela, elle se retourna ; elle aperçoit Jésus
qui se tenait là […]

Si on résume en tenant compte des personnages, on trouve ceci :
– dans Matthieu :
Marie, Marie-Madeleine et les gardes évanouis
Un ange blanc descendu du ciel roule la pierre et s’assied dessus
– dans Marc :
Marie, Marie-Madeleine et Salomé
Un jeune homme vêtu de blanc assis dans le tombeau
487 Frédéric Godet, Commentaire sur l’évangile de saint Luc (1888, réédition de 2009 chez Soleil d’Orient), p. 1048.

132
J’invite les catholiques à débattre

– dans Luc
Marie, Marie-Madeleine, Jeanne et un nombre indéterminé de femmes
Deux hommes en habit éblouissant apparus soudainement
– dans Jean
Marie-Madeleine et Jésus
Deux anges anges vêtus de blanc assis dans le tombeau

Dès le début, donc, les divergences foisonnent. Le fait frappe d’autant plus que des
discordances existent entre Marc et Matthieu qui, souvent, sont très proches. Chez Matthieu par
exemple, un ange est assis sur la pierre du tombeau alors que chez Marc, le jeune homme — un
ange, sans doute — se tient à l’intérieur du tombeau. Or, il s’agit du même personnage, puisqu’il leur
tient un langage très similaire. Saint Augustin propose alors deux explications possibles. La
premières invoque deux anges488 :
On peut d’abord supposer que saint Matthieu ne dit rien de ce second ange qu’elles virent en
entrant, et que saint Marc ne dit rien de celui qu’elles virent assis hors du tombeau. Dans cette
interprétation il faudrait admettre la présence de deux anges, qui tous deux leur parlèrent de Jésus,
l’un assis en dehors sur la pierre et l’autre assis à droite du sépulcre dans l’intérieur du tombeau. Au
moment où elles allaient entrer, l’ange qui était assis au-dehors les encouragea en ces termes:
« Venez et voyez le lieu où le Seigneur avait été placé. » Étant donc entrées, elles virent l’autre ange
dont saint Matthieu ne parle pas et qui, selon saint Marc, était assis à droite et devait leur adresser à
peu près le même langage.

Pour reconstituer l’histoire complète, il faudrait donc prendre des fragments des évangiles,
modifier les paroles du premier ange et recoller le tout. C’est ridicule.
Passons à la deuxième explication :
il est certain que la pierre dans laquelle avait été creusé l’endroit de la sépulture, était précédée
d’une sorte de barrière à travers laquelle on arrivait au tombeau ; de cette manière l’ange que saint
Marc nous représente assis à droite du sépulcre peut fort bien être celui que saint Matthieu nous
représente assis sur la pierre que le tremblement de terre avait renversée à l’entrée du tombeau c’est-
à-dire du sépulcre qui était creusé dans la pierre [Id.].

Je répondrai que cette barrière n’est mentionnée nulle part et que le texte de Marc ne souffre
guère d’ambiguïté : « Levant les yeux, elles s’aperçoivent qu’on a roulé la pierre, qui était pourtant
très grande. En entrant dans le tombeau, elles virent, assis à droite, un jeune homme » Il est bien
évident que les femmes entrent dans la tombe elle-même. Encore une fois, de telles échappatoires
m’exaspèrent.
L’exégète moderne a finalement dégagé une « suite probable des faits »489. Je la commente au
fur et à mesure que les événements sont exposés :

1°) Au cours de la nuit, Jésus ressuscite et sort du sépulcre en traversant la roche ; sans tarder il se
montre à sa mère (pure hypothèse, soutenue par la vraisemblance et le fait qu’elle était au Calvaire
mais ne vint pas au sépulcre de son fils : en proportion avec ses pensées affligées, les consolations
de son Dieu caressèrent son âme (Cf. Psaume 93)) ;

Remarque : A qui, en effet, Jésus ressuscité aurait-Il dû apparaître en premier ? A sa mère,
bien évidemment. L’ayant porté, élevé et suivi jusqu’au pied de la croix, elle méritait bien cette

488 Saint Augustin, De l’accord des Évangiles, chapitre XXIV : « Circonstances de la résurrection » (en ligne :
https://www.bibliotheque-monastique.ch/bibliotheque/bibliotheque/saints/augustin/comecr2/accord.htm).
489 Révérend père Ceslas Lavergne, Synopse des Quatre évangiles en français…, déjà cité, p. 262-263.

133
Pourquoi je ne suis plus catholique

consolation. Mais aucun évangile n’évoque une apparition du Christ ressuscité à Marie ! C’est si
incroyable que l’auteur de la Légende dorée souligne490 :

on croit généralement que le Christ est apparu, en premier lieu, à la Vierge Marie. Les évangélistes,
en vérité, n’en disent rien ; mais si l’on devait interpréter leur silence comme une négation, on
devrait en conclure que, pas une seule fois, le Christ ressuscité ne serait apparu à sa mère.

Voilà comment, une fois encore, les catholiques complètent les textes dont les omissions sont
jugées trop embarrassantes. Pourtant, on affirme que Luc écrivit son évangile après avoir interrogé
des témoins oculaires, dont Marie elle-même 491. Comment croire qu’elle aurait omis l’apparition de
son fils ressuscité ? A mes yeux, c’est totalement invraisemblable.
J’en conclus que le Christ n’est pas apparu à Marie, alors qu’il s’agissait de la première
personne à laquelle Il aurait dû apparaître. L’histoire de la Résurrection commence donc bien mal.

2°) La terre tremble, un ange éblouissant descend et roule la pierre, sur laquelle il s’assied : les
gardes d’abord atterrés finissent par fuir, et l’ange devient invisible ;

Remarque : l’ange devient invisible afin d’expliquer pourquoi les femmes venues de bon matin
au sépulcre ne le virent pas (voir ci-après). Mais Matthieu raconte492 :

Après le sabbat, à l’heure où commençait à poindre le premier jour de la semaine, Marie Madeleine
et l’autre Marie vinrent pour regarder le sépulcre. Et voilà qu’il y eut un grand tremblement de
terre ; l’ange du Seigneur descendit du ciel, vint rouler la pierre et s’assit dessus […] Les gardes,
dans la crainte qu’ils éprouvèrent, se mirent à trembler et devinrent comme morts. L’ange prit la
parole et dit aux femmes : « Vous, soyez sans crainte ! Je sais que vous cherchez Jésus le
Crucifié ».

C’est clair : le tremblement de terre et la descente de l’ange eurent lieu alors que les femmes
étaient déjà arrivées. Elles ne purent donc que le voir, car on ne peut pas affirmer qu’il était venu
discrètement.

3°) Avant l’aurore, Marie-Madeleine (ayant des aromates) part avec avec l’autre Marie et Salomé,
qui la quittent en chemin pour acheter de l’huile parfumée ;
4°) Marie-Madeleine arrive seule au sépulcre ;

Remarque : Marc raconte493 : « Le sabbat terminé, Marie Madeleine, Marie, mère de Jacques,
et Salomé achetèrent des parfums pour aller embaumer le corps de Jésus ». Les trois femmes ne se
séparent donc pas. Elles vont ensemble acheter de l’huile parfumée.
5°) Au lever du soleil, ses compagnes l’y rejoignent ; Jeanne et d’autres femmes ne tardent pas à
arriver.
6°) [Marie-]Madeleine part pour avertir Pierre ;

Remarque : la scène où Marie-Madeleine part avertir Pierre est extraite de l’évangile selon
saint Jean494. Dans ces versets ainsi que les suivants, Jean ne souffle mot d’autres femmes qui
490 Jacques de Voragine, La Légende dorée, déjà cité, p. 205.
491 « Luc tient ces détails de celle qui garda soigneusement dans son cœur de mère et les rapprochait d’autres sonnées
mystérieuses » (Ibid., p. 31, note 8)
492 Mt., XXVIII, 1-5.
493 Mc., XVI, 1.
494 « Le premier jour de la semaine, Marie Madeleine se rend au tombeau de grand matin ; c’était encore les ténèbres.
Elle s’aperçoit que la pierre a été enlevée du tombeau. Elle court donc trouver Simon-Pierre et l’autre disciple,

134
J’invite les catholiques à débattre

arriveraient. Il faudrait donc choisir : Jean ou les autres évangélistes. Mais c’est précisément avec de
telles synthèses que les exégètes catholiques gomment les contradictions irréconciliables.
7°) Deux anges se montrent aux femmes restées là (Marc généralise en leur adjoignant Madeleine)

Remarque : Passons sur le fait qu’un seul ange s’était rendu invisible et que deux anges
apparaissent. Après tout, il a pu être rejoint par un second.
Les auteurs déclarent que « Marc généralise en leur adjoignant Madeleine ». Non, Marc
commet une erreur puisque Madeleine serait partie prévenir Pierre. Voilà comment les exégètes
catholiques gomment les bévues commises par les évangélistes qui auraient écrit sous l’inspiration
du Saint Esprit.
8°) Prises de panique, elles s’enfuient sans oser parler, non seulement aux passant, mais aux
disciples eux-mêmes (Marc).

Remarque : Il est vrai que Marc écrit 495 : « Elles sortirent et s’enfuirent du tombeau, parce
qu’elles étaient toutes tremblantes et hors d’elles-mêmes. Elles ne dirent rien à personne, car elles
avaient peur ». Mais de son côté, Matthieu raconte 496 : « Vite, elles quittèrent le tombeau, remplies à
la fois de crainte et d’une grande joie, et elles coururent porter la nouvelle à ses disciples ». Pour
gommer la contradiction évidente, les auteurs de la synthèse chronologique ne mentionnent que
Marc. Il se référeront à Matthieu plus tard, sans le mentionner, au point 11°). Subterfuge habile pour
gommer une nouvelle contradiction.
9°) Alertés par Madeleine, Pierre et Jean accourent : comme il est manifeste que personne n’a
touché aux linges qui enveloppaient le corps de Jésus, Jean est convaincu de sa résurrection. Pierre
réfléchit sans oser se prononcer trop vite ; mais ils repartent.
10°) Madeleine voit deux anges et Jésus ressuscité (Mt. généralisait en parlant des autres femmes) ;

Remarque : Les auteurs « oublient » que d’après Matthieu, les femmes ne virent qu’un seul
ange assis sur la pierre qui fermait le tombeau, alors que Marie-Madeleine voit 497 « deux anges
vêtus de blanc, assis l’un à la tête et l’autre aux pieds, à l’endroit où avait reposé le corps de
Jésus. » Il ne s’agit donc pas d’une « généralisation » de Matthieu, mais de deux faits totalement
différents.

11°) Celles-ci [= les femmes] ayant surmonté leur terreur, parlent aux Onze (et à d’autres disciples)
des anges et du message qu’ils leur ont donné ; on voit là un pur radotage ;

Remarque : En réalité, ce fait est confondu avec le 8°) Il est illégitime de le placer ici, comme
s’il s’agissait d’un autre événement.
12°) Les disciples d’Emmaüs quittent la ville.
13°) Madeleine dit qu’elle vient de voir Jésus et transmet son message.
14°) L’apparition [de Jésus] à Pierre se place entre son retour du sépulcre et le retour des disciples
d’Emmaüs.

Remarque : Jamais Pierre ne dira que Jésus lui serait apparu. L’évangile selon saint Luc
mentionne très brièvement cette apparition dans les circonstances suivantes : les apôtres disent aux
celui que Jésus aimait, et elle leur dit : “On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a
déposé.” »(Jn., XX, 1-2).
495 Mc., XVI, 8.
496 Mt., XXVIII, 8.
497 Jn., XX, 12.

135
Pourquoi je ne suis plus catholique

deux disciples d’Emmaüs498 : « Le Seigneur est réellement ressuscité : il est apparu à Simon-
Pierre. ». C’est tout. Quant aux autres évangiles, ils n’en parlent pas. Plus tard, saint Paul l’évoquera
à son tour en quelques mots499 : « il est apparu à Pierre ». Je suis surpris que malgré son humilité,
celui qui deviendra le chef des Apôtres n’ait jamais parlé de cette apparition lors de ses prédications.
Car son témoignage personnel aurait été très fort (« Je l’ai vu moi aussi »). Il est vrai que Pierre
restait très discret, y compris lorsque ses miracles dépassaient ceux de son maître : son bâton
n’avait-il pas permis de ressusciter un prêtre quarante jours après sa mort ? C’était dix fois mieux
que Jésus avec Lazare. Mais les Actes des Apôtres n’en parlent pas. Ce miracle est rapporté par la
« Tradition »500.
Quoi qu’il en soit, la chronologie établie par les exégètes paraît cohérente, mais étudiée plus
en détail, elle révèle des incohérences graves. A mes yeux, la conclusion s’impose : les récits des
évangélistes sur la résurrection présentent des contradictions insurmontables — sauf à tricher.
On m’objectera que les quatre évangélistes ont appris la résurrection par des personnes
différentes, donc que leurs récits comportent tous des divergences inévitables. Je pense avoir
démontré le contraire, mais j’admettrai. Encore une fois, nous nageons en pleine absurdité ; car
s’agissant de l’événement central du christianisme, il fallait égaliser les récits pour les rendre plus
conformes à la vérité et, partant, plus convaincants. Les catholiques citent saint Jean Chrysostome
qui écrivait501 :
Il suffisait qu’un seul évangéliste racontât tous les faits de la vie de Jésus-Christ ; mais lorsqu’on les
voit tous les quatre tenir le même langage, et, tout en étant séparés par les lieux comme par les
temps, et sans avoir pu se concerter en aucune manière, c’est là une démonstration péremptoire de
la vérité.

Sur le récit de la résurrection, hélas, la démonstration tourne au fiasco. Un fiasco très
embarrassant, car le raisonnement de saint Jean Chrysostome est le suivant : si les évangélistes
racontent la même chose, alors ils disent la vérité. Ceux qui ont appris la logique sauront que par
contraposée, on peut retourner l’argument : si les apôtre ne disent par la vérité alors on les verra ne
pas raconter la même chose. Voilà qui est catastrophique pour le christianisme.
10°) Pourquoi Jésus ressuscité n’a-t-Il pas produit son propre récit ?

Comment Dieu aurait-Il pu éviter cet écueil ? Jésus étant ressuscité, Il n’avait qu’à tout
raconter. Pourquoi ne l’a-t-Il pas fait ?
a) Un livre de Jésus qui aurait évité bien des problèmes
D’ailleurs, pourquoi ne nous a-t-Il pas laissé un livre écrit de sa propre main ? Quand j’étais
catholique, avec ma famille, nous sommes allés voir plusieurs reliques miraculeuses qui attestaient,
disait-on, la vérité du catholicisme : relique du Saint-Sang à Bruges, hostie qui saigna à Bois-
Seigneur-Isaac, Vierge miraculeuse à Hal… En contemplant ces reliques et cette statue, je me
disais : « Mais pourquoi Dieu ne nous a-t-il pas laissé un livre miraculeux qui raconterait la vie de
Jésus? Un livre où, par exemple, le visage du Christ apparaîtrait en filigrane sur les pages. Un livre
clair, sans obscurité ni divergences… » Le Psaume 18, verset 2, déclare : « Les cieux proclament la
498 Lc., XXIV, 34.
499 I Co, XV, 5
500 « Un jour, Pierre envoya en prédication deux de ses disciples : l’un d’eux mourut en chemin, l’autre revint faire
part à son maître de ce qui était arrivé […] Alors Pierre remit au survivant son bâton, lui disant d’aller le poser sur
le cadavre de son compagnon. Et dès qu’il l’eût fait, le mort, qui gisait déjà depuis quarante jours, revint à la vie . »
(Jacques de Voragine, La Légende dorée, déjà cité, p. 313).
501 Cité par La chaîne d’or…, déjà cité, tome I, p. xxx.

136
J’invite les catholiques à débattre

gloire de Dieu, le firmament raconte l’ouvrage de ses mains. » Pour le Créateur de l’univers visible
et invisible, écrire un tel livre eut été un jeu d’enfant.
Certes, je ne suis pas à la place de Dieu et je n’ai pas à juger ses décisions. Mais dans un livre
sur l’autorité des évangiles, Henri Loriaux écrit502 :

Supposons que Jésus ait écrit. En croyant à sa parole écrite, c’est à lui, c’est à Dieu que j’aurais cru ;
j’aurais eu alors la foi en quelque chose de divin, j’aurais eu véritablement une foi divine.
Si je n’ai pas sa parole écrite ou parlée, ma foi change d’étage, elle devient une foi humaine, car ce
n’est plus à Jésus, Dieu et homme, que je crois, mais à son intermédiaire qui n’est plus qu’un
homme. En admettant que je me sente forcé de croire à sa sincérité, je ne puis être obligé de croire
à son inerrance : que cet homme ne soit pas un menteur, soit mais qui me prouve qu’il ne s’est pas
trompé ?

b) Les problèmes posés par la thèse de l’inspiration divine

A cela, les catholiques répondent503 : « on doit à Dieu ce respect de croire ce qu’il nous a dit,
même s’il se sert d’intermédiaires ». Car, ajoutent-ils, les évangélistes ont écrit sous l’inspiration
divine, donc ils n’ont rien rapporté de faux. Par conséquent, on doit les croire comme s’il s’agissait
de la parole de Dieu même. Saint Augustin l’expliquait ainsi504 :

Nous avons maintenant à répondre à une difficulté qui fait impression sur quelques personnes.
Pourquoi, disent-elles, le Sauveur n’a-t-il rien écrit par lui-même, et pourquoi sommes-nous obligés
d’ajouter foi au récit de ceux qui ont écrit sa vie ? Il est faux de dire, répondrons-nous, que le
Sauveur n’a rien écrit, puisque ses membres n’ont fait que rapporter ce que leur chef leur dictait, car
tout ce qu’il a voulu nous transmettre de ses discours et de ses actions, il leur a commandé de
l’écrire, en dirigeant leur main comme la sienne propre.

Mais pour soutenir cette assertion, les gardiens de la Foi sont obligés de se livrer à des
exercices subtils de grammaire, de traduction, d’analyse des faits, le tout mêlé de suppositions
gratuites et bien souvent farfelues. Nous en avons vu quelques exemples, parmi lesquels les deux
généalogies du Christ établies par Matthieu et Luc. Et que dire de la mort de Judas ? Le traître a
livré Jésus contre une somme d’argent. Matthieu raconte505 :

en voyant que Jésus était condamné, Judas, qui l’avait livré, fut pris de remords ; il rendit les trente
pièces d’argent aux grands prêtres et aux anciens. Il leur dit : « J’ai péché en livrant à la mort un
innocent. » Ils répliquèrent : « Que nous importe ? Cela te regarde ! » Jetant alors les pièces
d’argent dans le Temple, il se retira et alla se pendre. Les grands prêtres ramassèrent l’argent et
dirent : « Il n’est pas permis de le verser dans le trésor, puisque c’est le prix du sang. » Après avoir
tenu conseil, ils achetèrent avec cette somme le champ du potier pour y enterrer les étrangers. Voilà
pourquoi ce champ est appelé jusqu’à ce jour le Champ-du-Sang.

Or, Luc conte une tout autre histoire. Il met en scène saint Pierre qui explique aux fidèles 506 :

ce Judas était l’un de nous et avait reçu sa part de notre ministère ; puis, avec le salaire de
l’injustice, il acheta un domaine ; il tomba la tête la première, son ventre éclata, et toutes ses
entrailles se répandirent. Tous les habitants de Jérusalem en furent informés, si bien que ce domaine
fut appelé dans leur propre dialecte Hakeldama, c’est-à-dire Domaine-du-Sang.
502 Henri Loriaux, L’autorité des Évangiles. Question fondamentale (Paris : Émile Nourry, 1907), p. 30.
503 Révérend père Ceslas Lavergne, Synopse des Quatre évangiles en français… , déjà cité, p. 260, fin de la note 316.
504 Cité par La chaîne d’or…, déjà cité, tome I, p. xxxii.
505 Mt., XXVII, 3-8.
506 Actes, ch. I, v. 17-19

137
Pourquoi je ne suis plus catholique

Comment expliquer qu’une dictée sous l’inspiration du Saint Esprit puisse donner deux récits
si différents ? On me répondra que, se fiant à des informations erronées, saint Pierre racontait une
histoire fausse et que, sous l’inspiration du Saint Esprit, saint Luc l’a fidèlement reproduite. Cette
hypothèse, ajoutera-t-on, est d’autant plus sure que le récit de la mort de Judas par saint Pierre est
invraisemblable : un homme qui tombe la tête la première n’a pas le ventre qui éclate. J’avoue avoir
du mal à croire que le chef des apôtres ait été si mal informé. Car un suicide par pendaison n’est pas
une chute sur la tête. Mais admettons.
Seul reste alors le récit de Matthieu qui paraît plus vraisemblable. Cependant, une explication
du catéchisme le critique en ces termes507 :

puisque les princes des prêtres étaient occupés depuis le matin jusqu’à la neuvième heure à presser
l’exécution de la mort du Sauveur, comment peut-on admettre que Judas leur aurait reporté avant la
passion du Seigneur le prix de sa trahison, et qu’il leur aurait dit dans le temple : « J’ai péché, en
livrant le sang innocent ? » II est constant, en effet, que tous les princes des prêtres et les anciens du
peuple ne se trouvaient pas dans le temple avant la mort du Sauveur, et la preuve, c’est qu’ils
l’insultaient lorsqu’il était sur la croix. On ne peut pas le conclure non plus de ce que ce fait est
raconté avant la passion de Notre-Seigneur, puisqu’il est certain qu’il est un grand nombre de faits
qui, bien que s’étant passés antérieurement, sont cependant racontés en dernier lieu. Peut-être
pourrait-on dire que ce fait a eu lieu a la neuvième heure, et que Judas, voyant le Sauveur mis à
mort, le voile du temple déchiré, la terre trembler, les rochers se briser, les éléments dans la
consternation, il aurait conçu, sous l’inspiration de la crainte, le repentir de son crime. Mais après la
neuvième heure, les anciens et les princes des prêtres étaient tout entiers, ce me semble, à la
célébration de la Pâque. D’ailleurs la loi défendait de porter de 1’argent le jour du sabbat. Je crois
donc qu’on ne peut fixer d’une manière vraisemblable ni le jour ni 1’heure ou Judas mit fin a sa vie
en se pendant.

Bien que l’auteur n’énonce pas cette conclusion, ces objections démontrent que l’histoire
racontée par Matthieu est fausse. Nous serions donc en présence de deux récits différents, mais tous
les deux faux, dictés (sans correction) sous l’inspiration du Saint Esprit. Voilà qui est fort
ennuyeux !
Qu’il s’agisse de la naissance, de la vie et de la mort de Jésus, les évangiles sont truffés
d’omissions inexplicables, de divergences, voire de contradictions.

c) Le cas des apparitions de Jésus ressuscité

Prenons par exemple les apparitions de Jésus ressuscité. Une concordance entre les évangiles
aurait été un bon début pour croire en leur réalité. Mais même ça, les évangiles ne nous l’offrent pas,
si bien que les exégètes doivent rivaliser d’ingéniosité, déplaçant l’une, replaçant une autre, etc…
pour arriver à dégager une chronologie passablement cohérente. Voici une liste chronologique
trouvée dans une explication du catéchisme508 :

Jésus apparut :
1° à Madeleine (Mc., XVI, 9-10 ; Jn., XX, 11-18) ;
2° aux saintes femmes (Mt., XXVIII, 5-9 ; Mc., XVI, 2-8) ;
3° aux disciples d’Emmaüs (Mc., XVI, 12 ; Lc., XXIV, 13-32) ;
4° à Simon Pierre (Lc., XXIV, 34) ;
5° à dix Apôtres (Lc., XXIV, 36-41) ;
6° aux onze Apôtres (Jn., XX, 24-29) ;

507 Cité par La chaîne d’or…, déjà cité, tome III, p. 387. Le texte est extrait du Livre des Questions du Nouveau et de
l’Ancien Testament, ch. 94.
508 La chaîne d’or…, déjà cité, tome III, p. 472.

138
J’invite les catholiques à débattre

7° aux Apôtres en Galilée, près du lac de Tibériade (Jn., XXI, 1-24) ;
8° aux Apôtres en Galilée, où il leur donne leur mission pour la première fois (Mt., XXVIII, 16-
20) ;
9° aux Apôtres à Jérusalem, où il leur donne leur mission pour la seconde fois et monte au ciel
(Mc., XVI, 14-20 ; Luc, XXIV, 44-53).
Saint Paul nous apprend que Notre-Seigneur apparut en outre à plus de cinq cents frères ensemble,
dont plusieurs vivent encore et quelques-uns sont déjà morts. (I Co., XV, 6).

Cela se monte à dix apparitions en quarante jours. Un catholique pourra s’en satisfaire, mais
un examen objectif fait surgir de multiples difficultés.
Déjà, soulignons que la dixième apparition n’est pas numérotée, comme si elle était d’une
nature particulière. Il n’y a là rien d’étonnant. Saint Paul la décrit ainsi : « [Jésus] est apparu à plus
de cinq cents frères à la fois — la plupart sont encore vivants, et quelques-uns sont endormis dans
la mort ». Une apparition devant cinq cents personnes ! On devrait en trouver mention dans les
quatre évangiles. Mais il n’en est rien : Matthieu, Marc, Luc et Jean n’en soufflent mot. Où a-t-elle
eu lieu, quand, devant qui, qu’a dit le Christ à cette occasion ? Saint Paul ne donne aucune
information. A mes yeux, cette apparition n’était qu’une fausse rumeur.
Cela dit, venons-en aux apparitions numérotées. Commençons avec la deuxième. Elle est
mentionnée par Matthieu et Marc. On lit :

– Matthieu, ch. XXVIII, v. 5-9 :
L’ange prit la parole et dit aux femmes : « Vous, soyez sans crainte ! Je sais que vous cherchez
Jésus le Crucifié. Il n’est pas ici, car il est ressuscité, comme il l’avait dit. Venez voir l’endroit où il
reposait. Puis, vite, allez dire à ses disciples : “Il est ressuscité d’entre les morts, et voici qu’il vous
précède en Galilée ; là, vous le verrez.” Voilà ce que j’avais à vous dire. » Vite, elles quittèrent le
tombeau, remplies à la fois de crainte et d’une grande joie, et elles coururent porter la nouvelle à
ses disciples.

– Marc, ch. XVI, v. 5-8 :

En entrant dans le tombeau, [les femmes] virent, assis à droite, un jeune homme vêtu de blanc.
Elles furent saisies de frayeur. Mais il leur dit : « Ne soyez pas effrayées ! Vous cherchez Jésus de
Nazareth, le Crucifié ? Il est ressuscité : il n’est pas ici. Voici l’endroit où on l’avait déposé. Et
maintenant, allez dire à ses disciples et à Pierre : “Il vous précède en Galilée. Là vous le verrez,
comme il vous l’a dit.” » Elles sortirent et s’enfuirent du tombeau, parce qu’elles étaient toutes
tremblantes et hors d’elles-mêmes. Elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur.

La contradiction est évidente : chez Marc, la peur ressentie par les femmes provoque leur
silence. Chez Matthieu, en revanche, bien qu’apeurées, la joie l’emporte finalement et les femmes
s’empressent de rapporter la nouvelle.
Saint Augustin tente l’explication suivante509 :

il nous semble que l’on concilie parfaitement ces deux passages, en admettant que ces femmes
n’osèrent rien répondre à ce que les anges leur disaient, ni rien dire aux gardiens qu’elles voyaient
morts de frayeur. Quant à cette joie dont parle saint Matthieu, elle peut se concilier facilement avec
la crainte dont parle saint Marc ; nous devons admettre que ces deux sentiments envahirent
simultanément leur cœur, lors même que saint Matthieu ne parlerait pas de la crainte, ce qui n’est
pas, car il dit expressément : « Elles sortirent aussitôt du sépulcre saisies de crainte et d’une grande
joie. » Cette question est ainsi parfaitement résolue.

509 Saint Augustin, De l’accord des Évangiles, chapitre XXIV : « Circonstances de la résurrection » (en ligne :
https://www.bibliotheque-monastique.ch/bibliotheque/bibliotheque/saints/augustin/comecr2/accord.htm).

139
Pourquoi je ne suis plus catholique

Non. Car saint Augustin a omis d’expliquer la contradiction capitale : chez Matthieu, les
femmes annoncent la nouvelle aux apôtres ; chez Marc, elles la taisent. Certes, l’apologiste chrétien
prétend que si, chez Marc, les femmes ne parlèrent « à personne », il faut comprendre qu’elle
n’osèrent parler ni à l’ange, ni aux gardes effrayés. Il sous-entend donc qu’une fois sorties du
cimetière, elles annoncèrent la nouvelle aux apôtres. Mais ce sous-entendu reste en contradiction
avec le texte très clair de Marc ; l’évangéliste termine le récit de cet épisode en écrivant : « elles
dirent rien à personne ». Personne, c’est donc vraiment personne.
Sachant que Matthieu s’est inspiré de Marc, j’en déduis qu’au départ, l’histoire présentait des
femmes restées silencieuses. Mais c’était si incroyable que Mathieu changea le récit pour le rendre
plus crédible : la crainte s’étant changée en joie, les femmes avaient fini par raconter. Quant à Marc,
on ajouta au récit ces trois versets (que l’on ne trouve ni chez Matthieu, ni chez Luc) 510 :

Ressuscité le matin, le premier jour de la semaine, Jésus apparut d’abord à Marie Madeleine, de
laquelle il avait expulsé sept démons. Celle-ci partit annoncer la nouvelle à ceux qui, ayant vécu
avec lui, s’affligeaient et pleuraient. Quand ils entendirent que Jésus était vivant et qu’elle l’avait
vu, ils refusèrent de croire.

Cet ajout permettait de concilier tant bien que mal les deux récits. L’ennui est que chez Marc,
Marie Madeleine figurait parmi les femmes apeurées : « Le sabbat terminé, Marie Madeleine,
Marie, mère de Jacques, et Salomé achetèrent des parfums pour aller embaumer le corps de
Jésus »511. Elle n’avait donc pas pu aller prévenir les Apôtres. Mais oublions cette incohérence, car
on m’objectera que Jean raconte lui aussi de l’apparition du Christ à Marie Madeleine. Il écrit 512 :

Le premier jour de la semaine, Marie Madeleine se rend au tombeau de grand matin ; c’était encore
les ténèbres. Elle s’aperçoit que la pierre a été enlevée du tombeau. Elle court donc trouver Simon-
Pierre et l’autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit : « On a enlevé le Seigneur de son
tombeau, et nous ne savons pas où on l’a déposé. » Pierre partit donc avec l’autre disciple pour se
rendre au tombeau. Ils couraient tous les deux ensemble, mais l’autre disciple courut plus vite que
Pierre et arriva le premier au tombeau. En se penchant, il s’aperçoit que les linges sont posés à
plat ; cependant il n’entre pas. Simon-Pierre, qui le suivait, arrive à son tour. Il entre dans le
tombeau ; il aperçoit les linges, posés à plat, ainsi que le suaire qui avait entouré la tête de Jésus,
non pas posé avec les linges, mais roulé à part à sa place. C’est alors qu’entra l’autre disciple, lui
qui était arrivé le premier au tombeau. Il vit, et il crut. Jusque-là, en effet, les disciples n’avaient
pas compris que, selon l’Écriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts. Ensuite, les
disciples retournèrent chez eux.
Marie Madeleine se tenait près du tombeau, au-dehors, tout en pleurs. Et en pleurant, elle se pencha
vers le tombeau. Elle aperçoit deux anges vêtus de blanc, assis l’un à la tête et l’autre aux pieds, à
l’endroit où avait reposé le corps de Jésus. Ils lui demandent : « Femme, pourquoi pleures-tu ? »
Elle leur répond : « On a enlevé mon Seigneur, et je ne sais pas où on l’a déposé. » Ayant dit cela,
elle se retourna ; elle aperçoit Jésus qui se tenait là, mais elle ne savait pas que c’était Jésus. Jésus
lui dit : « Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? » Le prenant pour le jardinier, elle lui
répond : « Si c’est toi qui l’as emporté, dis-moi où tu l’as déposé, et moi, j’irai le prendre. » Jésus
lui dit alors : « Marie ! » S’étant retournée, elle lui dit en hébreu : « Rabbouni ! », c’est-à-dire :
Maître. Jésus reprend : « Ne me retiens pas, car je ne suis pas encore monté vers le Père. Va trouver
mes frères pour leur dire que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. »
Marie Madeleine s’en va donc annoncer aux disciples : « J’ai vu le Seigneur ! », et elle raconta ce
qu’il lui avait dit.

510 Mc., XVI, 9-11.
511 Mc., XVI, 1
512 Jn., XX, 1-18.

140
J’invite les catholiques à débattre

Déjà, on se demande pourquoi, s’il fallait annoncer la nouvelle de la résurrection aux apôtres,
les anges ne sont pas apparus à Marie Madeleine dès la première fois, ou à Pierre et à Jean quand ils
vinrent voir le tombeau. De plus, pourquoi faire annoncer cette résurrection par deux anges, puisque
Jésus est là, derrière. Pour préparer Marie Madeleine à la rencontre ? Non, puisque elle le reconnaît
tout de même. Et pourquoi Jésus n’est-Il pas apparu aux deux apôtres ? A mes yeux, cette histoire
est totalement incohérente.
De plus, Jean raconte qu’au petit matin, Marie Madeleine vint seule. C’est en contradiction
avec les récits des trois autres évangélistes. On le voit, les histoires des apparitions aux femmes
posent tant de problèmes qu’elles ont toute l’apparence du roman.

Je passe à l’apparition n° 4 : Jésus se montre à Simon Pierre 513. Déjà, elle repose sur un seul
verset trouvé dans un seul évangile, celui selon saint Luc. Les apôtres disent à deux disciples venus
les voir : « Le Seigneur est réellement ressuscité : il est apparu à Simon-Pierre. » C’est bien peu. On
aimerait des précisions. Mais cette apparition n’est mentionnée nulle part ailleurs. Saint Pierre, en
particulier, n’en parlera jamais. Là encore, c’est incroyable.

L’apparition n° 5° concerne, nous dit-on, « dix Apôtres »514. Elle survient juste après que les
deux disciples de l’apparition précédente soient venus voir les apôtres. Luc en décrit ainsi les
circonstances (je souligne)515 : « À l’instant même, [les deux disciples] se levèrent et retournèrent à
Jérusalem. Ils y trouvèrent réunis les onze Apôtres et leurs compagnons ». L’apparition n° 5
concernait donc onze apôtres, et non dix. Pourquoi le commentaire du catéchisme a-t-il modifié le
nombre ? Parce que d’après l’évangile de Jean, Thomas devait être absent à ce moment-là. Mais Luc
l’ignorait ! Il ignorait que Thomas ne devrait être présent qu’à l’apparition suivante, sans quoi toute
l’histoire s’effondrait. Je reviendrai plus loin sur cette affaire.

Je n’insisterai pas sur l’apparition n° 7. Elle figure dans un chapitre qui, nous l’avons vu, a été
ajouté plus tard à l’évangile de Jean, afin de « prouver » la fondation de l’Église par Jésus.

L’apparition n° 9 est décrite par Marc et Luc. Notez la référence de Luc : Luc, XXIV, 44-53.
Comparez avec la référence de l’apparition n° 5 : Lc., XXIV, 36-41. En vérité, il s’agit du même
épisode. Pour s’en convaincre, relisons Luc à partir du dernier verset de la cinquième apparition 516 :

41 Dans leur joie, ils n’osaient pas encore y croire, et restaient saisis d’étonnement. Jésus leur dit :
« Avez-vous ici quelque chose à manger ? »
42 Ils lui présentèrent une part de poisson grillé
43 qu’il prit et mangea devant eux.
44 Puis il leur déclara : « Voici les paroles que je vous ai dites quand j’étais encore avec vous : Il
faut que s’accomplisse tout ce qui a été écrit à mon sujet dans la loi de Moïse, les Prophètes et les
Psaumes. »
45 Alors il ouvrit leur intelligence à la compréhension des Écritures.
46 Il leur dit : « Ainsi est-il écrit que le Christ souffrirait, qu’il ressusciterait d’entre les morts le
troisième jour,
47 et que la conversion serait proclamée en son nom, pour le pardon des péchés, à toutes les
nations, en commençant par Jérusalem.
48 À vous d’en être les témoins.
49 Et moi, je vais envoyer sur vous ce que mon Père a promis. Quant à vous, demeurez dans la
ville jusqu’à ce que vous soyez revêtus d’une puissance venue d’en haut. »

513 Lc., XXIV, 34.
514 Lc., XXIV, 36-41.
515 Lc., XXIV, 33.
516 Lc., XXIV, 41-53.

141
Pourquoi je ne suis plus catholique

50 Puis Jésus les emmena au dehors, jusque vers Béthanie ; et, levant les mains, il les bénit.
51 Or, tandis qu’il les bénissait, il se sépara d’eux et il était emporté au ciel.
52 Ils se prosternèrent devant lui, puis ils retournèrent à Jérusalem, en grande joie.
53 Et ils étaient sans cesse dans le Temple à bénir Dieu.

Le récit est continu. Après leur avoir ouvert l’intelligence, Jésus les amène non loin de
Jérusalem où il disparaît au ciel. Son Ascension marque la fin de sa mission terrestre. L’évangile de
Luc s’arrête d’ailleurs ici. Il en va de même avec l’apparition n°8. Elle marque la fin de l’évangile de
Matthieu517 :
Les onze disciples s’en allèrent en Galilée, à la montagne où Jésus leur avait ordonné de se rendre.
Quand ils le virent, ils se prosternèrent, mais certains eurent des doutes. Jésus s’approcha d’eux et
leur adressa ces paroles : « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre. Allez ! De toutes les
nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, apprenez-
leur à observer tout ce que je vous ai commandé. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la
fin du monde. »

Il s’agit donc du même événement, bien que Matthieu le place en Galilée et ne parle pas de
l’Ascension en elle-même — ce genre de divergence ne doit plus nous étonner. Ma conclusion est
fondée : le lien entre le deux textes est établi par la finale de Marc, ajoutée plus tard. Le verset 15 de
cette finale se rapporte à Matthieu, le verset 19 à Luc. Le reste est propre à Marc. Vous pourrez le
constater par vous-mêmes :

14 Enfin, il se manifesta aux Onze eux-mêmes pendant qu’ils étaient à table : il leur reprocha leur
manque de foi et la dureté de leurs cœurs parce qu’ils n’avaient pas cru ceux qui l’avaient
contemplé ressuscité.
15 [Verset commun avec Matthieu] Puis il leur dit : « Allez dans le monde entier. Proclamez
l’Évangile à toute la création.
16 Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé ; celui qui refusera de croire sera condamné.
17 Voici les signes qui accompagneront ceux qui deviendront croyants : en mon nom, ils
expulseront les démons ; ils parleront en langues nouvelles ;
18 ils prendront des serpents dans leurs mains et, s’ils boivent un poison mortel, il ne leur fera pas
de mal ; ils imposeront les mains aux malades, et les malades s’en trouveront bien. »
19 [Verset commun avec Luc] Le Seigneur Jésus, après leur avoir parlé, fut enlevé au ciel et s’assit
à la droite de Dieu.
20 Quant à eux, ils s’en allèrent proclamer partout l’Évangile. Le Seigneur travaillait avec eux et
confirmait la Parole par les signes qui l’accompagnaient.

En se rattachant à Matthieu et à Luc, le récit continu de Marc démontre que les trois évangiles
racontent le même événement. Ceux qui contesteront mon analyse pourront se reporter à l’ouvrage
intitulé : Synopse des Quatre évangiles en français… Aux pages 262-263, la finale de Marc est
scindée en deux : une partie est mise en parallèle avec Matthieu, l’autre avec Luc518.
Or, le commentaire du catéchisme décrit ces trois textes comme rapportant deux événements
différents, donc deux apparitions distinctes : il prétend qu’à la huitième apparition (en Galilée),
Jésus aurait envoyé ses apôtres en mission « pour la première fois » ; à la neuvième apparition (près
de Jérusalem), Il les auraient envoyés « pour la seconde fois ». C’est d’autant plus inepte qu’il s’agit
de la même mission : « Allez ! De toutes les nations faites des disciples » (Matthieu) ; « Allez dans
le monde entier. Proclamez l’Évangile à toute la création » (Luc).
Le bilan général se révèle catastrophique : non seulement ces dix apparitions n’en font que
huit, mais de plus, les incohérences, les contradictions et les invraisemblances frappent tous les

517 Mt., XXVIII, 16-20.
518 Révérend père Ceslas Lavergne, Synopse des Quatre évangiles en français…, déjà cité, p. 262-263.

142
J’invite les catholiques à débattre

récits. S’agissant de l’événement clé du christianisme (la Résurrection), c’est dévastateur. En 1787,
le baron d’Holbach (alias Nicolas Fréret) écrivit avec bon-sens519 :
les critiques d’une exactitude un peu scrupuleuse ne peuvent s’empêcher d’être choqués du peu de
conformité qu’on a remarqué dans les évangiles, quant à l’ordre et à l’arrangement des faits.
Pourquoi le Saint Esprit, leur a-t-il fait négliger un point si capable d’attirer la croyance des
hommes ?
Hors saint Marc qui paraît avoir suivi saint Matthieu pas à pas, il faut avouer que l’ordre est
sérieusement renversé dans les autres évangélistes ; jamais ils n’observent les temps, souvent ils
confondent les lieux ; l’un place à la fin ce que l’autre met au commencement ; et si on prétend les
accorder quant au sens et au fond des choses, il n’y a qu’à jeter les yeux sur une concordance
évangélique pour voir la peine que l’on a de les concilier sur le reste.

d) Les explications catholiques m’apparaissent peu convaincantes

Je m’en étais aperçu à la lecture du livre du chanoine Weber, Les quatre évangiles en un un
seul, qui connut de multiples éditions et rééditions. L’auteur a écrit une seule histoire du Christ à
partir des quatre évangiles canoniques, en indiquant à chaque fois la référence des textes utilisés. Il
suffit de feuilleter les pages pour mesurer le désordre chronologique, les omissions et les
discordances. Les catholiques citent Bède le vénérable qui écrivait520 :

On compte, il est vrai, quatre évangélistes, mais c’est moins quatre évangiles différents qu’ils ont
écrit, qu’un seul parfaitement d’accord avec la vérité de ces quatre livres. De même que deux vers,
ayant absolument, le même sujet, différent cependant par les expressions et par la mesure, et
représentent toutefois qu’une seule et même pensée, ainsi les livres des évangélistes, tout en étant
au nombre de quatre, ne contiennent cependant qu’un seul et même évangile, parce qu’ils ne
renferment qu’une seule et même doctrine sur la foi catholique.

C’est faux, et cela aurait été évité si, après sa résurrection, le Christ nous avait laissé un
ouvrage écrit de sa main. Pourquoi Dieu n’a-t-Il pas agi ainsi ? Et même en l’admettant, pourquoi le
Christ n’a-t-Il pas au moins raconté aux apôtres les circonstances de sa résurrection, afin qu’ils
présentent, sur ce point central, des récits convergents et concluants ? Est-ce parce qu’Il n’a pas
ressuscité comme les évangiles le prétendent ? Pour répondre, intéressons-nous à l’apparence de
Jésus après sa mort sur la croix.

11°) Les évangiles présentent Jésus ressuscité très éthéré

a) Un catéchiste contredit Matthieu qui parle d’un Jésus apparu physiquement

Saint Matthieu est très vague. Jésus apparaît une fois à Marie et Marie-Madeleine 521 :
Et voici que Jésus vint à leur rencontre et leur dit : « Je vous salue. » Elles s’approchèrent, lui
saisirent les pieds et se prosternèrent devant lui. Alors Jésus leur dit : « Soyez sans crainte, allez
annoncer à mes frères qu’ils doivent se rendre en Galilée : c’est là qu’ils me verront. »

Le fait que les femmes aient saisi les pieds du Christ indique qu’il avait un corps physique.
Mais s’appuyant sur cet évangile, une explication du catéchisme destinée aux prêtres explique 522 :
519 Nicolas Fréret, La Moysade et examen critique du Nouveau Testament (Londres, 1787), p. 49-50.
520 Cité par La chaîne d’or…, déjà cité, tome I, p. xxix-xxx.
521 Mt., XXVIII, 9-10. L’évangile s’achève ainsi : « Les onze disciples s’en allèrent en Galilée, à la montagne où Jésus
leur avait ordonné de se rendre. Quand ils le virent, ils se prosternèrent, mais certains eurent des doutes. Jésus
s’approcha d’eux et leur adressa ces paroles : “[…] Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du
monde”. » (Mt., XXVIII, 16-20)
522 Hippolyte Noël, Nouvelle explication du catéchisme…, déjà cité, t. 1, p. 409-410.

143
Pourquoi je ne suis plus catholique

dès le grand matin du troisième jour, l’âme glorieuse de Jésus-Christ, sortant des limbes, pénétra la
pierre du sépulcre sans l’ouvrir, et se réunit miraculeusement à son corps. A l’instant Jésus-Christ,
débarrassé des liens et des suaires qui l’environnaient, sortit du tombeau sans ôter la pierre qui le
fermait, sans rompre ni endommager les sceaux que Pilate y avait fait mettre.
Ce mystère s’opéra dans le secret ; les gardes ne s’aperçoivent de rien et n’en avaient même pas le
moindre soupçon, lorsque tout à coup un ange descendit du ciel.

La suite paraphrase l’évangile selon saint Matthieu. J’en déduis qu’au moment de sa
résurrection, le Christ avait un corps éthéré.

b) Le Christ éthéré qui apparaît à Marie-Madeleine

D’ailleurs, voici comment l’évangile selon saint Jean rapporte la rencontre de Marie-
Madeleine avec Jésus, au cimetière, ce lundi matin523 :
[Marie-Madeleine] se retourna ; elle aperçoit Jésus qui se tenait là, mais elle ne savait pas que
c’était Jésus. Jésus lui dit : « Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? » Le prenant pour le
jardinier, elle lui répond : « Si c’est toi qui l’as emporté, dis-moi où tu l’as déposé, et moi, j’irai le
prendre. » Jésus lui dit alors : « Marie ! » S’étant retournée, elle lui dit en hébreu : « Rabbouni ! »,
c’est-à-dire : Maître. Jésus reprend : « Ne me retiens pas, car je ne suis pas encore monté vers le
Père. Va trouver mes frères pour leur dire que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu
et votre Dieu. »

Marie-Madeleine ne reconnaît pas Jésus. Il a beau lui parler, elle le prend pour le jardinier.
Saint Jean Chrysostome écrit524 : « Comme Jésus lui était apparu sous une forme ordinaire, elle crut
que c’était le jardinier ». Voilà qui surprend : parce que Jésus lui apparaît normalement, elle ne le
reconnaît pas ! C’est si contradictoire que saint Grégoire trouve une autre explication :

ne peut-on pas dire que cette femme tout en se trompant ne fut pas dans l’erreur en croyant que
Jésus était le jardinier ? N’était-il pas pour elle un jardinier spirituel, lui qui par la force de son
amour avait semé dans son cœur les germes féconds de toutes les vertus? [Id.]

Voilà le genre de raisonnement alambiqué, imaginé pour éviter de poser les conclusions qui
s’imposent. Car en l’occurrence, les choses sont claires : Marie-Madeleine n’a pas reconnu Jésus
parce qu’il avait une autre apparence.

c) Le Christ ressuscité : un corps quantique

L’évangile selon saint Marc confirme ce point 525 : « Jésus apparut d’abord à Marie Madeleine
[…] Après cela, il se manifesta sous un autre aspect à deux d’entre eux qui étaient en chemin pour
aller à la campagne. » Le Christ se manifeste « sous un autre aspect ». Voilà qui appuie ma
déduction tirée du récit de Jean. On m’objectera qu’il était sans doute habillé différemment (en
jardinier), avec une coiffure changée et une barbe coupée. Le récit de Luc dément cette
hypothèse526 :

Le même jour, deux disciples faisaient route vers un village appelé Emmaüs, à deux heures de
marche de Jérusalem, et ils parlaient entre eux de tout ce qui s’était passé [la mort de Jésus]. Or,
tandis qu’ils s’entretenaient et s’interrogeaient, Jésus lui-même s’approcha, et il marchait avec eux.

523 Jn., XX, 14-17.
524 Cité par La chaîne d’or…, déjà cité, tome VIII, p. 452.
525 Mc., XVI, 9 et 12.
526 Lc., XXIV, 13-16 et 28-31.

144
J’invite les catholiques à débattre

Mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître […] Quand ils approchèrent du village où ils se
rendaient, Jésus fit semblant d’aller plus loin. Mais ils s’efforcèrent de le retenir : « Reste avec
nous, car le soir approche et déjà le jour baisse. » Il entra donc pour rester avec eux. Quand il fut à
table avec eux, ayant pris le pain, il prononça la bénédiction et, l’ayant rompu, il le leur donna.
Alors leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent, mais il disparut à leurs regards.

« Leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître » : on veut bien admettre que des vêtements
différents, une coiffure changée et une barbe coupée, aient empêché les deux disciples de
reconnaître Jésus dans les premiers instants. Cependant, il parle avec eux jusqu’au soir et les
accompagne à table. Comment croire qu’ils ne l’ont pas reconnu ? Comment croire qu’ils n’ont pas
vu ses blessures aux mains ou, plus probablement, au niveau des poignets ? Elles pouvaient d’autant
moins leur échapper que d’après les catéchistes, de la lumière s’en échappait 527. Admettons que Jésus
ait pu les éteindre et les allumer comme une lampe. Mais on imagine la stupéfaction mêlée de joie
quand, soudain, les disciples le reconnaissent. Or que se passe-t-il à cet instant ? Jésus disparaît à
leurs regards ! Doit-on croire qu’une fois Jésus reconnu, les deux disciples — nullement surpris —
se sont absentés pour aller chercher du pain, satisfaire un besoin naturel ou faire les lits ? Et que
profitant de leur absence, Jésus s’est précipité dehors pour partir en courant dans le crépuscule ? Ce
serait absurde. Si ce récit est véridique, alors il faut croire que, soudain, le Christ s’est dématérialisé,
disparaissant à leurs regards.
J’en reviens aux plaies lumineuses. Les Annales catholiques sont plus générales528 :

Depuis sa résurrection, le corps de Notre Seigneur Jésus-Christ était entièrement transformé. Il
n’était plus sujet ni à la souffrance, ni à la mort. Il était devenu impassible et brillant de gloire.

Un corps « brillant » ? Cela relève davantage de l’énergie que de la chair matérielle.
D’ailleurs, voici comment un catéchiste du XIXe siècle décrivait le corps du Christ ressuscité529 :

Doué d’une subtilité extrême […] il se fait voir ou rendre invisible à son gré ; avec une agilité
inconcevable et aussi rapide que la pensée, il parcourt les plus longs espaces ; en un mot, sa chair
est en quelque sorte spiritualisée et toute divine […].

Or, Dieu étant un « pur esprit [qui] ne peut avoir aucun trait de ressemblance avec une
substance matérielle »530, une chair « toute divine » est une contradiction. Ce n’est plus une chair, ce
serait une pure énergie. Voilà pourquoi l’auteur affirme que ce Jésus fantomatique aurait pu se
déplacer aussi vite que la pensée. Un article paru 75 ans plus tard dans bulletin paroissial le
confirme531 :

Le corps de Jésus ressuscité était doué aussi d’agilité. On s’en rend compte par la lecture de
l’Évangile. Pendant les Quarante jours, Jésus est ici, et Il est là, au même moment, comme dans
l’Eucharistie. Il parlait, à la même heure, et aux apôtres et aux saintes femmes. A la fin du repas,
qu’il prit avec les disciples d’Emmaüs, tout à coup son corps s’évanouit devant leurs yeux, comme
une fumée, et ils ne le virent plus. Il en sera ainsi de nos corps, après la résurrection. Ils
traverseront l’étendue, avec la rapidité de la pensée.
527 : « Ce qui rehaussait surtout son éclat, c’étaient les glorieuses cicatrices qui brillaient à ses mains, à ses pieds et à
son côté, comme autant de foyers de lumières » (Hippolyte Noël, Nouvelle explication du catéchisme…, déjà cité,
t. 1, p. 423).
528 « Le Rosaire. La Résurrection », publié dans Les Annales catholiques, revue religieuse hebdomadaire de l’Église,
24 octobre 1896, p. 501 et s. L’extrait cité figure p. 505.
529 Hippolyte Noël, Nouvelle explication du catéchisme…, déjà cité, t. 1, p. 423.
530 Ibid., p. 184.
531 L. Picard, « La Toussaint et la pesée du ciel » paru dans la Semaine religieuse du diocèse de Lyon, 26 octobre 1923,
p. 337-339 . L’extrait cité figure, p. 339.

145
Pourquoi je ne suis plus catholique

Un corps non seulement qui se déplace à la vitesse de la pensée, mais qui apparaît en
plusieurs endroits à la fois ! Oui, vraiment, nous pénétrons dans le domaine de la physique
quantique. Et c’est ce qu’il faut à Luc pour son évangile. Car après avoir disparu aux yeux des deux
disciples, Jésus apparaît soudainement aux apôtres. Aux verset 36 et 37 du vingt-quatrième chapitre,
Luc écrit : « Comme [les apôtres] en parlaient encore, [Jésus] lui-même fut présent au milieu
d’eux, et leur dit : “La paix soit avec vous !” Saisis de frayeur et de crainte, ils croyaient voir un
esprit. » C’est clair : après s’être évaporé face à deux disciples, Jésus se matérialise soudainement au
milieux d’autres.

12°) Corps physique de Jésus : le témoignage de Luc a-t-il été modifié ?

a) Une réaction peu vraisemblable du Christ

D’où leur frayeur très compréhensible. Mais Jésus ne comprend pas 532 : « Jésus leur dit :
Pourquoi êtes-vous bouleversés ? Et pourquoi ces pensées qui surgissent dans votre cœur ? »
Pardon Jésus ! mais voilà quelques heures, vous étiez réputé mort et enterré. De plus, comme
vous savez tout, vous devez savoir que les apôtres ne croient guère en votre résurrection (sauf peut-
être Pierre et Jean) ; lorsque les femmes revenues du cimetière leur ont parlé, ils les ont traitées de
visionnaires. Bref, les apôtres ont une foi chancelante. Et vous vous étonnez de leur frayeur quand
vous apparaissez soudain au milieu d’eux ?
C’est évident, la réaction de Christ est totalement inappropriée. Sachant tout et pénétrant les
pensées des hommes, jamais Il ne l’aurait eue. J’en déduis que, dans son évangile, Luc a inventé
cette scène.

b) La fonction évidente de la scène décrite par Luc

La suite le démontre et explique pourquoi. Jésus rassure ainsi les apôtres533 :

Voyez mes mains et mes pieds : c’est bien moi ! Touchez-moi, regardez : un esprit n’a pas de chair
ni d’os comme vous constatez que j’en ai. » Après cette parole, il leur montra ses mains et ses
pieds. Dans leur joie, ils n’osaient pas encore y croire, et restaient saisis d’étonnement. Jésus leur
dit : « Avez-vous ici quelque chose à manger ? » Ils lui présentèrent une part de poisson grillé
43 qu’il prit et mangea devant eux. Puis il leur déclara: « Voici les paroles que je vous ai dites
quand j’étais encore avec vous : Il faut que s’accomplisse tout ce qui a été écrit à mon sujet dans la
loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes. » Alors il ouvrit leur intelligence à la compréhension
des Écritures […] Puis Jésus les emmena au dehors, jusque vers Béthanie ; et, levant les mains, il
les bénit. Or, tandis qu’il les bénissait, il se sépara d’eux et il était emporté au ciel.

Ce passage de l’évangile selon saint Luc a une fonction évidente : montrer qu’après la
résurrection, le corps du Christ était un corps de chair. Voilà pourquoi un commentaire de l’évangile
enseigne534 :

Ressusciter, c’est redevenir vivant. Au jour marqué, l’âme bienheureuse de Jésus-Christ retourna
triomphante des limbes, et se réunit miraculeusement à son corps, lui rendit la vie […] et remit
dans ses veines le sang qu’il avait perdu dans le cours de sa passion.

Si le corps de Jésus ressuscité a besoin de sang, alors on en déduit qu’il s’agit effectivement
d’un corps naturel. Dans l’évangile selon saint Luc, Jésus a donc mangé parce que de manière
532 Lc., XXIV, 38.
533 Lc., XXIV, 39-45 ; 50-51.
534 Hippolyte Noël, Nouvelle explication du catéchisme…, déjà cité, t. 1, p. 422.

146
J’invite les catholiques à débattre

générale, il a besoin de manger afin d’apporter au sang les nutriments nécessaires. Cela signifie que
son corps est soumis aux lois de la nature.

c) Un récit qui m’apparaît source de difficultés inextricables

Mais alors, tout ce qui a été dit plus haut sur les caractéristiques de son corps ressuscité
s’effondre. Afin de surmonter la difficulté, l’Église affirme que si Jésus a mangé devant ses apôtres,
c’était pour les rassurer, pas par besoin. Le Père Didon commente la scène rapportée par saint Luc
dans son évangile535 :
Ainsi, c’est un corps vivant et organique que le corps de Jésus ressuscité. Il n’y a pas dans cette
scène une vaine fantasmagorie, tout est réel. La manducation est effective, bien qu’elle n’ait pas à
servir à la nutrition de celui qui désormais est affranchi des lois de la nature animale.

La difficulté est donc surmontée. Mais une autre surgit immédiatement, bien mise en lumière
par Alfred Loisy536 : « si le Christ ne mange que pour la forme, son acte fait illusion aux témoins ».
Or, Jésus a toujours repoussé ce genre d’artifice. On m’objectera que face à la frayeur des apôtres, il
n’avait pas le choix. La lecture du passage de l’évangile selon saint Luc démontre le contraire :
1°) Tout d’abord, les apôtres sont affolés. Il leur montre alors son corps, ses plaies, et leur
demande de le toucher pour s’assurer qu’il n’est pas un fantôme.
2°) Les apôtres se calment. La frayeur les quitte, mais ils restent « saisis d’étonnement ». Jésus
mange alors devant eux.
3°) Immédiatement après, il leur explique ce qui devait se passer et ouvre « leur intelligence à
la compréhension des Écritures ».
De façon évidente, la deuxième étape était inutile. Les apôtres s’étant calmés, Jésus pouvait
tranquillement ouvrir leur intelligence. Ils auraient alors compris ce qu’était la résurrection sans qu’il
eût été besoin de les illusionner, un procédé radicalement contraire aux habitudes du Christ.
Voilà pourquoi j’affirme que ce passage a été inventé et ajouté plus tard à l’évangile selon saint
Luc.

d) Le témoignage de Luc est-il fiable ?

Certains ne pourront admettre le fait. Ma réponse sera simple : dans son évangile, Jésus
apparaît aux disciples puis monte au ciel dans la même journée. Or, voici ce que ce Luc — toujours
lui — écrit au premier chapitre des Actes des Apôtres (v. 3)537 :
C’est à eux [= aux disciples] qu’il [= Jésus] s’est présenté vivant après sa Passion ; il leur en a
donné bien des preuves, puisque, pendant quarante jours, il leur est apparu et leur a parlé du
royaume de Dieu.

Une journée d’un côté, quarante jours de l’autre. La contradiction est aveuglante. Le
témoignage de Luc est donc très suspect. De façon évidente, il a été trafiqué. Dans quel but ?
Précisément afin de convaincre qu’après la résurrection, le corps du Christ pouvait aussi se
matérialiser.

535 Père Henri Didon, Jésus-Christ (Paris : Plon, 1891), p. 801.
536 Alfred Loisy, Les Évangiles Synoptiques (auto-édité, 1908), tome II, p. 772.
537 Si l’on en croît l’Église, Luc est également l’auteur du livre des Actes des Apôtres. Le début des deux récits
confirment (voy. Lc., I, 3 et Actes, I, 1), la continuité entre les deux également : « Luc et les Actes forment un récit
continu ; aussi leur marche est-elle singulièrement analogue » (voy. Frédéric Godet, Commentaire sur l’évangile de
saint Luc, déjà cité, p. 66).

147
Pourquoi je ne suis plus catholique

13°) L’évangile de Jean a-t-il été modifié pour la même raison

a) Un récit primitif qui présentait un corps éthéré

L’évangile selon saint Jean confirme. Sachant que le vingt-et-unième chapitre a été ajouté
postérieurement, je m’en tiendrai au vingtième chapitre. Jean écrit :

19 Le soir venu, en ce premier jour de la semaine, alors que les portes du lieu où se trouvaient les
disciples étaient verrouillées par crainte des Juifs, Jésus vint, et il était là au milieu d’eux. Il leur
dit : « La paix soit avec vous ! »
20 Après cette parole, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie en
voyant le Seigneur.
21 Jésus leur dit de nouveau : « La paix soit avec vous ! De même que le Père m’a envoyé, moi
aussi, je vous envoie. »
22 Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et il leur dit : « Recevez l’Esprit Saint.
23 À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront
maintenus. »

L’auteur insiste sur le fait que malgré les portes verrouillées, Jésus vint et se trouva présent au
milieu d’eux. Dans son commentaire de l’évangile, le R.P. Lagrange écrit538 :
Ce détail [les portes verrouillées] est mentionné pour montrer que Jésus entra d’une façon
surnaturelle. Il n’en usait point ainsi de son vivant : c’est donc que son corps ressuscité a acquis des
propriétés surnaturelles, qui lui sont pour ainsi dire naturelles.

Je partage cette analyse approuvée par l’Église ; elle confirme que le Christ avait un corps
éthéré. Pourtant, me dira-t-on, le Christ montre ses plaies. Certes, mais notez qu’il dit deux fois :
« La paix soit avec vous ». Le verset 20, dans lequel Jésus montre ses plaies, est appelé
« surcharge » par les exégètes. Il a été ajouté plus tard, à une époque où on ne songeait guère à
cacher ce genre d’altération. Au départ, l’évangile selon saint Jean ne le comprenait pas.
Mais alors, me dira-t-on, cet évangile prouve qu’après sa résurrection, le Christ avait un corps
éthéré. Pour l’instant, oui. Et je pense que dans sa forme initiale, il en était ainsi. Mais ce n’est pas
fini, car comme dans Luc, vient l’altération majeure. En voici la preuve.

b) L’évangile selon saint Jean me semble avoir été altéré
Si on le compare aux autres évangiles, le texte de Jean devrait s’achever avec le verset 23 ; car
les versets 21-23 racontent les derniers instants de la mission terrestre du Christ, jusqu’au moment
de l’Ascension. Mais chez Jean, ce qui devrait être le dernier verset est incomplet : Jésus ne monte
pas au ciel. A la place, la narration reprend :

24 Or, l’un des Douze, Thomas, appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau), n’était pas avec eux quand
Jésus était venu.
25 Les autres disciples lui disaient : « Nous avons vu le Seigneur ! » Mais il leur déclara : « Si je ne
vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous,
si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! »
26 Huit jours plus tard, les disciples se trouvaient de nouveau dans la maison, et Thomas était avec
eux. Jésus vient, alors que les portes étaient verrouillées, et il était là au milieu d’eux. Il dit : « La
paix soit avec vous ! »
27 Puis il dit à Thomas : « Avance ton doigt ici, et vois mes mains ; avance ta main, et mets-la dans
mon côté : cesse d’être incrédule, sois croyant. »

538 Père Marie-Joseph Lagrange, Évangile selon Saint Jean, déjà cité, p. 513.

148
J’invite les catholiques à débattre

28 Alors Thomas lui dit : « Mon Seigneur et mon Dieu ! »
29 Jésus lui dit : « Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu. »
30 Il y a encore beaucoup d’autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont
pas écrits dans ce livre.

Un commentateur catholique de l’évangile constate 539 : « Cet épisode est, dans son entier, une
particularité de S. Jean ». C’est exact, mais l’auteur n’en tire aucune conclusion. Or, le passage est
capital, car on y trouve cet enseignement primordial donné par Jésus et que l’Église ne cesse de
répéter : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu. » Il est donc inconcevable que ni Matthieu, ni
Marc, ni Luc n’aient rapporté cet épisode. S’il ne figure pas dans les autres évangiles, c’est parce
qu’il s’agit d’une histoire inventée, ajoutée plus tard en raison de circonstances particulières.
Pour s’en convaincre, deux éléments sont à prendre en considération : l’histoire en elle-même
et les raisons de son ajout.

c) Une histoire qui m’apparaît totalement incohérente

L’histoire en elle-même : pour l’introduire — car il fallait bien trouver un moyen —, le
rédacteur raconte que Thomas n’était pas là au moment où les autres reçurent l’Esprit-Saint. Mais de
son côté, Luc raconte qu’une fois revenus à Jérusalem, les deux disciples qui avaient reconnu le
Seigneur « trouvèrent réunis les onze Apôtres »540. Sachant qu’après la mort de Judas et avant
l’élection de Matthias pour le remplacer, les disciples étaient onze, on en déduit que Thomas se
trouvait parmi eux ! Saint Marc confirme ; il écrit541 : « [Les deux disciples] revinrent l’annoncer
aux autres, qui ne les crurent pas non plus. Enfin, [Jésus] se manifesta aux Onze eux-mêmes
pendant qu’ils étaient à table ». D’après Jean, donc, Thomas était absent. D’après Luc et Marc, il
était avec les autres. Ayant constaté cette contradiction flagrante, saint Augustin tente deux
explications542 :

on peut d’abord répondre que malgré cette précision du nombre onze, on peut admettre l’absence de
saint Thomas, parce que ce nombre était alors la dénomination reçue pour désigner le collège
apostolique, avant l’élection de saint Matthias en remplacement de Judas. Si cette interprétation
parait forcée, regardons cette apparition dont parle saint Marc comme ayant eu lieu, après une
multitude d’autres, le quarantième jour qui suivit la résurrection.

Or, les textes de Luc et de Marc étaient très clair : le Christ serait apparu le jour même de sa
résurrection, aux onze apôtres réunis. Les échappatoires imaginées par saint Augustin étaient si
faibles que trois siècles plus tard, Saint Bède n’osa les reprendre. Ayant bien vu, lui aussi, la
contradiction, il écrivit543 : « Cette difficulté s’explique en admettant qu’il y eut un intervalle pendant
lequel Thomas sortit pour un instant, et que ce fut alors que Jésus se présenta au milieu de ses
disciples. ». Jésus serait donc arrivé alors que Thomas s’était éclipsé. Admettons. Mais Luc ajoute
que lors de sa venue, le Christ « ouvrit leur intelligence à la compréhension des Écritures »544.
L’objet de sa visite était donc très important, je dirais même capital. Par conséquent, attendit-Il que
Thomas revienne ? Non, car huit jours après, l’absent doutait encore de la résurrection de Jésus. Il
faudrait donc croire qu’au moment où Jésus apparut pour la première fois, personne ne se soucia de
Thomas et du fait qu’il ne bénéficierait pas de la « compréhension des Écritures ».
539 Abbé Louis-Claude Fillion, La Sainte Bible. Évangile selon S. Jean (Paris : P. Lethielleux, 1887), p. 372, col. B.
540 Lc., XXIV, 33.
541 Mc., XVI, 13-14.
542 Saint Augustin, De l’accord des Évangiles, chapitre XXV : « Apparitions de Jésus ressuscité » (en ligne :
https://www.bibliotheque-monastique.ch/bibliotheque/bibliotheque/saints/augustin/comecr2/accord.htm).
543 Cité par La chaîne d’or…, déjà cité, tome VIII, p. 465.
544 Lc., XXIV, 45.

149
Pourquoi je ne suis plus catholique

C’est d’autant plus incroyable que saint Bède n’ose pas prétendre en une absence prolongée de
Thomas. Car il va de soi qu’après la mort de Jésus, ces derniers restaient ensemble par peur des
Juifs et pour se soutenir mutuellement 545 : « On redoutait les Juifs, et les portes de la maison où les
disciples se trouvaient réunis étaient fermées ». Voilà pourquoi saint Bède affirme que Thomas
sortit « un instant », au moment où Jésus vint. Or, saint Luc affirme qu’avant d’ouvrir l’intelligence
des apôtres, le Christ « mangea devant eux »546. Même frugal, ce repas dura certainement plus
d’ « un instant ». Par conséquent, Thomas aurait eu le temps de revenir. Et même en admettant le
contraire, comment croire qu’après avoir eu l’intelligence ouverte, aucun des apôtres n’ait signalé à
Jésus qu’un des leurs manquait ? Le Christ aurait alors dû répondre qu’Il avait un plan pour lui et
disparaître rapidement avant qu’il ne revienne. Or, dans son évangile, Luc ne dit rien de tout cela : il
ne mentionne ni l’absence de Thomas, ni ce que Jésus aurait dû dire, ni l’événement survenu huit
jour plus tard, avec un Thomas toujours incrédule mains finalement convaincu. Si bien que la
contradiction avec Jean est manifeste, inexplicable. Mais on nous dit que Dieu a voulu des
évangiles concordants !

En désespoir de cause, l’auteur de la Synopse des quatre évangiles écrit547 : « Thomas, ou bien
n’a pas répondu à la convocation des autres, ou bien, nettement incrédule, aura fini par rentrer
chez lui ». L’ennui est que d’après l’évangile selon saint Jean, Thomas était présent lors de la
résurrection de Lazare, car il accompagnait alors le Christ qui revenait en Judée 548. De plus, Jésus
avait dit549 : « Lazare est mort, et je me réjouis de n’avoir pas été là, à cause de vous, pour que vous
croyiez. Mais allons auprès de lui ! » Le miracle éclatant de la résurrection de Lazare serait donc
opéré aussi pour donner la foi aux apôtres : foi en Jésus et en sa toute puissance. Par conséquent,
l’incrédulité de Thomas est inexplicable. Pour en sortir, les auteurs d’une Nouvelle histoire de la vie
des saints prétendent que Thomas eut un « doute apparent, pour rendre plus indubitable la vérité de
sa résurrection »550. L’histoire est grotesque. Si Jésus voulait « rendre plus indubitable la vérité de
sa résurrection », il n’avait qu’à apparaître en public. Mais passons… Cette invention des auteurs
pour tenter — en vain — de rendre l’histoire vraisemblable démontre qu’en effet, l’incrédulité de
Thomas était inexplicable ; il fallait donc lui trouver une cause divine. Elle dévoile en outre la
raison de l’ajout : « prouver » la résurrection physique du Christ. Considérons de plus près la
question.
d) Un ajout rendu nécessaire pour combattre le docétisme

Pourquoi cet ajout, et pourquoi chez Jean ? Alfred Loisy répond551 :

l’apparition à Thomas est secondaire, et elle est due à un rédacteur particulièrement soucieux de
montrer la réalité de la résurrection corporelle. On admet volontiers qu’il avait en vue les docètes,
les gnostiques d’après lesquels le Christ […] n’aurait eu qu’une apparence d’humanité.
545 Père Henri Didon, Jésus-Christ, déjà cité, p. 800.
546 Lc., XXIV, 43.
547 Révérend père Ceslas Lavergne, Synopse des Quatre évangiles en français… , déjà cité, p. 48, fin de la note 32.
548 Jn., XI, 7, 8 et 16.
549 Jn., XI, 14-15
550 « Après la glorieuse résurrection de Jésus-Christ, ce Dieu sauveur apparut à ses disciples, et permit que saint
Thomas fût pour lors absent. Ils lui dirent à son retour : Nous avons vu notre maître. Il répondit : Je ne le croirai
point que je n’aie vu et touché ses plaies. Notre-Seigneur, qui avait permis ce doute apparent, pour rendre plus
indubitable la vérité de sa résurrection, se trouva huit jours après dans la salle où ils étaient tous assemblés, et il
dit à Thomas : Voyez et touchez mes plaies. Aussitôt il s’écrie : Vous êtes mon Seigneur et mon Dieu . Et avec quel
zèle n’a-t-il point rendu, jusqu’à la fin de sa vie, ce glorieux témoignage à son maître ? » (Légende céleste. Nouvelle
histoire de la vie des saints avec la vie de notre seigneur Jésus-Christ, celle de la Sainte Vierge [Paris : J.-
B. Herman et Cie, 1846], p. 242).
551 Alfred Loisy, Les livres du Nouveau Testament, déjà cité, p. 628.

150
J’invite les catholiques à débattre

Cette analyse est exacte : déjà, notez qu’au moment où Thomas voit enfin le Seigneur, il n’est
nullement question de lui infuser l’Esprit-Saint. Si l’on s’en tient au récit, le disciple ne reçoit rien.
J’y vois la preuve que cet ajout avait un autre but : il s’agissait d’insister sur le corps matériel du
Christ. « Tu ne me crois pas ressuscité Thomas ? Alors touche mon corps de chair ! Tu vois, j’ai un
corps de chair… »
Pourquoi cette insistance ? Parce que d’après la tradition, saint Jean eut à combattre Cérinthe.
Or, Cérinthe était un partisan du docétisme, une doctrine selon laquelle Jésus n’aurait eu qu’un…
corps apparent — soit pendant toute sa vie, soit au moment d’être crucifié 552. Parmi les rares
documents qui nous sont parvenus figurent les Actes de Jean. Ils racontent qu’au moment de la
crucifixion, Jean se cache dans une grotte pour voir l’événement de loin. Le Christ lui apparaît alors,
sous la forme immatérielle d’une lumière dont émane une voix. Il lui dit notamment 553 :

Je ne suis pas non plus celui qui est sur la croix, moi que maintenant tu ne vois pas, mais dont tu
entends seulement la voix. J’ai été considéré pour ce que je ne suis pas, n’étant pas ce que je suis
pour la multitude ; bien plus, ce qu’ils diront à mon sujet est vil et indigne de moi. En effet, puisque
le lieu du repos ne peut être ni vu ni décrit, à bien plus forte raison, moi qui suis le Seigneur de ce
lieu, je ne pourrai être ni vu [ni décrit].

Des traces du docétisme remontent à la fin du premier siècle, c’est-à-dire quelques décennies
seulement après la mort du Christ554. On en déduit que cette doctrine apparut très tôt après la
crucifixion et qu’elle se connut un succès suffisant pour devoir être combattue en complétant après
coup un évangile.
L’existence et la propagation du docétisme démontrent qu’après sa mort, le Christ ne fit
aucune apparition physique, sans quoi cette doctrine n’aurait eu ni objet, ni succès.

14°) Corps du Christ éthéré : le témoignage de Saul

Deux documents le confirment. Le livre des Actes des Apôtres décrit ainsi la conversion de
Saul — qui prendra plus tard le nom de Paul, devenu saint Paul555 :

Comme [Saul] était en route et approchait de Damas, soudain une lumière venant du ciel
l’enveloppa de sa clarté. Il fut précipité à terre ; il entendit une voix qui lui disait : « Saul, Saul,
pourquoi me persécuter ? » Il demanda : « Qui es-tu, Seigneur ? » La voix répondit : « Je suis
Jésus, celui que tu persécutes. Relève-toi et entre dans la ville : on te dira ce que tu dois faire. » Ses
compagnons de route s’étaient arrêtés, muets de stupeur : ils entendaient la voix, mais ils ne
voyaient personne. Saul se releva de terre et, bien qu’il eût les yeux ouverts, il ne voyait rien. Ils le
prirent par la main pour le faire entrer à Damas.

Jésus est donc apparu en Saul sous la forme d’une lumière et d’une voix, sans que personne
n’ait pu voir un corps de chair. On retrouve ici — dans un écrit adopté par l’Église — une
description conforme au docétisme. Or, voici ce que saint Paul écrira dans sa première lettre aux
Corinthiens556 :

552 Pour ces informations, voy. Paul Lejay, « L’Évangile de Pierre », publié dans la Revue des Études grecques,
tome IV, n° 21, janvier-mars 1893, p. 76.
553 Actes de Jean, § 99. On trouve cet extrait dans Écrits apocryphes chrétiens (La Pléiade, 1997), p. 1005 et s.
554 Gregory J. Riley, « I Was Thought to Be What I am Not », publié par The Institute for Antiquity and Christianity,
The Clarement Graduate School, Occasional papers, n° 31, pp. 5-6. En ligne : https://archive.org/details/20200602-
occasional-papers-number-31/
555 Actes, IX, 3-8.
556 I Co., XV, 3-8.

151
Pourquoi je ne suis plus catholique

Avant tout, je vous ai transmis ceci, que j’ai moi-même reçu : le Christ est mort pour nos péchés
conformément aux Écritures, et il fut mis au tombeau ; il est ressuscité le troisième jour
conformément aux Écritures, il est apparu à Pierre, puis aux Douze ; ensuite il est apparu à plus de
cinq cents frères à la fois — la plupart sont encore vivants, et quelques-uns sont endormis dans la
mort —, ensuite il est apparu à Jacques, puis à tous les Apôtres. Et en tout dernier lieu, il est même
apparu à l’avorton que je suis.

Saint Paul n’établit aucune distinction entre l’apparition qu’il a vécue et les autres (quelles
qu’elles soient). Voilà pourquoi je suis persuadé qu’après sa mort, le Christ ne fut aucune apparition
physique.

Conclusion

On comprend alors la raison pour laquelle les premiers rédacteurs des évangiles ne firent pas
apparaître Jésus aux grands-prêtres juifs. Car ils auraient dû le faire surgir sous la forme d’un
fantôme, ce qui n’aurait impressionné personne. En effet, le Bible juive admettait l’existence des
revenants. Au Livre de la Sagesse ainsi, les ennemis d’Israël sont effrayés par des spectres
lugubres557 :

même le réduit où ils étaient enfermés ne les protégeait pas de la peur : des bruits fracassants
retentissaient tout autour, et des spectres sinistres à la face lugubre apparaissaient ; aucun feu, si
puissant soit-il, ne parvenait à produire de la lumière, et la lueur flamboyante des étoiles n’osait pas
éclairer cette nuit de cauchemar.

Par conséquent, les premiers rédacteurs des évangiles le savaient : si le fantôme de Jésus était
apparu aux grands-prêtres, ils l’auraient comparé à ces spectres lugubres. Pour les impressionner
davantage, le Christ aurait dû se montrer bien vivant. Mais dans les premiers temps, le Christ n’étant
pas apparu dans un corps de chair, l’idée ne leur est même pas venue.

Par la suite, les évangiles attribués à Jean et à Luc furent modifiés pour convaincre les fidèles
du contraire et, ainsi, combattre le docétisme. La modification la plus importante eut lieu chez Jean,
car c’est au sein de sa communauté que la vérité sur l’absence d’apparition physique s’était révélée
dans toute son intensité.

557 Sagesse, XVII, 4-5.

152
Conclusion

1°) La formation de l’Église : l’histoire d’une attente trompée dans la fin du monde

L’histoire du catholicisme, c’est l’histoire d’une attente trompée dans la fin du monde. En
1922, le prêtre excommunié Alfred Loisy écrivit558 :

la fin du monde ne venant pas, les communautés [chrétiennes] se recrutant et s’organisant, la
nouvelle religion se constituant définitivement en mystère de salut universel, on a dû pourvoir aux
besoins particuliers des communautés naissantes, adapter la doctrine aux conditions de la vie réelle,
trouver ou mettre dans l’enseignement évangélique tout ce qui convenait à l’édification commune,
faire une place à la vie de Jésus, et non seulement à sa mort, dans la légende du Christ, présenter
cette vie du Christ Sauveur eu telle façon qu’elle répondit aux exigences de la prophétie, qu’elle
convînt à la dignité du rédempteur, à la typologie du salut qu’elle avait réalisé, et que le fondateur
du christianisme pût lutter victorieusement avec tous les initiateurs religieux, ceux du lointain
passé, ceux des temps plus récents ou même du présent ; on a dû donner à l’Église, survenue à la
place du règne de Dieu, sa charte régulatrice, et quant à la croyance et quant à la discipline, le tout
sans rompre la perspective eschatologique du règne de Dieu, et plutôt en entretenant, en attisant, en
instruisant une attente toujours trompée, mais qui ne pouvait ni ne voulait s’avouer son illusion.
Tout ce travail de la pensée chrétienne continuait aussi bien à se rattacher aux Écritures, la foi
semblant ne vouloir prendre assurance que sur cette base, où elle avait plutôt son appareil de
défense ou de formulaire que son fondement réel.
Ainsi s’explique le développement de ce qu’on est accoutumé d’appeler la tradition évangélique.

2°) Jésus : la piste essénienne

Dans toute cette affaire, qui était Jésus ? A mes yeux, il s’agit d’un personnage historique réel,
fil de Joseph et de Marie. Était-il juif ? Je le pense. Que fit-il pendant les trente premières années de
sa vie, ou tout au moins pendant les années qui précédèrent sa vie publique ? Personnellement, je
privilégie la piste essénienne. Autrement dit, je pense que Jésus a intégré une communauté
essénienne. Pourquoi cette hypothèse ? Déjà parce que la famille de Jésus n’avait pu le préparer à sa
mission559. De plus, les découvertes archéologiques depuis un siècle n’ont jamais réfuté les éléments
qui soutiennent cette thèse. Au temps du Christ, les Esséniens formaient une secte juive qui vivait
retirée du monde et qui agrémentait le judaïsme originel d’autres courants de pensée. Dans le
« Dictionnaire des hérésies et des schismes », on lit à leur propos560 :

558 Alfred Loisy, Les livres du Nouveau Testament, déjà cité, p. 10.
559 « Sa famille était certainement pieuse ; mais l’étonnement qu’y provoqua son entrée en scène comme prédicateur de
l’Évangile montre que rien n’y avait été moins prévu ni préparé que cette vocation supérieure » (voy. Alfred Loisy,
Jésus et la tradition évangélique, déjà cité, p. 57).
560 Cité par l’Abbé Migne dans l’ Encyclopédie Théologique …, déjà cité, tome 11, « Dictionnaire des Hérésie, des
Schismes… », col. 83-84.

153
Pourquoi je ne suis plus catholique

Les esséniens cherchèrent apparemment parmi les sentiments des philosophes grecs, un système
qui expliquât l’immortalité de l’âme et sa spiritualité […] ; au moins il est certain par Philon et par
Josèphe, qu’ils croyaient que la substance de l’âme était ce qu’il y a de plus subtil dans l’éther et que
cette portion de l’éther attirée dans le corps par une espèce de charme naturel y était renfermée
comme dans une prison. La mort qui détruisait le corps, n’anéantissait donc point l’âme, comme les
sadducéens le disaient ; elle rompait ses chaînes, et brisait sa prison ; l’âme, dégagée de la matière,
prenait l’essor vers les cieux et jouissait de sa liberté naturelle.
De ces principes sur la nature de l’âme, les esséniens passèrent à la morale du stoïcisme : ils
jugèrent que tout ce qui flattait les sens, tout ce qui allumait les passions, augmentait la servitude de
l’âme […] Les esséniens s’éloignèrent donc des villes pour se garantir de la corruption qui y régnait
ordinairement, et qui se communiquait à ceux qui les habitaient, comme les maladies se
communiquent à ceux qui respirent un air infecté ; ils se réunirent, et formèrent une société
particulière ils n’amassaient ni or ni argent ils ne voulaient que le nécessaire, et vivaient du travail
de leurs mains.
Ils s’appliquaient beaucoup à la morale et leurs préceptes se rapportaient tous à l’amour de Dieu, de
la vertu et du prochain ; ils donnaient, dit Philon une infinité de preuves de leur amour de Dieu ; ils
gardaient une chasteté constante et inaltérable dans toute leur vie ; jamais ils ne juraient, jamais ils
ne mentaient ; ils attribuaient à Dieu tout ce qui était bon, et ne le faisaient jamais auteur du mal. Ils
faisaient voir leur amour pour la vertu dans leur désintéressement, dans leur éloignement pour la
gloire et pour l’ambition, dans leur renoncement aux plaisirs, par leur patience et par leur simplicité,
par leur facilité à se contenter, par leur modestie, par leur respect pour les lois par la stabilité de
leur âme, etc ; enfin, ils montraient leur amour pour le prochain par leur charité, par leur conduite
égale envers tous, par la communauté de leurs biens, par leur humanité. Selon les esséniens, la
nature comme une commune mère, produisait et nourrissait tous les hommes de la même manière
et les avait fait véritablement tous frères : la concupiscence avait détruit cette parenté et les
esséniens prétendaient la rétablir.
Les esséniens se répandirent dans la Palestine et formèrent différentes confréries entre lesquelles
tout était commun […] Tous attendaient la mort, comme un prisonnier attend sa liberté.
Les esséniens de Palestine croyaient qu’après que les liens de la chair seraient rompus, leur âme
prendrait l’essor vers les cieux, et trouverait un séjour où il n’y aurait ni pluie ni neige, ni chaleurs
incommodes, mais un vent agréable qui les rafraîchirait continuellement tandis que celles des
méchants seraient précipitées dans un lieu profond et ténébreux, où elles seraient exposées à toutes
les injures d’un hiver continuel et rempli de peines qui ne sont jamais interrompues par aucun bon
intervalle.

On soulignera ici — ce que de nombreux auteurs on fait — les similitudes entre la doctrine du
Christ et celle des Esséniens. Cet autre texte, publié en 1892 par le Journal des Savants, confirme et
précise561 :
Quant à l’organisation spirituelle, la ressemblance de l’essénisme et du monachisme chrétien était
très grande. Les supérieurs (épimélètes) obtenaient de leurs subordonnés une obéissance absolue. Il
y avait un noviciat, un premier temps d’épreuves d’un an ; puis deux années encore de probation. A
l’entrée définitive dans l’association, on prêtait serment de ne pas révéler les secrets de l’ordre et, au
contraire, de n’avoir rien de caché pour les affiliés.
Tous les membres de la congrégation s’appelaient frères. On n’admettait dans l’ordre que des
hommes faits ; mais on prenait des enfants pour les former aux habitudes que la règle supposait. La
seule peine était l’exclusion, prononcée par un tribunal de cent membres. Mais l’exclusion entraînait
la mort presque certainement, comme cela arrive dans les communautés religieuses de l’Orient. Le
costume était celui de tout le monde, mais absolument blanc.
Tous les biens étaient en commun. Ceux qui entraient dans l’ordre donnaient leur fortune à la
communauté ; les confrères ne vendaient ni n’achetaient entre eux ; tout se faisait par échange ou
par don gratuit.

561 P. E. Lugius, « L’essénisme », publié dans le Journal des Savants, février 1892, p. 83 et s. L’extrait cité figure p. 86.

154
J’invite les catholiques à débattre

Les intérêts communs étaient confiés à des économes éprouvés. Les vêtements mêmes
appartenaient à la communauté. Quand un frère était malade, il était soigné aux frais de tous les
vieillards, entourés par les jeunes gens, semblaient des pères au milieu d’excellents fils. Les
aumônes se faisaient de la caisse commune. Dans chaque ville, un frère était chargé de l’hospitalité
envers les frères.
La règle de chaque jour était rigoureusement fixée : au lever du soleil, une prière ; puis les
solitaires étaient envoyés à leur travail par les supérieurs ; puis ils se réunissaient pour les
ablutions ; puis avait lieu le repas du milieu du jour ; puis de nouvelles heures de travail ; puis le
repas du soir. L’agriculture était la principale occupation de la secte ; certains métiers étaient
pratiqués ; le commerce était absolument interdit, comme impliquant amour du lucre et désir de
nuire à son prochain. Il n’y avait pas d’esclaves dans l’ordre. On ne prêtait jamais aucun serment.

Dans ce passage, une information mérite d’être relevée : l’Essénien « prêtait serment de ne pas
révéler les secrets de l’ordre ». Or, trois ans auparavant, dans un ouvrage consacré aux grands initiés
de l’Histoire, Édouard Souché avait écrit562 :

Les évangiles ont gardé un silence absolu sur les faits et gestes de Jésus avant sa rencontre avec
Jean-Baptiste, par lequel, selon eux, il prit en quelque sorte possession de son ministère.
Immédiatement après, il apparaît en Galilée avec une doctrine arrêtée, avec l’assurance d’un
prophète et la conscience du Messie. Mais il est évident que ce début hardi et prémédité fut précédé
d’un long développement et d’une véritable initiation. Il n’est pas moins certain que cette initiation
dut avoir lieu chez la seule association, qui conservât en Israël les véritables traditions avec le
genre de vie des prophètes […]. Cela ressort non seulement des rapports intimes entre la doctrine
de Jésus et celle des Esséniens, mais encore sur le silence même gardé par le Christ et les siens sur
cette secte. Pourquoi lui, qui attaque avec une liberté sans égale tous les partis religieux de son
temps, ne nomme-t-il jamais les Esséniens ? Pourquoi les apôtres et les évangélistes n’en parlent-ils
pas davantage ? Évidemment parce qu’ils considèrent les Esséniens comme étant des leurs, qu’ils
sont liés avec eux par le serment des Mystères, et que la secte s’est fondue avec celle des chrétiens.

Je pense qu’au sujet des apôtres et des évangiles, la dernière affirmation est erronée. D’après
mon analyse, l’histoire est la suivante : Jésus aurait intégré la secte des Esséniens et s’en serait
ensuite détaché (avant la fin de son noviciat ?) pour aller dans le monde afin d’y réformer le
judaïsme. Je suis donc d’accord avec Michel Nicolas qui écrit563 :

On peut […] nier de la manière la plus positive qu’elle [= la secte essénienne] ait exercé une
influence directe soit sur les origines du christianisme, soit sur les développements de la théologie
chrétienne, au Ier siècle.

3°) La rencontre capitale de Jésus avec Jean le Baptiste

En effet, ce ne sont pas les Esséniens qui auraient envoyé le Christ en mission ; il serait parti
de lui-même. D’autres auteurs émettent l’hypothèse que Jean-Baptiste était lui aussi un Essénien 564.
Car il vivait retiré dans le désert et prêchait une morale simple, qui se rapprochaient de celle de la
secte565 :

562 Édouard Schuré, Les grands initiés : esquisse de l’histoire secrète des religions : Rama, Krishna, Hermès, Moïse,
Orphée, Pythagore, Platon, Jésus (Librairie Académique Perrin, 1921 [1889]), p. 469-470.
563 Michel Nicolas, Des doctrines religieuses des Juifs pendant les deux siècles antérieurs à l’ère chrétienne, déjà cité,
p. 107.
564 Voir, par exemple, Hermann Ewerbeck, Qu’est-ce que la Bible d’après la nouvelle philosophie allemande ? (Paris :
Ladrange, 1850). p. 432 : « Joannès le Baptiste était peut-être essénien ».
565 Lc., III, 10-14.

155
Pourquoi je ne suis plus catholique

10 Les foules lui demandaient : « Que devons-nous donc faire ? »
11 Jean leur répondait : « Celui qui a deux vêtements, qu’il partage avec celui qui n’en a pas ; et
celui qui a de quoi manger, qu’il fasse de même ! »
12 Des publicains (c’est-à-dire des collecteurs d’impôts) vinrent aussi pour être baptisés ; ils lui
dirent : « Maître, que devons-nous faire ? »
13 Il leur répondit : « N’exigez rien de plus que ce qui vous est fixé. »
14 Des soldats lui demandèrent à leur tour : « Et nous, que devons-nous faire ? » Il leur répondit :
« Ne faites violence à personne, n’accusez personne à tort ; et contentez-vous de votre solde. »

Toutefois, un historien bibliste maintient que c’est insuffisant pour conclure566 :

Dire qu’il n’existait que trois mouvements au sein du judaïsme [les Pharisiens, les Sadducéens et
les Essénien] est une simplification quelque peu excessive. Flavius Josèphe lui-même nous apprend
qu’il existait d’autres mouvements juifs plus modestes, aux côtés de ces trois courants majeurs.
Flavius Josèphe, encore lui, indique qu’au sein même de l’essénisme cohabitent différentes
branches, plus ou moins pacifistes, plus ou moins radicales. Certains esséniens abandonnent leurs
biens, puis partent vivre dans des communautés de célibataires à l’écart des villes, quand d’autres
se démarquent par leur entrain missionnaire. Tout cela nous permet de conclure que les descriptions
du mouvement essénien sont suffisamment larges pour permettre d’y intégrer Jean le Baptiste sans
difficulté. Mais ce n’est en rien une certitude : rien ne dit qu’il n’appartenait pas à un autre
mouvement moins important.

En revanche, un fait semble établi ; Jean-Baptiste annonçait la venue imminente du royaume
des Cieux avec le jugement dernier567 :

En ces jours-là, paraît Jean le Baptiste, qui proclame dans le désert de Judée : « Convertissez-vous,
car le royaume des Cieux est tout proche […] Déjà la cognée se trouve à la racine des arbres : tout
arbre qui ne produit pas de bons fruits va être coupé et jeté au feu».

Or, le bibliste déjà cité est formel568 : les Esséniens « croient en la fin des temps, qui sera
suivie selon eux d’un jugement et d’une résurrection pour les élus. Ils attendent la venue du
messie. » En conséquence, la rencontre de Jésus avec Jean-Baptiste fut certainement décisive.

Que s’est-il donc passé lors du baptême du Christ par Jean ? A mes yeux, aucun miracle n’a eu
lieu. Mais je suis persuadé que Jésus se joint à Jean pour remplir la même mission : encourager les
gens à la pénitence et à changer de vie pour se préparer à la venue imminente du royaume des
Cieux. Plusieurs élément l’attestent :

1°) Jésus s’adressait avant tout aux pécheurs 569 : « Je ne suis pas venu appeler des justes, dit-
il, mais des pécheurs ».
2°) Jean prêchait un baptême de pénitence ; après l’avoir rencontré, Jésus baptisa lui aussi 570 :
« Jésus se rendit en Judée, ainsi que ses disciples ; il y séjourna avec eux, et il baptisait ». Il
s’agissait, bien évidemment, d’un baptême semblable. L’auteur du Synopse des quatre évangiles écrit
que le groupe de Jésus avait « organisé des baptêmes semblables à ceux de Jean »571.
566 Michel Langlois dans « Le mystère des esséniens : Jésus était-il essénien ? » Publié par le site Réforme (en ligne :
https://www.reforme.net/religion/histoire/2020/06/04/le-mystere-des-esseniens-4-jesus-etait-il-essenien/).
567 Mt., III, 1-2 et 10
568 Michel Langlois dans « Le mystère des esséniens : qui étaient les esséniens ? », déjà cité.
569 Mc., II, 17 ; Lc., V, 32 ; Mt., IX, 13.
570 Jn., III, 22.
571 Révérend père Ceslas Lavergne, Synopse des Quatre évangiles en français… , déjà cité, p. 48, fin de la note 32.
Lorsque les disciples de Jean le questionnèrent sur Jésus qui baptisait, il leur répondit dans un style Johannique :

156
J’invite les catholiques à débattre

3°) Une fois Jean jeté en prison, Jésus commença à prêcher à sa place le même message 572 :
Quand Jésus apprit l’arrestation de Jean le Baptiste, il se retira en Galilée. Il quitta Nazareth et vint
habiter à Capharnaüm, ville située au bord de la mer de Galilée […] À partir de ce moment, Jésus
commença à proclamer : « Convertissez-vous, car le royaume des Cieux est tout proche. »

A mes yeux, tout montre que Jésus marcha à la suite de Jean le Baptiste.
Si l’on en croit Marc et Luc, Jésus fut assez rapidement reconnu comme étant le Messie. Les
deux évangélistes affirment que le premier à le proclamer tel fut… un démon. Mais Jésus lui
ordonna de se taire573. Pourquoi, par la suite, le Christ chercha-t-il à le cacher au peuple ? Avec
d’autres, David Strauss répond574 :
Jésus craignait […] que la publicité de toute action ou parole qui semblait le désigner comme le
Messie ne ranimât les espérances charnelles que ses contemporains avaient conçues du Messie,
espérances que sa vie était destinée à transporter dans un domaine plus spirituel.

Persuadé — nous l’avons vu — que la venue du royaume de Cieux était imminente, plutôt que
de se présenter comme le Messie triomphant, Jésus appela le peuple à se réformer. Tel fut l’objet de
son Sermon sur la Montagne et de ses multiples enseignements. A-t-il, dans le même temps,
dispensé un savoir plus caché à certains ? C’est possible575.

4°) Le christianisme vient remplacer le paganisme entré en décadence

Quoi qu’il en soit, l’aventure connut une première première fin tragique avec sa mort sur la
Croix et la dispersion des disciples. Par la suite, toutefois, Jésus a pu leur apparaître. Simples
visions ? Égrégore comme on peut en constater dans d’autres circonstances ? Esprit réel du Christ
avec son corps éthérique qui, en s’échappant, laissa une image sur le suaire ? Je l’ignore, mais
qu’importe. Car vraies ou fausses, dans une époque de frénésie messianique, ces apparitions
contribuèrent à l’éclosion de multiples groupes qui se revendiquaient de Christ. Ils bénéficièrent de
la décadence du paganisme grec et romain. Le phénomène n’était pas nouveau576 :

Quatre cents ans avant la naissance de Jésus-Christ, la Grèce commençait à prendre rapidement
l’avance sur son ancienne théologie. Ses philosophes, qui avaient étudié la nature, étaient déjà
profondément frappés du contraste entre la majesté de ses opérations et la misère des dieux de
l’Olympe. Ses historiens, qui avaient contemplé le cours régulier des affaires humaines, la
permanence de l’action de l’homme, et qui voyaient qu’aucun événement ne se produisait sous leurs
yeux sans qu’il ne fût aisé d’en découvrir la cause dans quelque événement antérieur, avaient

« Celui qui vient d’en haut est au-dessus de tous. Celui qui est de la terre est terrestre, et il parle de façon terrestre.
Celui qui vient du ciel est au-dessus de tous, il témoigne de ce qu’il a vu et entendu, et personne ne reçoit son
témoignage. Mais celui qui reçoit son témoignage certifie par là que Dieu est vrai. En effet, celui que Dieu a
envoyé dit les paroles de Dieu, car Dieu lui donne l’Esprit sans mesure. Le Père aime le Fils et il a tout remis dans
sa main. Celui qui croit au Fils a la vie éternelle ; celui qui refuse de croire le Fils ne verra pas la vie, mais la
colère de Dieu demeure sur lui » (Jn., III, 31-36). Jean ne dit pas : « Son baptême est bien supérieur au mien, car il
remet les péchés ».
572 Mt., IV, 12-13, 17.
573 « il y avait dans la synagogue un homme possédé par l’esprit d’un démon impur, qui se mit à crier d’une voix
forte : “Ah ! que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ? Es-tu venu pour nous perdre ? Je sais qui tu es : tu es le Saint de
Dieu.” Jésus le menaça : “Silence ! Sors de cet homme.” Alors le démon projeta l’homme en plein milieu et sortit de
lui sans lui faire aucun mal. » (Lc., IV, 33-35. Voir aussi Mc., I, 23-26).
574 David Strauss, Vie de Jésus…, déjà cité, tome I, section 2, chapitre IV, § LXII, p. 512.
575 « Ne donnez pas aux chiens ce qui est sacré ; dit-il à ses disciples, ne jetez pas vos perles aux pourceaux, de peur
qu’ils ne les piétinent, puis se retournent pour vous déchirer. » (Mt., VII, 6).
576 John William Draper, Les conflits entre la science et la religion (Librairie Germer Baillière, 1875), p. 1-2.

157
Pourquoi je ne suis plus catholique

commencé à soupçonner que les miracles et les interventions célestes qui remplissaient les vieilles
annales pouvaient bien n’être que des fictions. Ils demandaient pourquoi les oracles étaient devenus
muets, les prodiges avaient cessé, et quand l’ère du surnaturel avait été close […]
Toutefois cela n’eut pas lieu sans résistance. D’abord, le peuple, et en particulier la partie pieuse du
peuple, signala les doutes qui s’élevaient comme une invasion de l’athéisme. Les coupables furent
privés de leurs biens, exilés, mis à mort. Le public demeura convaincu que des choses qui avaient
été crues par les esprits religieux de temps immémorial et qui avaient résisté à l’épreuve des siècles
ne pouvaient être que vraies. Puis, quand la preuve du contraire devint irréfragable, on se contenta
d’admettre que ces merveilles étaient des allégories sous lesquelles la sagesse des anciens avait
caché des vérités sacrées et mystérieuses. On essaya de réconcilier les dogmes, qu’on craignait
maintenant n’être autre chose que des mythes, avec le progrès intellectuel. Mais les efforts furent
vains car il y a des phases nécessaires par lesquelles l’opinion publique doit fatalement passer en
pareil cas. D’abord le doute se substitue à la vénération; puis, viennent les interprétations nouvelles;
puis, on tombe dans la dissidence; puis, enfin, on rejette comme de pures fables tout l’ensemble des
vieilles croyances.

A l’époque de la venue du Christ, le paganisme romain était, lui aussi, tombé en décadence 577 :
Le monopole du culte avait eu, à la longue, les effets de tout monopole : il avait engendré la
routine, la négligence et le renchérissement des services : en possession de richesses accumulées
par des siècles de domination et manquant du stimulant de la concurrence, le sacerdoce païen
s’occupait peu de la multitude, trop pauvre pour fournir aux Dieux un tribut et des offrandes d’une
valeur appréciable ; il se contentait volontiers de la clientèle des classes moyenne et supérieure.
Mais, dans ces classes, la minorité lettrée qui avait été à l’école des philosophes avait perdu sa foi
aux anciennes divinités et elle ne suivait plus guère les pratiques du culte établi que pour éviter les
pénalités légales et la réprobation des croyants. La majorité continuait à les suivre plutôt par
tradition et par habitude que par conviction […].
Tel était l’état du paganisme quand des juifs schismatiques, persécutés par le sacerdoce et les fidèles
du culte de l’État, se répandirent dans les autres contrées soumises à la domination romaine, que la
paix leur rendait maintenant accessibles. La nouvelle religion qu’ils apportaient avec eux possédait
sur les vieux cultes du paganisme une incontestable supériorité morale, elle avait en outre un
caractère et des avantages qui devaient la rendre particulièrement sympathique à la multitude.

Ce caractère avantageux, c’était la promesse d’une fin proche et d’un royaume des Cieux qui
récompenserait les pauvres, les humbles d’esprit, les affligés. Dans ce climat, les apocryphes
pullulèrent, colportant des enseignements très différents, des plus naïfs aux plus gnostiques. Les
Apocalypses les plus divers annonçaient cette fin imminente.
Le royaume des Cieux ne venant pas, beaucoup de ces groupes disparurent naturellement.
Parmi ceux qui subsistèrent, un prit le dessus et s’organisa en église. Non sans mal (voir la crise
arienne). Quatre évangiles furent choisis (après avoir été altérés pour les faire servir l’histoire et la
doctrine de structure triomphante), ainsi qu’un livre et quatorze épîtres. L’Église catholique avait
pris son essor. Pendant plus de mille ans, facteur d’ordre répondant aux nécessité du moment et aux
aspirations d’une grande partie des peuples, elle régna.

5°) Pendant des siècles, l’Église contribue à construire la civilisation d’Europe

En 1907, Henri Loriaux publié un très bon résumé de l’histoire de l’Église jusqu’au
XIXe siècle578 :
Au début du christianisme, l’Église se présenta comme la réponse aux aspirations religieuses qui,
de tous côtés, travaillaient l’humanité. Par l’élévation de sa morale et les bienfaits qu’elle apportait à
la société, elle conquit les âmes d’élite et fonda peu à peu, au milieu de sanglantes difficultés, une
577 Gustave de Molinaris, Religion (Paris : Guillaumin et Cie, 1892), p. 48-49.
578 Henri Loriaux, L’autorité des Évangiles…, déjà cité, p. 12-16.

158
J’invite les catholiques à débattre

religion dont le besoin se faisait sentir, aux lieu et place du paganisme décrépit.
On sait quel désordre accompagna et suivit le démembrement de l’Empire romain. Dans la cuve
immense où s’agitaient les éléments disparates d’un monde nouveau, le Christianisme fut comme un
principe de cristallisation.
Lorsque les peuples neufs eurent pris conscience d’eux-mêmes, l’Église fut un noyau de hiérarchie
pour la constitution et le développement des organismes qui venaient de se créer.
La science, qu’elle avait pu conserver au milieu de ces troubles de plusieurs siècles, lui permit de
projeter quelque lumière au milieu des ténèbres où s’agitèrent les neuvième, dixième et onzième
siècles.
Et lorsque le calme reparut forte de sa durée tranquille et des services rendus, l’Église étendit sur
toutes les régions de l’activité humaine sa puissance bienfaisante, féconde, et respectée. Les
sciences, les lettres, les arts, les métiers, l’intelligence et le travail, sous toutes leurs formes, étaient
tributaires de l’Église qui, en les guidant et les surveillant, poussait l’humanité dans la voie du
progrès.
Ainsi, pendant seize à dix-sept siècles, l’Église répondit, dans une mesure assez large, aux désirs et
aux aspirations toujours renouvelées de l’humanité, au moins en ce qui concerne la race blanche
elle fut pour les individus et les sociétés un principe de vie, de fécondité, d’avancement, de progrès.
Malgré les inévitables scories qu’il charriait dans ses eaux, le fleuve humain s’avançait conduit,
canalisé, dirigé par l’Église qui le poussait en avant.
Le résultat était la force incontestée de l’Église elle était un élément essentiel, on peut dire
indispensable, de force et de vie ; qu’aurait-on songé à lui demander davantage ? Sans doute, elle
fut sans cesse attaquée et combattue comme tout ce qui est robuste, elle dut pratiquer « la lutte pour
la vie » mais ses ennemis n’étaient pas dignes ou capables de la remplacer, et le monde [blanc] lui
répondait par les paroles, pleines de confiance soumise, des apôtres à Jésus : « A qui irions-nous ?
Vous avez les promesses de la vie éternelle ? »
Le Moyen Age fut l’apogée de l’Église qui, alors, donna au monde la satisfaction de ses aspirations
dans la prospérité et la grandeur.
Mais il arriva à l’Église ce qui arrive à ceux qui ont beaucoup travaillé et beaucoup souffert et qui
sont parvenus. Ils croient alors toutes les questions résolues, trouvent parfaite l’organisation qui leur
a valu le succès, et ne réclament plus que le repos dans les charmes de la tranquillité ; ne leur parlez
plus de progrès, d’évolution, de transformation : c’était bon autrefois, mais désormais, il n’y a plus
rien à changer, il n’y a plus qu’à conserver.
Or l’évolution est la loi de la vie : vita in motu, dit avec raison la scolastique, la vie est dans le
mouvement.
Sous prétexte que la Religion est utile à tout, l’Église prétendit qu’elle suffit à tout ; et, comme elle
se trouvait très bien lotie de l’état de plénitude heureuse auquel elle était parvenue, elle voulut vivre
de ses rentes et immobiliser le monde.
Peu à peu, et inconsciemment tout d’abord, le monde, comme un arbre plein de sève, distendit le
cercle de fer dans lequel on avait prétendu l’enfermer puis, sous la poussée de la vie, le cercle
s’élargit, se faussa, se couvrit de cassures de plus en plus nombreuses. Faut-il dire maintenant « N’y
touchez pas, il est brisé ? »
En fait, l’humanité s’émancipa sur les terrains où l’Église ne voulait plus porter sa laborieuse
activité lettres, sciences, arts, lois sociales et politiques, intelligence et travail échappèrent
successivement à son influence tout se laïcisa.
Le dix-neuvième siècle fut surtout un siècle de progrès par les sciences nouvelles qu’il créa, par les
débouchés inconnus qu’il ouvrit à l’activité humaine, par les acquisitions immenses dont il enrichit
le domaine des connaissances.

Telle est, je l’affirme, la cause principale du déclin de l’Église. Une cause dont elle porte une
part de responsabilités.

159
Pourquoi je ne suis plus catholique

6°) Le conflit entre la Foi et les sciences

En 1902, dans son ouvrage La question biblique chez les catholiques de France au
XIX siècle, Albert Houtin constata579 :
e

A la fin du XIXe siècle, l’homme avait à peu près reconstitué l’histoire de sa planète, de sa faune, de
sa flore. Des pièces manquent encore dans ce chartrier nouvellement reformé. Elles se retrouveront
sans doute. Le classement, en se complétant, pourra changer, des interprétations se modifieront,
mais le sens en est nettement tracé et nombre de conceptions traditionnelles que l’apologétique s’est
acharnée à défendre comme capitales sont irrémédiablement condamnées.
Le clergé de France n’en avait point pour cela beaucoup modifié son enseignement, et peut-être
cette attitude est-elle grosse d’événements pour l’avenir. Par exemple, le gamin de Paris qui récitait
son catéchisme était tenu de dire que le monde a été créé quatre mille ans avant Jésus-Christ. Il
savait, par ce qu’il apprenait à l’école primaire, que ce n’est pas vrai. Ainsi dans le temps même où
l’on essayait de poser en son intelligence les fondements de la foi, on lui fournissait les données
capables de lui faire remarquer qu’elle était en conflit avec la science.

Un an avant Henri Loriaux, un autre auteur, Gabriel Séailles, avait expliqué avec raison 580 :

L’illusion est grande de croire que l’affaiblissement des croyances religieuses est un accident, qu’il
s’explique par la malfaisance des impies, par la corruption du siècle ; il tient à l’évolution même et
au progrès de la pensée moderne, il en est la conséquence nécessaire.
Quand l’Église s’est vue menacée par la Réforme, par la Renaissance, par l’esprit de libre examen et
par la science, après un premier moment de désarroi, elle a suivi une politique admirable : elle ne
s’est pas laissé aller à des concessions inutiles, elle a fait front à l’ennemi, elle a maintenu le
principe d’autorité, elle a concentré ses forces, soumis ses prêtres à une discipline de plus en plus
sévère, étendu le pouvoir des évêques, subordonné les clergés nationaux et leurs chefs au pape
déclaré infaillible. En face d’adversaires, que leur méthode même de libre examen divise, elle a
gardé l’unité de doctrine et de direction. Et cependant l’Église n’est plus ce qu’elle fut : elle a de très
grandes richesses, des défenseurs ardents, une admirable discipline ; il y a quelque chose qu’en
dépit de tout elle ne peut reconquérir : l’influence spirituelle. Elle a plus de clients que de fidèles ;
on ne lui demande plus la vérité, on lui demande d’entretenir une illusion nécessaire au peuple.
L’art, la science et la morale se développent en dehors d’elle. Elle appartient au passé : son triomphe
est de durer. Elle n’est plus soutenue, comme aux premiers jours, par les pauvres et par les humbles,
à qui elle apportait la bonne parole, par les hommes d’action et de pensée, que sollicitait
l’inquiétude d’un idéal nouveau ; elle a pour elle les privilégiés, ceux qui sont en possession, tous
les ennemis de Jésus, César, les pharisiens, les publicains, les riches et les puissants de ce monde.
L’Église ne choisit pas son rôle ; il lui est imposé par son histoire et par les conditions que lui font
les progrès de la science et de la conscience. Elle devient de plus en plus une puissance temporelle :
les esprits lui échappent. Elle s’en étonne, elle s’indigne, elle accuse les philosophes, les libres
penseurs, les francs-maçons, Voltaire et Rousseau ; elle se trompe, elle est mieux organisée, elle est
plus forte, elle est plus riche que ses ennemis, mais quelque chose combat avec eux qu’elle ne peut
supprimer. Les dogmes ne sont pas détruits par la critique négative, par les pamphlets, par les
plaisanteries des impies, ils sont supprimés par les vérités positives qui ne se concilient pas avec
eux, qui ne pénètrent dans l’esprit qu’en les en chassant. Ils ne répondent plus à la conception que
nous avons de l’univers et de ses lois ; on ne les nie pas, on les ignore.

En Occident, le XXe siècle a connu un déclin sans précédent de l’Église. Voyant que tout lui
échappait, la papauté, après avoir reculé par deux fois, décida la réunion d’un concile. Ce fut
Vatican II, qui devait « moderniser » l’Église. Il la modernisa en effet. Mais le déclin se poursuivit.

579 Albert Houtin, La question biblique chez les catholiques de France au XIXe siècle (Paris : Alphonse Picard et Fils,
1902), p. 266-267.
580 Gabriel Séailles, Les affirmations de la conscience moderne (Librairie Armand Colin, 1906), p. 3-5.

160
J’invite les catholiques à débattre

7°) Recul de la Foi : le faux diagnostic des catholiques

Du côté des « traditionalistes », on accuse la Franc-Maçonnerie, les associations secrètes, les
partisans du laïcisme, qui sais-je encore. On attribue donc le triomphe du modernisme et la perte de
la Foi à une cohorte de « méchants ». Ce n’est pas nouveau. En 1772, parlant des écrivains
« impies », l’évêque du Puy lança : « On dirait que c’est une légion entière de démons, sortie de
l’abîme infernal, et hurlant sur la terre contre le ciel »581. C’est donc toujours le même discours :
« Nous les bons, les détenteurs de la Vérité, sommes victimes des méchants. » Hier comme
aujourd’hui, toutefois, l’avertissement de Gabriel Séailles reste vrai : vous vous trompez, les
méchants sont biens moins forts que vous. Et je précise : l’Église est en déclin parce qu’elle était
fondée sur une immense erreur dont la racine est la suivante : jamais le Christ n’a fondée une
quelconque église. Le Christ, qui croyait en l’imminence de la fin des temps avait un objectif tout
autre : préparer le peuple à la venue du royaume des Cieux annoncé par Jean-Baptiste.
Sur cette erreur première, l’Église s’est développée : se fondant sur quatre évangiles retouchés,
un livre et quelques épîtres surabondamment commentés, elle a bâti une doctrine qui, examinée
objectivement, ne résiste pas à l’analyse. Les écrivains « impies » le révélaient (lire, par exemple,
les ouvrages de Nicolas Fréret).

Comment expliquer que l’erreur ait pu régner si longtemps avant de subir les premières
attaques sérieuses ? Ma réponse est simple, tirée de ma propre expérience : quand on veut croire,
alors on croit. Pendant dix ans, ayant trouvé dans l’Église un refuge, j’ai cru parce que j’ai voulu
croire. Il en va de même collectivement : pendant des siècles, le peuples occidentaux ont voulu
croire, parce que l’église était un facteur d’équilibre, un pilier de la civilisation, et une puissance
temporelle qu’il valait mieux ne pas heurter. Les quelques opposants ne pouvaient triompher. Certes,
la répression a pu aggraver leur situation, mais je reste persuadé que même sans l’Inquisition (dont
on a beaucoup exagéré les méfaits), sans l’Index et sans les pressions diverses, leur message serait
resté très marginal. Il fallut attendre le développement de la pensée humaine pour que l’édifice
catholique se fissure. Dès le début, toutefois, le phénomène était irréversible. Parlant, en 1772, des
écrits irréligieux, l’évêque du Puy déplorait « ce déluge de livre impies »582 :
Ils remplissent la capitale, ils circulent dans les grandes villes, ils pénètrent jusqu’aux moindres, ils
ravagent nos campagnes. […] l’avidité de lire de pareils ouvrages m’afflige encore plus que ces
ouvrages mêmes. Elle découvre toute l’étendue et toute la grandeur du mal. On cherche avec soin,
on ramasse précieusement des feuilles volantes, de chétives brochures, des livrets de toutes les
couleurs, que nos pères eussent laissés dans la boue […] Quel peut être l’objet de ces lectures ? Si
ce n’est de savourer le poison, dont on ne peut se rassasier ? A des lecteurs ainsi affectés, tout est
bon : plaisanteries insipides, obscénités dégoûtantes, sarcasmes grossiers, défaut d’ordre et de plan,
disette de preuves même les plus légères […]

Certains livres que l’évêque du Puy dénonçait correspondaient à cette description, mais
beaucoup d’autres étaient au contraire sérieux, ordonnés, référencés. D’où leur succès auprès de
gens graves, en quête de transcendance, mais insatisfaits par l’Église et qui s’en allaient ailleurs
chercher une spiritualité que le catholicisme ne leur donnait plus (les progrès de la Franc-
Maçonnerie en sont une conséquence logique. La Franc-Maçonnerie n’est pas la cause, mais la
conséquence du déclin du christianisme). En refusant de le reconnaître et en caricaturant, l’évêque
du Puy se dispensait d’apporter une réponse sérieuse à la crise naissante. Persuadé que ces livres
étaient nuls, il prévoyait leur disparition naturelle583 :
581 Jean-Georges Le Franc de Pompignan, La religion vengée de l’incrédulité par l’incrédulité elle-même (Paris :
Humblot, 1772), p. 336.
582 Ibid., p. 338-340.
583 Ibid., p. 336-337.

161
Pourquoi je ne suis plus catholique

Ces livres ne passeront sans doute, ni tout, ni même la plupart, à la postérité. Je l’augure des soins
paternels de la Providence, et du respect national pour la Religion. Il subsiste, quoique affaibli : tôt
ou tard, il reprendra ses droits.

L’avenir lui a donné tort, parce que l’évêque refusait de poser le bon diagnostic : le mal
résidait dans l’Église qui était fondée sur une erreur. Les « impies » n’étaient qu’un révélateur de
cette erreur.

En 1898, un de ces incrédules écrivit à propos de la doctrine de l’Église584 :

Il faut croire que l’homme a été créé immortel et ignorant du bien et du mal, que, malgré son
ignorance, il a péché et que c’est ce péché qui la lui a fait perdre.
Que ce péché a contaminé toute sa race ;
Qu’en punition il a été chassé de l’Eden et condamné, ainsi que toute sa descendance, au travail et à
la mort ;
Que, depuis ce temps, nous naissons tous avec une tache, la tache du péché originel, et sous la
dépendance du démon ;
Que pour nous racheter de cette dépendance, Dieu a envoyé son fils sur la terre ;
Que cette seconde personne de la Trinité s’est incarnée en un Galiléen, appelé Jésus ;
Qu’il a été ainsi formé un homme-Dieu ;
Lequel a accompli la rédemption des hommes par sa passion et par sa mort ;
Que cet homme-Dieu est né d’une vierge juive, appelée Marie, sous le règne d’Auguste ;
Qu’il a vécu trente-trois ans sur lesquels trois ans ont été consacrés à sa mission ;
Que pendant ces trois ans, il a évangélisé le peuple et fait des miracles ;
Que ni lui, ni sa mère n’ont eu la tâche originelle ;
Que tous les faits de sa vie sont tels qu’on les lit dans quatre mémoires, appelés Évangiles ;
Qu’il est ressuscité le troisième jour après sa mort ;
Qu’il est apparu plusieurs fois à ses apôtres et à ses disciples ;
Qu’il s’est élevé dans l’air à leurs yeux et a disparu pour aller habiter le même lieu que les anges,
c’est-à-dire le Ciel ;
Qu’il y réside, tel qu’il était au moment de son Ascension ;
Qu’il reviendra au jour marqué par Dieu pour le jugement dernier et la fin du monde.

De plus, il faut croire que le Saint-Esprit, troisième personne de la Trinité, est descendu sur la tête
de l’homme-Dieu, au moment de son baptême, sous la forme d’une colombe, et sur la tête des
apôtres réunis dans le Cénacle, après la mort de leur maître, sous la forme de langues de feu, et que
c’est le même Saint-Esprit, appelé aussi le paraclet ou consolateur, qui, en restant en
communication constante avec les hommes, s’est chargé de les consoler du départ de
leur Sauveur.

Il faut croire :
Que Jésus, qui n’a laissé aucun écrit, a révélé verbalement à ses apôtres les dogmes imposés à notre
croyance, qu’il a institué les sacrements, tracé les règles de la morale et de la vie religieuse et donné
des instructions suffisantes pour l’établissement et l’organisation de l’Église ;
Que cette Église a pour chef le Pape ;
Que le Pape, inspiré du Saint-Esprit et représentant de Dieu sur la terre, est infaillible pour toutes
les questions de foi ;
Que les décrets des conciles sont également inspirés du Saint-Esprit, et infaillibles, dès qu’ils sont
approuvés par le Pape ;
Que l’éclosion du Christianisme quatre mille ans au moins après la création du monde ne l’empêche
pas de se rattacher au premier homme par la Bible juive, que c’est même à la Bible qu’il a emprunté
son nom, Jésus étant le Christ ou Messie annoncé par les prophètes ;
584 Victor Sidermann, L’avocat du Diable…, déjà cité, p. viii-xi.

162
J’invite les catholiques à débattre

Que la Bible chrétienne est l’ensemble des livres sacrés écrits sous l’inspiration du Saint-Esprit,
l’Ancien Testament qui n’est autre que la Bible juive, aussi bien que le Nouveau Testament.

Il faut croire :
Que le Christ a versé son sang pour le salut de tous les hommes ;
Que cependant il y aura beaucoup d’appelés et peu d’élus ;
Que, pour être élu, il faut être baptisé ;
Que cependant les non-baptisés peuvent être sauvés par une grâce spéciale ;
Que la participation du chrétien à son propre salut se fait par les sacrements et surtout par la
confession et l’Eucharistie ;
Que dans l’Eucharistie Jésus-Christ, tout en continuant de résider au ciel, se substitue à chaque
hostie consacrée pour pénétrer en nous ;
Que dans les autres sacrements, c’est le Saint-Esprit qui communique avec les fidèles.

Il faut croire à l’intercession de la Sainte Vierge et des saints — aux apparitions surnaturelles —
aux extases — au don des miracles — au don des prophéties — à la glossolalie ou don des
langues — aux indulgences.

Enfin, il faut croire :
Qu’à notre mort notre âme se détache du corps pour subir un jugement qui l’envoie, suivant ses
mérites ou ses démérites, dans le paradis, dans le purgatoire ou dans l’enfer ;
Et qu’en outre, à la fin des temps, elle sera appelée à la cérémonie du jugement dernier, et qu’alors
son corps ressuscitera pour prendre sa part de la peine ou de la récompense éternelle.
Ne voilà-t-il pas un bagage bien lourd pour notre pauvre intellect ?

Aussi la raison n’y suffit-elle pas. Il y faut aussi la foi.

Le mot de la fin : j’invite les catholiques (et d’autres) à la discussion

Cette foi, je l’ai eue. Je l’ai perdue. J’ai exposé pourquoi plus haut. Je suis prêt à en débattre
avec quiconque, en premier lieu avec des catholiques, prêtres ou laïques. Je leur propose une
confrontation loyale, publique, face-à-face, non pas pour se livrer à des joutes verbales stériles, mais
pour tenter de répondre à ces questions capitales : l’Église correspond-elle à la mission que le Christ
s’était assignée ? Sa doctrine résiste-t-elle à l’analyse ? Vous répondez positivement, je réponds
négativement. Pourquoi ne pas en discuter face-à-face, loyalement, publiquement et courtoisement ?
J’entends des catholique dire : « Nous prions pour que vous retrouviez la Foi ». Je les en remercie.
Mais je leur rappelle l’adage : « Aide-toi et le Ciel t’aidera. » Souhaitez-vous que je réintègre
l’Église ? Alors je vous invite à venir confronter nos positions.

163
Annexe 1 :
Le serpent qui parle : preuve qu’il s’agissait du démon ?
Certains objecteront que les propos tenus par le serpent à Eve démontrent qu’il ne s’agit pas
d’un serpent « normal », mais d’un animal habité par le démon. Ma réponse sera double :
1°) Si, au paradis, il était anormal qu’un serpent parle, alors pourquoi Eve ne montra-t-elle
aucune surprise ? Car ce n’était certainement pas la première fois qu’elle voyait un animal, ni un
serpent. Cette réponse est d’une telle évidence que dans son ouvrage majeur Le Paradis Perdu, John
Milton présente ainsi l’histoire de la tentation d’Eve585 :
le serpent la trouve seule : sa subtile approche, d’abord contemplant, ensuite parlant, et avec
beaucoup de flatterie élevant Eve au-dessus de toutes les autres créatures. Eve étonnée d’entendre le
serpent parler, lui demande comment il a acquis la voix humaine et l’intelligence qu’il n’avait pas
jusqu’alors. Le serpent répond qu’en goûtant d’un certain arbre dans le paradis il a acquis à la fois la
parole et la raison qui lui avaient manqué jusqu’alors. Eve lui demande de la conduire à cet arbre
[…]

Le poète britannique était logique : Eve aurait dû exprimer sa surprise. Or, loin d’éprouver une
quelconque stupeur quand elle se vit interrogée par le reptile, la femme lui répondit au contraire le
plus naturellement du monde. Le religieux bénédictin dom Jean Martianay vit la difficulté. Aussi
explique-t-il586 : « si [Eve] n’examina point d’abord si les animaux parlaient, c’est qu’elle se laissa
trop prévenir par le désir d’être semblable aux Anges ». Cette raison doit cependant être écartée, car
lorsqu’il entama la conversation, le serpent posa une simple question, sans même insinuer qu’Adam
et Eve pourraient devenir « comme des dieux ». La Femme aurait donc dû réagir et dire : « comment
se fait-il que tu parles ? » Elle ne l’a pas dit, montrant par là qu’un animal doté de la parole n’était
pas un objet de surprise.

a) Des catholiques tentent d’effacer le serpent qui parle dans la Genèse

Cet argument est si fort qu’un exégète catholique, Gottfried Hoberg, tenta de l’écarter en
gommant le fait du serpent qui parle. Dans une commentaire très approfondi de la Genèse, il
écrivit587 :
Comment explique-t-on le discours du serpent ? Il est impossible que le serpent ait exprimé ses
propres pensées par le biais des sons articulés. Nous proposons donc l’explication suivante :
pendant qu’elle contemplait le serpent, Eve a été tentée d’enfreindre le commandement de Dieu. La
tentation devint telle qu’Eve en vint à croire que le serpent était doté de la parole.

En France, la thèse fut soutenue par le Revérend Père Antoine Lemonnyer, des Frères
prêcheurs. Dans un livre consacré à la Révélation primitive et ayant obtenu l’autorisation de l’Église,
il écrivit588 :
585 Voy. John Milton, Le Paradis Perdu, traduction de Chateaubriand (Paris : Renault et Cie, 1861), p. 182.
586 Voy. dom Jean Martianay, Méthode sacrée pour apprendre à expliquer l’Écriture par l’Écriture même (Paris :
Muguet, 1716), p. 65.
587 Voy. Gottfried Hoberg, Die Genesis nach dem literalsinn erkla t (Freiburg im Bresgau : Herder, 1908), p. 44, note.

588 Voy. Antoine Lemonnyer, La Révélation Primitive et les données actuelles de la science (Paris : Librairie Victor
Lecoffre, 1914), p. 54.

165
Pourquoi je ne suis plus catholique

C’est Eve, remarquons-le, avec la puissance créatrice de son imagination féminine, qui crut avoir
entendu parler le serpent. Adam, lui, avait constaté que les animaux ne répondaient pas à ses
paroles. Aussi, semble-t-il que le serpent n’aurait pas réussi à le séduire directement.

Je ne m’attarderai pas sur cette pitoyable tentative de gommer un fait qui gêne en changeant le
sens évident du texte. Dans la Genèse, le serpent parle à Eve qui n’en éprouve aucune surprise,
démontrant qu’au Paradis, les serpents (au moins) parlaient naturellement, sans qu’ils eussent besoin
d’être habités par Lucifer.

b) Les animaux du Paradis pouvaient-ils parler ?

La réponse serait autre si un verset de la Genèse affirmait positivement qu’au Paradis, les
animaux ne bavardaient pas. Mais il n’en est rien. Certains affirment que « La parole, avec
l’intelligence dont elle est le signe, élève l’homme au-dessus des animaux, et en fait le roi de la
création »589. Même au Paradis, donc, les animaux n’auraient pas parlé. C’est toutefois méconnaître
que les mots articulés peuvent aussi servir à exprimer des idées purement matérielles. Dès lors,
pourquoi les animaux de l’Éden, ce lieu fabuleux, n’auraient-ils pas été doués du langage ? A ce
sujet, je note qu’en 1892, dans un Catéchisme de première communion, les auteurs soulignait
longuement la dissemblance radicale entre l’Homme et l’animal (nous étions à l’époque du
darwinisme triomphant). Sur deux colonnes, ils relevaient les différences essentielles entre les
deux : bipédie, intelligence, capacité d’apprentissage, etc. tout y passait, sauf la parole qui ne
figurait pas dans la liste. Au moment de conclure, on lisait590 :

L’animal ne peut ni progresser, ni inventer, ni distinguer le bien du mal.
L’animal n’apprendra jamais ni l’écriture, ni le calcul, ni l’histoire, ni la géographie, ni la
grammaire, ni même l’alphabet.
L’animal ne connaîtra jamais ce qui ne tombe pas sous les sens ; il ignorera toujours les axiomes les
plus simples, les vérités les plus élémentaires, telles que le paradis, l’enfer et même l’existence de
Dieu.
Tout cela est au-dessus de l’animal ; ces diverses opérations sont supérieures à sa nature et
dépassent ses forces.

La raison de cette omission est évidente : la parole servant aussi à exprimer des réalités
purement matérielles, au Paradis, les animaux avaient pu en être dotés. En 1903, la Revue des
Traditions Populaires souligna591 :

Dans presque tous les pays, on dit qu’anciennement les animaux parlaient et le nombre de contes qui sont reportés à
cette époque lointaine est réellement considérable ; on rencontre cette idée dans les contes de Grimm et dans les
récits de toute provenance, Hollandais, Berbères, Kabyles, Karoks, Aïnos, Australiens ou Formosans. Bien entendu,
alors, le langage des animaux était semblable à celui des hommes.

Pour beaucoup, ces contes venus du fond des âges étaient des souvenirs du « paradis perdu ».

On m’objectera enfin que le serpent n’ayant pas de cordes vocales, il ne pouvait pas parler.
Pour répondre, je citerai un auteur catholique qui, en 1764, lança à un incrédule 592 : « Où est donc
589 Voy. Théodore Olivier, Grammaire française élémentaire comprenant des notions développées sur l’orthographe
(Paris : Casterman, 1857), p. 5.
590 Voy. le « Catéchisme de première communion » publié dans L’Ami du Clergé Paroissial, 1892, p. 119 col. B à
p. 120 col. A.
591 Voy. « Quelques notes sur la morale des conte », dans La Revue des Traditions Populaire, tome XVIII, n° 4, avril
1903, p. 174 et s. L’extrait figure p. 179-180.
592 Voy. François Laurent, Examen du catéchisme de l’honnête homme, ou Dialogue entre un caloyer et un homme de

166
J’invite les catholiques à débattre

l’impossibilité, si Dieu le permet, qu’un esprit forme des sons par l’organe d’un serpent ? ». Sans
doute. Mais si l’esprit mauvais a besoin de l’organe de son hôte pour parler, alors dans un serpent
dénué de cordes vocales, il n’aurait pu produire aucune son. Le serpent ayant pu parler, on en déduit
qu’au Paradis, l’animal était doté d’un organe susceptible de former des sons articulés. Sans doute
pour exprimer les réalité purement matérielles qui lui étaient accessibles.

bien (Bruxelles : Babuty, 1764), p. 20.

167
Annexe 2
Jésus avait-il des frères ?
Plusieurs passages des évangiles parlent des « frères » et des « sœurs » de Jésus. La doctrine
catholique affirmant que Marie et Joseph restèrent vierges, même à supposer que la conception et la
naissance de Jésus aient été miraculeuses, celles des « frères » et des « sœurs » auraient rompu cette
virginité593.

1°) Des cousins et des cousines disent les exégètes
Pour affirmer que la contradiction n’est qu’apparente, les exégètes catholiques soulignent que
le mot « cousin » n’existant pas dans les langues sémitiques, « frère » signifiait aussi « cousin »594 :
Pourquoi donc parler de frères et de sœurs si Jésus était fils unique ? C’est qu’en hébreu et en
araméen les termes de cousins et de cousines n’existent pas. Le mot de frère et sœur y est synonyme
de parent rapproché (Gen. 13, 8 ; 14, 16 ; 1 Par. 23, 21-22 ; Lev. 10, 4; II Reg. 10, 13).
Le nombre même de ceux qui sont nommés convient mieux à une parenté un peu étendue.

Par conséquent, les « frères » et les « sœurs » de Christ étaient en réalité ses cousins et ses
cousines. Telle avait été la réponse d’un prêtre que j’avais interrogé. Je m’en étais alors contenté…

2°) Les « frères » de Jésus : un passage évident de l’évangile selon saint Matthieu

Mais considérons le passage suivant, extrait de l’évangile selon saint Matthieu 595 :
Jésus lui répondit : « Qui est ma mère, et qui sont mes frères ? » Puis, étendant la main vers ses
disciples, il dit : « Voici ma mère et mes frères. Car celui qui fait la volonté de mon Père qui est aux
cieux, celui-là est pour moi un frère, une sœur, une mère. »

Dans ce passage il est évident que Jésus parle bien de ses frères et de ses sœurs, car en Dieu,
les hommes et les femmes sont frères et sœurs, pas cousins ni cousines. L’évangile traduit en grec
en apporte la preuve : il utilise le mot « frères » (ἀδελφοί) et non le mot « cousin » (ξαδερφια) qui,
lui, existe en grec. De même, il utilise le mot « sœurs » (« αδερφή ») et non le mot « cousines »
(ξάδερφός)596. Par conséquent, il est bien question des frères et des sœurs de Jésus — frères et sœurs
en Dieu, naturellement. Mais le passage complet est le suivant597 :
Comme Jésus parlait encore aux foules, voici que sa mère (μήτηρ) et ses frères (ἀδελφοὶ) se
tenaient au-dehors, cherchant à lui parler. Quelqu’un lui dit : « Ta mère (μήτηρ) et tes frères
(ἀδελφοὶ) sont là, dehors, qui cherchent à te parler. » Jésus lui répondit : « Qui est ma mère
(μήτηρ), et qui sont mes frères (ἀδελφοὶ) ? » Puis, étendant la main vers ses disciples, il dit :
« Voici ma mère (μήτηρ) et mes frères (ἀδελφοὶ). Car celui qui fait la volonté de mon Père qui est
aux cieux, celui-là est pour moi un frère (ἀδελφοὶ), une sœur, une mère (μήτηρ). »

593 Voir, par exemple, Mc., VI, 3-4.
594 Voy. père Marie-Joseph Lagrange, Évangile selon Saint Marc (Librairie Lecoffre, 1935), p. 52-53.
595 Mt., XII, 48-50.
596 Pour la version en grec du Nouveau Testament, consulter le site : Théotex ( https://theotex.org/theotex_read.html).
Pour le chapitre 12 de l’évangile selon saint Matthieu, voy. https://theotex.org/ntgf/matthieu/matthieu_12_gf.html.
597 Mt., XII, 46-50

169
Pourquoi je ne suis plus catholique

Sachant que la version en grec utilise toujours le mot « frère », on en déduit que les gens
désireux de lui parler étaient bien ses « frères » qui accompagnaient leur mère. Il ne s’agissait pas de
ses cousins, dont on ne voit pas pourquoi ils auraient accompagné leur tante.
D’ailleurs, reprenons le passage en changeant « frères » et « sœurs » par « cousins » et
« cousines ». On obtient :
Comme Jésus parlait encore aux foules, voici que sa mère et ses cousins se tenaient au-dehors,
cherchant à lui parler. Quelqu’un lui dit : « Ta mère et tes cousins sont là, dehors, qui cherchent à te
parler. » Jésus lui répondit : « Qui est ma mère, et qui sont mes cousins ? » Puis, étendant la main
vers ses disciples, il dit : « Voici ma mère et mes cousins. Car celui qui fait la volonté de mon Père
qui est aux cieux, celui-là est pour moi un cousin, une cousine, une mère. »

Un tel sens serait peut-être acceptable si ailleurs, dans l’évangile selon saint Matthieu, Jésus et
ses apôtres avait qualifié les hommes de « cousins en Dieu ». Mais il n’en est rien ; ils parlent
toujours de « frères en Dieu »598. Dès lors, la conclusion s’impose : quand il est question de
« frère », il s’agit non pas de cousins, mais bien de frère : frère en Dieu ou frère de sang. Il en va de
même avec le mot « sœur ». Par conséquent, lorsque les gens du pays de Jésus s’étonnent de lui et
disent599 :
D’où lui viennent cette sagesse et ces miracles ? N’est-il pas le fils du charpentier ? Sa mère ne
s’appelle-t-elle pas Marie, et ses frères (ἀδελφοὶ) : Jacques, Joseph, Simon et Jude ? Et ses sœurs
(ἀδελφαὶ) ne sont-elles pas toutes chez nous ? Alors, d’où lui vient tout cela ?

Ils parlent bien des frères et des sœurs de sang, pas des cousins ni des cousines. Mais peut-
être s’agissait-il de demi-frères et de demi-sœurs, issues d’un premier mariage de Joseph (qui donc
n’aurait pas été vierge).

c) L’étude de la question par des auteurs non-catholiques
La question a été très bien synthétisée par Albert Houtin dans son ouvrage La Question
biblique au XXe siècle600. David Strauss l’expose également avec sa méticulosité habituelle dans sa
Vie de Jésus601. On la trouve enfin résumée dans l’opuscule d’Henri Loriaux, L’autorité des
évangiles : question fondamentale602.

La thèse des demi-frères et demi-sœurs est bien défendue par Ernest Renan dans son Histoire
des origines du christianisme603. Un évangile apocryphe, l’Histoire de la nativité de Marie et
l’enfance du Sauveur, raconte que Joseph fut fiancé à Marie suite à un signe envoyé par Dieu, en
présence du peuple réuni. On lit604 :
598 En voici quelques exemples : « Eh bien ! moi, je vous dis : Tout homme qui se met en colère contre son frère devra
passer en jugement. Si quelqu’un insulte son frère, il devra passer devant le tribunal. Donc, lorsque tu vas
présenter ton offrande à l’autel, si, là, tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse ton offrande,
là, devant l’autel, va d’abord te réconcilier avec ton frère, et ensuite viens présenter ton offrande. » (Mt., V, 22-
24) ; « Quoi ! tu regardes la paille dans l’œil de ton frère ; et la poutre qui est dans ton œil, tu ne la remarques
pas ? Hypocrite ! Enlève d’abord la poutre de ton œil ; alors tu verras clair pour enlever la paille qui est dans l’œil
de ton frère. » (Mt., VII, 3 et 5).
599 Mt., XIII, 54-56.
600 Voy. Albert Houtin, La Question biblique au XXe siècle (Paris : Librairie Nourry, 1906), ch. XIII : « La vraie
question ».
601 Voy. David Strauss, Vie de Jésus, ou Examen critique de son histoire (Librairie Philosophique De Ladrange, 1853),
tome I, chapitre III, § XXX, p. 227 et s.
602 Voy. Henri Loriaux, L’autorité des Évangiles…, déjà cité, p. 48-53.
603 Voy. Ernest Renan, Les évangiles et la seconde génération chrétienne (Calmann Lévy, 1877), appendice intitulé
« Les frères et les cousins de Jésus », p. 537 et s.
604 Voy. Johann Karl Thilo, Codex apocryphus Novi Testamenti (Lipsiae, 1832), p. 362-363.

170
J’invite les catholiques à débattre

Joseph, leur témoignant le plus grand respect, leur dit avec confusion : « Je suis vieux et j’ai des fils
pourquoi m’avez-vous remis cette jeune fille ? (« tunc coepit adorare et rogare eos Joseph, atque
cum verecundia dicere : Senex sum et filios habeo, infantulam istam traditis ? »)

Cet évangile apocryphe a été publié en 1832 par un docteur en théologie, Johann Karl Thilo.
Il accompagne ce verset d’une longue note à propos des enfants de Joseph issus d’un premier
mariage (Ibid., p. 362-365). On y apprend avec stupeur qu’une « tradition » existait, bien établie par
des écrivains comme Origène et saint Épiphane, selon laquelle Joseph était déjà père avant d’avoir
été marié à Marie. Saint Épiphane, par exemple, parlait de quatre garçons et deux filles (Jacques,
Joseph, Simon et Jude, Salomé et Myriam)605 :

Epiphauius haer. LI. iram. 8. et 10. Josephum sex liberorum e priori uxore parentem facit, quos
nominat haer. XXVIII. num, 7. et haer. LXXVIII. num. 9. filios Jacobum, Jose, Symeonem, Judam
(secundum Matth. XIII, 55.) et filias Salomen et Mariam.

Mais aujourd’hui encore, aucun catholique « traditionaliste » ne serait pas autorisé à lire ces
ouvrages — pour peu qu’il le veuille. Il répétera donc que, lorsqu’il s’agit du Christ, « frère » et
« sœur » signifient « cousin » et « cousine », sans savoir que la solution proposée par l’Église n’est
peut-être pas si définitive qu’elle n’en a l’air.

d) Saint Jérôme a-t-il victorieusement répondu à Helvédius ?

Je note d’ailleurs que dans un article publié en janvier 2000 et qui reste disponible sur le site
de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X, l’abbé Laurent Serres-Ponthieu écrit606 : La Tradition,
confortée par les Écritures, rapporte que saint Joseph et la Vierge Marie se marièrent mais
consentirent mutuellement à vivre dans la chasteté parfaite. » Mais aucune référence ne vient
appuyer cette affirmation. Car il n’en existe aucune. Dans l’Ancien Testament aucun verset ne
viendrait prophétiser ce couple virginal. Quant au Nouveau Testament, rien ne laisse supposer que
Marie et Joseph auraient choisi la chasteté parfaite. Bien au contraire, on lit dans saint Matthieu 607 :
Joseph « prit chez lui son épouse, mais il ne s’unit pas à elle, jusqu’à ce qu’elle enfante un fils,
auquel il donna le nom de Jésus ». On en déduit qu’il s’unit à elle plus tard. Helvidius ayant posé
cette conclusion saint Jérôme répond608 : « Il est vrai que le mot jusque désigne souvent […] un
temps déterminé ; mais il indique non moins souvent une durée sans limite ». Il cite alors quelques
exemples, tirés de l’Écriture :
– « Voilà que je suis avec vous jusqu’à la consommation du siècle », signifie : je resterai avec
vous même après cette fin des temps ;
– « il faut qu’il règne jusqu’à ce qu’il mette tous les ennemis sous ses pieds », signifie : il
régnera encore après avoir vaincu ses ennemis ;
– « nos yeux sont fixés sur le Seigneur notre Dieu jusqu’à ce qu’il nous ait fait miséricorde »,
signifie : nos yeux resteront fixés sur Lui même après cela.
Nous ignorons quelle fut la réponse d’Helvidius, mais je gage qu’elle fut celle-ci : dans les
exemples donnés par saint Jérôme, la situation pourrait possiblement être interrompue (puis reprise)
avant l’événement attendu.

605 Ibid., p. 363.
606 Abbé Laurent Serre-Ponthieu, « Saint Joseph » (en ligne : https://laportelatine.org/spiritualite/vies-de-saints/saint-
joseph)
607 Mt., III., 24-25.
608 Voy. Abbé Bareille, Œuvres complètes de saint Jérôme (Paris : Louis Vivès, 1878), tome 2, « Contre Helvédius »,
p. 482, col. B.

171
Pourquoi je ne suis plus catholique

– « Voilà que je suis avec vous jusqu’à la consommation du siècle » signifie : je pourrais vous
quitter un moment puis revenir avant cette fin des temps, mais je resterai avec vous sans arrêt
jusqu’à cet événement (et ensuite) ;
– « il faut qu’il règne jusqu’à ce qu’il mette tous les ennemis sous ses pieds » signifie : il
pourrait cesser de régner puis revenir au pouvoir avant d’avoir vaincu ses ennemis, mais il restera
continuellement au pouvoir (et il continuera à régner ensuite) ;
– « nos yeux sont fixés sur le Seigneur notre Dieu jusqu’à ce qu’il nous ait fait miséricorde »
signifie : nous pourrions détourner nos yeux un moment puis porter à nouveau notre regard sur Dieu
avant d’avoir reçu miséricorde, mais cela n’arrivera pas (et nous les garderons ensuite fixés sur le
Seigneur).
Dans ces cas, l’action peut durer indéfiniment.

En revanche, si je dis à un homme suspendu dans le vide : « Tiens la corde jusqu’à ce que je
revienne », il est clair que la personne ne peut pas la lâcher un moment puis la reprendre. L’action
ne pouvant pas être interrompue, l’adverbe « jusque » signifie qu’elle se terminera après l’événement
attendu : « Tiens la corde jusqu’à ce que je revienne », car une fois que je serai revenu, j’aurai (par
exemple) rapporté une nacelle pour te remonter, donc tu la lâcheras.

Ces explications fournies, considérons le verset de l’évangile selon saint Mathieu : Joseph
« ne s’unit pas à [Marie], jusqu’à ce qu’elle enfante un fils » signifie : Joseph garda la chasteté
jusqu’à ce que Marie enfante un fils. Or, il est clair que Joseph n’aurait pu abandonner un moment sa
chasteté pour la retrouver ensuite, avant la naissance. Car dans ce cas, il se serait uni à Marie, ce qui
serait contradictoire. Nous somme donc dans le cas où l’adverbe « jusque » désigne une situation
ayant duré jusqu’à l’événement attendu, puis ayant cessé. « Il a tenu la corde jusqu’à ce que je
revienne », sous-entendu : il l’a lâchée ensuite. « Il a gardé le silence jusqu’à ce que tu reviennes » :
sous-entendu : il a parlé ensuite. « L’enfant n’a pas mangé jusqu’à ce que son père revienne » : sous-
entendu : il a mangé ensuite. « Joseph a gardé la chasteté jusqu’à ce que Marie enfante un fils »,
sous-entendu : il l’a abandonné ensuite.
L’argumentation de saint Jérôme était donc fausse. Plus loin, il lançait à Helvidius 609 :

Vous soutenez que Marie ne demeura pas vierge : et moi, non content de la proclamer telle, je
déclare que Joseph lui-même fut vierge par Marie, pour qu’un fils vierge naquit d’un marial
virginal.

Cette fois, la fausseté de son argumentation apparaît au grand jour. Car dans ce cas, le verset
de l’évangile selon saint Matthieu pouvait se traduire ainsi : « Joseph resta vierge jusqu’à ce que
Marie enfant un fils ». Or, il est bien évident que Joseph n’aurait pu perdre sa virginité puis la
retrouver avant la naissance. Dès lors, l’adverbe « jusque » signifiait bien une durée limitée : Joseph
fut vierge jusqu’à la naissance de Christ (mais il cessa de l’être ensuite).

609 Ibid., p. 496, col. B

172
Bibliographie

Collectifs, revues ou œuvres anonymes

Acta Sanctorum der Bollandisten, Einleitung April I, 1675 (en ligne et en latin :
https://www.heiligenlexikon.de/Literatur/Baende_Acta_Sanctorum.html).

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Bulletin Paroissial de Nabrighen et Longueville. La Voix du Christ, juillet 1918

Catéchisme de l’Église catholique (Ottawa : CECC, 1992)

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Catéchisme pour adultes (Paris : Association épiscopale catéchistique, 1991)

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« Commentaire critique et explicatif : Matthieu, 27:3 », diffusé par le site BibliaPlus (en ligne :
https://www.bibliaplus.org/fr/commentaries/1/commentaire-critique-et-explicatif-sur-toute-la-
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« Contemplons-nous le vrai visage du Christ ? » publié par le Centre Béthanie (en ligne :
http://www.centrebethanie.org/2014/09/contemplons-nous-le-vrai-visage-du-christ.html)

Dei Filius, Constitution Dogmatique du 24 avril 1870 (en ligne en français
https://laportelatine.org/formation/magistere/concile-vatican-i-dei-filius-premiere-constitution-
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Écrits apocryphes chrétiens (La Pléiade, 1997)

« Histoire de Jésus-Christ d’après la Science » paru dans La France Littéraire, Artistique,
Scientifique, 31 août 1865

Journal des écoles du dimanche, année 1891, « La Chute »

L’évangile arabe de l’enfance ou Le livre des miracles de notre Seigneur, Maître et Sauveur Jésus-
Christ, (en ligne : http://seigneurjesus.free.fr/evangilearabe.htm)

L’identité nationale (Versailles : Contretemps, 2020)

« La foi des rois mages » (en ligne :https://laportelatine.org/spiritualite/la-foi-des-rois-mage).

173
Pourquoi je ne suis plus catholique

« Le Linceul prouve-t-il la résurrection du Christ ? » publié par le site Linceul Turin (en ligne :
(https://www.linceulturin.net/le-linceul-prouve-t-il-la-resurrection-du-christ/).

Le Saint Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc, traduit en françois, avec une explication tirée
des Saints Pères & des Auteurs Ecclésiastiques (Paris : Desprez & Cavelier, 1746)

Légende céleste. Nouvelle histoire de la vie des saints avec la vie de notre seigneur Jésus-Christ,
celle de la Sainte Vierge (Paris : J.-B. Herman et Cie, 1846)

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La Résurrection »

« Les Rois Mages n’étaient pas trois ! » (https://www.etaletaculture.fr/culture-generale/les-rois-
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Livre de Job, traduction de l’hébreu au français
(en ligne : https://mechon-mamre.org/f/ft/ft2714.htm)

Livre de Job en hébreu et en français, publié par le site serafin
(https://www.sefarim.fr/Hagiographes_Job_1_1.aspx)

Munificentissimus Deus (en ligne : https://www.infocatho.fr/le-texte-de-la-proclamation-du-dogme-
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Protoévangile de Jacques,
(en ligne : https://livres-mystiques.com/partieTEXTES/Apocryphes/protevan.html)

Revue des Races Latines (La), 1860, « Le suicide »

Revue des Traditions Populaires (La), tome XVIII, n° 4, avril 1903, « Quelques notes sur la morale
des contes »

Revue pratique d’apologétique,
– 15 septembre 1919, « L’enfer et la Règne de la Foi »
– 15 janvier 1925, « L’éternité de l’enfer et la raison »

« Saint Suaire : c’est le sang d’un homme torturé et soumis à des souffrances atroces » (en ligne :
https://laportelatine.org/spiritualite/saint-suaire-cest-le-sang-dun-homme-torture-et-soumis-a-des-
souffrances-atroces-20-juillet-2017)
Scripturae sacrae cursus completus (Parisiis, 1839-1867)

Ouvrages et articles signés

Augustin (saint) :
– Contre Julien (en ligne :
https://www.bibliotheque-monastique.ch/bibliotheque/bibliotheque/saints/augustin/polemiques/
pelage/julien/julien5.htm).
– De l’accord des Évangiles, (en ligne :

174
J’invite les catholiques à débattre

https://www.bibliotheque-monastique.ch/bibliotheque/bibliotheque/saints/augustin/comecr2/
accord.htm).
– Du mérite et de la rémission des péchés et du baptême des petits enfants (en ligne :
https://www.bibliotheque-monastique.ch/bibliotheque/bibliotheque/saints/augustin/polemiques/
pelage/pelage1.htm ).
– Œuvres complètes, (en ligne :
http://palimpsestes.fr/textes_divers/p/augustin/genese/genlit/gen3k.htm)
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Bareille (Jean-François), Œuvres complètes de saint Jérôme (Paris : Louis Vivès, 1878)

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